never a dull day (Wilma & June)

never a dull day.

Assise en tailleur sur un coussin de méditation, les yeux fermés, la respiration régulière et profonde, June s’était installée dans le jardin pour faire une courte pause en cette fin de journée. Elle avait un jour de repos, mais le véritable repos elle ne semblait plus vraiment le connaitre depuis que la petite dernière était tombée malade. Elle profitait tout de même de la sieste de celle ci, certainement fatiguée par sa séance de chimio du matin, pour méditer en paix, écoutant le vent souffler entre les arbres du jardin. « Mom…? » Elle avait eu le droit à quoi… peut-être sept minutes de silence? et voila que déjà son fils la ramenait à la réalité. « Maddie just threw up lunch in her bed. » Les yeux de la rousse se rouvraient et elle laissait échapper, malgré elle, un faible soupire en se tirant de son coussin. Elle esquissait un léger sourire à l’ainé, posant une main sur l’épaule de celui ci alors qu’elle passait à côté de lui pour rejoindre l’intérieur de la maison. Elle grimpait les escaliers quatre à quatre, s’invitant dans la chambre de Maddie qui avait, effectivement eu un petit accident.
Le nettoyage lui prit un petit moment. Maddie finit par se rendormir, ce coup-ci dans le lit parental alors que June se débattait encore avec les draps du lit de l’enfant. Un peu épuisée par cette semaine et par les ondes pas assez positives à son gout qui flottaient dans la maison, June finit par joindre la cuisine. « mommy needs a drink… » soufflait t-elle dans un murmure en sortant une bouteille de vin blanc du frigo. Elle s’en servit un verre généreux, en prit une gorgée avant de se laisser glisser par terre, le dos contre les placards de la cuisine, les pieds contre l’îlot central sur lequel elle avait abandonné son verre à pied. Elle lâchait un nouveau soupire, plus long ce coup ci, comme pour essayer de chasser cette négativité qui semblait l’envahir. Avant d’aller se coucher elle ferait un tour de la maison avec de la sauge, en espérant que la nuit soit plus paisible, mais pour le moment elle ne pouvait que tenter une énième méditation, bien vite interrompu par le bruit de la porte d’entrée. Sa femme rentrait enfin du travail, alors que le soleil déclinait lentement mais surement.

I was so scared to face my fears
Nobody told me that you'd be here
@june hewitt-langa

Le crépuscule avait toujours eu sa préférence sur les matins trop hâtifs. Elle préférait le rythme lent des soirées, quand toute la journée s’effaçait lentement, comme on enlève des vêtements, sur le chemin du retour. Fut un temps, pas si lointain, où elle éprouvait une satisfaction presque dystopique à rentrer avec le soleil qui déclinait, après une journée de travail assez dense pour en valoir deux. Elle se réjouissait silencieusement de cette vie idéale qu’elle avait construite, cochant — presque — toutes les cases de la bonne citoyenne de la nation-mère du capitalisme.

Oh, comme ces temps lui paraissaient lointains. Le moteur se tait sur sa commande, et les mains agrippées comme des serres sur le volant en cuir, sa nuque abandonne le poids de sa tête à ses coudes. Elle aimerait tant pouvoir pleurer. Laisser éclater toute cette tension qui lui dévore les entrailles, mais ses yeux se sont constitués en barrages dont il semble impossible de prédire la capacité. Le habits de lumière de la réussite sont devenus un corset qui l’étouffe, mais Wilma n’a jamais su renoncer. Elle n’a jamais su s’arrêter, jamais su dire non, jamais su demander.

Dans un de ces étranges sursauts de volontés qui la maintiennent en permanence, elle quitte le cocon feutré de la voiture pour aller pousser la porte d’entrée. La maison l’accueille de son inhabituel silence, et elle laisse glisser sac et chaussures sur le parquet impeccable du couloir, rejoignant la cuisine. Sur le comptoir, un verre à demi rempli, avec pour seule compagnie la bouteille de blanc. Elle contourne l’îlot, et ses traits se détendent instantanément. Il n’y a jamais eu que June pour réussir à lui arracher d’un regard le masque dur qu’elle porte au travail, rempart indispensable à la stupidité humaine — d’aucun diront, des hommes.

Sans un mot, elle se laisse glisser à ses côtés, ses doigts enlaçant les siens par automatisme. « My aura could probably use one or two of your stones, but I bring only love. » murmure-t-elle dans un sourire, laissant un silence confortable les envelopper de nouveau. Les doutes qui lui tordaient le ventre dans la voiture semblent évaporés. Sa femme — douce, brillante June — avait toujours le don de repousser ce, qu’à défaut de meilleur terme, elle ne pouvait décrire que comme des mauvaises ondes. Mais elle voyait aussi, derrière les sourires et les volutes de sauge, la fatigue qui rongeait la rousse. « How mean was the world today ? » C’était sa tradition. En bonne convaincue de ‘l’enfer, c’est les autres’, elle posait chaque soir cette même question; celle de savoir à quel point l’univers s’était évertué à la cabosser. Pourtant à cette tradition s’en était récemment ajoutée une autre, plus sinistre, qui la glaçait à chaque fois « How is Maddie ? »

never a dull day.

Le bruit des clefs dans la serrure, la porte qui s’ouvre, des talons qui claques sur le sol de l’entrée, puis des pas feutré qui s’approchent lentement vers la cuisine. Bien vite Wilma se laissait glisser à côté d’elle, ses doigts s’emmêlant autour des siens. « My aura could probably use one or two of your stones, but I bring only love. » June esquissait aussitôt un sourire. Elle savait déjà qu’elle allait glisser une pierre dans la poche de son manteau demain. « How mean was the world today ? » Sans rien dire, June glissait sa main libre dans la poche de sa veste en laine pour en tirer un oeil du tigre, plus sombre qu’à l’accoutumé, après avoir passé la journée avec elle. « Meaner than usual. » notait-elle calmement avant de venir poser la pierre, à l’aveugle, sur le plan de travail de l’îlot de la cuisine. C’était surtout son passage à l’hôpital durant la matinée qui avait assombrie cette journée. « How is Maddie ? » Question qui se posait tout les jours, rituel presque lassant, éreintant. « She got sick after her treatment so now she’s in our bed, sleeping it off. » Elle avait passé la majeur partie de la journée à dormir, chose que June était incapable de faire depuis le diagnostique. Elle était épuisée par tout. La maladie, ces mauvaises ondes qui semblaient stagner chez elles, le manque de sommeil, l’inquiétude… ses journées n’était plus comme avant et elle avait beau faire confiance à la vie, au grand destin, elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi le sort semblait s’acharner contre elles et leur famille. « how as your day? Brighter than mine I hope? » clairement pour qu'elle finisse sur le sol de la cuisine, avec un verre de vin blanc, c'était bien que sa journée n'avait pas été des meilleurs. Elle osait espérer que celle de sa compagne avait été plus douce, même si celle ci passait ses journées à défendre des personnes à l'éthique douteuse. « You can get yourself a glass of wine if you need it too. » sharing is caring après tout.