OKSANA | It's up to us to choose, whether we win or lose and I choose to win.

11 ans | Les mains calleuses, couvertes de magnésie et plus ou moins protégées par des maniques trop grandes pour elle, la jeune fille bondissait pour attraper l’une des barres asymétriques. Et déjà elle se balançait, de plus en plus vite, enchainant demi-tour et pirouette, de quoi impressionner les autres sportifs présent dans le gymnase, mais pas de quoi décrocher un sourire de fierté à celle qui se tenait près des barres. L’air froid et sévère, les cheveux déjà grisonnant, sa mère mais aussi et surtout, son entraineuse, observait le moindre des mouvements de la petite blonde qui lâchait définitivement la barre pour exécutée une toupie avant de se réceptionner sur le tapis. « Recommence. » Lançait-elle froidement avant de soulever la gamine pour qu’elle se raccroche à la barre la plus haute.

16 ans | Jeux olympiques de la jeunesse, à Nankin, ce n’était pas sa première compétition mais bel et bien ses premiers jeux et une expérience hors du commun, enfin si seulement elle avait pu en profiter d’avantage. Car, bien évidemment, sa mère avait été du voyage, à vrai dire même à la maison celle ci n’était jamais bien loin. Alors qu’à seize ans elle aurait voulu sortir un peu plus et passer par les même rites de passage que d’autre fille de son âge, Oksana, elle se retrouvait à s’entrainer durant tout son temps libre. En dehors du club de gymnastique elle n’avait pas d’amis et passait le plus clair de son temps avec sa mère, qu’elle détestait un peu plus chaque jours.

18 ans | JO de Rio et ce coup ci, il fallait qu’elle ramène l’or, car la médaille de bronze qu’elle avait ramené de chine deux ans plus tôt n’avait pas été satisfaisante… en tout cas pas pour sa mère qui avait vécu ça comme une véritable humiliation et qui avait forcé sa fille à s’entrainer encore plus pour se préparer pour Rio. Et prête elle l’était, ça il n’y avait pas de doute, la seule chose qui lui manquait pour améliorer sa performance c’était l’option dopage… que évidemment sa mère avait longuement étudié, sans savoir comment échapper aux contrôles. C’est donc clean et représentant fièrement son pays avec les trois autres gymnaste de son équipe qu’elle enduisait ses mains de magnésie avant de grimper sur la poutre. Aucuns faux pas, aucuns déséquilibres, elle donnait sa meilleure prestation, avant d’enchainer avec les exercices au sol, puis les barres asymétriques et enfin le saut de cheval. Une performance brillante, aussi bien en équipe qu’en individuel. Deux médailles d’or pour la jeune femme, une larme à l’oeil et la main sur le coeur alors que le God Save The Queen retentissait dans le gymnase.

21 ans | Elle avait naïvement pensé que sa mère allait lui lâcher du lest. Après tout, elle avait ramené l’or à la maison lors des précédents jeux et avait eu de juteux contrats publicitaire avec des marques d’équipement de sport, grâce aux quels sa mère avait pu s’offrir une superbe maison dans les beaux quartiers de Londres. Mais non, voilà que les JO de Tokyo approchaient et après une belle performance au mondiaux de gymnastique artiste en Allemagne en 2019, il fallait qu’elle donne tout pour être sélectionnée une nouvelle fois pour les jeux olympiques. Mais début Novembre, durant l’entrainement acharnée que lui faisait suivre sa mère, Oksana fit une mauvaise chute lors d’un exercice. « c’est rien. » lui avait assuré sa mère en l’aidant à se relever. Elle lui avait donné un anti douleur, avait enroulé le poignet droit de la blonde dans un bandage et l’avait fait reprendre l’entrainement. Une course rapide, un saut maitrisé pour rejoindre le cheval sur lequel elle avait ensuite poser ses mains avant que son poignet ne cède pour de bon. La chute fut violente, lui retournant l’épaule au passage et c’est à l’hôpital qu’elle finit sa journée d’entrainement, au grand malheur de sa mère et ses rêves de seconds jeux qui s’envolaient avec cette blessure. Oksana, elle, était étrangement soulagée. Cette blessure, aussi grave et douloureuse soit elle, lui permettait de faire une pause pour la première fois de sa vie. Elle passait quelques jours à l’hôpital avant d’être renvoyé chez elle.


22 ans | Devoir se reposer au lieu de s’entrainer, c’était tout nouveau pour Oksana et elle n’avait pas grand chose à faire à la maison. Alors elle avait passé le plus clair son temps à fouiller dans des vieux cartons qui trainaient au grenier pour y retrouver ses jouets d’enfants. Toutes ces boites remplies de souvenir d’un autre temps, avant que sa mère ne devienne le monstre de froideur qu’elle connaissait aujourd’hui, avant que sa vie soit rythmé par ses entrainements. Un livre attira bien vite son attention, un roman poussiéreux et usé, à l’intérieur du quel se trouvait une photo sur laquelle sa mère était méconnaissable tant elle semblait heureuse. Sur la première page de cet ouvrage une dédicace d’un certain Jack Burton… Oksana restait un moment à fixer cette photo. Sa mère dans les bras de cet homme, le même qui se trouvait sur la troisième de couverture. Elle pouvait l’entendre lui dire, sur un ton agacé : « ton père est un célèbre auteur américain », elle avait toujours cru que c’était un mensonge, qu’elle lui balançait ça pour qu’elle lâche l’affaire et peut-être aussi pour qu’elle lise un peu plus… mais soudain cette réponse sonnait comme la vérité. Quelques mois s’écoulèrent, des mois durant lesquels sa mère s’absentait régulièrement pour remplir son rôle de coach de l’équipe national. Une véritable renaissance pour Oksana qui avait oublié le goût de la liberté. Elle allait évidemment à ses séances de rééducation, retrouvant petit à petit la mobilité totale de son bras et de sa main droite, mais sans que sa mère soit sur son dos pour la forcer à se remettre aussitôt à l’entrainement. Le livre qu’elle avait trouvé quelques mois auparavant n’avait pas quitté son chevet et un soir, alors qu’elle tombait sur les réseau sociaux sur une énième photo de ses anciennes coéquipières de gymnastique avec sa mère, elle se décida. Une rapide recherche google sur Jack Burton et un vole simple pour Los Angeles, elle comptait bien commencer la seconde partie de sa vie loin de la toxicité de sa mère.

23 ans | Elle avait premièrement squatté un airbnb pendant quelques mois avant d’enfin se trouver un appartement. Heureusement sa mère n’avait pas dilapidé toute sa fortune, alors elle avait la chance d’avoir de quoi s’offrir un logement décent. Sa mission initiale, qui était de retrouver son père, se retrouvait bien vite reléguer au second plan face à cette liberté soudaine. Première sortie en ville, première soirée dans un bar, première cuite, première cigarette… Oksana dérivait un peu, laissant l’hygiène de vie irréprochable qu’elle avait eu pendant de si longues années pour goûter un peu aux plaisirs moins sain de la vie.