Guns and men feat. Shawn

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Tes fesses posées sur le rebord de ta bécane, tu sors ton paquet de clope de la poche de ta veste en cuire. Tu en attrapes une et la grilles dans les règles de l’art. Tu tires dessus comme certains prennent une bonne inspiration d’air frais et relâches enfin lentement la fumée entre tes lèvres charnues. Tu ranges ton paquet et observes les alentours de ce parking presque à l’abandon, à l’arrière d’une ancienne usine aujourd’hui désaffectée. Un entrepôt tout au plus. Ce genre d’endroit “creepy as fuck”, tu connaissais. De toute façon, que ça soit aux stup ou n’importe quelle autre branche, quand t’es flic et que tu cherches les petits merdeux, tu peux être certaine que c’est exactement dans ce genre de fourre-merde, que tu trouvera tes cibles.

Les minutes passent. Trop longues. T’es pas patiente. D’ailleurs, normalement, c’est toujours toi qui est en retard ! Pas l’inverse … T’en es déjà à ta deuxième cigarette. Tu râles un peu mais savoure malgré tout cette première sortie seule en tant qu’agent de l’anti-terrorisme. Pas de chien aux cul, pas de chaperon. Ca te changeait ! Depuis ton arrivée chez eux, tu n’avais de cesse d’être trimballée entre tes co-équipiers. La team n’était pas grande mais il n’y en avait pas un pour te foutre plus la paix que les autres. Non. Ordre du boss. Il parait. Enfin bref. Cette fois c’est pas pareil. Votre affaire en cours est grosse. On te tanne pour savoir où tu en es dans le contact avec ta famille. Ça viendra pas comme ça. Faut le temps. Puis t’as pas envie, alors c’est clair que t’y vas à reculons. Ainsi, lorsque cette rencontre entre votre unité et le FBI avait été établie pour une question de stock d’armes frauduleux, mélangeant business foireux et noms fichés pour radicalisme, il avait bien fallu que quelqu’un s’en charge. Tu savais que tout le monde avait plus qu’à faire. Vous crouliez tous sous le boulot et ce fut pour toi l’opportunité de te proposer. T’avais insisté lourdement : “C’est bon, stop le baby-sitting à deux balles, là ! On a du pain sur la planche et j’ai assez d’expérience pour savoir me débrouiller. Alors j’irais rencontrer ce Shawn et tout ira très bien !” T’avais eu le ton agacé. Première fois que tu gueulais un peu. Parce que bordel, t’étais plus une bleue depuis un bail et que t’étais flic dans ton sang bien plus que certains.

Quelques-uns avaient grogné, avant de - finalement - te laisser t’en charger. A la bonne heure ! Mais du coup, tu faisais quelques efforts. Il n’était pas temps de donner raison à quiconque voudrait te rendre ton badge. Pas tout de suite. Alors t’avais pas trop bu la veille, et t’étais à l’heure. C’était chiant d’ailleurs. Très. Trop.
T’es sur le point d’attaquer une troisième clope lorsqu’une voiture s’approche et vient se garer tout proche de la tienne. Tu restes impassible. Au cas où. Mais ton regard inspecte et scrute les moindres détails. Tu souffles intérieurement lorsque tu comprends que tu aurais affaire à un mec. Ben tient. Quelle surprise. Un agent qui veut faire mumuse avec des pistolets. Lorsque l’homme en question finit par sortir de son véhicule, on peut dire qu’il a le physique de l’emploi. Bien plus grand que toi, gueule carrée, regard sombre, barbe de deux jours parfaitement entretenue, et dégaine nonchalante mais assurée. Pas de doute qu’il soit flic.
Mais par principe, tu le laisses t’aborder. Tu prends juste soin de remettre la cigarette dans son paquet, et de ranger celui-ci définitivement.

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« Sana Ben Ali je suppose ? » La voix rauque, main tendue, il s’agit bien de ton contact. Tu échanges avec lui une ferme poignée alors que ton regard inspecte son visage avec attention. Derrière la barbe naissante, ses traits te semblent soudainement familier. Ou du moins, non-inconnu. “Moi-même” contentes-tu de répondre simplement, un fin rictus au coin des lèvres. Juste de quoi paraitre assez polie pour que cet échange soit mené à bien et puisse - osons l’imaginer - à une efficace collaboration. De son côté, l’agent Sharps arbore un air détendu et plutôt sympathique. Rien qui ne t’emballe particulièrement mais rien qui ne te rebute non plus. « Votre nom et votre visage me disent quelque chose. On s'est déjà rencontrés non ? » Tu hausses un sourcil. Voilà donc un sentiment qui était partagé. Tu n’as pas le temps de réfléchir un peu plus que l’homme embraye, comme frappé par un éclair de génie : « Bordel oui ! La Sana des STUPS ! Ça fait un bail ! Ils t'ont viré à l'Anti-terrorisme finalement ? Décidément, j'arrête pas d'avoir des petits nouveaux à former en ce moment ! » Il termine et ponctue par un petit soupir, probablement tout aussi amusé qu’agacé. De ton côté, la pièce tombe également ! Vous vous étiez croisés plus d’une fois lorsqu’il était encore à la LAPD. Pas un mauvais bougre mais tu n’avais pas d’affinité particulière avec lui. Tu ne te souviens que de classiques querelles de secteurs et puis … c’était un mec. Tout court. “Alors comme ça, le petit flic Sharps a fait son trou au FBI ?” Petite pose. Petite moue à moitié impressionnée. Tu joues le jeu. Surtout pour lui. Les flics qui obtiennent une place au bureau fédéral, en général, c’est leur Saint Grââl. Tu te doutes donc qu’il doit en être particulièrement fier. Toi, c’était pas ton kiffe. Bien trop cadré et trop procédurier. “Ça fait longtemps ?” T’es curieuse, t’aimes savoir à qui tu as affaire. Car au fond, vous ne vous connaissez pas si bien que ça. La preuve … “Heu, ouais, l’anti-terrorisme. C’était ça ou rien” T’as pas envie d’en dire plus, pas envie d’évoquer ta mission foirée, la descente aux enfers et tout le reste. Ça te faisait déjà bien assez chier qu’il soit au courant de l’histoire. Ou du moins de rumeurs. T’embrayes donc avant qu’il ne s’ose à éventuellement te poser des questions : “Par contre, évite de m’appeler ‘Petite Nouvelle’ ou ça va vite me saouler” Blague ou pas, il le prenait comme il le voulait mais t’étais plutôt sérieuse. En effet, ton égo avait encore un mal fou à accepter ce que tu voyais toujours comme une régression.

« Sympa le coin. » Shawn tire sur sa clope et laisse son regard filer aux alentours. T’en profites pour te redresser de l’appui que t’offrait ta bécane et tu t’étires un bon coup, comme pour revitaliser ton corps engourdi. “Juste derrière nous, ce sont des vestiges qui - malgré leur état - appartiennent encore et toujours à ‘Immo Corp LA’. Ce qui veut dire que sous ses airs de pleine de jeu à petits connards, elle cache bien son jeu. Le site est criblé de caméra et des patrouilles de gardiens ont repris depuis quelques mois. D’ici un an max, l’agence immobilière à l’intention de tout transformer et de faire des lofts.” Tu connais bien ta ville. Surtout les quartiers les plus mal famés. Tu les as arpenté des années entières et cela n’est probablement pas terminé. Tu aimais garder la main sur L.A. comme un joueur de poker s’accroche à une pioche gagnante. “Ce que je voulais te montrer se trouve derrière. D’ici on n’aperçoit que la grille de l’entrée ouest. Un autre entrepôt. Lui aussi laissé à l’abandon. Sauf qu’il ne semble plus appartenir à personne. Enfin juste à la ville. Mais tout le monde s’en fout. En vrai, c’est l’une des plaques tournantes les plus prolifiques de la ville en matière de stup en tout genre. Un vrai petit vivier à merde. Drogue, mais pas que. La dernière fois où j’ai pu y mettre les pieds en infiltration, il y avait clairement de la nouveauté. Des armes en arrière boutique. Du gros calibre. J’ai croisé des gueules que je n’avais jamais vues là-bas. A l’époque, c’était pas mon business, j’étais pas là pour ça. Et puis après … Ben après je suis là !” Tu flanques tes deux mains dans les poches avant de ton jeans et retrouves appui sur ta moto. “J’ai pas fait de rapport. J’ai pas voulu alerté la meute sans plus d’info. Mais y’a clairement un truc qui se trame.” Etant donné la position et le poste de Shawn, tu avais jugé utile d’enfin partager tes dernières constations d’avant ton transfert. En fait, ça ne lui était pas spécialement destiné personnellement, à lui, ce mec que tu avais déjà croisé au LAPD. Non, mais ça l’était tout autant à celui que tu t’attendais à rencontrer, à savoir : un parfait inconnu. C’était comme un cadeau d’alliance. Et puis qui sait, vous vous retrouveriez peut-être bientôt à devoir bosser ensemble sur le coup. C’était con, mais de la sorte, t’avais moins l’impression d’arriver les mains vides. Et ça, même ta nouvelle équipe n’était pas encore au courant. “Enfin bref, un endroit à garder à l’oeil quoi.” Tu hausses les épaules presque sans t’en rendre compte, un peu nonchalamment, et mettant ainsi fin à ton intervention.

HJ: