save me. (alyn #2)

J’ai beau avoir des envies d’ailleurs depuis quelques temps, avoir envie de prendre mon indépendance, pour le moment, c’est encore impossible. Et puis, je suis très proche de ma soeur, et j’ai pas envie de l’abandonner non plus. Alors le temps que je trouve la force de partir d’ici, je compte bien en profiter. Et alors que les parents ne sont pas là, je décide d’inviter quelques amis à la villa pour faire une petite fête. Merida essaie de m’en dissuader, mais cette fois je ne l’écoute pas. J’assume de plus en plus mon côté rebelle, et c’est pire encore depuis que j’ai revu Alma. Mais ça, je me suis bien gardée d’en parler. Merida n’a jamais trop aimé la brune, pour tout ce qu’elle me faisait faire comme conneries. Alors forcément, je sais que ce serait une mauvaise idée que de lui dire que la brunette a fait son grand retour dans ma vie. Enfin, plus ou moins, vu notre échange de SMS d’hier, on peut pas dire que ce soit un super retour. Elle a fini par un ‘Adios’ qui claque et qui fait mal. Tant pis, c’est mieux comme ça. Elle a un mec, et moi j’ai autre chose à foutre que de souffrir encore parce que je l’ai dans la peau et que je vais sombrer à la côtoyer tout en sachant qu’elle a quelqu’un dans sa vie. Merida décide d’aller chez nos grands parents avec notre petite soeur que nous avons en charge. Il n’y a que Théo qui veut rester ici, il a invité un de ses copains, ils vont jouer aux jeux vidéos toute la nuit, c’est parfait.

Mes amis arrivent, manque de bol, ils sont plus nombreux que de à quoi je m’attendais. Tant pis. Chacun a ramené de quoi boire et manger, on va profiter de la piscine et rester dehors un maximum, tant pis pour les voisins. La fête bat son plein, Mike est dans une forme olympique, je le soupçonne d’avoir ingéré un truc, je l’ai pas vu faire. Tant qu’ils laissent pas traîner leurs merdes et que mes parents ou mes frères et soeurs tombent dessus, ça ira. Le jeune homme m’entraîne un peu plus loin, dans la maison, et nos bouches ne se séparent plus. Je sens la raideur dans son pantalon et je sais ce qui pourrait arriver si je le laisse faire. Je sens une vague d’angoisse me saisir mais je ne laisse rien paraître. Je n’ai quasiment pas bu pour éviter de perdre pieds, parce que je sais à quel point je ne tiens pas à l’alcool. Nous montons à l’étage, le bruit de la console de Théo dans le couloir couvrirait n’importe quel bruit. Mon esprit semble se déconnecter, et Mike me pousse sur le canapé dans l’open space sur la mezzanine. Je pars à la recherche de mes sensations, savoir si j’ai envie de ça, ici, maintenant. J’essaie de freiner le jeune homme mais il ne semble pas enclin à redescendre de son perchoir. Ses doigts commencent à remonter ma robe et ses caresses se font plus appuyées alors que je sens la pression de son érection contre moi. « Mike non, pas comme ça, pas là… » Il sourit mais continue de m’embrasser comme pour me faire taire. Ses doigts déboutonnent son jean et il se fait une place entre mes jambes pendant que j’essaie de le repousser du mieux que je peux. « Mike arrête ou je hurle ! Arrête ! J’ai pas envie ! »

Son téléphone vibra à côté de sa tête et Alma se redressa vivement, son stylo tomba sur le parquet. Merde, elle s’était endormie sur ses corrections. Elle se frotta les yeux et glissa un regard en direction de son portable qui ne cessait de s’agiter dans tous les sens, déjà trois appels manqués d’un numéro inconnu. Si c’était encore la vieille folle de voisine qui lui demandait de venir adopter ses chats. Il lui suffit d’un coup d’œil vers sa monte pour comprendre qu’aucune personne du voisinage ne viendrait l’embêter. Dans un grognement, elle décrocha en se penchant pour ramasser son stylo rouge et gribouilla un bref D sur une copie d’un étudiant. « Allô ? » Sa concentration fut minime au début mais les quelques brèves phrases qui suivirent lui suffirent pour hérisser les poils de sa nuque. Merde.

Elle quitta son bureau et bondit dans le premier jean qu’elle eut sur la main et sur son vieux sweat qu’elle affectionnait particulièrement, celui que Théo avait essayé de lui voler lors de sa dernière garde. Baskets aux pieds, elle se précipita hors de la maison, ses parents dormaient déjà et Victor était de garde à l’hôpital cette nuit. Elle grimpa dans l’antiquité qui servait de pick-up à son père et prit la direction de Beverly Hills bien contente de ne jamais avoir oublié l’adresse. Son sang était angoissé dans ses veines et son cœur ne cessait de frapper à ses tempes dans une menace d’une colère qu’elle ne pourrait pas contrôler. Théo était coincé dans sa chambre, il entendait des cris et la musique était devenue trop forte pour sa pauvre petite tête, mais surtout le fait qu’il eût mentionné l’absence de Maxyn lui glaça le sang, un mauvais scénario se dessinait dans son esprit et elle priait pour qu’elle n’en fût rien.

Elle se gara à la hâte et bondit hors de la voiture pour rejoindre la villa. De ce qu’elle voyait, c’était déjà un enfer. Des jeunes courraient sur la pelouse et d’autres tentaient de réinventer le kamasoutra derrière un arbre. L’alcool ne pouvait être la seule excuse à leur comportement, elle pesta tout bas et s’engouffra dans la villa habitée par de parfaits inconnus qui se lançaient dans des parties de beer pong sur la merveilleuse table des parents. Alma ne chercha pas à comprendre et préféra se frayer un chemin jusqu’à l’étage, n’hésitant pas à mettre par terre ceux qui lui bloquaient la route. Une fois en haut, elle tambourina contre la porte de Théo. Il lui ouvrit rapidement. « Super-nounou ! Faut que tu nous sauves ! Mes parents vont me tuer. » Alma l’empoigna par le col « Bordel si t’étais un homme t’aurais fait en sorte de gérer Maxyn elle… » Des cris la firent sursauter et ils tournèrent tous deux la tête d’un côté du couloir. « Maxyn ! » Elle repoussa le frère dans la chambre et courut comme une folle dans la direction de l’appel au secours.

Il ne lui fallut pas plus d’une minute pour tomber sur une vision d’horreur qui la fit voir rouge. Il n’y avait pas que les travaux d’intérêts qui l’avaient éloigné de Maxyn, mais personne ne le savait à part elle et son père. « Hijo de puta ! » Le gars en question se redressa visiblement furieux de se faire interrompre dans son affaire et dans un élan mal calculé tenta de la frapper à la tempe. Alma se contenta de se baisser pour esquiver le coup et enroula son bras autour du sien avant de lui donner un coup de boule en plein dans son nez. Maxyn restait sa protégée malgré les messages qui avaient meurtris son cœur, elle restait cette fille perdue qu’elle avait aimé. « Je vais te le faire bouffer. » Elle se détacha pour le saisir par les épaules et lui assénait un coup de genou dans les parties. Il s’effrondra sous la douleur et sans hésiter, Alma le saisit par le pied pour le traîner dans le couloir.

On aurait sûrement dû l’arrêter, lui dire que ce n’était pas raisonnable, qu’il avait eu son compte, mais il s’en était pris à sa perle rare, à celle qui avait hanté ses années de rédemption. Jamais, jamais elle ne resterait calme avec ce genre de gars qui osait se faire roi, qui pensait prendre ce qui était au sacré aux yeux de toute femme, de toute déesse. Elle le saisit par les épaules et le balança par-dessus bord pour qu’il atterrisse pile sur la table qui servait d’air de jeu aux drogués d’en bas. « Maintenant foutez le camp avant que j’appelle les flics ! » Elle n’attendit aucune action de leur part et repartit paniquée en direction de Maxyn.

Mon coeur s’accélère, mais pas pour les bonnes raison. Je n’ai aucune envie de donner ma virginité à un petit con bourré qui n’en fait qu’à sa tête. Je le repousse comme je peux mais il a plus de force que moi, je me débats, continue de lui dire d’arrêter ses conneries. Mon sang boue dans mes veines et j’ai bien peur de passer à la casserole. Pas maintenant, pas comme ça putain. J’ai pas attendu aussi longtemps pour laisser un sale connard s’emparer de ce qui m’appartient. « LACHE MOI PUTAIN ! » Voilà qu’il s’énerve et commencer à arracher mon sous-vêtement. Sa main se faufile jusqu’à mon intimité et mon corps entier se contracte en espérant pouvoir lui bloquer l’accès. Heureusement, je sens d’un seul coup comme une bouffée d’air frais, et Mike qui dégage de mon angle de vue, et mon corps qui respire à nouveau. Pourtant, je ne suis qu’à moitié spectatrice de ce qui se passe, encore beaucoup trop perturbée par ce qui s’est passé, et pire encore, par ce qui aurait pu se passer. Je mets quelques secondes avant de comprendre qui est en train de se battre avec mon agresseur. Alma. Comment est-elle arrivée là, je l’ignore complètement.

Je sursaute en entendant Mike hurler au moment où Alma lui fout un beau coup de pied dans les burnes. Bien fait pour sa gueule, enculé. Elle sait se battre, j’aurai pas pensé. Et moi dans mon coin, sur mon canapé, je me fous en boule en attendant que ça passe, qu’elle ait fini de lui faire avaler ses dents. Et puis un bruit sourd me fait sursauter à nouveau, je sais pas ce qu’elle en a foutu, mais j’espère juste qu’il y a aucun mort, je suis pas prête à la laisser aller en prison. Je l’entends gueuler et menacer d’appeler les flics, et je resserre la prise de mes bras autour de mes jambes ramenées contre ma poitrine. Je me berce en espérant que tout ça ne soit qu’un mauvais souvenir, et enfin, enfin Alma arrive auprès de moi, m’entourant de ses bras protecteurs. J’éclate littéralement en sanglots, lâchant toute la pression accumulée. Je pleure tout contre elle pendant des minutes entières, jusqu’à finir par me calmer, à peu près. « Comment t’as fait pour savoir ? »

Elle aurait dû appeler les flics, elle le savait mais elle répugnait à l’idée de se faire accuser à tort, elle préférait prendre tout ceci pour une affaire personnelle, ce qui l’était en quelque sorte. Elle l’aurait envoyé avec joie à l’hôpital, mais elle aurait pu dire adieu à sa carrière de professeure et de membre humanitaire pour le restant des ses jours, tout comme dire à adieu à l’amour familial et affronter le regard déçu de son petit-ami. Une fois arrivée au niveau de la blonde, elle la protégea de son étreinte et fut toutefois surprise de l’entendre fondre en larmes.

Naturellement, sa main vint caresser sa douce crinière dans un geste d’apaisement quelque peu tremblant, elle n’avait jamais eu besoin de faire ça de sa vie et surtout voir Maxyn dans cet état la mettait profondément mal. « Ton frère m’a appelé, il a bien fait. » répondit-elle en se détachant un peu pour venir essuyer ses larmes de la manche de son pull pour ensuite la regarder avec attention, les traits inquiets de la savoir traumatisée par l’évènement. Son sang continuait tout de même de pulser à ses tempes dans un appel à la violence et à la colère, mais elle faisait de son mieux pour les contenir.

« Qui c’était ce type ? Pas ton copain quand même ? » Si c’était le cas, il était bon pour fuir le pays avant qu’elle ne lui mît la main dessus pour lui passer à tabac. Maxyn méritait quelqu’un d’aimant et de compréhensif, pas une boule d’hormones qui voulait libérer la marée à chaque fois qu’ils s’embrassaient. Elle s’en voulait d’autant plus de l’avoir abandonné sans donner de nouvelles et d’avoir fui alors qu’il aurait pu avoir une idylle unique entre elles-deux, mais elle avait toujours craint que cette aventure ne se terminât sur une note des plus angoissantes. « Il n’a pas pu… ? » Les mots se brisèrent dans sa gorge, elle ne voulait pas y passer.  

Comment est-elle arrivée là ? Je n’en ai aucune idée, mais je me sens obligée de poser la question. Elle vient de me sauver d’une situation qui aurait pu clairement dégénérer, et même si c’est déjà franchement traumatisant, je n’imagine même pas ce que ça aurait été si ce connard avait réussi sa mission. « Ton frère m’a appelé, il a bien fait. » Pour une fois, ce petit con n’a pas fait que des conneries, je vais devoir lui en être reconnaissante. Mais pas tout de suite. Pour le moment je me serre contre Alma. Je n’ai pas non plus de la laisser repartir comme elle est arrivée. Au contraire même. Alors je soupire, je respire son parfum, l’odeur de sa peau, et je m’efforce de ne pas penser à son petit ami. « Qui c’était ce type ? Pas ton copain quand même ? » Je grimace un peu avant de secouer la tête. « Non, j’ai pas de copain. » J’ai eu très envie de rajouter un ‘MOI’ derrière, mais je me reprends, elle est là pour moi, elle m’a sauvée, c’est pas le moment de jouer les sales gosses et mettre de l’huile sur le feu.

« Il n’a pas pu… ? » Je relève les yeux pour croiser son regard, frissonnant en entendant sa voix rocailleuse, étouffée par une certaine émotion. J’ai l’impression de la connaître encore si bien. « Non, il n’a pas eu le temps, heureusement… » Alors effectivement, c’est tant mieux, mais je crois que le traumatisme va rester encore un moment, j’en ai peur. Je laisse un long soupir sortir d’entre mes lèvres et je viens enrouler mes bras autour du cou de la brune, enfouissant mon nez dans le cocon formé, chatouillant son cou. « Tu m’as manquée… ». Je ne sais pas pourquoi j’ai ce besoin de lui dire une chose pareille, je crois que je suis un peu sonnée par l’épisode, mais je le pense, sincèrement, et c’est sans doute ce qui est le plus angoissant. Parce qu’elle n’a jamais donné de nouvelles, parce qu’elle a un mec. J’ai beau me dire que si elle a accouru c’est parce qu’il me reste encore une petite place dans son coeur, mais une autre partie de moi me dit que je dois arrêter de croire. C’est ridicule. Mais ses mains sur moi me rendent folle.

Il ne s’agissait pas de son petit-ami, elle n’en avait pas. Une partie d’elle était soulagée de cette nouvelle mais toutefois surprise qu’elle eût pu lui mentir ce soir-là, pourquoi dire ça pour ensuite le nier ? Aurait été-ce un moyen de lui briser un peu plus le cœur ou de se protéger de la triste vérité où elles vivaient désormais. Elle ne stoppa ses caresses dans sa crinière et ressentit le besoin de s’excuser mas elle ne dit rien, préférant être là pour la consoler et ne pas l’entendre hurler.

Les regards se croisèrent et Alma esquissa un bref sourire qui se voulait rassurant alors que sa main se posait avec délicatesse sur sa joue. Peut-être que l’amour n’était plus présente dans son cœur gonflé, mais l’affection et l’envie de la protéger siégeaient toujours à tel point que ça lui faisait peur parfois, cette affection était si présente que parfois son amour pour Victor s’envolait le temps de quelques heures ou disparaissait de ses songes la nuit, de quoi la laisser pantoise au réveil.

Elle la serra contre elle avec force et sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Tu m’as manquée. Elle avait envie de pleurer en repensant à cette méchanceté qu’elles s’étaient échangées, pourquoi ? Pourquoi se faire mal ainsi alors qu’il y avait toujours quelque chose pour les rapprocher et les faire se retrouver ? Alors avec une douceur infinie, Alma vint embrasser sa tempe dans un sourire, une larme unique glissant sur sa joue. « Toi aussi tu m’as manqué, je suis désolée d’être partie sans rien dire… Tellement désolée, j’aurais dû être là pour toi. » Elle n’aurait jamais dû tabasser ce type en rentrant de soirée, elle n’aurait jamais dû se faire chopper par la police. La baie-vitrée avait sonné comme un avertissement et elle l’avait ignoré royalement. « Pardonne-moi Max… »

Le contact de la main d’Alma sur ma joue m’apparait comme une délicieuse claque en plein coeur. Un geste doux que la brune avait l’habitude de m’offrir il y a quelques années, plus pour me provoquer que pour me rassurer. Je ferme les yeux pour apprécier le moment, les sensations qui s’invitent en moi. Si je me sens d’un côté traumatisée par ce qui vient de m’arriver, j’ai l’impression qu’elle est en train de panser mes plaies par sa simple présence. Mais bien vite je sens mon corps happé par Alma, qui me serre contre elle presque à m’en couper le souffle. Fermant les yeux, je me laisse porter par la puissance de cette étreinte. Je dois lui avouer à quel point elle m’a manqué, ces quelques mots ont un goût doux-amer. « Toi aussi tu m’as manqué, je suis désolée d’être partie sans rien dire… Tellement désolée, j’aurais dû être là pour toi. » Un larme coule sur sa joue après qu’elle n’ait embrassé ma tempe dans un geste d’une infinie tendresse. J’ai du mal à cerner ce que je représente à ses yeux, elle semble m’apprécier comme on aime une petite soeur, avoir envie de me protéger, que personne ne me veuille du mal. Mais ce n’est pas ce que j’attends d’elle, ce n’est pas en ces termes qu’elle apparaît dans mes rêves régulièrement. Je reste accrochée à son regard, sans ciller. « Pardonne-moi Max… » Elle est sincère, je peux le lire dans son regard brillant. Mais je ne sais pas si je suis réellement capable de lui pardonner, alors mon regard s’éteint quelque peur, perd de son intensité et de son pétillement, au profit d’un menton baissé, mes yeux flirtant avec le tissus de son t-shirt qui m’apparaît comme étant le seul échappatoire au magnétisme de son regard envoûtant. « Pourquoi ? » Ma voix est étouffée dans ma gorge, je ne parviens pas à gérer une telle émotion. « Pourquoi tu as jamais donné de nouvelles ? Pourquoi t’as même pas cherché à savoir comment j’allais ? J’ai cru que… » La boule dans ma gorge entrave le passage de mes mots et je dois me faire violence. « J’ai perdu toute confiance en moi quand tu es partie, j’en avais déjà pas beaucoup, mais j’ai pas compris, j’ai juste… j’ai eu l’impression d’être lâchement abandonnée. C’est ce que tu as fait. Tu m’as abandonnée Alma… Et ça m’a fait atrocement mal. » Pour la première fois je mets des mots sur ce que j’ai ressenti à ce moment là, lorsqu’elle m’a laissée avec pour seul souvenir ce baiser.

Pourquoi ? Alma la fixa sans pour autant répondre à sa question parce qu’elle ferait toujours taire la vérité, parce qu’elle n’avouerait jamais que Merida lui avait interdit de la prévenir le soir où la sentence était tombée. Les paroles de la sœur avaient sonné comme une interdiction qui s’était accrochée à son esprit et le courage lui manquait pour braver cet interdit alors elle s’était enfoncée dans un mutisme de pure lâcheté et puis la honte avait été telle qu’elle avait préféré faire la morte plutôt que de tenter de se faire racheter. Qui voudrait d’elle de toute manière après tout ce qui s’était passé ? Maxyn n’avait pas été la seule à avoir perdu confiance en elle, mais Alma avait tout simplement balayé le passé de son esprit et s’était contentée de devenir cette personne dont elle avait toujours rêvé. Une enseignante.

Oui elle l’avait abandonné et jamais elle ne rejetterait la faute sur Merida, elle aurait pu faire taire la sœur et rejoindre Maxyn sans le moindre mal, mais elle l’avait écouté et avait fait demi-tour en retenant ses larmes, abandonnant cette jolie blonde qui avait continué de faire battre son cœur des mois durant avant de devenir un fantôme regretté. Au Vietnam, elle avait essayé de lui écrire mais l’avertissement avait résonné de nouveau dans un coin de son esprit et Victor avait débarqué dans sa vie. Elle s’en voulait affreusement de l’avoir laissé derrière et souhaitait secrètement se racheter mais elle avait peur alors de ne plus rien contrôler et de foutre sa vie en l’air. « Je sais… » Elle n’avait rien d’autre à dire.

Alma se leva et aida Maxyn à faire de même, la regardant en inspirant profondément.  « Rejoins ta chambre, je vais t’apporter quelque chose à boire et à grignoter d’accord ? » Elle hésita mais ne vint pas embrasser son front, se contentant de lui sourire doucement avant de filer au rez-de-chaussée, non sans avoir ordonné au petit-frère d’aller ranger ce qu’il fit sous le chantage. Une fois dans la cuisine, Alma fit de son mieux pour s’y retrouver et prépara la boisson préférée de Maxyn, cette même boisson que la blonde se préparait quand Alma la rejoignait pour l’embêter quand les gamins dormaient. Le souvenir fut douloureux mais elle embarqua le tout sur un plateau et s’empressa de gagner la chambre de Maxyn.

Je me livre à elle, sans retenue. Je ne sais pas bien pourquoi je ressens ce besoin, peut-être simplement que ce qui vient de m’arriver m’a traumatisée plus que ça en a l’air. Toujours est-il que je pense que c’est le moment de lui dire ce que j’ai sur le coeur, la rancoeur, la peine, bien sûr que je lui en veux, elle vient peut-être de me sauver de quelque chose qui aurait pu être vraiment grave, mais ça ne change rien au fait que je lui en veux vraiment. Partir comme ça et jamais se retourner, j’ai eu l’impression d’être juste une merde à ses yeux, un jouet avec lequel elle s’est bien amusée pendant quelques temps avant de me lâcher comme une vielle chaussette . « Je sais… » qu’elle se contente de dire. Non. Elle ne sait rien. Elle n’est pas à l’intérieur de mon coeur qu’elle a meurtri de son absence, de son silence. Elle ne sait rien. Elle ne sait pas combien elle m’a blessée, et à quel point son attitude a eu des répercussions sur mon moral, et jusqu’à même ma personnalité. Il n’y a que Merida qui soit au courant de tout ce que j’ai enduré à cause d’Alma, à cause de ces foutus sentiments que j’avais pour elle sans même avoir réussi un seul jour à mettre le doigt dessus, jusqu’à son départ précipité.

Je me sens tiraillée entre une vague de colère de retrouver tous ces sentiments contradictoire, et un envie de me blottir contre elle jusqu’à la fin de mes jours. Je déteste cette sensation, les choses auraient sans doute été plus faciles si Alma n’avait pas disparu de la surface de la Terre pendant si longtemps. Je me sens comme anesthésiée par tout ce flot de pensées et de sentiments, et me laisse guider par la brune lorsqu’elle m’aide à me relever. « Rejoins ta chambre, je vais t’apporter quelque chose à boire et à grignoter d’accord ? » Je laisse échapper un soupir et hoche à peine la tête, avant de me diriger comme demandé vers ma chambre. Il n’y a plus personne à la maison à part mon frère, j’espère qu’il va fermer sa gueule celui là. Je retire ma robe et enfile juste un long t-shirt à l’effigie des guns n’roses. Assise en tailleur au centre de mon lit, j’attends qu’Alma revienne, pensive. La voilà alors, entrant dans ma chambre avec un plateau, ce qui me fait esquisser un sourire. « T’étais pas obligée tu sais… » Je suis tellement partagée vis à vis d’elle, j’ai envie de lui en vouloir, et même temps j’ai envie simplement de rester près d’elle, encore et encore, et ne plus jamais la lâcher. Mais quelque chose me revient et mon sourire s’efface. « Tu devrais peut-être rentrer. Ton copain doit t’attendre… »

Alma poussa la porte d’un coude et fit face à Maxyn vêtue de ce simple t-shirt trop grand, elle crut bien sentir son cœur défaillir sous pareille vue mais se retint de justesse de céder à la tentation. Comment pouvait-on être aussi séduisante et mignonne en un seul instant ? Elle était heureuse que cette soirée ne se fusse par terminer autrement, elle ne se le serait jamais pardonné, jamais. « M’occuper de toi et de ta famille, j’ai fait ça pendant des années. » répondit-elle en haussant les épaules. Le plateau fut posé et elle la rejoignit et s’assit sur le bord du lit, elle ne voulait pas s’introduire dans l’espace intime de la jeune femme même si elle crevait d’envie de la prendre dans ses bras pour la protéger. Le sourire mourut sur les lèvres de la blonde ce qui eut don de faire froncer les sourcils de l’ancienne nounou.

Victor. Elle détourna le regard non pas de honte mais seulement de culpabilité, coupable d’avoir été faible ce soir-là et de ne pas avoir briser les interdictions comme elle l’avait toujours fait durant ses jeunes années. « Il est de garde à l’hôpital, j’étais en train de m’endormir sur mes copies de maths quand ton frère m’a appelé. » Ses doigts vinrent attraper de quoi grignoter. « Tu sais qu’il a encore essayé de me draguer par message ? Irrécupérable ce gosse. » Elle essayait de la faire sourire, de lui changer les idées, de se racheter mais elle n’était en rien douée pour ça.

Finalement, Alma se laissa tomber en arrière les bras étendus, frôlant presque le dos de Maxyn par inadvertance. Une question lui brûlait les lèvres mais l’hésitation était présente mais c’était plus fort qu’elle, les non-dits allaient les tuer toutes les deux et nuire aux possibles efforts de réconciliation. Pourtant, son esprit prit le parti de la prudence, ce n'était pas le moment de parler de ça, pas tout de suite, encore un peu de calme avant la tempête, elle ne demandait que ça.

« M’occuper de toi et de ta famille, j’ai fait ça pendant des années. » Elle n’a pas tort, mais je n’ai jamais vraiment voulu qu’elle s’occupe de moi, déjà à l’époque je me sentais trop vieille et je ne la laissais pas me donner des ordres. Des prémices de ma rebellion actuelle, peut-être. Elle était là pour mon petit frère et ma petite soeur, même Merida n’était pas trop apte à se laisser commander par la brune. Je choisis de ne rien répondre à ça, après tout, son geste est plutôt gentil, et je la laisse faire plutôt que de l’envoyer balader, même si une partie de moi en a très envie. Je crois surtout que la plus grosse partie de moi a envie quelle reste. Mais bien vite je me sens l’envie de la confronter à son quotidien, celui dans lequel je ne faisais plus partie jusqu’à il y a quelques jours, quelques heures même. « Il est de garde à l’hôpital, j’étais en train de m’endormir sur mes copies de maths quand ton frère m’a appelé. » Un médecin, il est parfait c’t’homme là en plus de tout ça. Ça me donne envie de vomir… Je reste là assise sans  bouger, j’ai même pas faim de toute manière, j’avais déjà pas d’appétit mais alors là c’est encore pire… « Tu sais qu’il a encore essayé de me draguer par message ? Irrécupérable ce gosse. » Si c’est un essai pour me changer les idées ou me faire sourire, j’ai bien peur que ce soir raté. « Il a été à bonne école… c’est un peu toi qui l’a élevé… » J’en viens à être méchante, c’est pas bien, je devrais pas, elle est venue me sauver la mise et moi je lui en fous plein la gueule, c’est pas cool mais c’est plus fort que moi.

Alma se laisse tomber en arrière sur le matelas et je ne bouge toujours pas, les yeux rivés sur mes doigts que je triture pour essayer d’évacuer. Evacuer quoi j’en sais rien, mais j’ai besoin de souffler, de ne plus être si près d’elle, ou je risque de devenir folle. « Pourquoi tu m’as embrassée ce soir là ? » Je soupire rapidement et secoue la tête. « Non réponds pas, j’ai même pas envie de savoir. Je vais aller prendre une douche, t’es pas obligée de rester. » Je ne lui demande pas de partir, au fond je préfèrerai qu’elle reste, mais je préfère lui laisser le choix. Je me lève et me dirige vers la salle de bain attenante à ma chambre. Je retire mon t-shirt, dévoilant à la brune mon dos nu et mon tanga, avant de me fondre dans ma salle de bain puis ma douche, la porte restée simplement entre-ouverte.

La lionne autrefois innocente sortait désormais les griffes pour assassiner l’enfant Espoir d’un simple geste énervé. Il était douloureux de se faire ainsi rappeler à l’ordre, Alma dressa un regard dans sa direction, elle en était venue à oublier leur cruel échange de messages, de sentiments trop longtemps gardés pour rester aussi blanc que neige. La rancœur les avait ainsi recouverts de son lourd manteau noir. Elle se perdit sur le reflet doré de ses cheveux et ferma le poing pour ne pas venir les caresser, s’emmêler les doigts dedans dans une demande d’attention. Mais la question fut fourbe et la latina resta alors clouée au lit comme une condamnée à mort. N’avait-elle pas été claire dans ses messages, n’avait-elle pas avoué ses sentiments de l’époque à son égard ? Maxyn feignait-elle l’ignorance pour provoquer une réaction, pour secouer la rebelle avec qui elle était tombée amoureuse ? Voilà qu’elle fuyait dans la salle de bain, se dénudant à ses yeux ahuris. Elle aurait dû fermer les yeux mais impossible de ne pas dévorer les courbes légères de sa silhouette, caresser la douceur de sa peau et imaginer la senteur de son épiderme. Là, là se trouvait son rêve et ses fantasmes qui avaient maintenu Alma éveillée presque chaque nuit et empoisonnée chaque matin quand elle apercevait la blonde dans les couloirs. Les envies de la faire sienne dans ce même lit où elle était allongée, à l’entendre murmurer sauvagement son om au creux de son oreille. Disparue, Alma se redressa et se prit la tête dans les mains. « Bordel, qu’est-ce que tu fous Alma ? » Ses pouces appuyèrent légèrement sur ses paupières. Elle pouvait fuir ou dire adieu à ses bonnes intentions, à cette stabilité difficilement acquise. Elle se leva et hésita, se mordit la lèvre inférieure. Les pensées se bousculaient dans son crâne, l’ange et le démon prenaient place sur ses épaules et jouaient d’arguments pour la faire céder. Elle devait absolument en arrêter là avant que la situation ne lui échappe, mais le démon était particulièrement rusé et la voilà qui rentrait dans la salle de bain, ouvrit la paroi de la douche. « Parce que je t’aimais, parce que je rêvais de toi toutes les nuits au point d’en devenir folle. Et merde ! Je voulais te voir une dernière fois avant de m’enfuir mais Merida m’a interdit de le faire. » La vérité éclata au grand jour alors qu’elle s’était jurée de l’emporter dans sa tombe malgré la haine envers cette sœur, mais elle avait cédé sous la colère et le désespoir. Et là, son corps se figea,  se rendit compte de l’endroit où elle se trouvait et de la tenue d’Eve de la délicieuse blonde. « Je… Je désolée, j’ai rien à foutre là. »  

Je ne suis pas idiote, je sais exactement pourquoi je pose cette question alors qu’on en a déjà parlé par sms. Mais par sms c’est pas pareil, parce que dire ce qu’on pense, ce qu’on ressent en face de quelqu’un c’est tout autre chose. Je le sais bien, et l’espace d’un instant j’ai cru que je serai capable d’encaisser la réponse d’Alma sans flancher. Quelle conne. Alors avant qu’elle l’ait eu le temps de me répondre je l’en empêche et me casse carrément pour aller prendre une douche. J’ai besoin d’air. Etre avec elle me flingue carrément le cerveau. Je ne fais pas attention, j’agis comme si elle n’était pas l, je me désape et ne prends même pas la peine de fermer la porte de la salle de bain, je sais qu’elle ne la franchira pas, du moins c’est ce que je crois.

J’allume l’eau, retire mon sous-vêtement et me glisse sous la douche brûlante dans un soupir. Les yeux clos, je n’entends pas la jeune femme entrer, et c’est lorsque j’entends sa voix que je me retourne « Parce que je t’aimais… » « Alma mais qu’est-ce que… » Rapidement je plaque mon bras sur ma poitrine pour la cacher et l’autre sur mon intimité. J’y crois pas elle l’a fait. « …parce que je rêvais de toi toutes les nuits au point d’en devenir folle. Et merde ! Je voulais te voir une dernière fois avant de m’enfuir mais Merida m’a interdit de le faire. » Mon regard ancré dans le sien, je parviens à entendre ce qu’elle me dit malgré l’eau de la douche qui fouette ma peau et plaque mes cheveux sur la moitié de mon visage. « Quoi ? » J’ai entendu, je suis juste en train d’halluciner. Ma propre soeur a empêché Alma de venir me voir une dernière fois et me dire qu’elle partait ? Je me sens bouillir. « Je… Je désolée, j’ai rien à foutre là. » « Nan t’as rien à foutre là. » Je la fusille du regard, je me sens mal, je sais pas ce qu’il se passe en moi mais je sens pourtant qu’il n’y a rien de bon là dedans. Ça tourne dans ma tête, j’entends ses paroles, sens à nouveau le goût de son baiser, entends la porte de la salle de bain se refermer et je couple l’eau, j’ai chaud. Mais ça ne va pas mieux, je suffoque, je perds pieds, et soudain c’est le trou noir. Je dégringole, mes jambes se dérobent sous mon poids dans un bruit de fracas et je perds connaissance. Trop d’alcool, trop d’émotions, je ne suis pas assez forte pour supporter tout ça.

La porte se referma derrière elle et Alma en profita pour reprendre son souffle, se passant une main sur le visage. Il fallait qu’elle rentre, c’était déjà trop pour une nuit. Ses pas étaient prêts à la guider dans le couloir quand un bruit de chute la fit sursauter. Elle se retourna brusquement vers la porte qu’elle venait tout juste de fermer et pesta contre son côté imprudent, Maxyn ne devait pas rester seule dans son état ! « Mierda ! Maxyn ! » Sans réfléchir, elle repartit sauver cette princesse qu’elle n’avait pu oublier et oublia cette question de pudeur. D’une main, elle se saisit d’une serviette pour l’enrouler dedans et la porta sans le moindre mal. « Max ne me fais pas ça bordel… Pitié. »

Alma quitta la salle de bain pour rejoindre la chambre où elle la déposa sur le lit. Assez intelligente pour ce souvenir des gestes de premiers secours, il lui suffit d’une poignée de secondes pour effectuer les actions nécessaires à la survie de la blonde, pas qu’elle fût en pleine crise cardiaque mais un malaise pouvait littéralement mal tourner. Ses doigts ne quittaient plus son pouls alors qu’elle s’était agenouillée devant le lit. « Mierda… » L’idée d’appeler Victor lui traversa l’esprit, c’était la première chose à faire si elle suivait la procédure mais c’était complètement con. « Me force pas à appeler les secours Max sérieux, allez… » Elle glissa sa main dans la sienne et la serra dans un espoir désespéré de la sentir réagir à son contact.

Je l’ai pas vu venir. Trop d’émotions dans la soirée et je me suis sentie submergée par tout un tas de facteurs étranges et d’un seul coup, tout s’est assombri. Comme si mon corps cherchait à faire taire mon cerveau en ébullition. Je m’effondre dans la douche et ne me rends compte de rien, absolument rien. Les minutes s’égrainent et mon corps est transporté sur le lit sans que je n’en prenne conscience. Alma s’occupe de moi mais je n’entends même pas sa voix qui m’est adressée et il me faut quelques minutes pour reprendre vie. Mes yeux s’ouvrent doucement et je reprends conscience. J’ai froid. Je me mets à trembler et passe ma main sur mon visage avant de me rendre compte que je suis totalement nue, et Alma est là, la peur panique figée sur son visage. « Qu’est-ce qui s’est passé… » Je me sens courbaturée comme si j’avais couru un marathon, et je frissonne encore, me redressant doucement en rabattant mes jambes contre moi pour me cacher un peu parce que c’est gênant. Alma a pu voir mon corps nu pendant des minutes entières, même si j’imagine qu’elle n’avait pas la tête à me reluquer. Enfin mes piercings sur les tétons sont quand même bien voyants. Et oui, je suis plus la gamine insipide de qui elle dit être tombée amoureuse il y a six ans.

Alma rabat la couette sur moi pour le couvrir et je m’y emmitoufle volontiers, pendant que je reprends doucement mes esprits. Je me sens exténuée. « Je suis désolée je voulais pas te faire peur… » J’ose même pas la regarder, je sais que je l’ai inquiétée, mais en même temps vu la révélation qu’elle m’a faite… « Tu veux bien rester un peu ? » En l’espace de quelques secondes, je suis redevenue cette gamine paumée qui avait besoin d’amour et d’attention. Cette gamine complètement folle de la brune à mes côtés, qui ne cherchait que son regard, son attention.