Sh*t is getting real feat. Stefan, Ruben + PNJ

L’album était sorti depuis moins d’une semaine quand mon binôme, notre producteur, Stefan et moi arrivâmes dans une boutique Best Buy de Los Angeles où une petite scène avait été arrangée. C’était sur celle-ci que nous nous produirions le temps de trois chansons, après quoi une séance de dédicaces aurait lieu. Celle-ci pouvait se dérouler tranquillement, nous n’étions pas pressés, et je ne m’attendais pas non plus à une foule à en tomber à la renverse. Par conséquent nous aurions largement le temps d’échanger avec les fans et de prendre des photos avec ceux en réclamant. Plus encore : je m’en faisais un devoir. Hors de question de poser ma signature de façon robotique, sans prendre la peine de faire leur connaissance à tous. Ça n’avait jamais été mon style de me la jouer dédaigneux et/ou indifférent et ce ne le serait jamais même si ce nouvel opus était notre premier édité par une maison de disque. À l’excitation se mêlait cette perpétuelle anxiété, cette crainte de décevoir une fois en chair et en os. Toujours se remettre en question et ne jamais se reposer sur ses lauriers : la base pour progresser selon moi.

Avant de quitter les réserves du magasin, je volais un rapide baiser à mon petit-ami puis agitai mes membres pour m’échauffer les articulations et convoquer mon énergie si… caractéristique. Notre check relevant de la tradition puis je quittais ma cachette en compagnie de mon binôme pour apparaître face au public. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais on avait estimé que mon regard se poserait sur au moins 350 faciès d’ici à ce que nous levions le camp (plusieurs événements de ce type étaient prévus au cours des prochaines semaines). La sécurité sécurisait et contrôlait la circulation afin de respecter les normes et de ne pas gêner le reste de la clientèle. Quand, enfin, je les vis nous accueillir avec enthousiasme et affection, mon sourire occupa toute la surface sur mon visage dont il en avait la faculté.

- Hi guys, lançais-je d’abord avec un brin de timidité derrière mon micro, mon humour habituel reprenant ensuite ses marques rapidement. Merci à tous d’être venus hum… Pour ceux qui nous connaissent déjà, vous savez à quel point il est primordial pour nous de vous faire plaisir. C’est pour ça qu’on vous a donc préparé un petit concert où nous serons encre plus médiocres que d’habitude histoire de rendre cet après-midi inoubliable.

Je lâchai un petit rire accompagnant ceux de l’assemblée puis signalai à mon binôme que j’étais prêt. Le concert fut réalisé sous une forme très sommaire, plus acoustique que lors de nos shows standards puisque nous n’avions pas d’autres équipements que nos instruments respectifs : piano, batterie et ukulélé. Trois titres se succédèrent : nos deux derniers singles (le plus récent en premier) puis une chanson plus brève où je me servis de mon ami à cordes. En une vingtaine de minutes (discussion avec des fans et anecdotes + âneries servies sur un plateau incluses) le tout fut bouclé. Un tour en coulisses pour nous réhydrater puis nous nous rendîmes aux tables prévues à notre attention. Sur celles-ci étaient disposées des posters et des exemples de notre dernier album, tous prêts à être signés. Beaucoup de ceux présents avaient déjà le leur néanmoins, les plus dingues s’en achetant un second afin d’avoir une copie « symbolique ».

Ruben ainsi que le violoniste restaient derrière nous, debout en retrait. Ils surveillaient ce qu’ils se passaient tout en discutant de Dieu sait quoi. Je n’étais pas jaloux de leur duo en toute franchise. J’avais confiance en mon homme. Que ce dernier nous ait accompagné me touchait plus que je ne lui disais. Il avait promis qu’il serait là pour moi, à me soutenir dans ma carrière et preuve en était qu’il ne s’agissait pas de paroles en l’air. Et dire qu’aucune personne me faisant face présentement savait qui il était, ce que cet homme représentait pour moi. Même le plus grand fan ne pouvait prétendre connaître réellement son idole. Tous n’avaient accès qu’à ce que je désirais, ce que je le laissais filtrer. Pour l’instant ce secret ne me pesait pas sur les épaules mais en serait-ce éternellement ainsi ? Ne risquais-je pas de vouloir l’afficher aux yeux de tous pour ce qu’il était en vérité ? Oui, ce questionnement me tourmentait d’ores et déjà l’esprit. Je profitais du départ d’une demoiselle satisfaisante pour jeter un œil au brun à qui je tournais le dos, lui adressant un sourire complice.

- Vous ne vous ennuyez pas trop ? J'espère que vous n'êtes pas en train de manigancer un truc sordide !

Comme si la présence d'inconnus allait me gêner pour répliquer des bêtises !

Elle prépare ce jour depuis des semaines, mais ce matin en se réveillant, fraiche comme la rosée du matin, elle avait ce doux sentiment d’être prête depuis toujours, d’être née pour ce jour. Depuis petite elle enfilait des robes de princesses, elle a cru en l’âme sœur. Elle a pensé qu’elle trouverait l’être unique, alors elle est tombée dans les bras de ce type alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Il lui a fait du mal, tellement de mal. Elle ne pouvait pas s’en défaire, elle savait qu’il la tuerait si elle partait. Elle pensait sa vie terminée, puis un jour il n’est jamais rentré. Elle était libre, mais brisée. Elle ne croyait plus en l’amour, elle s’est habillé en noir, elle a repoussé tout le monde parce qu’elle a renoncé. Elle se disait que ce ne sont que des rêves, des fantasmes, qu’on ne l’aimera jamais, qu’elle ne serait jamais comprise. Encore moins aujourd’hui que par le passé. Foutue jusqu’à la moelle.

Puis elle a entendu ces douces notes au prélude d’une chanson.
Son regard s’est illuminé d’espoir.
Une dernière chance.

Ce matin elle s’est faite toute belle, sortie de la veille de chez l’esthéticienne. Son blond impeccable, un maquillage sans faute. Son cœur palpite à l’idée de noyer son regard dans le sien, pourra-t-elle seulement respirer de nouveau loin de lui ?

Elle s’est perchée sur ses escarpins, sa tenue sied parfaitement à sa silhouette digne des poupées avec lesquelles elle jouait gamine. Elle s’est remise à y croire, au prince charmant, à l’âme sœur. Elle a juste fait une erreur sur la personne. C’est lui, elle le sait à présent.

Sa place n’a pas été au premier rang, trop peur d’être chahutée et de ne plus ressembler à rien, gâcher les minutes à venir où elle pourra le voir réellement. Elle a fermé les yeux dans un coin, isolant dans sa tête chaque note de piano. Elle compartimente les autres instruments, la voix, qu’elle n’écoute absolument pas. Il n’y a que le piano, elle devine le mouvement de ses doigts sur les touches, elle visualise leur grâce.

Elle ne manque jamais de frapper les mains l’une contre l’autre pour l’applaudir, puis quand s’achève ce mini-concert qui l’a subjugué, elle trouve la force d’ouvrir les yeux, de faire elle aussi la queue, se mettant en ligne pour le rejoindre. Comptant les têtes qui le sépare d’elle. Puis enfin, c’est son tour, elle a ajusté ses vêtements juste avant, ses mains méticuleusement manucurées tendent vers elle une partition de d’un des titres du band.

- Nancy Hopper.

Lui dit-elle d’une voix mélodieuse, un sourire charmeur sur ses lèvres maquillées.
Son cœur fait si mal au moment où elle croise enfin le regard de Seamus.

- Je l’ai écrite à force de t’écouter, je l’espère à la note près.

Elle frôle sa main, et elle sait que c’est enfin son jour.
Seamus est si gentil, si doux, si créatif.
C’est comme si elle le connaissait déjà.

- Mon professeur disait que j’avais l’oreille absolue, mais j’avais laissé ça de côté depuis des années, mais il m’a suffi d’entendre ces notes pour y retrouver gout.

Ok, j’étais un peu jaloux. Stefan était si passionné par sa discussion avec son ex – mon manager rien que ça – qu’il me prêta à peine attention lorsque je me retournai vers eux. Mon cœur se serra et j’en vins à douter que l’idée de les rassembler ici fut très intelligent. Et si leur passion renaissait de ses cendres ? Le violoniste aurait-il l’envie de tirer une croix sur notre couple afin de rejoindre les bras bien plus musclés et sexy que les miens de Ruben ? Je voyais rouge. Cela me mina le moral, me poussant boire une gorgée d’eau comme si le liquide avait des vertus purificatrices. Je détestais me trouver dans un tel état d’incertitude et de panique. Par chance, je fus vite distrait par l’arrivée d’une demoiselle au sourire aussi éclatant que son apparence était soignée. Je vis plusieurs regards se poser sur elle dans la file d’attente. Il faut dire qu’elle était charmante. Le problème de ce genre de rencontre était que j’ignorais les âges de mes fans et donc, par conséquent, même célibataire je n’aurais jamais mis en pratique la moindre tactique de séduction. Remarquez, je n’en avais aucune. Plus j’essayais d’être charmant, plus je foirais. Mon petit-ami en savait quelque chose. Il m’était désormais impossible de compter avec justesse le nombre de fois où j’avais tenté de me mettre en scène de manière sexy et que cela avait terminé soit en désastre soit en crise de fous rires. Je n’étais tout simplement pas doué à ce petit jeu !

L’inconnue me tendit une partition que je décrivis rapidement avant de poser mes yeux dans les siens. Son regard était électrisant au point de me mettre légèrement mal à l’aise. Je bougeai inconfortablement sur mon siège l’espace d’un instant puis dis, tentant de reprendre le contrôle :

- Ravi de faire ta connaissance Nancy ! Merci d’être là ça nous fait chaud au cœur.

Je sortais ça – ou ses dérivés – à tous, non pas par principe mais car je le pensais sincèrement. Sans eux nous ne serions personnes, juste des anonymes faisant de la musique sans personne pour l’écouter. Notre public représentait un miracle pour moi. J’avais encore du mal à croire que nous pouvions plaire à tant de personnes différentes en dépit des concerts que nous donnions depuis tant de temps. Simon Says avait probablement donné un petit coup de pouce grâce aux articles que mon départ avaient fait écrire, et aussi car certains s’étaient attachés à moi. Aussi étrange cela me semblait. J’étais sorti plus fort de cette aventure, ne la regrettant pas un instant. J’avais juste remarqué que je n’étais pas complètement à ma place dans ce groupe, coincé derrière mon piano sans jamais écrire ni utiliser ma voix. Aujourd’hui, je relançais ma propre création, avec un partenaire excellent et… Preuve était là tout de suite que ce n’était pas en vain. Je n’avais pas besoin d’un million de fans pour être heureux. Je l’étais déjà.

Mon interlocutrice me révéla avoir recréer la partition grâce à son oreille absolue. J’étais épaté. S’il y avait bien une caractéristique renvoyant à la magie à mes yeux, c’était celui-ci. Quelle chance ! Je m’apprêtais à commenter quand je sentis sa main frôler la mienne. Pour la raison citer auparavant, j’évitais les contacts physiques de ce type. Les bras autour des épaules : aucun souci. Les semblants de caresse ? Non. Surtout pas. Je ne pouvais me risquer à me retrouver avec un procès sur le cul si elle était mineure. Le maquillage aide tellement à perdre des années que je préférais être éternellement sur mes gardes. Est-ce que Stefan avait capté ce contact ? Si oui, qu’en pensait-il ? Oh et après tout, aucun risque ! Il était bien trop occupé à roucouler avec son ancien mec !

- Eh bien bravo à toi car ça me paraît juste ! Tu as du talent, n’hésite surtout pas à l’utiliser, lui confiai-je avec un sourire rassurant. Savoir que nous sommes une source d’inspiration pour quelqu’un est le plus beau compliment qu’on puisse recevoir.

J’étais naturellement humble. Entendre que j’étais le plus beau, le plus intelligent, le plus fort ou autre bêtise n’était pas mon but – bon, sauf peut-être avec mon homme mais c’était surtout pour l’embêter. Ce que j’aimais vraiment était d’entendre que mes paroles et/ou notre musique sauvait des gens, leur donnait du courage, etc. Et c’était le cas de la blonde qui me faisait face à en croire sa confession.

- Tu as déjà fait de la musique ? Je t’imagine bien avec une basse !

Yep, elle avait un physique/charisme que je trouvais parfaitement adapté pour cet instrument. Je me refusais de me la jouer cliché avec la fameuse image de la femme derrière le piano. Elles aussi avaient le droit de se prouver agressives, rock, etc. Avec tout ça, j’en avais presque oublié pourquoi j’étais là. Je repris le stylo noir qui traînait près de moi et dédicaçai la feuille : « À bientôt sur la scène que nous partagerons un jour, Seamus. »

Nancy a beau demeurer calme en apparence, simuler la normalité est devenue un de ses super-pouvoirs. Cependant, à cet instant, sa voix intérieure ne cesse de la déranger, elle lui hurle combien Seamus est magnifique, à quel point elle doit refaire sa vie à ses côtés. Cette voix a raison et elle le sait, la passion qui l’anime est trop forte. Elle n’a pas eut beaucoup de chances dans la vie, maintenant les choses vont changer, cet homme de bien qu’elle a toujours rêvé trouver est devant ses magnifiques yeux bleus.

Elle sait comme il est sensible son musicien, elle le voit se tortiller adorablement sur son siège alors qu’il lui réponds, à elle. Des mots qui lui sont adressé de cette voix fabuleuse, qui prononce son prénom : Nancy.

Un sourire s’étire sur ses lèvres, à présent qu’il la connait, elle ne sera plus jamais seule. Plus jamais elle ne se torturera le soir en se disant qu’elle ferait bien mieux de sauter par la fenêtre plutôt que d’attendre de voir le jour prochain se lever.

Au moment où elle lui tendit la partition, elle frôle volontairement sa main, mais voyant son expression, elle fit une mine un soupçon désolée, comme si cela avait été accidentel, trop hypnotisée par lui pour avoir eut un geste déplacé. Elle ne regrette absolument pas. Tout était finement calculé, elle a imaginé tous les scenarii possibles pour qu’un jour, il lui appartienne. Elle serait une bonne épouse, il ne le sait juste pas encore.

- Avec une basse ?

Qu’elle répète avec amusement, elle n’y avait jamais songé.

- Je jouais du piano autrefois, mes parents pensaient que je deviendrais une virtuose.

Un peu de vérité dans ses récits ne fera que rendre plus crédible son innocente venue à ce show. Elle entends brièvement des voix derrière Seamus, elle ne leur accorde pas le moindre regard. Elle ignore si les voix la concerne, c’est que Nancy est devenue assez paranoïaque avec le temps, mais aujourd’hui elle doit montrer son visage le plus serein possible, elle espère seulement tenir le coup.

Elle n’a d’yeux que pour lui, cela aide beaucoup.

- Mais je suis tombée sur une mauvaise personne qui m’en a privé.

Elle hausse les épaules avec une gracieuse et élégante nonchalance, faisant mine de ne pas vouloir s’épandre sur ses malheurs. Elle lui racontera tout cela plus tard, un autre jour, parce qu’à présent leurs vies sont liées, elle l’a décidé.

- Peut-être que la basse serait un nouveau souffle.

Ajoute-t-elle avec un sourire taquin, elle récupère la partition soigneusement rédigée pour y lire les quelques mots de son âme sœur. Elle relève son regard envoutant vers le brun pour lui demander, toujours sourire :

- Est-ce une promesse ?

Ou des paroles en l’air, suppose-t-elle silencieusement pour le piéger tendrement.