dreamer (alyn)

Les choses ont bien changé. Envolée la gamine innocente qui passait son temps à réviser plutôt qu’à profiter de la vie. J’ai troqué mon auréole de petit ange contre une queue de démon. Enfin, un gentil démon ! Bon ok ce n’est pas ce qu’en dit ma mère mais c’est ce que j’en pense. J’ai lâché mes études pour devenir véto, ça me plaisait plus, et j’ai plus envie de passer des heures assise sur une chaise en bois à écouter des profs me rabâcher sans cesse la même chose, et des trucs hyper inintéressants en plus. En attendant de trouver ma voie, je fais deux petits boulots, histoire d’avoir un peu d’indépendance et arrêter de demander du fric à beau papa tous les quatre matins. Je sais qu’il me le donne, malgré les remontrances de ma mère parce qu’elle voudrait que je reprenne les études, mais que voulez vous, mon beau père m’aime, et j’en profite un peu. La vie est tellement plus belle depuis que mon père est en prison. Je ne garde de mon enfance avec lui qu’une trace de brûlure sur la main, mais les souvenirs de sa violence verbale dans ma tête. Maman a plus de marques que Merida et moi, c’est triste, mais ça fait notre histoire.

Il est tôt ce matin quand je cours dans les rues avec mes amis. Pas de trop bonne fréquentations, mais au moins je me sens vivante. Je suis morte de rire, je n’ai bu qu’une bière mais ça me suffit à être quasiment bourrée. Il m’en faut peu, je n’ai jamais tenu à l’alcool. Justin me fout deux oeufs dans les mains et me lance le défi de les jeter sur une maison, au hasard, qu’il pointe du bout de son doigt. Je relève le défi. De la clôture, impossible d’atteindre la maison, je n’ai pas assez de force. J’escalade le muret, et toujours morte de rire, je balance les oeufs contre la baie vitrée. Mais ce que je n’aurai pas pu imaginer, c’est qu’un mec sorte de la maison avec un flingue pointé sur moi. « Ah on fait moins les malins là hein ! » Je lève les mains, un peu beaucoup paniquée. « C’était une blague… » Il s’approche et choppe mon poignet avec fermeté. Wow, il va faire quoi ce vieux là ? Je jette un regard en arrière et bien sûr, mes potes on déguerpi. On adore. « Pourquoi tu lançais ces oeufs sur ma maison ? » Je le regarde et la première excuse qui me vient c’est « Je… c’était pour me venger, mon ex habite ici… » Bien joué, le coup de pas de pronom dans la phrase. Avec un peu de chance, il a un gamin de mon âge fille ou mec peu importe. Il baragouine un truc en espagnol que je ne parviens pas à identifier, vers la porte de la maison restée ouverte, et en sort quelques minutes plus tard une magnifique brune ensommeillée. J’ouvre grand les yeux, choquée de la reconnaître. L’homme me tenant toujours le poignet s’adresse à elle en espagnol et Alma repose les yeux sur moi. « Maxyn, c’est toi ? » Je cligne les yeux, l’impression de voir un mirage. Cinq longues années que j’ai essayé de mentir à mes parents sur ce qui était arrivé à la baie vitrée. Cinq longues années qu’elle a disparu en ne laissant que la trace de ce baiser sur mes lèvres. Cinq longues années que je n’ai plus revu ce si joli visage…

Alma pensait qu’il devait s’agir d’une bonne blague et que la fille allait démentir son propos, mais il n’y eut qu’un profond silence qui la conforta dans son observation. Elle ne s’était clairement pas trompée de personne et elle pouvait sentir le regard perçant de son père contre sa nuque. Une femme Alma, attention. Si elle n’avait pas changé durant ces cinq années, elle lui aurait sûrement envoyé une droite en pleine mâchoire, mais aujourd’hui elle respectait sa famille et se pliait à ses règles malgré tout. D’un pas énergique qui fit fouetter le tissu de sa robe de chambre contre ses mollets, elle arriva au niveau de la blonde et la saisit par le poignet non sans un regard assassin en direction de son père. Une fois à l’abri des regards, Alma la libéra et croisa les bras pour la regarder.

Depuis ce baiser volé et cette soirée où pour la première fois de sa vie la latina avait assumé ses responsabilités, elle n’avait jamais plus revu Maxyn et pensait qu’il s’agirait pour toujours du bon vieux fantôme de ses amours de jeunesse. Mais voilà qu’elle se tenait devant elle et il y avait bien quelque chose qui avait changé sur ses traits. Ce n’était plus la parfaite lycéenne qui révisait pour ses examens, elle avait grandi et possédait désormais une expression qui lui semblait familière. « Qu’est-ce que tu fais là Maxyn ? Et pourquoi est-ce que tu balances des œufs sur la maison de mes parents ? » Sa voix était tout à fait neutre et elle ne laissa rien transparaître. Elle se pencha seulement en arrière pour voir où se trouvaient ses parents, ils n’avaient pas bougé d’un pouce. « Ecoute je veux bien me faire passer pour une de tes ex pour te couvrir, mais je vais pas me contenter de cette excuse pour ma part. »

Je reste complètement bouche bée de voir apparaître devant moi le visage de la brune qui a longtemps hanté mes pensées. Mon coeur a eu du mal à s’en remettre, je ne suis même pas sûre qu’il en soit totalement remis quand on voit la manière dont il bat à vive allure dans ma cage thoracique. Pourquoi de toutes les maisons il fallait que je tombe sur celle d’Alma, ou plutôt de ses parents. Elle s’approche et je reste immobile, mon regard ancré au sien. Elle attrape mon poignet et je la suis, laissant un regard en arrière vers son père qui semble ne pas mieux comprendre que moi ce qui est en train d’arriver. Une fois un peu plus loin, elle arrête sa course et me fait face, son regard inquisiteur qui me sonde et me ferait presque flipper. « Qu’est-ce que tu fais là Maxyn ? Et pourquoi est-ce que tu balances des œufs sur la maison de mes parents ? » J’ouvre un peu la bouche, secoue la tête mais aucun mot ne sort. « Ecoute je veux bien me faire passer pour une de tes ex pour te couvrir, mais je vais pas me contenter de cette excuse pour ma part. » Je ne peux réfréner mon envie de sourire, juste un peu, en souvenir de toutes ces fois où j’ai essayé de la couvrir, dans l’espoir que mes parents ne découvrent pas toutes ses conneries, qu’ils ne la virent pas, qu’elle reste près de moi…. « C’est un fâcheux concours de circonstances, je sors de soirée, j’ai… » Je grimace un peu comme une enfant avant de poursuivre « …un peu bu, et on faisait les cons, ils m’ont donné comme défi de balancer des oeufs sur une maison au hasard, c’est tombé sur la tienne, c’était pas voulu… » Je me pince les lèvres sans la lâcher des yeux, puis dévie en me penchant un peu pour voir ses parents plus loin. « Ton père m’a menacée avec un flingue quand même ! » Je secoue la tête rapidement et soupire. « Et toi, t’étais passée où tout ce temps hein ? » Et oui, la petite Maxyn n’est plus, elle fait place à une jeune femme plus espiègle, avec plus de caractère et une gueule un peu plus grande. Tête brûlée, un peu, il en faut. En attendant, elle doit bien voir la différence. Quant à elle, elle n’a pas l’air d’avoir changé. Physiquement en tout cas, elle est toujours aussi magnifique.

Elle ne savait pas sur quel pied danser Alma parce qu’elle avait trop changé, parce qu’elle pensait que le passé resterait sagement dans son placard, mais voilà que la blonde se tenait devant elle comme le miroir qui reflétait sa jeunesse regrettée. Elle plongea ses mains dans les poches de sa robe de chambre pour ne pas se triturer les doigts et ne la quitta pas du regard, elle n’était pas non plus faible, elle restait cette femme forte et ambitieuse d’antan, Victor avait seulement fait quelques changements ici et là, rien de grave.

Elle avait accepté de prendre ses responsabilités pour ouvrir un chemin parfait à Maxyn et ainsi lui éviter les ennuis, mais il semblerait qu’elle eût échouée dans sa tâche. Elle n’était pas sa mère, elle ne ferait aucune remarque, mais l’idée qu’elle balançât des œufs sur des maisons sans en mesurer les conséquences. Avaient-elles inversé leurs rôles ? « Imagine c’était pas mon père et que c’était aussi un gars avec une arme à feu ? » Elle comprenait son père, en tant qu’immigrant et policier, il avait toujours été menacé et insulté par ses collègues, depuis il avait appris à être sur ses gardes. Elle soupira et se gratta la tempe avant de venir la prendre dans ses bras.

Elle préférait l’avoir là, mais ne pas regarder son visage. Et pour cause, elle était tellement devenue envoûtante par sa beauté et son sourire qu’Alma comprenait le pourquoi de ce baisé volé quelques années plus tôt. « J’ai eu des travaux d’intérêts généraux puis j’ai fini mes études avant de partir deux ans au Cambodge pour aider les gamins là-bas. » elle s’écarta, ses mains sur ses épaules. « Et toi ? A part devenir une rebelle ? »

Le regard de la brune sur moi me donnerait presque des frissons. A l’instant même où je l’ai vue, j’ai eu ce souvenir instinctif de ses lèvres contre les miennes, il y a cinq ans. J’ai l’impression de pouvoir ressentir à nouveau cette sensation chaque fois que j’y pense. « Imagine c’était pas mon père et que c’était aussi un gars avec une arme à feu ? » Donc ça la choque pas que son père ait pointé une arme sur moi. Super. Je hausse les épaules de manière légèrement je-m’en-foutiste, comme j’ai pris l’habitude de le faire depuis quelques temps déjà. Mais sans aucune autre réponse de sa part, Alma s’avance pour venir me prendre dans ses bras. J’hésite un instant, peut être quelques fractions de seconde, avant d’entourer mes bras autour d’elle, fermant les yeux pour respirer son odeur, elle n’a pas vraiment changé, bien qu’il y ait des notes masculines qui me nouent légèrement l’estomac sans que je n’en comprenne le sens. « J’ai eu des travaux d’intérêts généraux puis j’ai fini mes études avant de partir deux ans au Cambodge pour aider les gamins là-bas. » La voilà qui s’écarte et je peux à nouveau la regarder, plonger dans le sien mon regard surpris. « Au Cambodge ? » Aider des gamins ? Je crois que les rôles se sont inversés, elle qui était rebelle il y a quelques années, c’est moi qui ait pris sa place visiblement, alors qu’elle, elle a muri, changé, grandi, s’est assagie. « Et toi ? A part devenir une rebelle ? » Je laisse échapper un léger rire amusé et me pince les lèvres. « Rebelle, je sais pas si c’est le mot, c’est juste que… » Je hausse les épaules de manière légèrement nonchalante. « Ouais, j’ai arrêté mes études, je vis au jour le jour maintenant. T’es déçue ? » C’est plus fort que moi, j’ai toujours eu ce besoin, cette envie qu’elle me voit, qu’elle m’accorde de l’importance. Je crois qu’au fond, si je suis devenue comme ça, c’était peut-être dans l’espoir de la retrouver, d’être comme elle, pour qu’elle m’aime. J’en sais rien, mais faut croire qu’on est toujours pas sur la même longueur d’onde, et me rendre compte de ça me fout un coup au moral. « Et… j’suis pas vraiment désolée pour les oeufs. Au moins ça m’a permis de te revoir. » Un léger sourire étire le coin de mes lèvres, toujours sans lâcher des yeux la jolie brune, parce qu’elle est envoûtante, ça n’a pas changé.

Cette étreinte avait ramené de nombreux souvenirs dans sa mémoire, notamment les fois où elle avait hésité pour renoncer à conquérir la belle de ses employeurs. Elle n’avait jamais su mettre un doigt sur le pourquoi de cette attirance, elle avait encore une fois tenté. Jamais elle n’avait nié la beauté innocente de la jeune femme et était sûre qu’elle en était tombée sous le charme, comme le fait de croquer ce fruit interdit lui inspirait une notion de défi grisante. Hélas, elle avait failli à sa mission et avait pris la fuite plutôt que de se réfugier sous ses draps. Malheureusement à cette époque, Alma avait été trop aveuglée par sa personne et son objectif de peste pour se rendre compte que cette attirance était réciproque. Le parfum de Maxyn agitait ses sens désormais, ayant radicalement effacé celui de Victor, mais ce n’était que temporaire elle le savait.

En tout cas la blonde semblait surprise des choix de vie de la Latina, ce qu’elle pouvait comprendre. Elle ne l’avait pas vu depuis cinq ans et avait dû garder le parfait fantôme de la fille rebelle qui bâclait ses études. « Oui je suis prof de maths et je vais bosser pour les gamins dans le besoin parfois. » Elle avait un sourire fier Alma mais il se transforma en haussement de sourcils suite à la confidence de Maxyn ; C’était un changement radical de comportement qu’elle lui annonçait là, de quoi lui foutre la chair de poule. Ses mains se retirèrent de ses épaules pour mieux l’observer. Pourquoi un ange aussi parfait avait-il décidé de brûler ses ailes pour sombrer chez les petits diablotins de la grande ville ? Elle ne pouvait s’empêcher d’être inquiète Alma, Maxyn restait dans un coin de son esprit sa petite protégée regrettée qu’elle avait dû malencontreusement abandonner. Lui en voulait-elle ?

« Je vais devoir les nettoyer, tu te venges des fois où t’as dû me couvrir ? » ricana-t-elle avant de tourner la tête vers la maison pour voir les dégâts. Ses parents étaient finalement rentrés et Victor devait à nouveau dormir à poings fermés. « Je suis aussi contente de te revoir Maxyn. On a beaucoup de choses à rattraper, tu ne crois pas ? » Elle remarqua la tête de sa mère à la fenêtre. Alma voulait la voir en journée dans un café loin de la maison familiale histoire de savoir tout ce qui avait pu se passer en cinq ans. « Mais pour l’instant, nous sommes des exs, tu me détestes et je dois sûrement te hurler dessus non ? » Elle rit de nouveau, mais le fit taire en se mordant le bout du pouce, un nouvel éclat de complicité naquit dans le creux de ses pupilles. « Tu joues le jeu ? »

Je suis incapable de regretter mon geste, quand on sait que c’est grâce à ça que je viens de retrouver sa trace… Et d’ailleurs, je ne me cache pas pour le lui avouer, je suis sincère sur ce point. « Je vais devoir les nettoyer, tu te venges des fois où t’as dû me couvrir ? » Un nouveau sourire étire mes lèvres et je hausse les épaules de manière légèrement nonchalante. « P’t’être bien ouais… » Jamais je n’ai cessé de penser à elle. J’en ai souvent parlé à Merida qui me rabâchait que je devais oublier cette mauvaise fréquentation. Les choses ont visiblement beaucoup changé. J’aimais l’ancienne Alma, celle qui marchait d’une démarche nonchalante, un sourire charmeur au coin des lèvres. Mais j’aime au moins autant la nouvelle Alma, visiblement plus calme, mais pas moins ensorcelante.

« Je suis aussi contente de te revoir Maxyn. On a beaucoup de choses à rattraper, tu ne crois pas ? » Je hoche la tête, à peine, sans pour autant répondre par des mots, je crois que mon regard pétillant se suffit à lui même. La jolie brune me propose de nous retrouver dans un café, non loin de là. Impossible de rattraper le temps perdu, mais au moins discuter, savoir ce qu’on a loupé l’une de l’autre. J’accepte avec joie, joie que je ne peux dissimuler sous ce regard sans doute plus niais qu’il ne devrait. « Mais pour l’instant, nous sommes des exs, tu me détestes et je dois sûrement te hurler dessus non ? » Je me pince les lèvres, joueuse, amusée, grisée par l’impatience de ce nouveau départ avec elle. « Je crois bien oui… » « Tu joues le jeu ? » L’éclair de complicité qui vient de traverser le regard d’Alma me remplit de joie et d’excitation. « Evidemment. » Quelle question. Je me concentre un peu, repense à mes lointains cours de théâtre, et m’efforce de ranger au placard ce sourire qui n’arrive pas à disparaître depuis que j’ai posé mes yeux sur elle. Elle se met également dans le personnage et je fronce les sourcils, me donnant un air plus grave. « De toute manière, tu l’as bien mérité, avec tout ce que tu m’as fait ! Et encore, deux oeufs c’était gentil, j’aurai pu faire pire ! » Ma voix est montée d’un cran, et j’attends avec impatience de l’entendre me répondre pour continuer cette fausse dispute d’ancien couple que nous ne sommes même pas.

Jouer le jeu, un bien grand défi pour une jeune femme qui n’avait jamais fait de théâtre de sa vie, mais elle avait assisté à suffisamment de disputes pour comprendre comment se comporter et quels mots prononcer pour affecter l’autre, il était bien entendu prévu qu’elle se contentât de quelques brèves phrases pour donner un semblant de véracité à cette ancienne fausse relation aux oreilles de ses parents. Ces derniers devaient toujours les observer de leur fenêtre. Alma se prépara alors et dut se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire, elle devait rentrer rapidement dans le jeu pour ne pas faire capoter la couverture de la blonde.

Les premiers cris fusèrent et Alma prit un air renfrogné, montrant presque les dents alors qu’elle se rappela qu’elle ne pouvait pas jurer en espagnol. « Ce que je t’ai fait ?! C’est toi qui ne faisait plus attention à moi ! » répondit-elle aussitôt, cherchant d’autres raisons dans un coin de son esprit. La tromperie ? C’était souvent ce qui marchait le mieux dans une rupture, mais pouvait-elle porter la pancarte de l’infidélité devant ses parents si croyants et aimants ? Elle préférait éviter.« J’ai essayé de te réveiller et tu n’as rien fait ! » Certains voisins pointaient le bout de leur nez, curieux qu’ils étaient. Alma les gratifia d’un doigt d’honneur sans quitter Maxyn des regards, elle ne pouvait l’empêcher de la trouver alors qu’elle simulait une colère noire. « Et c’est la maison de mes parents ! Ils t’ont rien fait aux dernières nouvelles ! Tu t’attaques directement à ma famille maintenant ? »

Sa voix n’allait pas tarder à se briser si elle continuait sur cette intensité. Elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir mais n’y fit pas attention, ses parents devaient sûrement être quelque peu inquiets à les entendre crier comme ça, voilà tout, rien de grave. Encore quelques phrases de la part de Maxyn et le tour était joué.

Je me prends au jeu, c’est grisant, je dois bien l’avouer. Retrouver le chemin d’Alma par le plus grand des hasard est un réel plaisir, et je crois que même si je voulais cacher la satisfaction de la revoir, j’en serai bien incapable. Alma me demande de simuler une engueulade, et je crois être tout à fait en mesure de lui offrir ça, puisqu’elle semble d’accord pour me couvrir. « Ce que je t’ai fait ?! C’est toi qui ne faisait plus attention à moi ! » J’ouvre grand la bouche, jouant la fille choquée. « Mais tu rigoles ou quoi ? T’as perdu la mémoire ? J’ai tout fait pour te retenir, tout ! » Je me laisse emporter par les sentiments de fausse rancoeur, comme si je jouais un rôle qui ne m’appartenait pas, et c’est d’autant plus agréable. Ma passion pour le théâtre et le cinéma aujourd’hui enfin mis à l’épreuve. « J’ai essayé de te réveiller et tu n’as rien fait ! » Je lâche un faux rire ahuri, comme si j’étais absolument choquée de ce qu’elle me racontait. « C’est l’hôpital qui se fout de la charité putain ! » Voilà que les voisins commencent à vouloir prendre part à notre dispute, et ça me plait d’autant plus. Même si s’est une fausse engueulade, j’ai l’impression de m’unir à elle, d’une manière tout à fait singulière je vous l’accorde. Mais nous sommes ensemble dans le même bateau, comme avant, comme quand je faisais en sorte de couvrir ses conneries. « Et c’est la maison de mes parents ! Ils t’ont rien fait aux dernières nouvelles ! Tu t’attaques directement à ma famille maintenant ? » Je secoue la tête en grimaçant. « Que je sache, tu portes le même nom, j’ai cru que c’était toi qui vivait là, ça va tu vas pas me la faire à l’envers hein ! C’est toi qui est partie je te rappelle ! Sans plus jamais donner de nouvelles, disparue de la circulation ! T’imagines à quel point je me suis inquiétée ? T’imagines le sang d’encre que j’ai pu me faire Alma ? » Ma voix devient rocailleuse, comme si les émotions prenaient cette fois un peu plus le pas sur le jeu, sans doute parce qu’une part de ce que je lui dis est vrai, au final. « Alors franchement, deux oeufs c’est rien. Tu méritais bien ça. » Et peut-être même pire ? Non, ça je n’ose pas le rajouter. Le père d’Alma finit par approcher alors que mon regard s’est déjà embrumé, va savoir si c’est du vrai ou du faux toi. « C’est fini oui ? Vous allez rameuter tout le quartier ! Qu’est-ce qu’il se passe ? » qu’il demande à Alma alors que mon regard assassin est tourné vers elle, sourcils froncés. Je joue le jeu un peu trop à la perfection vous trouvez pas ?

Quelque chose dérangeait, Alma le sentait et le voyait sur les traits de Maxyn, mais elle ne pouvait mettre le doigt dessus. Les accusations fusaient aussi rapides que les coups de fouet et une partie d’elle semblait ressentir cette vive douleur comme si les mots n’étaient pas enrobés de mensonges mais bien d’une vérité qu’elle avait essayé de fuir. Elle avait fui en quelque sorte et n’avait même pas cherché à prévenir la blonde, elle s’était simplement contentée de fixer son plafond en jurant contre sa lâcheté. Elle crut voir un scintillement dans son regard et elle ouvrit la bouche pour la refermer aussitôt, son père venait de la réveiller et elle tourna brusquement la tête dans sa direction. Elle aurait aimé avoir plus de temps, suffisamment pour s’assurer que tout ceci était un jeu d’actrices et non une discussion à cœur ouvert, mais hélas la vie jouait avec ses soupçons et l’empêchait de les résoudre.

« Retourne dans la maison papa, je gère tout ça. » D’une main ferme, Alma tenta de le repousser dans la maison mais il lui tint tête et elle manqua de l’insulter. « Je suis assez grande pour gérer ce genre de problèmes ! »

Sa voix avait claqué l’air et avait surpris son père qui la fixait comme s’il venait de recevoir une gifle. « Depuis quand tu t’occupes de mes affaires de cœur ? C’est entre moi et elle, tu n’as pas le… » « Et moi ça me concerne ? » Son sang se figea dans ses veines et Alma fit un peu en arrière, suffisamment pour frôler Maxyn. Victor semblait avoir été réveillé par leurs cris et ne semblait pas heureux de la voir dans cet état. Elle pouvait lire l’inquiétude sur ses traits. « On rentre Alma, arrête de te faire du mal comme ça. » Sa main se referma sur son poignet mais elle se libéra rapidement, lança un regard à Maxyn. Elle aurait aimé lui annoncer autrement, elle aurait voulu que tout ceci se fît sur le ton de la confidence et non dans une comédie ratée. Elle se débattit mais son père se joignit à Victor pour la tirer vers la maison. « Et toi fous le camp avant que je te passe les menottes ! Reste loin de ma fille ! Allez dégage ! »

Non ! Non ! Alma était prête à entrer dans une colère noire, elle n’avait pas eu le temps de lui demander comment la joindre ! Elle n’avait pas eu le temps de comprendre qu’il s’agissait bien de cet ange qu’elle avait souhaité protéger, elle ne voulait pas imaginer des larmes souiller son visage ni même l’entendre pester contre elle. Mais la porte claqua derrière elle et Victor l’enveloppa d’une étreinte amoureuse qu’elle ne pouvait briser.