troublemaker // zahara

Une nouvelle garde qui s'achève à l'hôpital. Douze heures d'affilées, mais le sentiment agréable du travail accompli. J'adore mon métier, et être confrontée tous les jours à toutes ces nouvelles naissances, c'est juste magnifique. C'est le plus beau cadeau que la nature puisse faire à une femme que de pouvoir offrir la vie. Je n'ai pas directement eu le droit à ce bonheur mais finalement c'est tout comme. Sacha reste mon fils, même si ce n'est pas directement moi qui l'ai mis au monde. Il est tard, et pourtant, je n'ai pas envie de rentrer à la maison. Juan est en déplacement toute la semaine et Sacha n'est pas là non plus. J'ai l'impression de me sentir un peu seule, comme souvent ces derniers temps. D'ailleurs je ne crois pas que ce soit qu'une impression... c'est justement ça le problème. Si je devais remonter à la dernière soirée passée avec Juan, il faudrait que je creuse longtemps dans mes souvenirs. En réalité je crois que ce n'est pas arrivé depuis plusieurs mois déjà. Même Sacha commence à se poser des questions sur ses nombreuses absences. C'est dire à quel point notre couple va bien. Et en même temps, c'est pas plus mal non plus. Depuis quelques temps, je me pose moi-même beaucoup de questions. Et le retour de Violet dans ma vie n'y est pas indifférent. Avant de quitter l'hôpital, je m'autorise un petit crochet à la cafétéria pour manger un truc. A cette heure-là, il ne doit avoir personne. Et me connaissant, j'aurais très certainement la flemme de me faire quelque chose à manger en rentrant. La nourriture des distributeurs automatiques fera bien l'affaire. Ce n'est pas de la grande gastronomie, mais entre ça et ne rien avaler jusqu'à demain matin, le choix est plutôt facile. Encore faut-il que le distributeur soit coopératif... parce qu'à priori, ce soir, il a décidé de faire des siennes. Je soupire avant de m'énerver sur lui, le secouant un peu. Mais un bruit de chaise derrière moi se fait entendre et je sursaute alors, surprise. Je n'aurais jamais pensé qu'il puisse avoir quelqu'un d'autre ici à cette heure-là. « Pardon, je pensais être toute seule... » Je me justifie en tournant la tête en direction de cette fameuse présence avant de reconnaitre son visage. « Zahara ? » Cette femme que j'ai rencontré il y a quelques semaines dans ce bar lesbien. Un rire nerveux s'échappe d'entre mes lèvres. « Tu m'as fait peur. » Est-ce que c'est la fatigue qui me joue des tours ou est-ce que c'est bien elle ? Ce regard... oui, il n'y a pas de doute possible ; c'est elle. Ce même regard qui avait déjà réussi à me troubler la dernière fois. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Je m'inquiète immédiatement pour elle, de peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. Généralement personne ne vient à l'hôpital comme ça pour le plaisir, surtout à cette heure-là de la journée. Enfin hormis le personnel de l'hôpital comme moi évidemment.

Tu es là depuis le début de soirée et tu n’as pas vraiment vu les heures défiler. Il est tard. Passé minuit. La frénésie des lieux a fait place au calme du service nocturne. Seuls les sabots blancs des infirmières et quelques roulettes de chariots résonnent dans les couloirs. Tu détestes les hôpitaux. Tu t’y sens mal à l’aise, à l’étroit. Tu avais juste envie de récupérer ta fille et de rentrer. Mais par sécurité, Caleen passerait la nuit ici. Toi aussi. Il n’était bien évidemment pas question de la laisser seule mais tu savais tout aussi bien que tu ne fermerais probablement pas l’oeil de la nuit. Un lit d’appoint avait été installé dans la chambre de ta fille et sous l’insistance de l’aide soignante, tu avais fini par accepter de t’éloigner un peu. Prendre l’air, manger un bout, boire quelque chose. Caleen dormait maintenant depuis plus d’une heure et tu avais droit à ton petit moment de répit. Tu en avais profité pour rappeler Neela en visio. Ta femme était en déplacement et ne pouvait malheureusement pas t’épauler plus qu’à distance. Tu avais tenu à ce que Caleen voit son visage avant de passer ses radios et de retourner dans sa chambre; mais pour l’heure, c’était à toi de lui parler un peu. Ça te faisait du bien de la voir. De l’entendre. Tu avais pu la rassurer sur l’état de votre fille et, elle, de son côté, avait trouvé comment te faire sourire. Le stress semblait peu à peu se dissiper mais la désagréable sensation des lieux restait collée à ta peau. Alors que tu entames une nouvelle phrase, une voix dans le dos de Neela résonne. Une voix que tu ne connais pas et qui vous coupe en plein élan. Ta femme se retourne, rigole et tu comprends que le moment n’est pas opportun. Elle s’excuse mais tu la sens absente, ailleurs … Ton sourire s’efface aussitôt. Confirmant une dernière fois que Caleen allait bien, vous vous quittez plus rapidement que tu ne l’aurais cru. Cet appel te laisse un gout amer dans la bouche. Presque triste.

Tes pas te trainent du côté de la cafétéria désormais vide. Tu hésites entre les différents distributeurs automatiques avant de te rabattre sur un simple café noir. Quitte à ne pas dormir, … . Tu te forces également à choisir un petit snack. Une barre de céréales ferait l’affaire.
Assise dans ton coin, au fond et dans la pénombre, tu entoures ton gobelet en plastique de tes mains. Le liquide te réchauffe les extrémités alors que tu ne peux te défaire du son de la voix dans le dos de Neela. Tu te repasses la scène en boucle dans ton esprit et tu sens ton estomac se tordre. L’angoisse se réveille. Un moment. Mais celle-ci se voit interrompue quelques minutes plus tard. Une silhouette élancée fait son entrée mais tu n’y portes pas réelle attention. Préférant noyer ton regard dans le marc de café, tu sursautes lorsque un bruit sourd retenti. « Pardon, je pensais être toute seule... » Tu hoches simplement, un fin sourire en coin plaqué sur le visage, plus par politesse qu’autre chose. « Zahara ? » Ton attention est piquée. Tu redresses les pupilles vers le visage de l’inconnue qui s’approche. Aussitôt ses traits te sont familiers et ton sourire s’étend. Sincère, cette fois. “Oh Eliza … bonsoir.” Un petit rire s’échappe de ses lèvres. « Tu m'as fait peur. » Sa présence impromptue te fait vraiment plaisir. C’était soudain. Inattendu. Comme lors de votre première rencontre. Ton visage se détend automatiquement et ton regard s’illumine. “Désolée” ajoutes-tu le ton doux sans vraiment élaborer. La brune enchaine aussitôt, cette fois, plus concernée par ta présence en ces lieux. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Tu sens son regard te scruter. S’il n’avait pas été en telles circonstance, tu aurais pu apprécier la sensation. Tu te redresses pour te rapprocher d’elle à ton tour. “Ma fille a fait une vilaine chute dans les escaliers. J’ai eu la peur de ma vie ! Elle a passé une batterie de tests et passe la nuit en observation mais ça à l’air d’aller …” Tu ponctues d’un petit haussement d’épaules prouvant tout autant que tu répétais les mots des médecins et que tu tentais de te rassurer toute seule. Car au fond, tu n’étais pas encore vraiment entièrement rassurée. “On m’a un peu forcée à venir me sustenter” finis-tu par lâcher dans un rire léger. Tu inspires profondément, avales une petite gorgée de ton café et laisses le bout de ton postérieur venir reposer sur le dossier d’une chaise. “Ça me fait plaisir de te recroiser. Comment vas-tu ?” Tu as le regard compatissant, te doutant - vu l’heure - que sa journée avait du être longue et peut-être difficile.

Je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un à la cafétéria à cette heure-ci de la journée. Encore moins à ce que ce quelqu'un me soit familier. Mais le hasard fait parfois bien les choses n'est-ce-pas ? Comme lors de cette soirée dans ce bar où j'ai pu faire sa connaissance. Zahara a un petit quelque chose chez elle d'intriguant, de grisant même. Je ne sais pas comment l'expliquer mais son regard me fait de l'effet. Ou peut-être que c'est son sourire ? Un mélange des deux sans doute. Je crois que je n'ai pas ressenti ce genre d'attirance pour une femme depuis longtemps. Depuis Violet, en réalité. Parce qu'elle a été la seule fille à mes yeux. Mais Zahara est hypnotisante. “Oh Eliza … bonsoir.” En la regardant, j'ai la même sensation que la dernière fois. Cette sensation enivrante qui me bouleverse bien plus que je ne pourrais l'imaginer. Elle s'excuse, et je ne perds pas une miette du sourire qui s'affiche sur ses lèvres. Bien que je sois contente de la voir, je me questionne naturellement quant à sa présence dans les locaux de l’hôpital. Que fait-elle ici à cette heure là ? A première vue, elle n'a pas l'air d'aller mal mais sait-on jamais. “Ma fille a fait une vilaine chute dans les escaliers. J’ai eu la peur de ma vie ! Elle a passé une batterie de tests et passe la nuit en observation mais ça à l’air d’aller …” En tant que mère, je ne peux que comprendre son inquiétude alors que mon regard se veut le plus réconfortant possible. Quand Sacha était petit, j'étais beaucoup trop protectrice avec lui. Dès qu'il avait un petit bobo, je m'inquiétais comme si c'était la chose la plus grave en soit. Mais en même temps, nous avons tellement bataillé avec Juan pour avoir un enfant que mon fils représente vraiment tout à mes yeux. D'ailleurs, je crois que je suis encore trop excessive avec lui sur certains points. Mais c'est plus fort que moi. « T'inquiètes pas, ici, elle est entre de bonnes mains. Je suis sûre que ça ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. » Comme on dit aux enfants, ça ne se verra plus quand elle sera mariée. “On m’a un peu forcée à venir me sustenter.” Je jette un rapide coup d'oeil au café qu'elle tient entre ses mains avant de rire un peu. « C'est une bonne chose, même si le café d'ici est imbuvable. » Personnellement je n'en prends plus depuis longtemps. Mais quand on a que ça sous la main... “Ça me fait plaisir de te recroiser. Comment vas-tu ?” Est-ce qu'elle veut vraiment une réponse ? Une vraie je veux dire, pas la réponse automatique qu'on peut balancer à n'importe qui. « Le plaisir est partagé. » Que je me contente de répondre pour le moment, dans un regard inconsciemment plus séducteur. C'est vraiment une bonne surprise. Surtout que nous n'avions pas échangé nos numéros de téléphone la dernière fois... Peut-être par prudence d'ailleurs ? Comme si nous savions toutes les deux que le feeling partagé pendant la soirée pouvait s'avérer dangereux. En attendant, on dirait bien que le destin s'efforce à vouloir se jouer de nous. « Disons que ça pourrait aller mieux mais bon, c'est un détail. » Je laisse échapper un petit rire nerveux d'entre mes lèvres. Parfois il est plus facile d'ironiser la situation que de s’apitoyer sur son sort. Nous avons rapidement évoqué le sujet de nos vies respectives la dernière fois. De mon côté, elle sait que Juan brille de ses nombreuses absences. « Ta femme n'est pas venue avec toi ? » Je suis plutôt surprise que sa femme ne soit pas présente à l'hôpital pour leur fille. Ce n'est jamais agréable de se retrouver à l'hôpital, et pour moi, ce n'est pas une épreuve à devoir surmonter toute seule.

Alors que tu évoques la chute de Caleen, le regard d’Eliza change. Il se transforme en une onde compatissante et enveloppante. Celle que toute maman ne connait que trop bien. « T'inquiètes pas, ici, elle est entre de bonnes mains. Je suis sûre que ça ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. » Ses mots se veulent particulièrement rassurant. Tu peux le deviner au ton de sa voix, à la manière qu’elle a de poser ses syllabes ainsi que cette manière douce qu’elle a de te regarder. C’est apaisant. Agréable. Au-delà de ses iris, tu pouvais presque comprendre qu’elle t’accordait là une accolade dont vous n’aviez peut-être pas le droit de profiter. Tu en aurais pourtant bien eu besoin mais tu te contentes d’un fin sourire de remerciement.

Elle observe ton gobelet de café à peine entamé et lâche un petit rire alors que tu lui expliques être là pour reprendre quelques forces. « C'est une bonne chose, même si le café d'ici est imbuvable. » Son rire est une mélodie en ses lieux. Il résonne paisiblement. Comme s’il ne pouvait y avoir son plus doux. Tu sens ta poitrine se réchauffer un peu et ton sourire s’élargir sincèrement. “J’avoue qu’il a du mal à passer … mais bon, disons que c’est mieux que rien.” Ton visage se chiffonne juste assez pour faire comprendre à ton interlocutrice que, toi même, tu n’es pas certaine de tes propres dires. Par contre, ce qui t’aide un peu à passer le cap de cette horrible nuit en perspective, c’est d’être tombée sur elle, Eliza. D’ailleurs, tu ne t’en cache pas et lui exprimes sans retenue. « Le plaisir est partagé. » Tu aurais aimé savoir pourquoi de simples mots te faisaient tant d’effet. Là tout de suite. En ces circonstances. Pourquoi ? Et quel était le message de la vie en venant la remettre ainsi sur ta route maintenant. Tu aurais probablement dû te pencher sur la question. Sérieusement et avec intérêt. Mais la fatigue était plus forte et tu n’avais pas envie de te prendre d’avantage la tête. Non, pas ce soir. Alors tu te laisses juste porter. Tu la regardes, tu l’écoutes et tu souris. Sans te filtrer, sans te retenir. Tu te délectes du charme qui semble venir s’installer entre vous. A nouveau. Comme la première fois. Ce n’était donc pas une exception, … « Disons que ça pourrait aller mieux mais bon, c'est un détail. » Un petit éclat de son regard semble s’éteindre. Discrètement mais non sans que tu ne puisses le remarquer. Tu te redresses alors instinctivement et réduis l’espace vous séparant d’un pas ou deux. “Je peux me permettre de demander pourquoi ?” Tu te souvenais de ses dires concernant son époux et sa situation familiale. Mais il y avait peut-être autre chose, peut-être plus. Ou peut-être s’agissait-il juste du boulot ? Les options étaient infinies et ton esprit se révélait bien trop intéressé par celles-ci qu’il n’aurait du …

« Ta femme n'est pas venue avec toi ? » Sa question te force à un retour très terre à terre, plus violent que tu ne l’aurais cru. Ton regard s’abaisse un instant et tes lèvres se pincent. “Neela est en déplacement pour quelques jours.” Et ça, en soi, ce n’était pas grave du tout. Pour une fois que c’était dans ce sens là … Tu n’avais franchement rien à dire ! Par contre, tu ne pouvais pas te défaire du désagréablement sentiment de tout à l’heure. Cet appel écourté te restait toujours en travers de la gorge. “Elle a pu parler un peu à Caleen avant qu’elle ne s’endorme. C’est le principal.” Tu toussotes comme pour te convaincre de ta propre phrase. Oui, c’était là le plus important. Le reste, … le reste n’existait pas ce soir !
Tu contournes la petite table et finis par retrouver ta place assise avant de pousser une chaise, indiquant cette dernière à la sage-femme. “Je te dirais bien que je t’offre un café mais j’ai peur que tu ne prennes tes jambes à ton cou …” lâches-tu sur le ton de l’humour avant de lui offrir un regard plus perçant. Tu n’avais pas envie de la voir te quitter.

C'est vrai, c'est mieux que rien. L'hôpital n'est de toute évidence pas un endroit où il fait bon vivre comme on dit. Et en même temps, personne n'est vraiment content de venir passer un séjour entre ces murs. Pour Zahara, il n'est pas difficile de comprendre qu'elle aurait nettement préféré être chez elle avec sa fille à l'heure actuelle. Pour ma part, je suis sans doute l'exception qui confirme la règle. Il m'arrive parfois d'être plus heureuse à l'hôpital qu'à la maison. Ou comment se noyer dans le travail pour oublier son quotidien un peu trop fade. “Je peux me permettre de demander pourquoi ?” Je ne suis jamais trop à l'aise d'en parler, consciente de briser les apparences du couple parfait que nous formons Juan et moi. Et en même temps, ça me fait du bien de pouvoir me confier à quelqu'un sur le sujet. « Je t'en avais un peu parlé la dernière fois... mais c'est toujours pas la joie avec Juan à la maison. » Avec le recul, j'ai même l'impression que c'est de pire en pire. Sacha en vient même à se poser des questions sur son père. Et de mon côté, je commence aussi à imaginer le pire. Ce serait mentir que de dire que je n'ai jamais pensé qu'il puisse me tromper. « Je crois que ça n'arrange pas mon moral d'être constamment toute seule. » On ne fait que se croiser, en coup de vent, entre deux portes. Nous ne partageons plus rien ensemble, et encore moins des moments d'intimité. Quant à Sacha, c'est un adolescent, il passe la plupart de son temps en dehors de la maison maintenant. Je ne peux pas lui en vouloir, à son âge, c'est normal qu'il ait envie d'avoir un peu d'autonomie. Je dérive finalement le sujet sur elle, ou plutôt sur sa femme. Je suis peut-être un peu trop curieuse de savoir pourquoi elle n'est pas venue avec elle. “Neela est en déplacement pour quelques jours.” Bienvenue au club. C'est également le cas de Juan, même si pour lui, c'est beaucoup plus que la majorité de son temps. “Elle a pu parler un peu à Caleen avant qu’elle ne s’endorme. C’est le principal.” Je hoche machinalement un peu la tête. Mais son regard me pousse à penser qu'il y a quelque chose de plus profond que ça. La jeune femme m'invite à m’asseoir à ses côtés, et je m'exécute comme si je n'attendais finalement que ça. “Je te dirais bien que je t’offre un café mais j’ai peur que tu ne prennes tes jambes à ton cou …” C'est vrai que c'est pas la proposition la plus alléchante qui soit. « Si tu as envie de me faire fuir, c'est effectivement la solution radicale. » Répondais-je en mêlant mon rire au sien. « Mais je note ta proposition pour une autre occasion. » Est-ce que je viens de lui tendre une perche pour qu'il y ait une prochaine fois ? Ça y ressemble fortement en tout cas. Et le pire, c'est que les mots ont franchi mes lèvres un peu trop naturellement. Comme si je n'avais pas voulu réfléchir aux conséquences. Tant qu'on ne fait rien de mal, on a le droit non ? Et pourtant, au plus profond de moi-même, je sens que je suis en train de jouer avec le feu. Parce que cette femme a un drôle d'effet sur moi. Le même pouvoir d'attraction que j'ai pu connaitre avec une seule et autre femme. « Tu comptes passer la nuit ici ? » Je pose la question, même si je me doute déjà de la réponse. En tant que mère, à sa place, c'est évidemment ce que j'aurais fait sans même avoir à me poser la question. Mais en pensant aux lits d'appoints de l'hôpital, je me doute que sa nuit risque d'être longue. « Je suis de repos demain, si tu veux que je te tienne un peu compagnie. » En même temps, c'est pas comme si quelqu'un m'attendait à la maison. L'idée de passer du temps avec Zahara me plait sans doute plus que de raison, mais ça, c'est une autre histoire. Je préfère me persuader que ma proposition est juste une marque de politesse parmi tant d'autres. Oui, bien sur.

T’intéresser un peu à elle, outre l’envie sincère qui t’habite de lui poser des questions, t’offre l’opportunité de te changer les idées. Penser un peu à autre chose est une pause plus que bienvenue. Le regard d’Eliza est triste. Davantage que la dernière fois. Tu ne peux t’empêcher de trouver ça dommage. La flamme de ses grands yeux noirs à pourtant tant de charme. Tu te rappelles de sa situation, mais la brune confirme le malaise.  « Je t'en avais un peu parlé la dernière fois... mais c'est toujours pas la joie avec Juan à la maison. » Cette phrase ne pouvait pas plus faire écho en toi si tu le désirais … « Je crois que ça n'arrange pas mon moral d'être constamment toute seule. » Une double vague de culpabilité t’envahi … Celle de sentir grandir cette envie de combler le manque et la solitude d’Eliza, ainsi que celle de t’imaginer Neela prononcer ces exacts et mêmes mots à quelqu’un d’autre, possédant peut-être le même regard et offrant sa vulnérabilité à qui le voudrait … L’idée à tout pour te déplaire ! Et pourtant … pourtant, tu es toi-même, là, à te délecter de la présence réconfortante d’une autre. De son image, de ses sourires, …

Tu évoques brièvement ta femme, et comme pour ne pas t’attirer des foudres interdites, tu préfères ne pas insister sur le sujet. Au contraire même, tu invites Eliza à se rapprocher en prenant place à tes côtés. Tu souris en la voyant s’installer sans une once d’hésitation. « Si tu as envie de me faire fuir, c'est effectivement la solution radicale. » Vos rires discrets s’unissent, presque gênés de profiter l’un de l’autre, dans une mélodie qui adoucit un peu ton coeur. Tu es très loin de l’envie de la faire fuir. Bien au contraire … « Mais je note ta proposition pour une autre occasion. » Un petit sursaut intérieur se fait ressentir. Inattendu mais agréable. Tu aurais adoré la revoir à l’extérieur. De manière volontaire, décidée. “Quand tu veux …” Un sourire en coin se grave sur ton visage fatigué. L’idée te plait malgré le clair danger qu’elle représente. Mais ce soir, tu préfères jouer les innocentes et prétendre que rien ne peut vous arriver.

« Tu comptes passer la nuit ici ? » Un simple hochement de tête suffit à confirmer l’évidence. Tu n’allais bien évidemment pas pouvoir rentrer chez toi tant que ta fille était là. Mais la nuit blanche qui s’annonçait longue, te parait soudainement plus douce. « Je suis de repos demain, si tu veux que je te tienne un peu compagnie. » Un nouveau sourire étire tes lèvres alors que tu ouvres l’emballage de ta barre de céréale, sans envie particulière. “Ce serait avec plaisir, merci beaucoup. Mais je ne veux pas te priver de sommeil non plus.” Tu attrapes l’encas enfin libéré et le coupes en deux. Machinalement, tu tends une moitié à Eliza tout en continuant de parler. “Au fait, je suis vraiment désolée pour ton époux. Vous en avez déjà parlé lui et toi ?” Tu viens croquer un petit bout de ta part avant de reprendre : “Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais les problèmes de communication s’installent tellement vite dans un couple …” Et Dieu sait que tu savais de quoi tu parlais !

C'est dingue à quel point le feeling avec elle est facile. C'en est même troublant. Oui, troublant, c'est bien le mot. Avec elle, j'ai l'impression de pouvoir être véritablement moi-même. Et cette sensation est divinement agréable. Et si je devrais justement m'en méfier, c'est pourtant tout le contraire. La preuve, j'en suis même à vouloir provoquer le destin pour une prochaine rencontre. Je me raccroche à un simple café pour espérer pouvoir la revoir, encore, dans un autre contexte. Je n'arrive pas à comprendre exactement l'effet qu'elle me fait, et pourtant, je sais au plus profond de moi-même que je n'ai ressenti ça qu'avec une seule et unique personne avant elle. Violet. Est-ce qu'elle me plait ? Je crois que c'est une évidence que je n'ai pas encore osé m'avouer. “Quand tu veux …” Et le sourire qu'elle m'offre à cet instant me pousse à croire que je ne suis pas la seule à ressentir cette attirance. Zahara est un danger pour moi, c'est maintenant une certitude. Comme si je ne l'avais pas compris dès l'instant où son regard s'est posé sur moi la première fois dans ce bar... “Ce serait avec plaisir, merci beaucoup. Mais je ne veux pas te priver de sommeil non plus.” Je hausse les épaules comme si cela n'avait pas réellement d'importance. « Oh tu sais, avec le rythme que j'ai pendant mes gardes, je ne suis plus à ça près. » Généralement sur le dernier jour de mon cycle, je n'arrive pas à fermer l’œil avant le petit matin. Autant que mes insomnies profitent à quelqu'un, en l’occurrence pour lui tenir compagnie. Elle me tend alors la moitié de sa barre de céréales que je réceptionne dans un sourire naturel. “Au fait, je suis vraiment désolée pour ton époux. Vous en avez déjà parlé lui et toi ?” Est-ce que ce serait vraiment utile ? “Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais les problèmes de communication s’installent tellement vite dans un couple …” Elle a raison, c'est vrai. Peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression qu'elle parle presque de son propre vécu en disant ça. « J'ai déjà essayé de lui en parler... » Sans grand succès. Avec lui, j'ai comme l'impression de parler à un mur. Ce n'est pas Sacha qui vous dira le contraire, il pense exactement la même chose que moi sur son père. « Mais c'est comme si la communication entre nous était rompue. Comme si nous avions atteint le point de non-retour. » Bien que ce soit la première fois que je me livre à ce sujet, je le pense depuis un moment déjà. Et c'est bien ça le problème. Je suis consciente que ce genre de pensées ne sont pas "normales". Mais elles n'ont pas débarquées comme ça sans aucune raison non plus. Notre couple n'est plus celui qu'il était. « Je pense qu'il a une liaison. » Que je balance tout en restant paradoxalement de marbre. Voilà où j'en suis à présent. Comme si je ne ressentais plus aucune émotion à ce sujet. « Je suis désolée, je ne devrais pas t'embêter avec ça... » Elle a sans doute d'autres choses de plus important à penser que mes petits problèmes conjugaux, comme sa fille pour qui elle est là aujourd'hui par exemple.