you can do whatever you want (loumi #8)

Ce matin, notre demi-journée a été un peu allégée. En effet, l’un de nos cours a été annulée à cause de l’absence d’un professeur. Alors que Lou a fait le choix de rester à l’appartement pour simplement arriver plus tard, moi, je décide de me rendre au lycée pour aller nager un peu. Avec tout ce qui a pu se passer dernièrement dans ma vie, j’ai un peu laissé la natation de côté et pourtant, dieu sait combien ça me fait du bien. Après une séance d’environ une heure, à multiplier les longueurs et à alterner entre vitesse calme et accélérations, je sors de la piscine. Je repasse par les vestiaires, prend une douche rapide et une fois habillée, je retrouve les couloirs du lycée. Avant la prochaine de cours, il me reste encore un peu de temps. J’envoie un message à Lou pour savoir si elle est arrivée. Très vite, je reçois une réponse positive, ainsi que sa position. Elle n’est pas seule, je le sais avant même de la rejoindre, mais ce n’est pas dérangeant. C’est dommage, mais nous ne le savons, nous ne pourrons pas toujours nous retrouver que toutes les deux. Je navigue jusqu’à l’endroit indiqué et en plus de retrouver la jeune femme, je retrouve une bonne partie de mes coéquipières. Mais pas que, malheureusement. Il y a aussi Dylan. Et sans vraiment pouvoir le contrôler, je sens une colère s’emparer de moi. Une colère non justifiée et pourtant, je sais d’où elle vient. Au Nouvel An, j’étais jalouse d’elle, sans que cela soit justifié puisque pour tout le monde, j’étais en couple avec Sacha. Mais aujourd’hui, les choses sont différentes. Je salue chacune de mes coéquipières et m’installe à côté de Lou. « Qu’est-ce qu’elle fait là ? » Dis-je, tout en montrant d’un signe de la tête celle que je considère comme l’intrus du groupe. « C’est notre amie maintenant ? » Je n’obtiens pas de réponse, pas de Lou, elle n’en a pas longtemps. Avant ça, une fille de notre équipe semble percevoir mon incompréhension et décide de donner une explication. « Dylan n’est pas très à l’aise dans l’eau, elle voudrait apprendre à mieux nager. » Même pas un sourire, mon visage est fermé. Sûrement parce que je sens le traquenard derrière. « Comme elle s'entend bien avec Lou, c’est elle qui va s’en charger. » Bingo. Est-ce que ça pouvait vraiment être pire ? « C’est super ça. » Comme quoi, la jeune femme n’avait pas vraiment tort. Jouer la comédie, mentir, c’est quelque chose que je sais faire. Là encore. Surtout qu’en plus de ça, je dois pouvoir réussir à cacher ma jalousie. Ici, pour tout le monde, nous sommes simplement des amies. Des amies avec plus de bas que de hauts d’ailleurs. Inconsciemment, je prends un peu mes distances face à Lou. Elle n’a rien fait de mal et pourtant, je ne peux m’empêcher de faire preuve d’une certaine insécurité.

La bonne nouvelle du jour ; un cours en moins en raison de l'absence d'un professeur. Pour une fois que nous sommes prévenus en avance et que nous pouvons anticiper, j'en profite pour trainer un peu plus dans ma chambre et faire une grasse matinée. Enfin pas exactement puisque je suis déjà réveillée, mais ça ne me fera pas de mal de trainer un peu au lit. Yumi, quant à elle, profite de ce temps libre pour aller nager. Trop de motivation pour moi. Mais c'est pas grave, on se rejoindra plus tard au lycée. C'est pas plus mal si on ne veut pas éveiller les soupçons. Déjà que nos coéquipières ne comprennent pas vraiment le revirement de situation. Avant, nous nous détestions et l'une comme l'autre nous nous arrangions pour passer le moins de temps possible ensemble. Maintenant, les choses sont différentes. Et d'un œil extérieur, ça peut paraitre un peu bizarre. La version officielle étant que de vivre maintenant sous le même toit nous a permis de devenir véritablement amies. D'ailleurs, ce n'est pas totalement faux. C'est depuis que nous vivons ensemble que nous nous sommes vraiment rapprochées. Pas juste comme de simples amies, mais ça, il faut que ça reste entre nous. Pour le moment en tout cas. J'arrive finalement au lycée en avance, m'installant avec les autres filles de l'équipe de natation dans la cour avant notre prochain cours. Contre toute attente, Dylan vient alors se joindre à nous pour nous demander une faveur. Sur le coup, je suis un peu surprise. Faut dire que je ne lui ai pas vraiment reparlé depuis l'épisode du Nouvel An. Elle veut apparemment apprendre à nager. Et mes coéquipières me désignent toutes en coeur pour cette mission. Au lycée, tout le monde sait que Dylan en pince pour moi, les filles aussi. A croire qu'elles ont envie de me pousser vers elle. Mais je ne suis pas sûre que ce soit au goût de tout le monde. D'ailleurs, Yumi arrive à ce moment-là.  « Qu’est-ce qu’elle fait là ? C’est notre amie maintenant ? » Je m'apprête à lui donner une justification mais je suis devancée par une autre fille de l'équipe. « Dylan n’est pas très à l’aise dans l’eau, elle voudrait apprendre à mieux nager. Comme elle s'entend bien avec Lou, c’est elle qui va s’en charger. » Je commence à connaitre Yumi et je vois bien que son visage est fermé. Mais en même temps, il n'y a rien de mal là-dedans. « C’est super ça. » Yumi s'éloigne de moi pour se mettre un peu plus loin. « Si t'es dispo, on pourrait même commencer ce soir après les cours ? » Dylan est vraiment enjouée par l'idée. « Oui, si tu veux. » Répondais-je simplement dans un hochement de tête. En réalité, je ne suis pas très à l'aise dans cette situation. Surtout qu'après les cours, c'est les seuls moments où avec Yumi on peut en profiter pour passer du temps rien que toutes les deux avant que ses parents rentrent du travail. J'espère qu'elle ne va pas m'en vouloir... en même temps comment pouvais-je refuser ? « Merci Lou, tu peux pas savoir comment ça me fait plaisir. » Dylan vient alors me prendre dans ses bras pour me remercier accentuant encore un peu plus le malaise. « De rien. » Je n'ose même pas croiser le regard de Yumi de peur que sa réaction soit mauvaise. Le problème, c'est que je ne peux trop rien dire devant les autres.

Être jalouse de la sorte, ça ne me plaît pas. C’est une partie de moi que je découvre, il faut dire qu’avant aujourd’hui, rien, ni personne, ne pouvait me faire ressentir cela. Tant que ça reste dans une moindre mesure, c’est bon, inutile pour moi d’en arriver à l’excès. Néanmoins, quand cela arrive pour la première fois, c’est assez surprenant. « Si t'es dispo, on pourrait même commencer ce soir après les cours ? » À l’intérieur, je bouillonne. Pourtant, je dois prendre sur moi et faire en sorte de ne rien laisser paraître. « Oui, si tu veux. » La réponse de Lou n’aide pas, mais je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Elle a proposé son aide, elle ne va pas refuser maintenant que je suis là. « Merci Lou, tu peux pas savoir comment ça me fait plaisir. » Sans plus attendre, la jeune femme vient la prendre dans ses bras et je ne peux m’empêcher de détourner un peu le regard. C’est déjà compliqué, inutile de me faire encore plus de mal. « De rien. » Comme si elle sent que cela ne me plaît pas, Lou fuit mon regard comme la peste. « Ça annonce une bonne soirée. » Je lâche ces quelques mots dans un soupire, ne cherchant pas volontairement à ce que tout le monde m’entende. Disons que je dis simplement tout haut, ce que je pense tout bas. Mais visiblement, ma discrétion me fait un peu défaut, car à en voir la réaction du Dylan, elle a dû m’entendre. « Tu peux te joindre à nous si tu veux, vu mon niveau, ça ne sera pas de trop. » Je ne sais pas vraiment comment interpréter cela. Essaye-t-elle vraiment d’être gentille ou a-t-elle une idée derrière la tête ? « Ça va aller, merci. Je vais vous laisser profiter toutes les deux. » Je dis cela, mais ce n’est pourtant pas ce que mon cœur m’a soufflé. Laisser Lou avec celle qu’elle a utilisé pour me rendre jalouse au Nouvel An, il faudrait vraiment être sadique pour l’accepter avec le sourire. « C’est l’heure. On ferait mieux d’y aller, madame Richardson va encore nous faire la morale sinon. » C’est là, la meilleure excuse que je trouve pour justifier mon envie soudaine d’arriver à l’heure en cours, voire même en avance. Je récupère mon sac et pars la première vers la salle de cours. Je ne me retourne pas, je ne cherche pas à croiser le regard de Lou. Nous nous sommes confiées l’une à l’autre et pourtant, nous n’avons pas mis de mots précis sur ce que nous sommes vraiment et sur les règles qui régissent ce quelque chose justement. Je m’installe à ma place et sans un mot, je sors toutes mes affaires, prête à débuter ce cours. Même si mon attention ne sera sûrement pas à son maximum.

La situation est vraiment gênante pour moi. D'un côté, il y a Dylan, la fille avec qui j'ai flirté lors de la soirée du Nouvel An. Flirter est un bien grand mot, puisque ce n'était que dans l'unique but de me venger de Yumi qui était venu avec Sacha. Rien que de repenser à leur baiser ce soir-là, je sens la colère s'emparer de nouveau de moi. Je vais l'aider à apprendre à mieux nager, ce n'est rien d'exceptionnel en soit. Et pourtant, je vais devoir passer plus de temps que d'habitude avec elle. Les filles de l'équipe ne m'ont d'ailleurs pas vraiment laissé le choix. Comment aurais-je pu refuser ? Si j'avais essayé de le faire, c'est justement là que les choses auraient été suspectes. De l'autre côté, il y a Yumi. Depuis que nous nous sommes confiées l'une à l'autre, les choses ont réellement pu évoluer entre nous. Même si nous n'avons pas encore eu l'occasion de mettre de véritables mots sur notre relation. Et pourtant, dans ma tête, dans mon coeur, c'est déjà comme une évidence. Je crois qu'en réalité ça l'est depuis le tout premier baiser. Mais au lycée et aux yeux du reste du monde, nous devons rester de simples amies. Ce qui explique pourquoi la situation n'est pas évidente. « Ça annonce une bonne soirée. » Une grimace vient inconsciemment déformer mon visage alors que je n'ose toujours pas croiser son regard. « Tu peux te joindre à nous si tu veux, vu mon niveau, ça ne sera pas de trop. » Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... « Ça va aller, merci. Je vais vous laisser profiter toutes les deux. » Profiter ? Bizarrement, ce mot me laisse un arrière goût amer. Si j'avais l'impression que Yumi m'en voulait, maintenant j'en suis sûre. « C’est l’heure. On ferait mieux d’y aller, madame Richardson va encore nous faire la morale sinon. » Elle part déterminée sans même chercher à nous attendre. Et avec les autres filles, nous finissons par suivre le mouvement un peu malgré nous. Je m'installe volontairement à côté de Yumi pour le cours, essayant de réduire un peu la distance qu'elle s'efforce à nous imposer. Notre prof est déjà en place pour commencer, mais là, tout de suite, c'est le dernier de mes soucis. « Ça va ? » Que je lui demande comme si je ne me doutais pas déjà de la réponse. Mais je préférerai qu'elle me dise les choses au lieu de m'ignorer comme elle le fait depuis tout à l'heure. « Je suis désolée pour Dylan, les filles ne m'ont pas vraiment laissé le choix. » Je chuchote pour que Yumi soit la seule à pouvoir m'entendre alors qu'une de mes mains frôle sa cuisse à la dérobée sous la table. « Si tu préfères, je peux toujours trouver une excuse. » Même si sur le coup je ne sais pas trop ce que je pourrais dire pour me défiler mais bon, on pourrait trouver.

Réagir comme cela, ça ne me ressemble pas vraiment. Mais il faut croire que je ne me connais pas vraiment, encore aujourd’hui, je découvre des aspects de ma personnalité. Des aspects que je n’affectionne pas particulièrement pour être honnête. Après ce que m’a dit Lou dans la gare désaffectée, je ne devrais pas me faire de soucis et pourtant, c’est plus fort que moi. Peut-être parce que pour une fois, ce qui se passe entre nous compte pour moi : je n’ai jamais rien ressenti de tel pour quelqu’un d’autre. Je m’installe dans la salle de cours et commence déjà à sortir mes affaires. Comme je pouvais m’y attendre, Lou s’installe à côté de moi. Nous sommes désormais bien loin de la période où nous cherchions à nous fuir à tout prix. « Ça va ? » Il faudrait être bête pour ne pas comprendre. Cette simple question n’attend pas vraiment de réponse, elle est simplement là pour engager la conversation, pour parler de ce qui a pu se passer quelques minutes plus tôt. Pourtant, je prends la peine de répondre. « Super. » C’est un peu froid, je l’accorde, mais il faut un peu de temps à mes émotions pour qu’elles redescendent. « Je suis désolée pour Dylan, les filles ne m'ont pas vraiment laissé le choix. » Au lycée, personne n’est au courant de ce qui se passe entre nous, sauf Sacha, alors forcément, nos coéquipières ont pensé bien faire en proposant Lou. Il ne s’est rien passé entre elles au Nouvel An, pourtant, je suis sûre que Dylan aurait voulu et qu’elle le veut encore. « Si tu préfères, je peux toujours trouver une excuse. » « Non, non, c'est bon. » Dis-je rapidement, alors que j'ouvre mon cahier, prête à me concentrer sur le cours qui va commencer. « Tu peux bien faire ce que tu veux. » Dis comme cela, ça sonne un peu négatif. Pourtant, cette phrase est remplie de bonnes intentions. Je n'ai pas le contrôle sur ce qu'elle fait et c'est très bien comme cela. D'ailleurs, couple ou pas, je ne l'aurais jamais. Si ça lui dit d'aider Dylan, alors elle le fera. « On ne s'est rien promis après tout. » On a discuté, c'est vrai. On a échangé sur les sentiments que l'on éprouvait l'une pour l'autre et plusieurs fois, quand on s'est retrouvé seules, nous nous sommes embrassées. Mais à aucun moment, nous n'avons évoqué ce que nous étions l'une pour l'autre. Est-ce qu'on est un couple ? Est-ce qu'avec ma peur de m'afficher au monde entier, elle préfère être plus "libre" ? Ce sont des questions que j'aurais dû lui poser plus tôt, cela aurait sûrement évité que je me fasse des films. « Si tu veux voir quelqu'un d'autre, tu peux. » C'est un peu extrême et je m'en rends compte en le prononçant. Mais de toutes les personnes, il avait fallu que ce soit Dylan qui ait besoin d'aide pour apprendre à nager.

L'ambiance est tendue et la réponse de Yumi n'arrange rien à la situation. Elle est froide, distante, comme elle a pu l'être tout à l'heure devant les autres. Je ne suis pas bête, je sens bien que cette histoire avec Dylan l'a fait chier. Et en réalité, je peux comprendre. Si les rôles étaient inversés, j'aurais sans doute eu la même réaction... peut-être même pire d'ailleurs. Mais ça me fout quand même dans une position inconfortable. Parce qu'il n'y a pas de raison valable que je refuse de l'aider. Pas de raison que je puisse donner sans éveiller les soupçons en tout cas. Et c'est bien ça le problème. Mais si Yumi le veut vraiment, je suis prête à trouver une excuse pour me défiler, peu importe laquelle. Quitte à passer pour la méchante dans cette histoire. Après le coup que je lui ai fais au Nouvel An, je pense que je ne suis plus à ça près. Et au pire, je m'en fous, ce n'est pas le plus important. « Non, non, c'est bon. » Ma relation avec Yumi a toujours été comme des montagnes russes. Mais récemment, nous semblons toutes les deux trouver un certain équilibre. Même s'il n'y a rien d'officiel en soit et que nous n'avons pas réellement défini ce que nous sommes. « Tu peux bien faire ce que tu veux. » Pourquoi j'ai l'impression que sa phrase sonne comme un reproche ? « On ne s'est rien promis après tout. » C'est vrai, mais c'est pas pour autant que ce que nous vivons n'est pas déjà important à mes yeux. Je n'ai jamais réellement été en couple - les amourettes de passage que j'ai connu ne comptent pas vraiment. Mais avec Yumi, c'est différent. Je l'ai compris presque depuis le tout début. Inconsciemment, je savais que cette fille allait bouleverser toute mon existence. Même si à la base, c'était plus en mal qu'en bien étant donné notre rivalité dans l'équipe. Heureusement, depuis ce temps-là, nous avons fait pas mal de chemin. « Si tu veux voir quelqu'un d'autre, tu peux. » Alors ça, je ne m'y attendais pas. Comment ça je peux voir quelqu'un d'autre ? Notre histoire ne signifie-t-elle rien à ses yeux ? Je fronce légèrement les sourcils en secouant la tête. Peut-être que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde toutes les deux finalement... « Alors c'est ça, on en est là ? » Nulle part ? « Je n'ai aucune envie de voir quelqu'un d'autre, Yumi. » Ça me fait du mal de devoir le préciser. Je pensais qu'avec tout ce qu'il s'était passé, elle l'aurait compris d'elle-même. « Je sais pas si c'est ton délire de me pousser dans ses bras ou quoi, mais pour ton information, Dylan ne m'intéresse pas. » A croire que ça l'amuse de me pousser vers elle... l'histoire se répète. « Dylan ou n'importe qui d'autre d'ailleurs. » Si j'ai besoin d'être clair avec elle pour qu'elle le sache, voilà, maintenant c'est fait. Il n'y a qu'elle qui compte pour moi.

Prise par des doutes, je ne peux m’empêcher de tout remettre en question. Même ce que je pensais encore intouchable ce matin. C’est dingue ce que l’insécurité peut faire faire. « Alors c'est ça, on en est là ? » Je ressens la déception dans sa voix. Est-ce que je peux vraiment la blâmer pour cela ? Non. « Je n'ai aucune envie de voir quelqu'un d'autre, Yumi. » Bien que la tête baissée, braquée sur mon cahier, un petit sourire se dessine sur mes lèvres. « Je sais pas si c'est ton délire de me pousser dans ses bras ou quoi, mais pour ton information, Dylan ne m'intéresse pas. » C’est déjà plus ou moins ce qu’elle avait dit au Nouvel An, pourtant, ce soir-là, elle avait fait en sorte que les doutes soient là. Et même si elle me l’a bien fait comprendre, on ne sait jamais, peut-être que Dylan continue de voir les choses autrement. Peut-être que pour elle, Lou est l’amour de sa vie et qu’elle va se battre pour elle, quitte à être un peu lourde. Comme par exemple, faire semblant de ne pas savoir nager pour avoir des cours privés. Bon.. je l’accorde, je vais peut-être un peu loin. Mais parfois, il ne faut pas grand-chose pour faire ressortir le mauvais chez les gens. « Dylan ou n'importe qui d'autre d'ailleurs. » Bien qu’agréable à entendre, je ne serais pas celle qui l’intéresse, je trouverais cela bizarre : la jeune femme n’a pas la meilleure réputation au sein du lycée pour ce qui concerne les histoires amoureuses. « C’est réciproque. » Je ne veux personne d’autre qu’elle, mais ça, je suis sûre qu’elle le sait. « Mais je ne sais pas, depuis l’autre soir, nous n’avons pas vraiment mis de mots sur ce que nous sommes. Alors j’ai pensé que peut-être.. » Nous n’avions pas la même définition de ce qu’il s’était passé entre nous. « Oublie. Je suis désolée. » Je tourne légèrement la tête vers elle et lui offre un sourire. « Si nous souhaitons voir personne d’autre, est-ce que ça fait de nous un.. couple ? » Avant que ce dernier mot sorte de ma bouche, je prends bien garde à ce que personne autour de nous écoute cette conversation. De nos jours, les lycéens sont curieux et à l’affût de tout ragot. Mais ça, je préfère encore que les autres soient au courant quand nous l’aurons décidé. « J’ai cru comprendre que mon père avait une réunion à la caserne ce soir. Il devrait rentrer un peu plus tard, ça nous laissera peut-être un peu de temps toutes les deux entre ta séance avec Dylan et son retour. » Bien souvent, il faut aussi tenir compte de l’emploi-du-temps de ma mère. Mais pas ce soir. Ce soir, elle sort avec des amis et ça, à l’appartement, tout le monde le sait. Sur le tableau accroché dans l’entrée, ça fait des mois que ce rendez-vous est écrit, histoire d’être sûre que personne ne l’oubliera.

Je bouillonne un peu de l'intérieur. Qu'elle soit jalouse de Dylan, ça ok, je peux le comprendre. Mais de là à ce qu'elle me dise ouvertement que je peux aller voir ailleurs... non, je ne m'attendais pas vraiment à ça. Peut-être que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde finalement ? En tout cas, je préfère mettre les choses au clair avec elle. Ça me tient à coeur de lui dire une nouvelle fois que Dylan ne m'intéresse pas. Elle ou n'importe qui d'autre d'ailleurs. Je n'ai pas envie de voir quelqu'un d'autre. Même si ce que nous vivons toutes les deux est nouveau, c'est réel. Je suis bien placée pour savoir que l'inconnu peut faire peur, mais je pensais quand même qu'elle ressentait la même chose que moi. « C’est réciproque. » Alors pourquoi ? « Mais je ne sais pas, depuis l’autre soir, nous n’avons pas vraiment mis de mots sur ce que nous sommes. Alors j’ai pensé que peut-être.. » Je secoue machinalement la tête de droite à gauche dans un soupir. Certes, nous n'avons pas défini concrètement ce que tout ça faisait de nous... mais pour moi, il n'y avait pas forcément besoin de le faire. « Oublie. Je suis désolée. » Peut-être qu'elle n'a pas suffisamment confiance en elle pour se sentir rassurée. Ou en moi d'ailleurs ? « Si nous souhaitons voir personne d’autre, est-ce que ça fait de nous un.. couple ? » Un sourire un peu con vient alors se dessiner au coin de mes lèvres alors que je meurs d'envie de l'embrasser. « On dirait bien oui. » C'est nouveau pour moi d'employer ce mot, mais pourtant, avec elle, c'est comme si c'était une évidence. Je ne sais pas réellement où cette histoire va nous mener mais le plus important, là, tout de suite, c'est ce que je ressens quand je suis avec elle. Même si la frustration de ne pas pouvoir l'embrasser est grande, je me contente simplement de loucher un peu sur ses lèvres pour lui faire comprendre ce à quoi je pense. « J’ai cru comprendre que mon père avait une réunion à la caserne ce soir. Il devrait rentrer un peu plus tard, ça nous laissera peut-être un peu de temps toutes les deux entre ta séance avec Dylan et son retour. » Si j'avais su avant... je n'aurais pas dit oui à Dylan pour commencer les séances dès ce soir. En tout cas, le message est passé. Nous avons l'appartement pour nous toutes seules ce soir, et ça, c'est beaucoup trop rare pour ne pas en profiter. « Et ton frère ? » Mince, j'ai failli l'oublier celui-là. « Au pire on trouvera un moyen de se débarrasser de lui. » Ajoutais-je en laissant échapper un rire amusé d'entre mes lèvres. Madame Richardson nous fusille alors du regard. « Yumiko, Lou, si vous avez envie de discuter, c'est dans le couloir que ça se passe. » Si je m'attendais à un simple avertissement de sa part, son geste de la main en direction de la porte a l'air d'être sérieux. « Je vous en prie, sortez ! » Ah. Je récupère rapidement mes affaires avant de m’exécuter. Yumi en fait de même, et nous nous retrouvons toutes les deux dans les couloirs vides du lycée. « Je suis désolée, j'ai pas été très discrète sur le coup. » Je ris un peu, pas franchement désolée pour autant.

Sans vraiment savoir ce que nous sommes l'une pour l'autre, je suis un peu perdue. J'en arrive même à dire des bêtises, alors pour ne pas m'enfoncer entre plus, je décide de lui poser clairement la question. Comme ça, nous serons fixées. « On dirait bien oui. » Un sourire, sûrement un peu niais, se dessine sur mes lèvres lorsque j'entends sa réponse. Nous sommes ensemble, comme un couple et c'est à la fois plaisant et effrayant. C'est ce que je voulais, même si je n'y connais pas grand-chose en relation et que je ne lui ai pas demandé plus tôt. Au fond de moi, je devais avoir peur, en quelque sorte. Pourtant, Lou est bien la seule personne qui m'a fait ressentir de tels sentiments, la seule personne avec qui cette idée de couple est envisageable. Et je ne dois pas faire foirer tout ça, surtout à cause de Dylan. Si ce n'est pas juste après les cours que l'on se retrouvera, ce sera après. « Et ton frère ? » De toute la famille, ce n'est pas lui qui m'inquiète le plus. « Au pire on trouvera un moyen de se débarrasser de lui. » Il y a toujours moyen de lui trouver une occupation : il est plus jeune que nous, je suis sûre qu'on peut le mettre devant la télévision, qu'il ne posera pas de questions, il ne se demandera pas pourquoi pour une fois on accepte si facilement de lui laisser les commandes du programme. Après sa phrase, Lou laisse échapper un rire qui n'échappe malheureusement pas à notre enseignante. Très vite, elle ne peut s'empêcher de nous faire une remarque. « Yumiko, Lou, si vous avez envie de discuter, c'est dans le couloir que ça se passe. » Naturellement, je baisse la tête, fuyant son regard et espérant ainsi en rester là. Mais elle n’est pas du même avis. « Je vous en prie, sortez ! » Bon.. j’espérais quand même que la journée commencerait autrement. Un cours annulé et maintenant, un cours où nous sommes virées. Nos affaires récupérées, nous quittons toutes les deux la salle de classe et retrouvons le couloir. « Je suis désolée, j'ai pas été très discrète sur le coup. » Mon rire se lie rapidement au sien. « C’est vrai que tu n’as pas beaucoup essayé. » Ce n’est pas la première fois que je m’amuse durant un cours, au point de rigoler, et pourtant, me faire virer, c’est bien une première. Bien sûr, je ne mets pas toute la faute sur Lou, je suis autant coupable qu’elle. « En fait, tu ne voulais pas vraiment aller en cours, c’est ça ? » Avec seulement quelques minutes assises sur nos chaises, on ne peut pas dire que nous avons beaucoup appris ce matin. « J’espère que ce petit incident restera entre la prof, les autres et nous, sinon bienvenue les ennuis. » Auprès de mes parents, mais aussi auprès de notre coach. Même si elle aime que l’on fasse passer la natation en priorité dans nos vies, elle refuse qu’on le fasse aux dépends de nos études. Bizarrement, il me faut quelques minutes pour réaliser que nous sommes que toutes les deux dans le couloir, sans personne d’autre. Je regarde autour de nous, m’assurant qu’aucun élève ne décide de traverser à ce moment précis et je me rapproche de la jeune femme, prend son visage entre mes mains et l’embrasse. Aujourd’hui, ce n’était pas encore arrivé, autant dire que l’envie était à son paroxysme.

Voilà, maintenant, les choses sont claires. Nous pouvons officiellement considérer que nous sommes en couple. Ça me fait bizarre de dire ça, et pourtant, j'en suis la première heureuse. Si on m'avait dit qu'on en arriverait là toutes les deux il y a encore quelques mois... mon dieu, je n'aurais pas pu le croire. C'est tellement improbable. Enfin, quoique, pas autant que ça finalement. Parce qu'il y a toujours eu un truc entre nous. Et cette haine partagée dissimulait en réalité quelque chose de bien plus profond encore. Là, tout de suite, je ne suis plus du tout concentrée sur le cours. C'est comme s'il n'y avait plus que Yumi et moi dans cette classe. Mais Madame Richardson nous rappelle rapidement à l'ordre et la sanction est irrévocable : nous continuerons la suite du cours dehors. Et finalement, c'est pas plus mal. Après notre officialisation, je n'avais pas très envie de rester cloîtrée entre ces quatre murs. « C’est vrai que tu n’as pas beaucoup essayé. » Mon rire n'était pas franchement dissimilé. « En fait, tu ne voulais pas vraiment aller en cours, c’est ça ? » Un petit sourire se dessine au coin de mes lèvres. « Ce n'était pas volontaire de ma part mais maintenant qu'on est là, je ne vais pas me plaindre. » On est mieux là, rien que toutes les deux non ? Personne dans les couloirs ni aux alentours des bâtiments, juste elle et moi. Nous. Ce "nous" qui fait doucement battre mon coeur. « J’espère que ce petit incident restera entre la prof, les autres et nous, sinon bienvenue les ennuis. » J'ai déjà connu ça, et ce n'est pas si dramatique en soit. Bon peut-être qu'ils sont plus conciliants avec moi depuis l'accident de mes parents qu'avec les autres, j'en sais rien. Mais en tout cas, les représailles ne me font pas peur. « T'es trop mignonne quand tu t'inquiètes. » Ajoutais-je pour la taquiner tout en me rapprochant un peu d'elle. Bon ok, c'était trop tentant. Yumi vérifie que les couloirs du lycée sont bien vides avant de venir m'embrasser. Je profite de ce baiser aussi longtemps que possible... ils sont aussi rares que délicieux. Et si je me trompe pas, c'est bien le premier qui a lieu au lycée - sans compter celui des douze coups de minuit du Nouvel An bien sur. « Alors là, je regrette définitivement pas d'avoir été virée. » Je ne peux m'empêcher de rire tout en ne la lâchant pas des yeux. « C'est vraiment ta première fois ? » Elle est beaucoup plus sage que moi, c'est pas nouveau. Et il me semble que c'est la première fois qu'elle se fait virer d'un cours comme ça. « Il va falloir fêter ça ! » Mon regard en dit long sur l'énorme sous-entendu qui traverse mon esprit à cet instant. « Tu veux qu'on aille manger un truc dehors ? » Maintenant que nous sommes libres, nous pouvons très bien prendre le temps d'aller manger à l'extérieur du lycée toutes les deux. Je ne dis pas non à un moment avec elle à l'abri des regards... en attendant de pouvoir se retrouver ce soir après mon cours avec Dylan.

Notre matinée prend une tout autre tournure maintenant. Aujourd'hui, nous avons tenues une dizaine de minutes en cours, un record pour moi et j'en arrive même à me demander si ce n'était pas volontaire de la part de Lou, pour plaisanter bien sûr. « Ce n'était pas volontaire de ma part mais maintenant qu'on est là, je ne vais pas me plaindre. » Les cours de madame Richardson ne sont pas ceux que je préfère, néanmoins, ils sont utiles pour notre examen final. Rater ce cours et savoir que mes parents pourraient en être informés, ça ne me plaît pas vraiment. Je n'ai jamais fait cela, ils pourraient bien s'inquiéter et rechercher ce qui ne va plus dans mon quotidien, ce qui a changé. Et puis, il n'y a pas qu'eux : il y a notre coach aussi. Si elle décide de nous mettre de côté, pour nous punir, qu'est-ce qu'on va faire ? S'il y a bien une chose dans laquelle j'excelle au lycée, c'est la natation. « T'es trop mignonne quand tu t'inquiètes. » Visiblement, la jeune femme prend les choses un peu plus légèrement. Je pourrais lui reprocher cela, lui dire que notre avenir est en jeu, mais une fois mon regard posé sur elle, tout cela s'envole. Prise d'une envie, je me rapproche d'elle et l'embrasse. « Alors là, je regrette définitivement pas d'avoir été virée. » Mon rire se lit au sien, alors que je reprends mes distances, au cas où quelqu'un déboulerait dans le couloir. « C'est vraiment ta première fois ? » « Ma première fois ? » Dis-je, comme un réflexe. Je panique un peu, mais je finis par comprendre que nous ne parlons pas de la même chose. « Qu'est-ce que tu veux, il faut bien que l'une de nous deux soit sérieuse. » Je hausse légèrement les épaules. Contrairement à elle, je ne pense pas que les enseignants me chercheraient des excuses s’ils me prenaient à sécher les cours. « Il va falloir fêter ça ! Tu veux qu'on aille manger un truc dehors ? » Elle ne perd pas de temps, mais ce n’est peut-être pas si mal. Plus vite on partira d’ici, moins de chance on aura de se faire prendre par quelqu’un de la direction. « Tu m’invites ? Tu me dois bien ça. » Si on est là, c’est bien à cause d’elle, il ne faut pas l’oublier. Très vite, nous quittons l’établissement, sans nous faire remarquer et nous nous dirigeons vers un petit restaurant, à quelques rues du lycée, qui propose des menus à prendre sur place ou à emporter. « C’est quand même dingue de se dire qu’on attend pour seulement deux heures de cours. Enfin toi, un peu plus. » Avec le cours qui a sauté ce matin, notre emploi-du-temps est plutôt léger. Pour moi surtout, puisque Lou s’est rajouté quelques heures supplémentaires avec sa séance de natation avec Dylan. « Loin de moi l’idée de sécher cet après-midi, je te vois venir ! » Je suis sûre qu’avec un seul mot, la jeune femme décide de prendre ses affaires et de rentrer à l’appartement. « Bientôt, on n’aura même plus à se soucier de tout ça. On sera à l’université, pleins de possibilités s’offriront à nous. » Mais faut-il encore y arriver. Lou ne quitte plus mon esprit depuis plusieurs semaines maintenant, alors autant dire que c’est compliqué pour moi de me concentrer. Au lycée, mais aussi à la maison : la préparation des examens va être compliquée, je le sens.

Quand je vois sa tête lorsque je mentionne sa première fois, je ne peux m'empêcher de rire. Pour le coup, c'est pas moi qui ai l'esprit mal tourné. Je parlais bel et bien du fait de se faire virer de cours pour la première fois. Pas d'une autre première fois. Même si en parlant de ça d'ailleurs, je ne sais même pas exactement ce qu'il en est de son côté. Je suppose qu'elle n'a encore jamais rien fait avec une fille... Mais a-t-elle déjà couché avec un mec ? En réalité, on a jamais vraiment eu l'occasion de parler de ça ensemble. « Qu'est-ce que tu veux, il faut bien que l'une de nous deux soit sérieuse. » C'est donc bien la première fois qu'elle se fait virer de cours comme ça. Son petit sous entendu glissé l'air de rien me pousse à lever les yeux au ciel. Ce n'est pas parce que je ne suis pas aussi sage qu'elle que je ne suis pas sérieuse pour autant. Quoique... bon ok, elle a peut-être raison. Mais en même temps, c'est ce qui fait tout mon charme n'est-ce-pas ? Je ne relève volontairement pas et en profite plutôt pour lui proposer d'aller manger un bout ensemble. « Tu m’invites ? Tu me dois bien ça. » Ma proposition était en réalité déjà synonyme d'une invitation. « C'était justement prévu. » Une fois sorties du lycée, et sans encombres en plus, nous nous dirigeons ensemble vers le restaurant le plus près. « C’est quand même dingue de se dire qu’on attend pour seulement deux heures de cours. Enfin toi, un peu plus. » C'est vrai que pour ma part, il y a le cours particulier de natation avec Dylan. Me connaissant, je suis capable d'oublier. Mais maintenant que je me suis engagée, je ne peux pas trop me permettre de lui poser un lapin. « Une journée très productive ! » C'est ironique, bien sur. « Loin de moi l’idée de sécher cet après-midi, je te vois venir ! » Un rire amusé s'échappe d'entre mes lèvres. « Si tu commences à lire dans mes pensées... » Non, vaut mieux pas. « Bientôt, on n’aura même plus à se soucier de tout ça. On sera à l’université, pleins de possibilités s’offriront à nous. » Inconsciemment, une grimace vient déformer les traits de mon visage. Parler de l'université est un sujet un peu délicat... parce que pour être tout à fait honnête, je ne suis même pas sûre de pouvoir y aller. Avec tout ce qu'il s'est passé dernièrement dans ma vie, ma dernière année a été compliquée. Et j'ai peur de ne pas être suffisamment à la hauteur lors des examens finaux. « On en est pas encore là. » Je n'ai pas envie de penser à ça, ni même de gâcher notre moment toutes les deux pour parler de ça. Même si, malheureusement, ça arrivera sans doute plus vite que prévu. « Alors qu'est-ce-que tu vas prendre ? » Je tente de changer de sujet, focalisant mon attention sur la carte du restaurant. « Si tu veux, on peut se partager plusieurs plats. » Il y a le choix, des trucs à grignoter à plusieurs ou des menus en bonne et due forme.

L’avantage de ne pas avoir eu cours ce matin, dès huit heures, c’est que la matinée passe tout de suite plus vite et la proposition de Lou, d’aller manger à l’extérieur, n’est pas déconnante : le temps de s’y rendre, on se rapprochera de l’heure du repas. Néanmoins, avant de prendre la route, je ne peux m’empêcher de lui demander si elle m’invite. « C'était justement prévu. » Elle marque des points. Un large sourire s’étend sur mes lèvres, alors que nous commençons à marcher. D’aussi loin que je m’en souvienne, je ne crois pas avoir eu une journée si peu chargée. C’est sûr qu’en se faisant virer de cours, ça allège un peu l’emploi du temps. Néanmoins, avant qu’elle ne réponde à mon affirmation, je coupe l’herbe sous les pieds de la jeune femme. « Si tu commences à lire dans mes pensées... » Si j’avais ce don, on n’en serait pas là aujourd’hui. Il n’y aurait pas eu toute cette discussion autour de Dylan et peut-être qu’elle aurait été un peu plus discrète en cours. Alors que nous nous rapprochons de l’établissement, je ne peux m’empêcher d’aborder le sujet de l’université. Dans peu de temps, nous serons amenées à quitter le lycée et nous serons alors moins surveillées. « On en est pas encore là. » En effet. Il faut encore réussir nos examens et aussi faire le choix de notre cursus. Quelque chose qui semble bien plus facile à faire quand on commence le lycée. Arrivées sur place, Lou ne tarde pas à changer de sujet. « Alors qu'est-ce-que tu vas prendre ? » Par réflexe, je hausse légèrement les épaules. Pour l’instant, je n’en ai pas la moindre idée. « Si tu veux, on peut se partager plusieurs plats. » « Ça sonne très romantique. » Dis-je, un sourire sur les lèvres. Néanmoins, cette proposition n'est pas une si mauvaise idée : il y a du choix et je ne sais pas vraiment lequel faire pour ce midi. C'est donc là-dessus que nous partons. Nous prenons plusieurs planches à partager et une boisson chacune, sans alcool bien sûr. Il ne faut pas oublier que nous avons cours juste après, les folies seront pour un autre jour.

Une fois le cours de l'après-midi terminé, je rentre directement à l'appartement, alors que Lou, elle, se dirige vers la piscine. Ce n'est pas comme cela que j'imaginais notre fin d'après-midi, mais c'est comme ça. En arrivant, je suis seule, ce qui est devenu rare maintenant que nous sommes cinq à vivre sous le même toit, alors je profite de ce calme pour faire un peu de mes devoirs. Quelques heures après, les choses sont différentes. Mon petit frère est rentré de sa journée et c'est maintenant le tour de Lou, qui me rejoint dans la cuisine. « Alors ce cours ? Pas trop chiant ? » J'aurais préféré qu'il n'existe pas, néanmoins, je m'intéresse à ce qu'elle fait. « Si tu veux, tu peux en prendre. Je crois que j'ai eu les yeux plus gros que le ventre. » Dis-je, tout en lui montrant une assiette remplie de sandwich. « Ethan est dans le salon, devant la télévision. » Ce qui veut dire que pour l'instant, nous sommes seules dans cette pièce et qu'il est bien trop occupé pour s'inquiéter de ce qui se passe juste à côté de lui.

Je ne suis pas vraiment réputée pour mon côté romantique. Et pourtant, c'est vrai qu'avec le recul ma proposition de partager plusieurs plats ensemble sonne un peu comme telle. A croire que Yumi commence à déteindre sur moi. Comme quoi, tout arrive. En tout cas, nous passons un agréable moment rien que toutes les deux. Mine de rien, ce n'est pas souvent que nous avons la chance d'en profiter. Au lycée, il faut toujours faire gaffe à ce qu'on fait et surtout à ce qu'on dit. Les murs sont bien connus pour avoir des oreilles. Et à la maison, c'est pareil aussi. Nous ne pouvons pas pleinement être nous-mêmes en sachant qu'il y a ses parents et son frère dans les pièces à côté. Pour le moment, c'est le début et ce n'est pas trop dérangeant... au contraire, ça donne même un peu de piment et un côté excitant, mais à la longue, ça deviendra sans doute plus contraignant. Être à l'université l'année prochaine nous permettra peut-être effectivement d'avoir plus d'opportunités. Mais encore faut-il que ce soit le cas ? Après notre déjeuner en tête à tête, nous retournons en cours pour l'après-midi. Nos deux dernières heures de cours défilent assez vite, et je rejoins rapidement Dylan à la piscine. J'essaye de rester la plus "professionnelle" possible, pour ne pas semer le doute dans son esprit. Je n'ai pas spécialement envie qu'elle interprète mal les signes ou qu'elle se fasse des films. Mais je ne peux pas non plus éviter les gestes un peu trop tactiles dont j'ai besoin pour l'aider à apprendre à mieux nager. Le contexte est tout de même particulier, même si je fais de mon mieux pour ne laisser planer aucune ambiguïté. Je rentre finalement à l'appartement, un peu en retard, rejoignant Yumi dans la cuisine. « Alors ce cours ? Pas trop chiant ? » Je secoue la tête à la négative avant de répondre naturellement. « Non, au contraire, on s'est bien amusées. » J'en fais volontairement un peu trop juste pour l'embêter. Il ne faut pas me tendre des perches, parce que là, c'était trop tentant. « J'ai même pas vu le temps passer. » Je ris un peu pour lui faire comprendre que c'est simplement de la taquinerie. Elle me connait maintenant, elle sait qu'avec moi, il ne faut pas tout prendre au premier degré. « Si tu veux, tu peux en prendre. Je crois que j'ai eu les yeux plus gros que le ventre. » Effectivement, elle en a fait pour un régiment. « Merci. » Je ne me fais pas prier pour en prendre un. « Ethan est dans le salon, devant la télévision. » Ethan et la télévision, une grande histoire d'amour. « Alors j'ai tout le loisir de pouvoir faire ça. » Je viens alors m'emparer de ses lèvres, sans aucune retenue, lui offrant un baiser langoureux qui me faisait envie depuis un long moment déjà. Ok je confirme, vivre une relation secrète a quand même quelque chose d'excitant. « Tu as une idée de l'heure à laquelle tes parents vont rentrer ? » Juste histoire de savoir quelle marge de manœuvre on peut avoir. « Il faut que je prenne ma douche, mais au pire, ça peut attendre. » Pour rentrer plus vite, je n'ai pas pris le temps de me doucher au lycée après mon cours. Mais ça, c'est un détail. Là, maintenant, j'ai juste envie de profiter de pouvoir être avec elle. Vraiment avec elle. On ferait quand même mieux d'aller dans nos chambres pour s'éloigner un peu plus d'Ethan non ? Dans sa chambre ou la mienne d'ailleurs, ça n'a pas d'importance.

Que ça me plaise ou non, aborder Dylan est quelque chose d’inévitable, elle vient quand même de passer plusieurs heures avec elle. « Non, au contraire, on s'est bien amusées. » Instantanément, mon regard retrouve le sien et je fronce légèrement les sourcils. Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que Lou me cherche et autant dire que ça fonctionne plutôt bien. Malgré ce qu’on s’est dit un peu plus tôt, je ne peux m’empêcher de bouillonner intérieurement. Sûrement parce qu’au fond, j’envie Dylan : elle, elle a eu l’occasion de passer un moment privilégié avec celle que je peux appeler ma petite amie maintenant. « J'ai même pas vu le temps passer. » Je soupire légèrement, donnant ainsi pleine satisfaction à la jeune femme. « Dylan marrante.. comme quoi, tout arrive. » Au départ, je n’avais rien contre elle, mais depuis le Nouvel An, il est clair que je ne la porte pas vraiment dans mon cœur. Inutile de rester plus longtemps sur ce sujet, ça serait quand même dommage de gâcher le peu de temps que l’on a ensemble en parlant d’elle. Je lui propose l’un des sandwich que j’ai fait, alors que je lui indique que mon frère dans la pièce d’à côté, concentré sur la télévision. « Alors j'ai tout le loisir de pouvoir faire ça. » Dit-elle, alors qu’elle se rapproche de moi et s’empare de mes lèvres. Des lèvres où se dessine un sourire. Depuis ce matin, cette sensation m’avait manqué. « Tu as une idée de l'heure à laquelle tes parents vont rentrer ? » Je balance machinalement la tête de gauche à droite, alors que l’une de mes mains vient se caler dans son dos. « Il faut que je prenne ma douche, mais au pire, ça peut attendre. » Même si je ne connais pas exactement l'heure à laquelle mes parents vont arriver, je pense qu'elle a le temps de passer rapidement sous la douche. « Ma mère commence tout juste sa soirée avec ses amies, enfin je pense. Et mon père a dû intervenir sur un dernier accident, donc je dirais qu'il va arriver dans une heure ou deux, tout dépend de l'ampleur de l'intervention. » Pour qu'on ne s'inquiète pas, il a préféré nous envoyer un message pour nous informer que l'alarme avait retenti à la caserne juste avant que sa garde ne se termine. « Va te doucher. Je vais amener à manger à Ethan, m'assurer qu'il soit bien dans son film et on se retrouve après. Dans ma chambre ? » Pour avoir le droit à un peu d'intimité, c'est tout un travail d'équipe. On doit agir normalement, pour ne pas éveiller les soupçons et on doit arriver à se trouver des moments où personne ne cherchera à nous interrompre. Alors que Lou part de son côté, je m'exécute du mien : je fais en sorte qu'Ethan soit occupé pour de longues minutes encore, je vais même jusqu'à lui suggérer de crier si quelque chose ne va pas. Ça sera toujours mieux que de le voir débarquer dans ma chambre, surtout le connaissant : il ne cogne jamais. Une fois tout cela fait, je monte à l'étage pour regagner ma chambre. Je range tout ce que j'ai pu sortir tout à l'heure, lorsque je travaillais et je vais jusqu'à allumer une bougie. Bon.. je crois que l'état d'esprit romantique de Lou est en train de me gagner. Enfin, en attendant qu'elle sorte de la douche et arrive ici, je m'allonge sur mon lit.