calling me up. (charlie)

Lorsqu’elle avait répondu au SMS de Charlie et avait rangé son téléphone dans sa poche, Avalon avait cette sensation bizarre que quelque chose clochait, sans tellement parvenir à mettre le doigt dessus. C’était une impression dérangeante, qui lui laissait croire qu’elle passait à côté d’une information importante. Ce ne fut qu’au moment de monter dans un Über pour se rendre chez la jeune femme qu’elle prit conscience de ce qui lui avait paru étrange. Charlie ne pouvait pas bouger son meuble télé ? Pourtant, Avalon était déjà allée chez elle et ne se souvenait pas qu’il s’agissait d’un meuble en bois massif ou quoi que ce soit de ce genre. Pire, si Charlie n’avait pas la carrure de Hulk, elle n’était pas non plus un réel bout de marshmallow, incapable de porter quoi que ce soit. Alors forcément, il y avait de quoi être soucieuse. L’étudiante était tellement préoccupée par ces informations qui lui popaient sauvagement à la figure qu’elle ne prit même pas le temps de consulter une seule fois son téléphone sur le trajet. Pas même pour jouer à son nouveau jeu de prédilection – celui qui lui permettait de découvrir Poudlard des années après, à défaut d’avoir un jour reçu sa lettre –, alors qu’elle ne parvenait pas à s’en passer habituellement. Elle salua à peine le chauffeur lorsque celui-ci coupa le moteur juste en face de la porte du lieu de vie de Charlie. Ce n’était pourtant pas dans son habitude d’occulter les bonnes manières, mais cette fois, elle avait l’esprit bien trop occupé pour penser à des choses qui étaient pourtant devenues un réflexe au quotidien. Avalon s’empressa de faire les quelques pas qui la séparaient de la porte d’entrée et elle ne se retint pas au moment de frapper trois grands coups sur le battant de bois. « Charlie ! C’est moi ! » Phrase stupide, tout le monde pouvait dire ça. Et ça ne donnait pas tellement d’information à la tatoueuse sur qui pouvait bien se trouver derrière la porte. « Enfin, c’est Ava ! » s’empressa d’ajouter l’étudiante, rendue un peu confuse par l’angoisse qui la rongeait. Pourquoi diable avait-elle ce sentiment que quelque chose allait de travers ? C’était ridicule et pourtant, son intuition lui soufflait que quelque chose n’allait pas du tout.

Bobby ne bougeait pas d’un pouce et fixait les chaussettes trouées de Charlie qui étaient restés là depuis vingt minutes déjà. D’ordinaire, il attendait toujours qu’elle se penche pour l’attraper, mais aujourd’hui elle ne l’avait toujours pas fait et il se sentait triste de ce manque d’efforts de sa part. Comme il était triste de se faire chasser quand il venait s’allonger sur son torse, il ne faisait rien de mal pourtant, il dormait toujours là et elle avait toujours été contente ! Avait-il fait quelque chose de mal ? Avait-elle trouvé un autre lapin à aime ? Boudeur, Bobby décida alors de rester coincé là jusqu’à qu’elle se décide à venir le chercher. Nah. Bien fait pour elle. « Allez Bobby. S’il te plaît. » Il l’ignora et replia ses petites pattes sous lui et se lécha les babines. Par contre si elle pouvait se dépêcher, il avait faim. Très faim. Le câble de la télévision n’était pas bon puis il piquait beaucoup trop. « Bobby. Ava va venir te chercher attention. » Il redressa la tête et remua la queue. Si elle avait voulu le menacer, elle aurait dû faire appel à River et pas à Avalon. C’était sa meilleure amie ! Elle le prenait toujours dans ses poches de chemise et le grattait entre les oreilles ! Il manqua de sauter de joie mais se rappela qu’il boudait Charlie. Il ne bougerait pas. Un point c’est tout.

Il l’entendit soupirer et s’éloigner pour se laisser tomber sur le canapé. Lentement et discrètement, il se rapprocha du bord du meuble de télévision pour la regarder. Elle s’était allongée sur le côté, son poignet en attelle contre sa poitrine, ses yeux étaient fermés mais il y avait une grimace sur son visage. Une madame l’avait déposé une nuit, une jolie madame il se souvenait Bobby. Elle avait mis Charlie au lit avec l’aide de River puis était repartie aussitôt. Depuis Charlie agissait normalement et s’était éloigné de lui. Bobby était triste parce que la suissesse avait toujours été câline avec lui. On frappa à la port et il courut se réfugier contre le mur, le cœur battant comme un fou. Il entendit Charlie se lever, sa voix tremblait ! Il en mettait ses moustaches à couper. La porte s’ouvrit et Bobby quitta sa cachette pour se poster derrière Charlie, assis sur son postérieur. « Hey Ava… Je crois que j'ai oublié de te dire un truc.» La brune avait l’air surpris comme si on venait de la frapper dans l’estomac et il vint s’approcher d’elle pour renifler son pied. « Bobby ! Tu te fous de moi ! » Il bondit sur place et s’en alla à vive allure dans le couloir avant de se rappeler que le voisin d’en face avait déjà essayé de le manger.

Plantée devant la porte de Charlie, Avalon trépignait d’impatience en attendant que la trompettiste lui ouvre. Son inquiétude n’avait cessé de croître et elle s’attendait au pire. Mais en même temps, elle espérait s’être fait des idées, que toute cette inquiétude ne soit pas justifiée. Raté. Lorsque le battant s’ouvrit, l’étudiante ne put s’empêcher de se retrouver bouche bée face à la vision que lui offrait la tatoueuse. Son bras était pris dans cette sorte de gros bandage – une attelle, non ? – et son visage ne semblait pas épargné. « Hey Ava… Je crois que j'ai oublié de te dire un truc. » Effectivement, il semblerait qu’elle avait oublié de mentionner un léger détail. Avalon ne savait pas si elle devait se fâcher face à son air détaché ou si elle devait fondre en larmes de la découvrir dans cet état-là. Aussi n’affichait-elle qu’une grimace à mi-chemin entre les deux expressions. « Bobby ! Tu te fous de moi ! » L’exclamation de Charlie fit remarquer à Avalon que le lapin était juste à ses pieds. Elle ne l’avait même pas vu. Elle sursauta en l’entendant taper du pied pour s’enfuir dans le couloir. Une action qui eut l’avantage de sortir l’étudiante de son mutisme. Charlie n’était pas en état de lui courir après, alors c’était à elle de s’en charger. « Eh, Bobby ! Reviens ici. » s’écria Avalon en se lançant à sa poursuite. Le lapin semblait peu à peu se rendre compte qu’il avait agit trop vite, puisqu’il se stoppa net dans le couloir avec un air apeuré. Oh non, un lapin en stress, ce n’était jamais bon. L’étudiante se mordit la lèvre inférieure alors qu’elle s’accroupissait pour se mettre à sa hauteur. « Allez, viens Bobby, je vais m’occuper de toi. » Elle lui tendait les bras, attendant que la boule de poils se rapproche pour venir la serrer dans ses bras, tout contre elle. Elle ne pouvait pas le laisser paniquer comme ça et en même temps, ça la rassurait de le savoir là. Ils avaient l’air d’être dans la même galère, à ne pas comprendre ce que Charlie pouvait bien attendre d’eux. « Et hop, de retour à la maison. T’es en sécurité maintenant. » Avalon vint s’asseoir sur le canapé et déposa Bobby sur ses genoux. « Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Tu t’es cassée la gueule en skate c’est ça ? » Elle avait demandé ça avant de pincer les lèvres. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû lui offrir de planche à roulettes, c’était une très mauvaise idée à la base.

Elle s’était appuyée contre la porte et observait Avalon partir à la poursuite du lapin, une fuite qui lui donnait le temps de penser correctement à ses mots et donc l’empêcher de se perdre dans une flopée de lettres qui ne voulaient rien dire. Elle avait peur Charlie, peur de sa réaction face au secret qu’elle lui avait involontairement dissimulé. Il était toujours délicat de trouver le moment adéquat à ce genre de choses alors autant dire qu’elle avait tout fait pour retarder l’instant parce qu’avec Ava c’était toujours synonyme d’amusement, de détente, de relâchement et non de drame, de plainte et de terreur. Mais son corps ne lui avait pas laissé le choix, il ne guérissait pas en un claquement de doigts et elle ne pouvait éviter éternellement sa meilleure amie, ça la tuait à petit feu. Le lapin fut attrapé dans les mains rassurantes de la brune et Charlie fit un pas de côté pour la laisser entrer. Sans hésiter, elle se dirigea vers le frigidaire pour en extirper deux bières fraîches.

Elle s’accorda un court instant pour les observer de là où elle se trouvait et esquissa un sourire attendri face à la scène. Bobby avait toujours adoré Avalon, toujours le premier à se ruer sur elle pour obtenir caresses et papouilles à tel point que la rouquine se demandait parfois s’il ne la préférait pas à elle. Elle s’assit à côté d’elle et lui tendit une bouteille pour ensuite poser la sienne. Une chute en skate était un bon prétexte pour écarter définitivement le sujet et se moquer de sa maladresse mais la tatoueuse n’était pas une menteuse ni même une lâche. Elle prit son courage à deux mains et planta son regard dans le sien complètement à l’ouest. Autant tout balancer d’un coup non ? « Y’a pas mal de choses que je t’ai caché Ava. C’est pas parce que je te fais pas confiance mais je voulais te protéger, nous protéger. » Wow ça sonnait clairement étrange comme ça, elle devait rapidement rattraper le coup avant de la faire fuir. Mais comment ? Ce n’était pas une pro de l’improvisation aux dernières nouvelles.

« Déjà à la foire, tu t’en souviens ? » Elle tritura ses doigts et s’approcha d’elle. « Je crevais d’envie de faire ça. » Ses lèvres effleurèrent les siennes pour une milliseconde à peine. Ca l’avait hanté pendant des semaines mais maintenant un poids s’échappait de ses épaules et elle pouvait jeter tout ça derrière elle. « Et pour ça. » Elle dévoila alors ses blessures. « Je me suis fait tabasser à la sortie d’un bar à cause de ça ? » Ses mains glissèrent de sa tête jusqu’à ses pieds, désignant ainsi l’ensemble de sa personne. Elle ne voulait pas employer le terme transphobie parce que ça la foutait en rogne. « Et je t’ai rien dit parce que je savais pas trop comment le dire à part « Hey Ava j’me suis fait tabasser par des pétasses dingue non ? » » Elle eut presque un rire nerveux.

Avalon avait posé sa question alors que Charlie se trouvait encore à bonne distance, incapable de déceler ses mimiques. La barmaid se sentait terriblement coupable, un peu comme une gamine prise en faute. Peu à peu, elle prenait conscience que Bobby n’avait été qu’un prétexte pour la faire venir là. Et si la jeune femme s’était vraiment cassé la figure à cause du skateboard qu’elle lui avait offert, Charlie avait bien raison de la faire venir pour le réprimander. Tout le monde savait pourtant que ses idées n’étaient jamais bien bonnes, alors pourquoi la laissait-on encore faire ? Cela n’avait aucun sens. La rouquine revint auprès d’elle, avec deux bouteilles de bière à la main. Elle vint s’asseoir sur le canapé, juste à côté d’Avalon, et lui tendit l’un des récipients en verre. L’étudiante s’en saisit y prêter une grande attention, bien trop happée par le regard de la trompettiste planté dans le sien. C’était le moment où elle allait se faire disputer – ce qui serait bien mérité –, elle le savait. « Y’a pas mal de choses que je t’ai caché Ava. C’est pas parce que je te fais pas confiance mais je voulais te protéger, nous protéger. » La barmaid fronçait les sourcils. Elle ne comprenait pas tellement ce à quoi Charlie faisait allusion. « Nous protéger ? » D’un skateboard qu’elle lui avait offert ? C’était absurde. Si elle voulait réellement se protéger, elle aurait mis un casque, des genouillères, et puis, des coudières. Tout un tas de protections pour ne pas se faire mal. Mais visiblement, elle ne l’avait pas fait. « Déjà à la foire, tu t’en souviens ? » Avalon avait vraiment du mal à comprendre ce que la foire venait faire là-dedans. Enfin, c’était juste avant que la planche à roulettes ne fasse son apparition mais… « Je crevais d’envie de faire ça. » Avant qu’elle ne comprenne ce qui était en train de se passer, Charlie se pencha en avant. Ses lèvres vinrent effleurer celles d’Avalon, qui ne bougea pas d’un pouce. Elle se sentait comme spectatrice du moment qui était en train de se dérouler, incapable de faire quoi que ce soit. Lorsque la trompettiste se redressa, la barmaid ne parvint à lui adresser qu’un regard perdu, parce que c’est ce qu’elle était. Mais à aucun moment elle ne fut prise de l’envie de s’enfuir à toutes jambes. « Et pour ça. » Elle désignait ses blessures. « Je me suis fait tabasser à la sortie d’un bar à cause de ça ? » D’un geste de ses deux mains, elle désigna l’ensemble de son corps. Cela suffit à Avalon pour sortir de son mutisme, se mordre l’intérieur de la joue alors que les larmes lui montaient aux yeux. Elle comprenait ce que voulait dire Charlie et cela lui donnait la nausée. Pourquoi les gens étaient aussi idiots ? Elle avait du mal à ingurgiter toutes ces informations en si peu de temps. « Et je t’ai rien dit parce que je savais pas trop comment le dire à part « Hey Ava j’me suis fait tabasser par des pétasses dingue non ? » La trompettiste laissa échapper un grognement, s’apparentant vaguement à un rire. Nerveux peut-être, mais un rire. La gorge nouée, Avalon comprit qu’il fallait tenter de dédramatiser la situation pour lui remonter le moral. Pourtant, elle était en colère. Tellement que ses poings s’étaient serrés et que ses ongles étaient venus creuser des fentes dans ses paumes de main. « Comment ces abrutis pouvaient le savoir ? Pourquoi t’ont-ils fait ça ? Bordel. » Au final, l’humour était totalement mis de côté. Elle avait fini par mettre Bobby de côté avant de se lever d’un bond, complètement tendue, pour faire les cent pas en face de Charlie. La colère effaçait totalement le baiser qu’elle venait de lui donner. « C’était où ? Où est-ce que je peux les trouver ? » Elle était prête à en découdre, à taper jusqu’à ce que ses phalanges saignent. Quitte à finir avec la mâchoire éclatée à son tour. « Ça me rend dingue bordel. Ils n’avaient pas le droit. Pas le droit de s’en prendre à toi. » Son visage se déforma, pris par une moue de dégoût. Ses doigts passèrent dans ses cheveux, tirant sur ses racines. Ça faisait mal, mais ça lui permettait de se calmer. Se laissant tomber sur le sol en position assise, elle remonta son regard sur Charlie. Un moment de flottement. Un silence. Et puis elle ajouta : « J’ai encore un comportement déplacé. C’est pour ça… Ton envie de la fête foraine ? » Pour ça que tu m’as embrassée, mais elle ne parvenait pas à le dire. « Je suis désolée Charlie, je ne voulais pas t’allumer ou te donner de faux espoirs. Je ne suis peut-être pas mieux que ces meufs-là. » D’un mouvement du menton, elle désigna ses blessures. Avalon se trouvait stupide, abrutie. Il lui fallait user de toutes ses forces pour se retenir de se gifler, là, devant la tatoueuse. Pourtant, elle en mourrait d’envie. Comment avait-elle pu être aussi idiote ? Charlie était sa meilleure amie et jamais, ô grand jamais, elle ne s’était doutée de ce baiser qu’elle avait envie de lui donner.

La réaction est immédiate mais Charlie ne regrette pas de le lui avoir dit, elle n’aime pas cacher les choses, surtout à elle. Mais la voir serrer les poings de la sorte lui laisse une boule dans la gorge parce qu’après tout, elle ne connait pas Avalon énervée, elle ne connaît pas ses limites et ses actes quand elle est possédée par des sentiments dangereux. Ses sourcils se froncent quand elle n’emploie pas de prénom féminin pour exposer les filles qui lui ont fait ça et ses dents grincent intérieurement. Elle est un chouïa sérieuse sur ce sujet, depuis peu elle a dû mal à supporter de voir tout le monde accuser la gente masculine lors de ce genre d’évènements, mais elle ne fait aucun commentaire, Avalon ne pense pas à mal, elle le sait. Son regard se pose sur la brune désormais assise par terre et elle vient se glisser derrière elle, ses jambes de part et d’autre d’elle pour l’entourer d’une présence réconfortante. Sa main libre se pose sur son épaule. Charlie ne répond pas immédiatement aux questions, elle laisse la tension descendre d’un cran avant de se lancer dans une explication, mais Avalon ne semble pas avoir terminé de parler et la Suissesse ne vient pas l’interrompre, l’écoutant sans broncher, fermant les yeux un instant à ses paroles, secouant la tête. « Arrête de dire une connerie pareille Ava s’il te plaît. » Elle dépose un baiser sur le sommet de son crâne. « Ne te salis pas les mains pour moi, elles ne le méritent pas. » Il est plutôt question d’une vengeance personnelle, elle ne laissera personne s’occuper de ses pétasses à sa place. Elle a toujours été d’un naturel violent lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes et elle ne s’en cache pas. Elle n’est pas douée avec les mots alors pourquoi s’embêter avec ça quand on sait utiliser habilement ses poings pour calmer une personne ? « Ca n’arrivera plus. Je cacherai ma véritable nature à l’avenir. » C’est horrible mais exploitable pour survivre. « Et pour ça, ça n’a rien avoir avec ta façon d’agir, reste comme tu es. C’est juste que tu es la première personne à être comme ça avec moi, à me donner confiance, me dire des compliments et comme j’ai un cœur d’artichaut… Mais je suis passée à autre chose parce que je savais très bien qu’il ne se passerait jamais rien. Je me suis même inscrite sur un site de rencontre ! »

Elle était énervée, s’était laissée heurter par ces deux nouvelles. C’était difficile de prendre sur elle pour rester calme, tout simplement parce qu’elle n’avait aucune envie de l’être. Charlie était l’une de ses plus proches amies et Avalon trouvait insupportable l’idée qu’elle se soit faite frapper pour aucune raison. Elle trouvait insupportable qu’elle-même, elle lui ait fait du mal. Et pourtant, c’était bien le cas. Assise sur le sol, elle sentait ses ongles lui entrer dans la paume de la main tellement elle serrait les poings. Charlie avait dû voir à quel point elle était mal, car elle s’approchait pour venir se glisser derrière elle, l’entourant de ses jambes. Ce n’était pourtant pas à la barmaid d’être réconfortée, et pourtant, elle se laissait glisser sur le sol, jusqu’à pouvoir déposer l’arrière de sa tête sur le ventre de la tatoueuse. Et ça la rassurait. « Arrête de dire une connerie pareille Ava s’il te plaît. » Charlie venait déposer un baiser sur le sommet de son crâne et l’éternelle étudiante fermait les yeux. « Ne te salis pas les mains pour moi, elles ne le méritent pas. » Avalon poussait un soupir bien trop long, qui marquait son désespoir. C’était trop facile qu’elles s’en tirent comme ça, à plusieurs contre une seule. La barmaid voulait aider Charlie, ce n’était pas négociable. Et pourtant, son amie n’avait pas l’heure de considérer que son aide soit une option. « Et toi, tu ne méritais pas… ça. » De se faire tabasser, de s’en prendre plein la gueule alors qu’elle n’avait rien fait de mal. Qu’elle n’avait rien fait tout court. Avalon laissait échapper un soupir, fermait les yeux. Il fallait qu’elle trouve le moyen de se calmer avant de se lancer dans une croisade immédiate. « Ca n’arrivera plus. Je cacherai ma véritable nature à l’avenir. » Elle secouait la tête. C’était ridicule. Charlie n’avait pas à faire ça. Et pourtant aucun mot ne parvenait à s’échapper de ses lèvres pour marquer son envie de protestation. « Et pour ça, ça n’a rien avoir avec ta façon d’agir, reste comme tu es. C’est juste que tu es la première personne à être comme ça avec moi, à me donner confiance, me dire des compliments et comme j’ai un cœur d’artichaut… Mais je suis passée à autre chose parce que je savais très bien qu’il ne se passerait jamais rien. Je me suis même inscrite sur un site de rencontre ! » Avalon se retournait, s’aidant de son coude appuyer sur le sol pour pouvoir regarder Charlie sans avoir à se tordre le cou ou lui faire mal. Elle était déjà suffisamment amochée pour ne pas avoir à en ajouter une couche. « Je suis vraiment désolée, tu sais ? Si je suis comme ça avec toi, c’est juste que… Tu es l’une de mes plus proches amies ? Et je n’ai pas envie de gâcher ça. » Elle se mordillait la lèvre inférieure, ne sachant pas comment illustrer son propos. Et puis, une idée lui vint. « Avec Dakota, on vit l’une sur l’autre. On partage la même chambre, parfois le même lit. On se balade à poils l’une devant l’autre et pourtant, il ne m’est jamais venu à l’idée d’entamer une relation avec elle tu vois ? » Mais Dakota, ce n’était pas Charlie. Rapport zéro, forcément. Mais Avalon était plus douée pour dire des conneries que pour parler sérieusement, alors ça se ressentait. « Je prends soin de mes amies parce que ce sont mes amies. Et pour rien au monde je ne risquerais de perdre une amitié aussi spéciale en essayant d’y ajouter des sentiments qui pourraient tout foutre en l’air. » Une nouvelle fois, elle lui adressait un sourire désolé, avant de replacer l’arrière de son crâne contre son ventre. « Mais donc. Ce site de rencontre ? T’as choppé combien de personnes jusqu’à maintenant ? » Elle parlait crument, justement pour tourner la page de la conversation qu’elles venaient d’avoir. Et puis, c’était toujours sympa de taquiner Charlie.

Elle aime jouer avec ses cheveux, ils sont drôles à tresser et à emmêler puis c’est une agréable manière d’embêter Avalon après tout. Elle l’écoute, c’est vrai et s’occupe les mains pour ne pas se triturer les ongles. Ca la stresse un peu quand même, elle vient d’avouer un crush à sa meilleure amie au risque de perdre ce lien fort qu’elles ont. Mais heureusement pour elle, tout s’est bien passé et elle n’a pas mal réagi, au contraire. Elle ne comprend pas pourquoi la brune s’excuse mais la laisse terminer son discours, prête à la contredire à la seconde près. Une fois une petite tresse terminée, elle laisse sa crinière tranquille et se contente de poser ses mains sur ses épaules. « Pourquoi tu t’excuses ? C’est plutôt à moi de le faire ! » se plaint-elle « Je veux dire, t’as jamais rien fait de mal, c’est moi qui aie fait la conne Ava, pas toi, toi t’es parfaite. » Et elle n’a pas tort, Avalon est une amie précieuse, si précieuse qu’elle est prête à tout pour elle, même sauter du haut d’un pont s’il le faut.

« Oui je vois, mais jamais tu me demandes de me foutre à poils devant toi, tu risques de mourir. » ricane-t-elle. Quoi ? Elle est bien foutue Charlie et elle en est fière. Elle se laisse glisser contre le dossier du canapé, surprise par la question et retient un rire nerveux en se mordant le pouce. Ce site de rencontres lui donne du fil à retordre parce qu’elle n’est pas spécialement forte pour les phrases d’approches et les techniques de drague, elle ne compte plus le nombre de vents qu’elle se prend mais persévère parce qu’elle n’aime plus renoncer Charlie, puis surtout elle en a marre de vivre seule, de ne rien expérimenter, de se planquer. Homme ou femme, elle ne sait toujours pas et ça commence à créer une guerre dans ses envies, désirs, pensées.

Mais depuis peu, elle a fait la rencontre d’une fille sur ce site et elle se demande si elle n’a pas ses chances avec elle, après la Suissesse prend tout de même ses distances parce qu’elle connaît ses petits problèmes avec la chance, mais bon l’espoir fait vivre. « Personne ! » répond-elle « Mais il y a une fille qui est venue me parler récemment et j’ai peut-être une touche ? » Pour illustrer ses propos, elle se tortille pour attraper son téléphone dans la poche arrière de son jean, le déverrouille et montre la conversation à Avalon.

La situation avait quelque chose de déroutant. Avalon s’en voulait d’avoir laissé Charlie croire qu’elle pouvait flirter avec elle alors que c’était simplement sa façon à elle d’être amicale. Tout comme elle pouvait se promener dénudée à proximité de Dakota ou dormir blottie contre sa co-chambrée. Ça ne voulait pas dire qu’elle était impliquée sur le plan sentimental, même si elle adorait Dakota et Charlie de tout son cœur. Elle ne voulait pas faire de peine à la tatoueuse et culpabilisait énormément pour cela. « Pourquoi tu t’excuses ? C’est plutôt à moi de le faire ! » s’insurgea Charlie. Avalon esquissait une légère moue. Elle n’était pas d’accord avec ce que pouvait dire la jeune femme, mais elle savait qu’il ne servait à rien de se lancer dans un débat qui pourrait être sans fin. « Je veux dire, t’as jamais rien fait de mal, c’est moi qui aie fait la conne Ava, pas toi, toi t’es parfaite. » La barmaid secouait la tête en riant, peu convaincue par les propos de son amie. Elle ne partageait pas son point de vue, mais au final, peu importait. Avalon était loin d’être parfaite et tant qu’elle était capable de se rappeler toutes ses erreurs, alors c’était le plus important. « Oui je vois, mais jamais tu me demandes de me foutre à poils devant toi, tu risques de mourir. » s’amusa finalement Charlie alors que la barmaid lui confiait les modalités de sa relation avec Dakota. Haussant un sourcil, Avalon prit alors une expression intéressée alors qu’elle basculait son visage vers la tatoueuse. « Eh, arrête d’essayer de m’aguicher. » protesta-t-elle mollement, avec un rictus. Elle ne perdit pas son sourire en coin tandis qu’elle se redressait. « Tu vas me donner envie de voir la marchandise à côté de laquelle je viens de passer. » Elle parlait crument pour que Charlie n’ait aucun regret par rapport au film qu’elle avait pu se faire. Mais dans le fond, Avalon était assez curieuse. Elle n’avait jamais vraiment relookée Charlie, la respectant bien trop pour en venir à ce genre de bassesse. Mais au final, elle aurait peut-être dû ? Du moins, c’était ce qui paraissait. Enfin, elle n’allait pas lui demander de se déshabiller face à elle. Elle avait bien plus à demander, comme savoir si Charlie était parvenue à trouver des partenaires sexuels sur son site de rencontre – c’était majoritairement ce à quoi ça servait, n’est-ce pas ? « Personne ! » répondit Charlie, à la surprise de la barmaid. « Mais il y a une fille qui est venue me parler récemment et j’ai peut-être une touche ? » La tatoueuse se tordit un peu dans tous les sens avant de dégainer son smartphone de sa poche, juste pour le mettre sous le nez d’Avalon. Le prenant rapidement dans ses mains, la barmaid comprit rapidement qu’elle avait devant ses yeux une conversation The Chart. Elle prit le temps de la lire, sans être gênée le moins du monde par cette impression de s’introduire dans la vie de son amie. « Robert ? » finit par commenter la barmaid alors qu’elle continuait de lire. « C’est original quand même. Comme la moustache en chocolat. » Elle quittait la conversation pour aller voir sur le profil de l’intéressée à quoi elle pouvait ressembler. Ça allait, elle était mignonne. Le genre de personne qu’il fallait à Charlie. Enfin, du moins, en théorie. Le genre douce mais qui sait plaisanter, souvent. « Eh, mais elle est mignonne ! Belle prise. T’attends quoi pour fixer un rendez-vous ? » Avalon l’aurait déjà fait depuis longtemps, mais elle était plutôt du genre direct, il fallait l’avouer.

C’était drôle d’entendre Charlie parler de cette fille qu’elle avait rencontré sur The Chart. Quelques instants auparavant, la rouquine l’embrassait, et voilà qu’elle lui parlait d’un rendez-vous potentiel. Elle avait l’air d’avoir un cœur d’artichaut, et ça ne pouvait que réchauffer le cœur d’Avalon, qui avait l’impression de voir sa petite sœur prendre son envol. Charlie était pourtant plus âgée qu’elle, mais la Wheeler avait toujours eu l’impression qu’il lui fallait la protéger. C’était un sentiment qu’elle ne pouvait pas réprimer, qui était plus fort qu’elle. La Balmat semblait fragile, toujours sur le point d’être brisée en deux par la vie. Le fait qu’elle se soit fait taper dessus et qu’elle était blessée, n’aidait pas du tout à réprimer les envies de protection d’Avalon. Elle regardait son amie avec tendresse et amusement, prête à écouter ce que celle-ci aurait à lui raconter sur ce mystérieux Robert. « Figure-toi que je lui ai demandé de venir boire un café avec moi. » La brune hochait la tête, complètement impressionnée. Elle découvrait peu à peu que Charlie était bien plus entreprenante qu’elle ne l’avait laissé entrevoir depuis qu’elles se connaissaient. C’était plutôt un bon point à vrai dire. « Mais tu sais que ça risque d’être une catastrophe ? Tu ne m’as jamais vu devant une personne qui me plaît. » Avalon ne put s’empêcher de rire, plaquant aussitôt sa main sur sa bouche comme pour empêcher ses lèvres de laisser passer son ricanement. Elle ne voulait pas que Charlie puisse penser qu’elle se moquait d’elle, mais c’était trop tentant de se laisser aller à rire. « Je bafouille, je rougis et je parle du beau temps parce que je sais pas quoi dire ! » La brune leva les yeux au ciel avant de répondre du tac au tac : « Ah oui ? T’es si timide que ça ? » Se tournant vers Charlie, elle approcha son visage du sien, déposant un baiser sur sa joue, non loin du coin de ses lèvres. Elle avait un peu honte de s’amuser ainsi de la jeune femme, mais elle l’avait bien cherché, il fallait l’avouer ! « T’avais l’air bien plus entreprenante tout à l’heure. » Reposant son attention sur le téléphone de Charlie, qu’elle avait toujours à la main, elle laissa ses doigts tapoter rapidement sur l’écran, avant de rendre son smartphone à la rouquine. « J’ai programmé un message. Si dans une semaine tu ne l’as pas vue pour aller boire un café, ton téléphone va me rappeler de venir te botter les fesses. » Elle se releva, profitant d’être à nouveau sur ses pieds pour s’étirer un peu. Elle avait l’impression d’être une personne âgée à ainsi être courbaturée de partout. Ça n’avait vraiment aucun sens. « Et je veux absolument tout savoir. Alors mémorise la moindre seconde de ce rendez-vous, parce que tu as intérêt à tout me raconter. » ajouta-t-elle d’une voix ferme, même si son visage se faisait toujours souriant. Comme si elle pouvait réussir à se montrer trop dure avec Charlie. « Je dois y aller pour ne pas rater le début de mon service, mais je veux que t’ailles porter plainte pour… Tout ça. » finit-elle par dire alors qu’elle désignait les blessures de la rousse d’un signe de mains. Une légère grimace venait alors déformer ses traits. Si elle avait ces abrutis sous la main, elle leur aurait fait la peau, c’était certain.