(III) Unlucky [Grayson&Ellie]

À la simple écoute de ces quelques mots, mon regard s'illumine, pointe de joie qui arrive à percer tout le reste. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas la fin du monde. De toute façon, quel monstre oserait s'en prendre à quelqu'un pendant une leçon de patin à glace destinée à des gamines? Si méchant loup il y a vraiment, jamais il ne viendra rôder ici. De toute façon, ce n'est pas le genre de ces hommes de main. Pour avoir écouté les histoires pendant des années, pour les avoir laissées bercer mes nuits les plus sombres, je sais qu'Abramo est beaucoup plus subtile. Et futé. J'ignore ce qu'il est devenu, ni s'il est encore en vie. Je préfère ne rien entendre le concernant. Toutefois, je sais comment il fonctionne. Je sais, aussi, que malgré ce qui est arrivé à ma soeur, il tient à nous. Il nous a aimé pendant des années, ça ne peut pas s'être effacé aussi rapidement. Ce n'est donc pas lui qui viendrait troubler la quiétude que j'ai enfin pu trouver à Los Angeles. Depuis quelques semaines, ce n'est plus la peur qui m'empêche de m'endormir, mais la colère et les rêves de vengeance, autant envers mon frère aîné qu'envers ceux qui ont assassinés ma jumelle. J'ignore qui ils sont. Je ne peux faire aucune supposition à leur égard. Je dois me contenter de faire confiance aux Zorsini. Je dois entretenir ma couverture, cette nouvelle identité qui semble mieux m'aller que l'ancienne. Faire profil bas sur les réseaux sociaux, ne pas trop me démarquer par mes réussites. Me fondre dans la masse a toujours été l'un de mes plus grands talents. Je reste la garce superficielle, mais adorable. Celle qui complimente et que l'on complimente, celle qu'on peut admirer et jalouser, sans toutefois la craindre. C'est bien la seule continuité par rapport à New-York. Enfin, ça et Grayson. Sonny. Son prénom à lui seul me rassure. Un premier visage familier qui ne soit associé à aucun danger. De nous deux, c'est moi la plus grande menace.

" Merci. " Je finis par lâcher dans un soupire, soulagée de ne pas avoir à briser les rêves de ma princesse. " Elle a l'air d'aimer Joanna, aussi. " Pour l'avoir croisée à quelques reprises, toujours observée à une distance raisonnable, je sais que c'est une bonne enfant. Ce n'est pas exactement Sonny qui l'a élevée. Je sais que la situation est compliquée, car les gens aiment radoter et se mêler de ce qui ne les regarde pas. J'ai pu grappiller quelques informations ici et là, mais j'ignore le fond de la situation. Quoi qu'il en soit, il a merveilleusement bien repris le contrôle, encore plus que je n'aurais pu imaginer vu son passé de fêtard invétéré. " Tu te débrouilles bien... " J'hésite un peu avant de reprendre la parole, sachant que ce n'est ni le moment, ni l'endroit pour ce genre de conversation, surtout avec les filles qui risquent de sortir à tout moment. " Tu sais que j'ai l'habitude de mentir à tout le monde. Je leur dis toujours ce qu'ils veulent entendre. Mais avec toi, je n'ai pas besoin de faire ça. Et franchement, ça m'énerve. Non. Ça m'emmerde de devoir faire comme si on ne se connaissait pas, alors que tu es probablement la seule personne de mon ancienne vie que je reverrai. " Je n'ai pas exactement haussé la voix, mais en terminant ma phrase, je réalise qu'une mère particulièrement mal coiffée et habillée me dévisage. Si je n'avais pas été aussi bien élevée, je lui aurais probablement levé mon doigt du milieu. Au lieu de tout ça, je me contente de m'excuser platement. Pas à elle, mais au New-Yorkais. " Pardon. Ma mère aurait probablement recraché tout son martini si elle m'avait entendue jurer. " Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais ces temps-ci, je réagis au quart de tour. Avant, j'arrivais toujours à refouler ce que je ressentais. Je continuais de sourire, peu importe ce qui m'arrivait. Je préservais les apparences pour rassurer ma famille, puis faire plaisir à mes copines à la fac. Mais aujourd'hui, je n'y arrive plus. J'en ai marre des faux-semblants.

Ellie Verziero a écrit:

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À la simple écoute de ces quelques mots, mon regard s'illumine, pointe de joie qui arrive à percer tout le reste. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas la fin du monde. De toute façon, quel monstre oserait s'en prendre à quelqu'un pendant une leçon de patin à glace destinée à des gamines? Si méchant loup il y a vraiment, jamais il ne viendra rôder ici. De toute façon, ce n'est pas le genre de ces hommes de main. Pour avoir écouté les histoires pendant des années, pour les avoir laissées bercer mes nuits les plus sombres, je sais qu'Abramo est beaucoup plus subtile. Et futé. J'ignore ce qu'il est devenu, ni s'il est encore en vie. Je préfère ne rien entendre le concernant. Toutefois, je sais comment il fonctionne. Je sais, aussi, que malgré ce qui est arrivé à ma soeur, il tient à nous. Il nous a aimé pendant des années, ça ne peut pas s'être effacé aussi rapidement. Ce n'est donc pas lui qui viendrait troubler la quiétude que j'ai enfin pu trouver à Los Angeles. Depuis quelques semaines, ce n'est plus la peur qui m'empêche de m'endormir, mais la colère et les rêves de vengeance, autant envers mon frère aîné qu'envers ceux qui ont assassinés ma jumelle. J'ignore qui ils sont. Je ne peux faire aucune supposition à leur égard. Je dois me contenter de faire confiance aux Zorsini. Je dois entretenir ma couverture, cette nouvelle identité qui semble mieux m'aller que l'ancienne. Faire profil bas sur les réseaux sociaux, ne pas trop me démarquer par mes réussites. Me fondre dans la masse a toujours été l'un de mes plus grands talents. Je reste la garce superficielle, mais adorable. Celle qui complimente et que l'on complimente, celle qu'on peut admirer et jalouser, sans toutefois la craindre. C'est bien la seule continuité par rapport à New-York. Enfin, ça et Grayson. Sonny. Son prénom à lui seul me rassure. Un premier visage familier qui ne soit associé à aucun danger. De nous deux, c'est moi la plus grande menace.

" Merci. " Je finis par lâcher dans un soupire, soulagée de ne pas avoir à briser les rêves de ma princesse. " Elle a l'air d'aimer Joanna, aussi. " Pour l'avoir croisée à quelques reprises, toujours observée à une distance raisonnable, je sais que c'est une bonne enfant. Ce n'est pas exactement Sonny qui l'a élevée. Je sais que la situation est compliquée, car les gens aiment radoter et se mêler de ce qui ne les regarde pas. J'ai pu grappiller quelques informations ici et là, mais j'ignore le fond de la situation. Quoi qu'il en soit, il a merveilleusement bien repris le contrôle, encore plus que je n'aurais pu imaginer vu son passé de fêtard invétéré. " Tu te débrouilles bien... " J'hésite un peu avant de reprendre la parole, sachant que ce n'est ni le moment, ni l'endroit pour ce genre de conversation, surtout avec les filles qui risquent de sortir à tout moment. " Tu sais que j'ai l'habitude de mentir à tout le monde. Je leur dis toujours ce qu'ils veulent entendre. Mais avec toi, je n'ai pas besoin de faire ça. Et franchement, ça m'énerve. Non. Ça m'emmerde de devoir faire comme si on ne se connaissait pas, alors que tu es probablement la seule personne de mon ancienne vie que je reverrai. " Je n'ai pas exactement haussé la voix, mais en terminant ma phrase, je réalise qu'une mère particulièrement mal coiffée et habillée me dévisage. Si je n'avais pas été aussi bien élevée, je lui aurais probablement levé mon doigt du milieu. Au lieu de tout ça, je me contente de m'excuser platement. Pas à elle, mais au New-Yorkais. " Pardon. Ma mère aurait probablement recraché tout son martini si elle m'avait entendue jurer. " Je ne sais pas ce qui m'arrive, mais ces temps-ci, je réagis au quart de tour. Avant, j'arrivais toujours à refouler ce que je ressentais. Je continuais de sourire, peu importe ce qui m'arrivait. Je préservais les apparences pour rassurer ma famille, puis faire plaisir à mes copines à la fac. Mais aujourd'hui, je n'y arrive plus. J'en ai marre des faux-semblants.  

L'humain est une créature perverse, narcissique, qui aime se nourrir des malheurs des autres, particulièrement lorsque les siens sont trop prenants. Je l'ai appris à mes dépends. Il y a quelques mois à peine, j'en étais encore à les laisser dicter ma conduite, faisant attention à mes moindres gestes pour ne pas alimenter les ragots à mon sujet. À New-York, j'étais connue de plusieurs. Je rayonnais de fierté, de bonheur et d'ambition. Mon avenir était tout tracé. Normalement les gens ont une liste de choses à accomplir avant leurs morts. Moi, j'avais une liste de chose à accomplir tout au long de ma vie. Tout était planifié de mon entrée au lycée à ma retraite. Je devais prendre la relève en tant que capitaine des cheerleaders, tout en continuant le bénévolat. Terminer mes études avec mention d'honneur, puis devenir oncologue réputée à l'internationale. Les regards étaient rivés sur moi, guettant le moindre faux pas. Je ne leur avais jamais laissé une telle satisfaction jusqu'à la mort de ma jumelle. Même lorsque j'ai su que j'étais tombée enceinte, d'une relation extra-conjugale avec un de mes enseignants qui plus est, j'ai su garder la tête haute, préserver les apparences. J'ai abandonné ma propre fille pour leur faire plaisir, pilant sur mon propre bonheur pour favoriser ma réussite. Ce n'est qu'à la mort de Kylie, à la trahison d'Abramo que j'ai ouvert les yeux. J'ai tout plaqu du jour au lendemain et je ne porte même plus attention à ces rumers. J'ignore même ce que les gens disent à New-York concernant mon départ. Je considère qu'Ellie Kray est décédée en août dernier, remplacée par Ellie Verziero. Une version un peu plus sombre, qui nage sans relâche pour se maintenir à flot. J'ai besoin d'aide, mais je suis trop fière pour le demander. Alors, de savoir que, finalement, je n'ai pas perdu tous mes repaires, ça me fait le plus grand bien du monde. Pour la première fois depuis quelque jour, un sourire sincère, de ceux qui font briller mes pupilles, s'étire sur mon visage.

" Elle est encore jeune. T'as tout le temps du monde pour rattraper sa malchance. " Ce qui est beau dans l'histoire de Grayson, c'est que contrairement à moi, il n'a pas abandonné son enfant. Il s'est retroussé les manches et a repris ses responsabilités dès qu'il a su. Et maintenant, ils auront la chance de tout découvrir ensembles, maladroitement. Je laisse mon regard vagabonder un moment, me demandant ce que celui de mon vieil ami suit. Je constate, sans grande surprise, qu'il observe nos deux filles, toujours main dans la main. Elles sont belles. Si aucun de nous deux n'avait jamais quitté New-York, ce moment aurait pu se transposer dans une autre réalité. Nous deux, déconnant comme deux gamins sur les bancs pendant que nos filles apprennent à patiner. Dans les deux cas, ça me parait fou. Lui, il était destiné à un avenir sans règles et sans contraintes. Moi, je m'en imposais beaucoup trop pour devenir mère si jeune. Et pourtant, nous voilà. Nous sommes loin de ce que nous étions il y a quelques années, alors que nous pourrissions les galas de nos parents.

" T'as raison. Qui a eu cette idée débile de mettre des olives dans de l'alcool? C'est comme... La pizza avec des ananas. Ça n'va pas du tout. " Je grimace en prononçant ces paroles, l'envie de rire ravalée dès que les dernières paroles de Sonny franchissent ses lèvres. C'est le genre de question que les gens posent toujours sans toutefois attendre une réponse honnête. Il fut un temps où j'aurais pu lui parler pendant un quart d'heure entier juste pour y répondre. Nous étions amis et confidents. Je lui parlais de mon quotidien, de mes soucis et de mes angoisses. Maintenant, même si je n'ai pas envie de le voir ainsi, je nous sens comme deux étrangers, méfiants, hésitants. J'ignore s'il s'attend à une réponse hypocrite pour meubler le silence ou s'il s'en soucis réellement. " Je suis encore vivante, c'est déjà un miracle. Et pour être honnête, même si je ne peux plus faire tout ce que je faisais avant - " Comme maintenir mon instagram à jour, car il y aurait trop de risques qu'on me repère. Pareillement pour diriger l'équipe des cheers. " - je suis heureuse. Ça fait du bien de ne pas s'imposer autant de règles. J'aurais du écouter des conseils quand j'étais encore au lycée. " Je souris à nouveau, repensant à l'exaspération que j'éprouvais lorsque j'avais vent de ses excentricités.