paint me in trust (ft. leona)

« Meg Barnes ? » Perchée sur un escabeau à essayer d’atteindre un dossier dans les archives de l’association, ton téléphone coincé entre ton oreille et ton épaule, l’hésitation qui teintait ta voix à chaque fois que tu te présentais à un inconnu a disparu. Ton cerveau a finalement accepté de retrouver ton nom de jeune fille, et c’est devenu absolument naturel. Quelque chose dans la voix au bout du fil te fait très vite comprendre que la conversation qui s’apprête à avoir lieu n’a rien de léger. Tu lâches le classeur et reprends ton smartphone fermement dans ta main. « What ? » Plaçant toute ta concentration dans les mots traversent ton conduit auditif, tu descends de ton perchoir et le repousse contre le mur, machinalement. « Where did you say, again ? » Rapidement, tu ranges les quelques documents qui jonchent ton bureau dans le premier tiroir et attrapes ton sac. « I’m on my way. » Comme pour ponctuer ta phrase, tu claques la porte derrière toi et tournes la clé dans la serrure.

Le silence qui résonne dans la voiture alors que tu parcours les quelques kilomètres qui te séparent de l’adresse qu’on t’a indiquée te fait tourner la tête. En plus d’une bonne couche d’inquiétude, il y a les questions qui se bousculent. Est-ce grave ? Est-elle responsable ? Est-elle bourrée ? Pire ? Et puis surtout… Pourquoi c’est toi qu’on a appelée ? Tu sais que Lise a dû partir en déplacement pour quelques jours dans le cadre d’un projet, mais tout de même. Il doit bien y avoir quelqu’un d’autre que toi ? Tu n’as pas franchement le temps de creuser davantage, interrompue dans ton élan par le carambolage qui apparaît à l’horizon. Pas de doute possible, tu es arrivée. Tu te gares un peu avant le bazar de voitures, d’ambulances et de policiers qui s’est formé autour de l’accident, et marches d’un pas vif pour rejoindre le cœur de l’action. Au loin, tu aperçois Leona, assise contre une barrière.

Arrivée à sa hauteur, tu constates avec soulagement qu’elle semble plus ou moins entière. Par instinct plus qu’autre chose, tu la serres dans tes bras. « Are you ok ? » Tes mains se posent de chaque côté de sa mâchoire pour relever son visage et inspecter ses plaies, superficielles. Satisfaite, tu t'installes près d’elle. « What happened ? »

 « Where’d you got your license asshole?!! Won it at a fucking pub quiz?! » hurlait-elle, retenue par un policier qui perdait déjà patience face à l’agitation de la brune. « Ma’am if you don’t calm down right now I’m gonna have to cuff you and bring you to the station. » Lançait l’homme en uniforme, d’un ton ferme et froid. « Riiiiight, you’d love that don’t you! » Lâchait Leona en le repoussant un peu plus violemment qu’elle ne l’aurait voulu. Le policier venait aussitôt la plaquer contre le capo cabossé et fumant de la jeep, forçant ses bras dans son dos pour lui passer les menottes. « Alright that’s it. » annonçait-il à la musicienne qui se débattait vaguement, mais sans grand succès, la précision de ses gestes depuis longtemps estompée par l’alcool. « He made a fucking U-turn in the middle of the street and I’m the one you’re taking to the station?! You gotta be a joking- » rouspétait-elle, vite interrompu par l’une des collègues du policier qui avait visiblement besoin d’aide avec plus important que some drunk lady. Le demi-tour inattendu (selon les dires de Leona) qu’avait fait le conducteur juste devant elle, avait causé un gros carambolage dans les deux censes de la circulation, il fallait donc calmer tout le monde, coupé la route en amont et permettre au secours d’arriver sur place… bref Leona était le dernier de leur souci. Le policier l’entrainait donc un peu plus loin, avant d’enfin la démenotter près d’une ambulance pour la confier à quelqu’un d’un peu plus patient.

« What are you trying to do? Blind me? » ronchonnait-elle alors que l’ambulancier faisait passer lentement une lumière devant ses yeux. Leona repoussait la petite lampe d’un geste de la main maladroit, ignorant les questions qui sortaient d’entre les lèvres du jeune homme. « Your voice is really annoying. » notait-elle alors que la policière aperçue plus tôt réapparaissait, elle aussi avec tout un tas de question. « Wait, what? » lâchait-elle sortant de ses pensés, ignorant tant bien que mal la voix de l’ambulancier, qui sonnait comme un instrument mal accordé à ses oreilles, pour se concentrer sur ce que venait de dire la brune en uniforme. « No you can’t revoke my license just like that. He made the U-turn! » Elle pointait aussitôt du doigt le coupable, qui était assis sur un brancard, non loin et qui était dans un piteux état après les multiples choques qu’avait subis son véhicule. « And you were driving under the influence. » Leona levait les yeux au ciel. « Oh come oooon, what influence? » soupirait-elle, alors que l’ambulancier venait serrer quelques chose autour de son bras. « Well he’s going to run some test and we’ll know soon enough. » Leona reportait aussitôt son attention sur le professionnel de santé qui préparait déjà de quoi faire sap rise de sang. « oh, no lady, he’s not gonna do any of that. » Annonçait-elle très sérieusement en se levant précipitamment du bord de l’ambulance où elle était, jusqu’ici, assise. Titubante, elle bousculait la policière alors qu’elle tentait de retirer l’élastique qui se trouvait autour de son bras, celle-ci qui retenait Leona sans trop de mal et s’apprêtait déjà à sortir ses menottes. « No please not that, I have delicate and expensive hands…» Couinait aussitôt la musicienne qui avait encore les poignets douloureux après l’interpellation musclé de l’autre policier. « I’ll do whatever you want, I promise. » Et c’est dans un état second que Leona se calmait enfin, laissait l’ambulancier faire son boulot et remettait son permis de conduire à la policière ainsi que son téléphone portable. « Could you make a call for me since I can’t drive myself home? » Elle aurait volontiers demandé un verre de whisky aussi, mais quelque chose lui disait que cette requête là ne serait pas très bien reçue.

Assise contre la glissière de sécurité, le regard perdu dans le vide, elle avait l’impression qu’elle était là depuis seulement une petite minute, alors qu’en fait cela faisait bien une heure qu’elle attendait. Il y avait toujours autant d’agitation autour du carambolage, les lumières des gyrophares clignotaient toujours et déjà des camions remorqueur venait retirer les premiers véhicules. Le regard de Leona se posait sur sa pauvre Jeep, dont la taule avait été froissée par le choque, alors que soudain des bras l’entouraient et la serraient dans un câlin forcé. « Are you ok ? » Meg était là et redressait la tête de Leona pour scruter son visage du regard. Un peu de sang sec le long de sa tempe, mais en dehors de ça, elle n’avait rien, sa voiture et son égo avaient le plus souffert dans cette histoire. « I’m doing amazing. » lâchait-elle d’une voix qu’elle pensait calme alors qu’en réalité elle semblait encore totalement sous le choc. (ce qui n’était pourtant pas la faute de l’accident mais bel et bien de la poudre blanche qu’elle avait reniflé en début de soirée.) « What happened? »  « Some guy made a U-turn here. Can you believe that? Ugh, people. » Oui, l’accident était arrivée à cause de ce fameux demi-tour, qui n’était pas véritablement interdis ici mais qui n’en restait pas moins risqué, néanmoins celle qui n’avait pas freiné à temps, et qui était arrivée bien trop vite, restait Leona. A vrai dire : demi-tour ou non, elle serait probablement rentrée dans la voiture du conducteur quand même, mais ça elle n’était pas en état de l’admettre. « So my car is dead and some cop took my license.... » Puis tendant son bras pour montrer le petit pansement qui recouvrait le point fait par la prise de sang, elle ajoutait : « and my blood too. I’m not sure they’re allowed to do that. I’ll ask my lawyer. »

« I’m doing amazing. » Tu ne lèves même pas les yeux au ciel comme tu aurais pu le faire d’habitude en entendant son sarcasme, tes instincts maternels protecteurs ayant complètement pris possession de ton corps et de ton esprit. « Some guy made a U-turn here. Can you believe that? Ugh, people. » Tu fronces les sourcils, commençant à comprendre ce que tu refusais de voir jusqu’alors. « Wait, so you…? » Tu ne finis pas ta phrase. Tu n’as pas envie de l’agacer de peur qu’elle t’envoie valser et que tu ne puisses pas la ramener indemne à bon port. Tu te retournes ensuite vers la route, le lieu de l’impact, pour essayer d’imaginer l’accident en question. Le demi-tour dont elle parle ne te semble pas imprudent, ni même interdit, alors tu t’accroches prête à affronter une histoire bien pire que tu ne l’imaginais. « So my car is dead and some cop took my license.... » Tes doutes se confirment. On ne confisque pas le permis de victimes collatérales.

« and my blood too. I’m not sure they’re allowed to do that. I’ll ask my lawyer. » Tu bondis de ta rembarde. « They what ? » Sans la ménager, tu saisis son bras pour y découvrir un petit pansement, révélateur d’une prise de sang à peine achevée. « Oh no, Leo… » Tu sais exactement ce que cela signifie, que son test d’alcoolémie n’a rien révélé et qu’ils soupçonnent autre chose. Reproduisant les mêmes gestes qu’il y a quelques instants, tu poses les mains sur son visage pour cette fois observer ses yeux. Presque nez contre nez, ton attention est dans son regard, et surtout dans la dilatation de ses pupilles que te suffit à confirmer l’usage de stupéfiants, comme diraient les forces de l’ordre. « What was it ? What did you take ? » Ta voix garde son voile de douceur mais s’habille de fermeté. Dans le même temps, tes doigts glissent au creux de ses coudes pour y chercher des traces de piqures, des hématomes, en vain. « Come on, it’s important, I need to know. » Une part de toi se demande si tes semblants de compétences médicales sont la raison pour laquelle c’est toi qu’elle a choisi d’appeler, plutôt qu’un autre, plus compatissant et moins susceptible de la juger. C’est en chuchotant que tu finis par ajouter, jetant tes principes aux oubliettes au nom de sa sécurité et ta tranquilité : « I won’t tell them. »

« They what ? » Meg s’emparait sans plus attendre du bras de Leona, relevant rapidement la manche de la brune pour découvrir le pansement de fortune fait par l’ambulancier. « Oh no, Leo… » Leona, confuse, reposait son regard sur Meg sans trop comprendre ce qu’il se passait dans la tête de la blonde, alors que celle-ci venait poser ses mains sur le visage de Leona. « You okay? » soufflait la pianiste alors que Meg s’approchait dangereusement d’elle, observant ses yeux. « Now you’re into me, huh? » ajoutait-elle en pouffant de rire en voyant Meg si près d’elle, avant que la blonde ne s’éloigne de nouveau, son visage toujours couvert par ce voile d’inquiétude. « What was it ? What did you take ? » Ses mains glissaient aussitôt le long des bras de Leona à la recherche de trace de piqure et la brune eut immédiatement un mouvement de recul, s’éloignant d’un pas avant de tirer sur ses manches. « Come on, it’s important, I need to know. » insistait Meg alors que Leona la fusillait déjà du regard. « Oh fuck off Barnes. » pestait-elle. « I’m not a fucking junkie. » ajoutait-elle venant croiser ses bras sur sa poitrine un air boudeur sur le visage. « I won’t tell them. » elle avait bien du mal à la croire, après tout il s’agissait de la meilleure amie de Lise, lui dire toute la vérité allait certainement lui retombée dessus, il n’y avait pas de doute. « You won’t tell them… » répétait-elle un rire piquant qui s’échappait à la suite de sa remarque. « Right, suuuure. Cut the bullshit. You’re gonna tell Lise, we both know that. I just need you to drive me home. » Concluait-elle. Oui c’était ce pourquoi Meg était venue. Leona n’avait plus de permis et puis, vu l’état de sa voiture elle n’était pas certaine de réussir à rentrer entière, ou en tout cas pas sans perdre son pare-choc avant en chemin.

« You okay? » Tu ne prends pas la peine de lui répondre en continuant ton observation. « Now you’re into me, huh? » Bien trop concentrée pour protester ou même relever, tu es confortée dans tes craintes lorsque tes pupilles rencontrent les siennes, dilatées. Immédiatement, tes doigts cherchent des marques de piqures sur ses bras, mais tu es vite stoppée. « Oh fuck off Barnes. » Son regard est assassin, autant que le tien est préoccupé. « I’m not a fucking junkie. » Tu te mords la lèvre. Tu aimerais la croire, mais tu ne peux plus être sûre de rien. Tu as peur de découvrir un véritable problème. On ne se met pas dans des états pareils, risquant sa vie et celle des autres, après un petit joint. Alors tu essaies de lui tirer les vers du nez en garantissant de ne rien répéter, mais ça ne prend pas. « You won’t tell them… » Qu’elle l’accepte ou non, tu es sincere. « Right, suuuure. Cut the bullshit. You’re gonna tell Lise, we both know that. I just need you to drive me home. » Tu pinces les lèvres, prise en éteau. « If you’d wanted a cab, you would have called one. » Elle savait bien que t’appeler toi serait lourd de consequences. De là à ce que tu y discernes un appel à l’aide adolescent, il n’y a qu’un pas. « Stay here. Don’t move ! » Tu joins le geste à la parole, l’intimant de rester en place. Tu n’aurais habituellement pas franchement confiance, mais où pourrait-elle aller ?

A quelques mètres de là, tu t’adresses d’abord à la police, à qui tu fais quelques ronds de jambe et te montres coopérative avant de finir par demander : « Is she free to leave ? » Tu n’écoutes pas tous les détails. On te dit oui, qu’ils détiennent déjà ses papiers, et qu’elle serait convoquée, ou quelque chose du genre. Peu t’importe. Elle peut quitter la scène de l’accident. Il ne manquerait plus que tu sois complice de fuite. Avant de retourner à ta protégée, tu échanges également deux-trois mots et finis par : « Should I put her on concussion watch? » Ce n’est pas clair. Personne ne sait te répondre clairement, mais vous finissez par tomber d’accord : c’est plus prudent.

Quelques minutes à peine se sont écoulées depuis que tu as quitté la pianiste, et tu l’entraines à présent vers ta voiture. « Come on. » Tu t’installes au volant d’un moteur encore tiède, mais ne démarres pas immédiatement. Au lieu de ça, tu te retournes vers Leona, une sincérité désarmante sur ton visage. « I won’t tell her, I promise. I swear to God. » Tu ne jures jamais dans le vent, elle le sait. « But I need to know. » Insistant sur le premier verbes, tu espères faire imprimer le message.

 « If you’d wanted a cab, you would have called one. » Meg marquait un point. Leona n’avait pas appelé Jules, ni Beth, ni Lise, ni même un taxi ou un uber. Elle avait bien décidé, somehow, de faire venir Meg. Peut-être parce qu’elle savait que celle-ci serait moins dans le jugement que Jules, qu’elle ne l’engueulerait pas comme Lise le ferait et qu’elle aurait la douceur d’une mère. Plus douce que sa propre mère d’ailleurs qui aurait répondu à son texto par un ‘deal with it’. « Stay here. Don’t move ! » La blonde s’éloignait rapidement rejoignant les policiers. « Ugh. » grognait elle en observant Meg parler avec les flics. Elle venait passer une main dans ses cheveux, grimaçant en sentant un petit picotement au contact d’une blessure superficielle, avant de faire les cents pas près de la glissière de sécurité. Meg réapparu bien vite entraînant Leona vers sa voiture. « Come on. »  « Wow take it easy… » soufflait la brune alors que ses talons traînaient contre le goudron. Elle montait à bord de la voiture attendant que Meg ne démarre. « I won’t tell her, I promise. I swear to God. » La brune soufflait de plus belle, agacée par l’insistance de son amie. « Just drive the damn car Barnes. » mais rien à faire Meg ne reculait pas. « But I need to know. » « Gosh you’re annoying… » soufflait-elle. « Cocaine. Ok? » lâchait-elle venant jouer nerveusement avec le pare-soleil, observant rapidement son reflet, venant frotter du bout des doigts le sang séché qui se trouvait à la naissance de ses cheveux avant de refermer le pare-soleil en lâchant un : « happy now ? » piquant. Elle reportait brièvement son attention sur Meg. « Can we go? Or do you want me to drive ? » lançait-elle dans un énième soupire agacée.

« Gosh you’re annoying… Cocaine. Ok? » Une pierre tombe dans le fond de ton estomac en même temps qu’une vague d’anxiété s’échappe de ton corps. Tu préfères ça à une néo drogue dont les effets sont inconnus et les conséquences imprévisibles. Au moins, tu sais de quoi on parle. « happy now ? » Évidemment, tu réagis au quart de tour et réponds, sur le ton de la réprimande. « Of course I’m not happy. » Tu te pinces malgré tout les lèvres avant d’ajouter, plus douce : « But thank you for telling me. » Tu peux maintenant faire des plans dans ta tête et surtout, et c’est ce que tu avais dans l’idée de faire depuis le départ, te remémorer les symptômes de l’overdose de cocaïne. Tu les as appris un jour, ils peuvent revenir. Fièvre. Tremblements. Tachycardie. Douleurs dans la poitrine. Nausée. Crise de panique. Anxiété. Délirium. Paranoïa. Tu sais à quoi t’en tenir. Tu sais quoi observer.

« Can we go? Or do you want me to drive ? » Tu réalises alors que tu étais assise derrière ton volant, moteur éteint, concentrée sur tes pensées. Sans un mot, tu mets le contact et démarres, t’insérant lentement dans la file désordonnée des voitures qui contournent le carambolage. Tu laisses le silence gagner l’habitacle pendant un moment. Tu ne veux pas te battre, ce n’est pas ton rôle, mais tu ne veux pas non plus parler de la pluie et du beau temps. Non seulement ce serait impensable, mais en plus ça ne vous a jamais ressemblé, à Leona et toi, de faire ça. Finalement, à un feu rouge, tu tournes la tête vers elle et demandes : « Are you hurt ? » Tu sais bien qu’elle n’a pas de blessure majeure, les pompiers te l’ont déjà assuré. Mais ce n’est pas ça que tu demandes. Tu veux savoir si elle a mal quelque part, si ses jambes s’engourdissent avec la chute d’adrénaline. Pas les constantes vitales, mais son ressenti global. Et alors que tu poses cette question, tu laisses passer sur ta droite l’embranchement menant vers la maison de Lise et Leo, continuant ta route comme si de rien n’était.

Meg mettait enfin le contacte, accompagné par un : « about time. » de Leona qui reportait aussitôt son attention sur la fenêtre côté passager. Un silence s’installait alors et les yeux de la brune se perdaient sur les enseignes lumineuses qui éclairaient la rue. La voiture s’immobilisait à un feu rouge et soudain la voix de Meg venait perturber le ronron régulier du moteur. « Are you hurt ? » Leona reportait son attention sur celle qui se trouvait derrière le volant. Restant premièrement silencieuse, regardant Meg comme pour juger de son sérieux, savoir si vraiment elle était sincère lorsqu’elle lui demandait ça. Puis son regard se reportait sur le feu rouge. « I’ve got blood in my hair. » lâchait-elle simplement, venant passer sa main vers sa tempe ou du sang, déjà sec, avait collé quelques cheveux à sa peau. « It’s a little gross. » ajoutait-elle avant de ramener ses mains légèrement tremblantes devant elle pour les observer. Frottant de sa main gauche quelques traces sombres sur le dos de sa main droite, . « My hands feel funny too. » après le rush allait, de toute façon, venir la descente. La fatigue, la tristesse, l’anxiété, l’irritabilité, l’angoisse… bref les prochaines heures allaient être sympathique, mais pour le moment, mise à par quelques palpitations et cette sensation de ne plus vraiment sentir ses mains, elle allait encore très bien.  « But I’m good or the paramedics would have kept me. » notait-elle, plus à elle-même pour s’assurer que ça allait, qu’à l’attention de Meg qui devait probablement se dire la même chose. « Barnes, It’s green. » ajoutait-elle très calmement en voyant le feu changer de couleur.

« I’ve got blood in my hair. It’s a little gross. » Tu esquisses un demi sourire en coin, amusée de l’entendre se plaindre de quelque chose d’aussi futile, du moins rien qu’une douche chaude ne pourra régler. « My hands feel funny too. » Le poids de ces mots, pourtant presque insignifiants s’ils avaient été prononcés par une autre bouche, te glace les veines. Tu sais, quasiment aussi bien qu’elle, qu’elle ne peut pas se permettre la moindre blessure aux mains. « But I’m good or the paramedics would have kept me. » Essaie-t-elle de te rassurer, ou de se rassurer elle-même ? La question est entière. Probablement un peu des deux, mais sa voix hésitante ne fait pas illusion. Profitant d’un feu rouge arrêtant ta course, tu saisis délicatement sa main gauche. Du bout des doigts, tu en examines la peau, puis exerce de légères pressions sur les tendons avant de forcer ses phalanges à se plier et déplier. Finalement, tu rends ton verdict, qui ne saurait tout à fait être un diagnostic – tu n’en as ni le droit, ni l’autorité. « I don’t think there’s anything long lasting. » Tu adresses un regard doux à Leona en poursuivant : « You probably just gripped a little too hard during the shock. »

« Barnes, It’s green. » Tu sursautes, revenant sur terre au son de la voix de la pianiste. Voulant repartir à la hâte, tu cales et provoques le courroux des conducteurs qui te suivent et ne manquent pas de faire résonner leurs klaxons. « Sorry, sorry ! There… » Tu maugrées dans ta barbe, plus pour la brune que pour le reste du monde qui ne pourra pas t’entendre et finis par retrouver ta concentration. C’est dans le silence que vous parcourez les quelques kilomètres qui vous séparent encore de votre destination, cette route que tu pourrais presque faire les yeux fermés. Tu finis par arriver dans l’entrée de ta maison, ne laissant pas le choix à Lenny. Elle a choisi de t’appeler, elle s’en mordra probablement les doigts, mais tu es bien déterminée à la surveiller jusqu’au matin. La prudence est de mise, tu n’oses même pas imaginer la tournure que prendraient les événements s’il lui arrivait quelque chose en l’absence de Lise. Alors oui, tu es probablement beaucoup trop prudente, mais ce n’est une surprise pour personne. Après avoir coupé le moteur, tu ouvres ta portière en disant : « Come on, now. » En quelques enjambées seulement, tu fais le tour du véhicule et te plantes devant le siège passager, prête à aider ton amie – le mot est-il bien choisi ? – à sortir de la voiture.

« I don’t think there’s anything long lasting. You probably just gripped a little too hard during the shock. » Leona récupérait sa main, observant celle-ci et sa jumelle, les sourcils légèrement froncés. Ce petit chatouillement qu’elle ressentait la contrariait un peu mais Meg avait probablement raison : ça n’allait pas durée, cette sensation étrange aurait certainement disparu dès le lendemain. La brune reportait son attention sur le feu qui passait au vert, sans que Meg ne semble se décider à bouger la voiture. Après de longues secondes Leona ne put s’empêcher de le lui faire remarquer et à ces mots le moteur s’arrêta dans une pette secousse, très vite accompagnée par les klaxons des voitures stationnés derrière. La pianiste restait silencieuse, reportant son attention sur sa fenêtre alors que Meg redémarrait enfin, s’excusant tout en accélérant pour partir en direction de Pacific Palisades. Leona n’y prêta pas plus attention, après tout, depuis qu’elle avait aménagé chez Lise, elle habitait aussi dans ce quartier et pensait donc, naïvement, que Meg la ramenait sagement chez sa blonde. Mais non. Le véhicule s’immobilisait enfin et Leona reprenait ses esprits, constatant que Meg venait d’ouvrir sa portière non pas sur le charmant cottage de Lise, mais bel et bien sur la villa familiale des Herrman. « Come on, now. » annonçait elle, en quittant la voiture avant de faire le tour pour ouvrir la portière de Leona. « Baaaaarnes. I know you’re dying to see me move in with you but I don’t live here. » râlait elle, semblant refuser à quitter la véhicule. « When I asked you to drive me home, i meant my home. Not yours. » ajoutait-elle, se décidant enfin à se tirer de la voiture, s’appuyant machinalement sur Meg, étant bien incapable de tenir debout dans l’état où elle était. « I’ll just walk. Thanks. » annonçait-elle très sérieusement, malgré la fatigue dans ses yeux alors que les effets de la drogue s’estompait de plus en plus. Et sans attendre que Meg ne ronchonne à son tour, Leona retirait sa main, qui prenait jusque-là appuie sur l’épaule de son ami, avant de trainer des pieds en direction de chez elle. Elle n’habitait pas bien loin après tout, en temps normal elle aurait le faire sans difficulté, mais là c’était une autre histoire. Le choque de l’accident semblait faire souffrir le moindre de ses muscles, comme une sorte de courbature géante qui n’épargnait aucun recoin de son corps.

« Baaaaarnes. I know you’re dying to see me move in with you but I don’t live here. » Et alors, c’est quoi sa stratégie ? Faire la grève et rester cloitrée dans ta voiture ? Une chose est sûre, toi tu n’as aucunement l’intention de la raccompagner chez elle où elle sera seule, sans personne pour garder un œil sur elle. Absolument pas. « When I asked you to drive me home, i meant my home. Not yours. » Ca tu l’avais bien compris, mais elle a perdu le droit d’avoir une opinion et des exigences au moment où elle t’a choisie comme personne à contacter. « And I already told you that I’m not a cab driver. This is what you get. » Tu penses avoir gagné lorsqu’elle prend appui sur ton épaule pour sortir de l’habitacle, mais elle te fait très rapidement comprendre qu’elle n’a pas dit son dernier mot. Comment peut-on faire tenir autant d’obstination dans une seule personne ? Tu n’en sais rien, ça te dépasse. « I’ll just walk. Thanks. » Tu es d’abord tentée de la laisser essayer, te disant qu’elle se rendra compte bien rapidement qu’elle n’est tout bonnement pas capable de se déplacer si loin. « Right… » Un ton de même pas cap sur tes lèvres, tu essaies de te persuader que c’est le seul langage que Leona comprendra. Mais on ne te refera pas, tu ne tiens pas bien longtemps, et fonce à nouveau sur elle au bout de quelques secondes à peine, enserrant sa taille d’une emprise ferme. « You’ll do what I tell you to, no complaining. » Au jeu précédent, celui du chat et de la souris, tu n’avais aucune chance. Mais à celui-ci, quand il s’agit de faire les mamans poules, tu es la reine indétrônable.

Tu la guides vers la maison d’une poigne de fer, et ouvres la porte d’une main décidée. Tu la lâches prudemment pour accrocher vos manteaux dans l’entrée. Dans la grande armoire en bois clair, tu prends un jeu de serviette et un de ces pyjamas offerts dans un hôtel lors d’une conférence de Mark. Tu savais bien que ça te serait utile un jour. « Take a shower, get that blood out of your hair. » Tu lui mets tout le barda entre les bras, affirmant tacitement qu’elle n’a absolument pas le choix. « Go. I’ll make some tea. » Tu devrais plutôt dire que tu vas mettre la bouilloire en route avant de faire les cent pas devant la porte de la salle de bains, guettant le moindre indice de malaise. Mais ça n’aide pas. Tu préfères qu’elle te pense bien loin, dans la cuisine.