pulling on my heart strings

« Docteur Baumbaum, Docteur Baumbaum ! » La voix stridente de la petite Judith, sept ans, qui se bat contre un léiomyosarcome retentit dans le couloir et le rythme de ses petits pieds -nus- résonne contre les murs. Thad n’a même pas la force d’être irrité parce qu’elle a enfreint la règle qu’il a mis en place avec elle : l’appeler une fois et compter jusqu’à dix avant de l’appeler de nouveau. Il est cependant obligé de maintenir un minimum de décorum en cette journée particulière alors il lui fait les gros yeux une seconde alors qu’elle s’arrête à un mètre de lui, essoufflée. « Judith, qu’est-ce qu’on a dit ? » demande-t-il en tentant de garder son sérieux tant la gosse est adorable. Elle lui parle de la visite du casting de Family Portrait depuis une semaine non-stop. Il trouve les résultats, encourageants, de ses examens plus intéressants mais elle n’a d’yeux que pour les personnages qu’elle voit à la télé et dont elle a regardé la première saison « au moins cent fois » d’après ses dires.  « Je sais mais Docteur Baumbaum, ils vont bientôt arriver ! » Elle ne tient plus en place et si son opération n’avait pas eu lieu il y a quatre jours, Thaddeus aurait presque peur qu’elle fasse sauter ses points tant elle est agitée. « Et si tu ne retournes pas enfiler des chaussons immédiatement, tu sais qui ne pourra pas les rencontrer ? » Le sous-entendu lui glace le sang une seconde, ça se voit presque dans son teint, elle qui est déjà bien pâlotte blanchit encore un peu. Il n’a pas le temps de se répéter qu’elle fait déjà volte-face et qu’elle disparaît dans sa chambre. Dieu ce que cette journée va être longue. Entre les piaillements beaucoup plus aigus qu’à l’accoutumé et les infirmières qui elles aussi semblent trépigner, Thaddeus a l’impression d’être passé à côté d’un phénomène fantastique. Peut-être qu’il prendra le temps de regarder un épisode en rentrant chez lui, mais en attendant il faut qu’il aille accueillir les membres du casting qui patientent dans une salle d’attente (d’ordinaire réservée aux parents) accompagnés des photographes, d’un ou deux journalistes et des membres de la production. C’est limite une invasion, mais une invasion approuvée par ses supérieurs, ça rend la chose beaucoup plus agréable, non ? Sans trop de cérémonie, c’est pas comme s’il leur devait une grande déférence, Thaddeus entre dans la pièce, toussote pour être sur d’avoir leur attention et se lance : « Bonjour à tous, je suis Thad Baumgartner, le docteur en charge du service pédiatrie aujourd’hui. Les enfants sont extrêmement excités de vous rencontrer, merci de prendre le temps faire ça pour eux. Je vous demanderai seulement de faire attention à leurs perfusions. » Il ouvre la porte du service pour les laisser entrer comme s’ils étaient réellement les bienvenus. À vrai dire ça le dégoûte un peu qu’on instrumentalise ses patients de la sorte mais c’est pas comme s’il avait son mot à dire. Le chef du service pédiatrie et le comité de direction de l’hôpital voient ça comme une opportunité en or de faire parler de l’hôpital et de mettre du baume au coeur des gamins, qui est-il pour s’opposer à ça ? « Ah et lequel d’entre vous est le producteur ? Il paraît que je dois coordonner la suite du processus avec lui. »  Il parie que c’est le mec au téléphone qui n’a pas écouté un mot de ce qu’il a dit, mais sait-on jamais.

C’est un convoi quasi exceptionnel qui se dirige tout droit vers le Good Samaritan Hospital. Un des établissements hospitaliers les plus réputés de la ville, notamment pour la qualité remarquable de son service pédiatrique.
Sélectionné par la production de Family Portrait, l’hôpital allait accueillir le casting principal de la série afin de rendre visite aux enfants soignés  dans le service. C’était la première fois que Noah participait à ce genre d’événement et l’ascension fulgurante qu’il connaissait grâce au rôle de Peter y était clairement pour quelque chose. Ce rôle l’avait propulsé en l’espace d’une saison au rang de star incontournable d’Hollywood. Sa tête s’était retrouvé placardée sur les billboards de tout le pays et la série était diffusée sur le petit écran du monde entier. Un changement radical de vie pour celui qui courrait les castings il y a encore peu de temps.

Assis dans le van aux côtés de ses co-stars, Noah attendait non sans une certaine appréhension l’arrivée à l’hôpital. Peu de monde savait à quel point la cause de l’enfance tenait à coeur au jeune Jefferson, il espérait donc que tout se passerait parfaitement. Évidement, ils avaient été briefés pour renvoyer la meilleure image possible de l’équipe et de la série. Cela pourrait vous paraître vraiment surfait… Une opération marketing avec des enfants atteints de maladie grave, dans quelle monde vivons nous ? Non, s’ils avaient eu le droit à un petit recadrage, c’est parce que l’ambiance sur le plateau s’était fortement détérioré suite à l’arrivée d’un nouveau membre du casting : Milo Dekens. Enfin… pour être tout à fait honnête, c’est seulement entre lui et Noah que les choses étaient tendus. Heureusement, seul le casting principal de la première saison avait été convié, ce qui avait éloigné tout problème d’égo lors de la visite.


« Les amis, je crois que niveau discrétion c’est encore loupé pour cette fois ! » annonça leur chauffeur habituel alors que le véhicule s’approchait de l’établissement. Noah tourna la tête et découvrit le rassemblement devant l’hôpital. Parmi eux, quelques flats de paparazzis commençaient déjà à crépiter. Autant la jeune célébrité n’était pas vraiment gêné par leur présence habituelle, il en venait même presque à jouer avec eux, autant dans ce contexte là, il n’était guère ravi de les voir parmi la foule.
La voiture se fraya un chemin dans le parking jusqu’à la porte d’entrée. Plusieurs agents de sécurité tentaient de maintenir en ordre cette petite foule tandis que deux d’entre eux ouvrirent la porte du van lorsque celui ci fut arrêté. Lorsqu’il déposa le pied au sol, la foule se mit à crier son nom suivit de ceux de ses co-stars qui suivirent ses pas. Le timing étant très serré, aucun d’eux ne s’arrêta vraiment pour signer des autographes, la raison de leur venue était toute autre. Ainsi, aidé par la sécurité, les 4 acteurs finirent par atteindre le hall principal du service pédiatrie.

A l’intérieur, les équipes de tournage étaient déjà présentes et s’affairaient à la mise en place des caméras qui suivraient les acteurs. Chacun d’eux prenaient soin de faire le moins de bruit possible pour ne pas perturber le calme du lieu. Une initiative qui ravissait Noah.
A peine eurent-ils le temps de souffler que les portes automatiques du services s’ouvrirent pour laisser place à un un grand brun au sourire étincelant vêtu d’une blouse blanche. Il s’agissait du médecin en charge du service pédiatrie et, lorsqu’il le découvrit, Noah imagina immédiatement qu’il devait être le chouchou des enfants.

« Le producteur c’est lui ! » Noah désigna du doigt l’homme au téléphone qui les accompagnait. « Mark ! Je crois que le médecin aimerait s’entretenir avec toi ! ». Ce dernier leur fit signe de commencer et précisa que le petit entretien aurait lieu à la fin de la visite.
La visite serait donc la première étape. Au préalable, les acteurs avaient été prévenus que chacun d’entre eux suivraient un membre du personnel dans des chambres bien définies.  Ses 3 co-stars vinrent à la rencontre de trois membres du personnels qui les attendaient sur le côté. Concernant Noah, il ne lui restait qu’une possibilité, faire la visite avec le médecin en chef du service. « Et bien, je crois que vous serez mon guide Dr. Baugmartner ! » dit-il en relisant la plaque du médecin. Ce mec renvoyait vraiment de bonnes ondes, c’était plaisant. Chaque binôme passa les portes du service suivit d’un caméraman et d’un assistant.
« Je vous suis ! » lança Noah, à la fois enthousiaste et stressé à l’attention du médecin.

« Le producteur c’est lui ! » C’est peut-être la dernière personne que Thaddeus s’attendait à entendre parler qui lui répond. Il y a sûrement une dose d’a priori dans cette idée, mais que ce soit le mec qui semble soulever de la fonte en guise de petit-déjeuner et qui -de fait- doit passer le plus clair de son temps à se regarder dans un miroir ou à la télé qui l’informe, ça lui donnerait presque espoir en la sous-catégorie de l’espèce humaine que sont les acteurs. « Merci. » fait-il tout sourire à la seule personne qui s’est montrée utile. Et il est presque reconnaissant quand le jeune homme interpelle son boss qui n’a pas encore daigné raccrocher son téléphone. « Mark ! Je crois que le médecin aimerait s’entretenir avec toi ! » Mark, le producteur, noté, Thaddeus saura s’en rappeler, avec un peu de chance il va réussir à se le mettre dans la poche en deux temps trois mouvements et la prochaine fois il pourra conseiller qu’ils viennent pour des patients adultes du service des grands brûlés par exemple. Sauf qu’évidemment, le producteur leur signale que leur réunion « peut attendre ». « Bah voyons… » Thad pourrait être surpris du manque cruel de considération du cadre hollywoodien, mais en même temps, le type a organisé une promo avec des gosses malades et il veut que Thaddeus lui fasse une liste des candidats potentiels pour jouer un rôle de figurant dans la série. La seule chose qui le surprendrait serait que Mark soit capable de faire une crise cardiaque, parce qu’il a clairement un lingot d’or à la place du palpitant. « Et bien, je crois que vous serez mon guide Dr. Baugmartner ! » Thad le regarde un peu surpris. Lui ? Son guide ? Évidemment, pourquoi est-ce que sa journée pourrait être simple quand elle peut-être compliquée ? « Je… fantastique ! » Il essaie de paraître enjoué, mais ça ne marche guère. Peut-être que c’est une punition cosmique qui lui tombe dessus. Il a dû froisser son chef de service en prenant une opération difficile et maintenant on se venge en lui faisant vivre l’enfer sur terre : être coincé une après-midi avec des adultes qui voient ses patients comme des accessoires. « Je vous suis ! » C’est sans vraiment réfléchir au fait qu’on lui a demandé de faire patte de velour que Thaddeus répond, tout sourire (c’est le minimum) : « Je n’avais pas prévu de servir de guide touristique à une star du petit écran, mais je sais par quoi on peut commencer. » Le commentaire marque peut-être un peu son agacement face à la situation, mais en plus d’être obligé d’organiser une après-midi de comm’ plutôt que de médecine, le voilà coincé avec un acteur -probablement égocentrique ils le sont un peu tous non ?- dont il ne connaît pas l’identité. Et il ne risque pas de demander, manquerait plus que ça, il ne va pas passer pour la seule personne inculte de la pièce quand tout l’hôpital se ridiculise déjà en se tombant en pâmoison devant les acteurs, hors de question que lui cautionne ce genre d’attitude ou pire, l’adopte. Il ouvre la porte de la chambre de la solution qu’il a trouvé à son petit problème. « Judith, regarde qui je t’amène… » fait-il en guidant l’acteur d’une main ferme appuyée dans son dos. C’est limite s’il le jette pas dans la fausse aux lions. « Oh mon dieu, oh mon dieu ! PETER ! Docteur Baumbaum ! Vous m’avez emmené Peter ! » Et voilà le travail, maintenant il sait tout ce qu’il a besoin de savoir, l’acteur s’appelle Peter. C’était un jeu d’enfant et il n’avait même pas eu besoin de passer pour un con. Bon, maintenant il faut juste qu’il pense à prendre des mouchoirs pour la prochaine chambre, parce que Judith a les larmes aux yeux alors qu’elle s’extasie devant sa star préférée. Thaddeus ? Il reste dans l’encadrement de la porte, il leur laisse l’occasion de passer un moment ensemble, ça lui permet aussi de faire la liste de ce qu’il a à faire avant de finir sa garde, et il les dérangera quand la photographe qui les suit comme une ombre décidera qu’elle a assez exploité « la gamine cancéreuse ». Le bon goût par excellence, c'est tout ce à quoi il s'attend de la part des vautours du service publicitaire du network.

Lorsqu’on avait annoncé à Noah l’idée d’aller rencontrer des enfants à l’hôpital, il n’avait pas vraiment su comment prendre la nouvelle. Le côté positif, c’est qu’il allait pouvoir passer du temps avec des enfants entourés d’adultes qui mène un train de vie d’enfer et qui n’ont potentiellement pas le temps de passer du temps avec eux. Le point un peu plus négatif, c’était l’aspect marketing de la chose. Il lui était déjà arrivé par le passé de faire une action similaire mais au sein d’une association. Ici, ça sentait le coup marketing à plein nez pour les producteurs même si pour tous les acteurs, l’action était faite de bon coeur. Avec un peu de jugeote, on pourrait clairement se demander si les enfants sont vraiment la cible de la série ? Absolument pas, les ados à la limite mais franchement, un drama comme Family Portrait n’a rien à faire sur le petit écran de ces enfants qui ont clairement besoin de se changer les esprits. Néanmoins, pour la bonne cause, ils avaient tous acceptés mais Noah s’était juré d’ouvrir l’oeil sur un quelconque dérapage de la part de la production.

Le médecin en chef eu l’air surpris de jouer les guides touristiques pour l’interprète de Noah. Soit il n’était pas au courant de tout ça (ce qui semblait improbable vu son poste), soit il n’était pas du tout ravi d’organiser un tel événement et Noah allait potentiellement en faire les frais. « Je n’avais pas prévu de servir de guide touristique à une star du petit écran, mais je sais par quoi on peut commencer. » lança le Dr Baugmartner à son intention. Son ton venait alors confirmer sa deuxième supposition, il n’était absolument pas ravi d’être à ses côtés. « Vous savez… si vous avez une urgence ou autre chose de plus important que de jouer les guides, je peux rejoindre un autre groupe, ça ne me pose pas de problème ! ». Noah comprenait la position du médecin plus que quiconque…  En ayant grandi avec un père chirurgien, il savait que dans cet hôpital, des gens bien moins lotis que lui avait besoin du Dr Baugmartner et qu’en le retenant à ses côtés, il risquait de les mettre plus en danger qu’autre chose. Malgré le ton un peu amer du médecin, il essayait de conserver sa bonne humeur.

Le jeune médecin s’arrêta devant une porte rose où le prénom de « Judith » était écrit en lettre de bois. Il toqua deux fois avant d’ouvrir la porte et de pénétrer dans la chambre où une petite fille attendait, assise sur son lit, la venue du docteur et vraisemblablement de Noah. Rapidement, elle sauta du lit et se mit à courir avec ses petits pieds nus qui tambourinaient sur le sol jusqu’à lui. Elle lui sauta alors dans les bras. Instinctivement il se redressa en la portant avant de se tourner vers le médecin resté jusqu’alors sur le pas de la porte. Par peur de mal faire, il souhaitait obtenir son approbation. « On a le droit de faire ça ? » chuchota-t-il à son intention.
Pendant ce temps, un photographe bombardait la rencontre de Noah et de la petite Judith. « Moi c’est Noah et toi… je crois que c’est… attends laisse moi deviner… JUDITH ! » lui dit-il en plaisantant. « WOAH » dit-elle non sans émotion, ses yeux s’écarquillant comme deux petites billes. « Tu connais mon prénom ? ». Noah avait le sourire aux lèvres, la rencontre avec les enfants était toujours pour lui une vraie dose de bonne humeur. Il accompagna la jeune fille jusqu’à son lit, s’assit à ses côtés et remarqua qu’elle se frottait les yeux d’abord à cause de l’émotions mais aussi, enfin c’est ce qu’il en déduisait, à cause des flashs répétés du photographe. « Judith, tu m’autorises à aller parler au monsieur avec l’appareil photo pendant 30 secondes ? ».

« Je pense que tu as eu assez de cliché non ? ». Le photographe retira l’appareil de son visage en arquant un sourcil. « Oui tu as bien compris, je pense qu’on peut laisser cette petite tranquille maintenant et puis franchement, j’aimerais bien garder un minimum d’intimité avec elle. ». Le photographe tenta d’argumenter mais il comprit rapidement que c’était peine perdue. Noah se dirigea alors vers la petite blondinette pendant que le photographe rangeait son appareil photo sous le regard en coin du médecin resté jusqu’alors sur le pas de la porte.

« Alors comme ça c’est ta chambre c’est ça ? » Toute excitée à l’idée de présenter son lieu de vie, la jeune fille sortait de son lit ses doudous,  quelques jouets puis se dirigea vers une table à dessin installée au milieu de la chambre. « Bon alors dis moi, ce charmant docteur là bas… » dit-il accompagné d’un signe de tête vers le docteur. « est-ce qu’il s’occupe bien de toi ? » La jeune fille pouffa de rire. « Oui, c’est le Docteur BaumBaum ! Il essaye toujours de me gronder quand je cours partout mais il finit toujours par rigoler après ! ». Accroupi à côté de la jeune fille, Noah rit à son tour avant d’observer le médecin. « Vous vous joignez à nous Docteur BaumBaum ? ».  

Il n’a pas accepté le rameau d’olivier, la porte de sortie de l’acteur quand il lui a proposé de rejoindre un autre groupe. Thad a un job à faire, aujourd’hui il se trouve que ce job c’est d’être baby-sitter pour un artiste. Il n’entre pas dans la chambre et depuis le pas de la porte, Thaddeus a arrêté de prêter attention à la conversation qu’entretiennent Judith et Peter, c’est leur moment à eux (surtout à elle en fait) et il ne veut pas jouer les intrus. Il y a déjà le photographe pour ça et les flashs qui font grimacer le rejeton chaque fois qu’ils crépitent. Après une bonne vingtaine de clichés, des demandes de sourire et autres injonctions, les deux adultes dans la chambre sortent dans le couloir. « Je pense que tu as eu assez de cliché non ? » intervient l’acteur dans ce qui semble être une belle interprétation d’un gars agacé. Faut dire, Thaddeus s’attendait presque à entendre le gars demander à Judith de faire l’amour à la caméra, alors il ne peut qu’opiner. Et Peter d’ajouter devant l’air mi-confus mi-offusqué du reporteur : « Oui tu as bien compris, je pense qu’on peut laisser cette petite tranquille maintenant et puis franchement, j’aimerais bien garder un minimum d’intimité avec elle. » Thaddeus se demande un instant s’il n’est pas injuste avec Peter, peut-être que partir du principe qu’il joue un rôle en permanence ce n’est pas lui donner la chance de montrer qu’en dessous des apparences il y a un coeur qui bat. Tous les acteurs ne sont peut-être pas des gens en quête d’amour inconditionnel de la part du public pour compenser le vide qu’ils ont à l’intérieur de leur âme (si on croit à ce genre de truc). Peut-être qu’il est l’exception qui confirme la règle et que c’est un mec bien en plus d’être une star du petit écran. « Il y a une salle de repos au bout du couloir, j’enverrai quelque’un vous chercher quand nous changerons de chambre, vous ne perdrez pas une miette du spectacle. » lance Thaddeus un sourire de façade plastronné sur son visage. Le pire c’est qu’il dit vrai, parce que s’il fait de la rétention d’informations et d’opportunité de le cliché parfait au photographe il n’en verra jamais le bout, on lui rabâchera pendant des semaines qu’il a mis en péril la relation entre la presse et l’hôpital et que ça va coûter cher à l’hôpital, et bla, bla bla. Il regarde sans le moindre regret le paparazzo officiel s’éloigner avant de se replonger dans les messages de son téléphone, ne prêtant attention à la conversation dans la chambre que d’une oreille, histoire de pouvoir décider quand il va mettre fin à l’entretien et passer au suivant. « Alors comme ça c’est ta chambre c’est ça ? »  Ok la question lui semble un peu bête, mais il oublie aussi que les gens n’ont pas autant l’habitude que lui de parler à des enfants. Surtout des enfants malades qui sont très souvent bien plus matures que d’autres de leur âge. « Bon alors dis moi, ce charmant docteur là bas… est-ce qu’il s’occupe bien de toi ? »  demande Peter et ça lui fait arquer un sourcil. D’abord parce qu’il trouve ça un peu déplacé d’utiliser ce genre de ton et de propos avec une gamine de sept ans, et puis parce qu’il n’aurait pas soupçonné que la starlette hollywoodienne soit intéressée par les hommes. Probablement un cliché, mais ne sont-ils pas tous des hétérosexuels pur-jus jusqu’au jour où un scandale vient révéler qu’ils ont eu des relations -pas toujours très consenties- avec des jeunes hommes ? À la Kevin Spacey. Pas que Peter ressemble à un prédateur, mais il représente bien le genre de mec que Thad n’aurait pas soupçonné une seconde, faut dire qu’il ne l’avait jusqu’alors jamais vu. Tout ça pour dire que même si c’est pas désagréable de savoir qu’on le trouve charmant mais il sait aussi que c’est à 40% dû à la blouse blanche. Ça a un côté aphrodisiaque sur les gens. « Oui, c’est le Docteur BaumBaum ! Il essaye toujours de me gronder quand je cours partout mais il finit toujours par rigoler après ! ». répond la bambine, ça le fait sourire en coin même s’il sait qu’il va bientôt falloir couper court à la conversation et briser le coeur de Judith pour quelques instants. « Vous vous joignez à nous Docteur BaumBaum ? » demande l’acteur en utilisant le surnom que les gamins adoptent parce que son nom est un peu trop compliqué pour leur âge. Même si l’invitation part d’un bon sentiment, Thaddeus n’a vraiment pas l’intention de l’accepter, ils ont un planning serré et même si Judith est adorable, d’autres enfants attendent, ah et il n’a pas du tout envie de passer l’après-midi à avoir des conversations qu’il a quasi-quotidiennement avec ses patients. « Non, malheureusement nous allons devoir y aller. Judith, on te retrouve dans une petite demi-heure dans la salle commune pour un goûter avec tout le monde, ok ? » Il fait un signe de tête à Peter de le rejoindre, le laisse dire au revoir. Une fois que l’acteur le rejoint dans le couloir, Thad se sent obligé d’expliquer. « Désolé Peter, mais vous avez un emploi du temps chargé et Judith n’était que le premier arrêt. » Il fait un effort pour se montrer vraiment contrit et de ne pas faire de commentaire désobligeant, ils croisent une infirmière et Thaddeus oublie (plus ou moins volontairement) de lui demander d’aller chercher le photographe. Ils tournent à l’angle d’un couloir quand « CODE BLEU CHAMBRE 312, CODE BLEU » retentit dans le couloir. Sans réfléchir et sans prêter attention à son invité, Thaddeus détale en direction de la chambre où un pronostic vital est engagé, il entre dans la chambre, Peter sur ses talons. Évidemment il n'a rien de mieux à faire que de le suivre, le code bleu n’aurait pas pu subvenir cinq minutes plus tôt ? Il l’aurait laissé avec Judith et se serait occupé de Thomas tranquille. « Commencez les compressions, qu’on me donne un kit de défibrillation. Wyland finissez l'intubation et commencez la ventilation. » ordonne-t-il en enfilant des gants, son regard captant l’ombre d’un appareil photo. « ET QUE QUELQU’UN FASSE DÉGAGER CE CON DE JOURNALISTE. » hurle-t-il particulièrement exaspéré. Comme s’ils avaient besoin qu’il prenne en photo un gamin en train de mourir.