wedding day (kamaël 4)

Quelques jours plus tôt

Vêtue simplement d’un jean slim, d’un t-shirt un peu décolleté - juste ce qu’il faut - et d’une paire de basket en toile, j’entre dans le commissariat où travaille Sam. On ne s’est pas revus ni contactés depuis la dernière fois, il où m’a passé les menottes pour les mauvaises raisons. Qu’on se le dise, j’aurai aimé qu’il me les passe pour faire autre chose de bien plus intéressant… Je demande à voir le capitaine Stawberry. Rien à faire, j’aurai toujours un petit sourire au coin des lèvres en prononçant son nom de famille. Ça casse tout ce qu’il essaie de construire, et son allure d’armoire à glace slash porte de prison. Le petit jeune passe un coup de fil, il m’a même pas demandé mon nom cet idiot. « Non euh… je ne sais pas. Grande… blonde… D’accord. » Je retiens un sourire qui ne se traduit que par un rictus, et le jeune homme m’indique la direction du bureau, je le coupe dans sa lancée. « Ne vous en faites pas, je sais où c’est, merci beaucoup ! » Je lui offre un clin d’oeil dont j’ai le secret, et me faufile jusqu’au bureau de Sam. Quelques coups à la porte, de toute manière il m’attendait. « Salut, c’est ton emmerdeuse préférée ! » Je lui offre un petit sourire et referme la porte derrière moi, avant de me fondre dans le siège de l’autre côté de son bureau. « Bon, j’te demande pas si tu vas bien, t’as jamais l’air d’avoir eu assez de café au réveil… » Je lève les yeux au ciel et poursuis sans attendre. « Tu me dois un service. Je sais que t’as pas oublié, et que tu es du genre à honorer tes promesses. » Il a plutôt intérêt. « J’ai besoin de toi. Après ça, on sera quittes, et tu entendras plus parler de moi. » C’est ce qu’on dit oui. On verra ça. Je suis sûre qu’il aura à nouveau besoin de moi. Chacun son tour, c’est comme ça que ça marche. « Passe me chercher samedi à 11h. Tenue correcte exigée, si tu sors le costard c’est encore mieux. J’suis sûr que t’es pas mal en costard. » C’était plutôt une réflexion pour moi, mais qu’importe. « Me pose pas un lapin où tu le regretteras, je suis restée soft dans mes capacités à t’emmerder. Tu serais surpris. » Un petit sourire, et je quitte le bureau sans demander mon reste.

Aujourd’hui

Evidemment que j’ai peur qu’il ne vienne pas. Quoi que peur n’est pas le bon mot. Il est clair que je préfèrerai qu’il vienne, mais je n’ai prévenu personne que je serai accompagnée. Ce serait un plus qu’il soit là, non seulement pour faire fermer leur gueule à ma famille qui me demande encore ce que je fais toute seule, et aussi et surtout pour éviter de me faire chier pendant la totalité de ce mariage. Je ne voulais pas y aller, une cousine qui se marie, on s’en fout un peu non ? Mais non, c’est peut-être le dernier évènement auquel assistera ma grand mère qui vit ses derniers instants. Elle voulait que tous ses petits enfants soient présents. Quelle aubaine. Ma cousine est une de celles qui a le mieux réussi, et le mariage ne ressemblera en rien à la classe sociale plus que médiocre dans laquelle j’ai évolué jusqu’à ce que je bosse à mon compte. J’enfile [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] que j’avais déjà porté à un cocktail, rouge bordeaux, pas trop tape à l’oeil, mais pas passe partout pour autant. Juste ce qu’il faut d’équilibre. Une paire de talons hauts, un léger maquillage et le tour est joué. Rien d’extravagant. Je suis un peu en avance, et, le coeur battant, j’attends que les minutes défilent. Le rendez-vous a été donné à 11h45 pour la cérémonie. Onze heures. Mon coeur bat plus fort. Je tente de rester calme, alors que je suis sur le trottoir à attendre quelqu’un qui ne viendra peut-être pas. Mais il est là. J’échappe l’air trop longuement contenu, et monte dans la voiture sans trop attendre. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant la couleur de sa cravate, assortie à ma robe. « Merci d’être venu. » Maintenant, reste plus qu’à le convaincre de jouer les faux petits amis. Ce n’est pas comme si c’était la première fois, on devrait pouvoir s’en sortir.

Après notre beau coup de filet de la dernière fois, les opérations se sont enchainées. Des brèches ont été ouvertes et le service n’a pas manqué de boulot. Les choses se sont un peu tassées depuis quelques jours, nous sommes à l’affût de nouvelles pistes. C’est une période de repérage qui se met en place. Le plus souvent sur le terrain j’ai accumulé pas mal de paperasse, il faut bien un jour pour le faire, même si ce n’est pas ma tasse de thé, loin de là. Un malheur n’arrivant jamais seul, Knox choit ce jour là pour me rendre visite. Ça n’a rien de courtois, elle réclame une faveur, celle que je lui dois après ce qu’il s’est passé avec son client. J’ai dit que je lui revaudrais ça, pour me rattraper du mauvais traitement infligé afin de rester crédible dans la mise en scène de l’arrestation. Je n’ai qu’une parole, je crois qu’elle le sait, mais ça ne l’empêche pas de se fendre d’une menace. Pas de lapin, sinon la blonde se montrera sous un tout nouveau jour et l’emmerdeuse que je connais sera comme un doux souvenir. Ce n’est pas de gaité de cœur, mais le rendez-vous est pris, samedi à onze heure. Costard conseillé. Où est-ce qu’elle va m’emmener ? Sur un de ses contrats ? L’incertitude n’est pas pour me rassurer, mais je ne suis pas du genre à me défiler.
Le jour J est arrivé, nous sommes samedi, j’ai mis un costard et même une cravate. C’est à onze heure pile que je me pointe à son adresse. Je tourne au coin de la rue et la voit qui attend sur le trottoir dans une jolie robe rouge foncé. Je m’arrête à sa hauteur, elle monte à bord, je me fends d’un petit rire contenu quand elle me remercie « Avais-je vraiment le choix ? » oui, mais elle m’aurait clairement fait chier ensuite, plus encore que ce n’est déjà le cas et franchement je n’ai pas trop envie d’expérimenter le niveau supérieur. Maintenant que je suis là, peut-être vais je avoir le droit d’en savoir plus sur cette mystérieuse sortie à laquelle elle me convie. « Où va-t-on ? » je vais avoir besoin d’une adresse pour nous conduire à bon port et ça serai déjà un élément de réponse à ce qui m’attend. « Tu peux m’en dire un peu plus sur ma présence ? » très probablement un truc en lien avec son boulot, de quoi me faire un peu payer la manière dont s’est terminé son précédent gros contrat. Pourtant je n’y suis pour rien, je l’avais prévenu du danger, elle a décidé de n’en faire qu’à sa tête et m’a ensuite demandé de l’aide. « Qui tu vas arnaquer encore ? » demandé-je avec ma neutralité habituelle. Elle a à peu près le même statut qu’un indic, je ne mets pas trop le nez dans ses affaires tant qu’elle se rend utile et jusqu’ici ça a plutôt assez bien fonctionné.

Une fois dans la voiture, je le remercie d’être venue, et de ne pas m’avoir posé un lapin. Je me serai débrouillée puisque personne n’était au courant que je venais accompagnée, mais je suis quand même rassurée qu’il soit là. Il est d’autant plus beau une fois bien sapé. Il dit ne pas avoir eu le choix. Ce n’est pas tout à fait faux, et je me contente d’un haussement d’épaules, accompagné d’un sourire mutin. La question est posée, où va-t-on. Taquine, je lui donne l’adresse sans lui dire de quoi il s’agit. « Qui tu vas arnaquer encore ? » Je joue les nanas outrées, plaçant ma main sur mon thorax et arborant une mine déconfite. « Moi ? Arnaquer quelqu’un ? Ce n’est pas du tout dans mes habitudes… » Je lui offre un petit sourire amusé et repose mon regard sur la route. « Ma famille. » Cette fois je repose mon regard sur lui, il attend davantage d’explications, je me doute bien. « Mariage de ma cousine. Une connasse. Je ne voulais pas y aller, mais ma grand mère qui est mourante nous a tous suppliés de venir pour nous voir tous ensemble une dernière fois. » Je lève les yeux au ciel en soupirant exagérément. Je joue un peu les blasées, mais j’aime ma grand mère et je ne suis pas prête à ce qu’elle s’en aille. « Au départ je comptais proposer à ma meilleure amie de m’accompagner, parce que j’avais clairement pas envie de me faire chier toute seule. Mais je me suis dit que ma grand mère allait mourir avant l’heure si elle apprenait que j’aimais aussi les filles. » Petit grimace, je poursuis. « Du coup une autre solution s’est imposée à moi : toi. ». Je sonde un peu ses réactions, mais avec lui c’est pas facile, on dirait qu’il en a aucune. « Je compte pas rester au dîner et à la soirée, la cérémonie et le cocktail suffiront. Ou alors tu pourras rentrer, je vais pas te faire rester jusqu’au bout de la nuit. » Quoi que. Mais non, je suis integre, je ne compte pas - trop - le malmener. « L’idée c’est que tu joues les parfaits petits amis, histoire de bluffer tout le monde, faire chier ma mère mes soeurs et mes cousines, et rassurer ma grand mère. C’est tout ce que je demande. » C’est déjà beaucoup j’en ai conscience. « Mais bon, on connaît l’exercice, ça devrait aller. » On s’en est très bien sortis une fois, on a été crédibles, reste plus qu’à refaire la même, peut-être en donnant moins l’impression qu’on va se sauter dessus dans la seconde. Quoi que.

Pour toute réponse à ma question sur notre destination, j’obtiens une adresse. C’est un bon début, mais pas suffisant pour connaître le plan de Knox. Je l’interroge donc directement sur la raison de ma présence et qui elle prévoit d’arnaquer. C’est forcément de cela qu’il s’agit, c’est son domaine de prédilection, l’arnaque, même si elle se plait à appeler ça autrement. Bien sûr la blonde joue les innocentes, ça aussi c’est tout elle. Je commence à la connaître ! Silencieux, concentré sur la route j’en attends plus avant de réagir. Sa famille ? Ça m’intrigue, mon léger haussement de sourcils en est témoin. Mais ils se froncent aussitôt que le mot “mariage“ est prononcé. Knox poursuit son explication, je l’écoute d’une oreille pas franchement attentive, bloqué sur le fait qu’elle m’a demandé de l’accompagner à un mariage. Si elle m’avait prévenu dès le début où elle comptait aller j’aurais refusé, heureusement pour elle je n’ai qu’une parole et maintenant que je suis là je ne me défilerais pas. La jeune femme avait pensé emmener sa meilleure amie, mais elle ne voulait pas créé un choc à sa grand-mère, laquelle est en fin de vie. C’est d’ailleurs ça la raison de cette mascarade, Knox va à ce mariage juste pour sa grand-mère, la voir pour ce qui sera peut-être la dernière fois dans un tel contexte. J’étais donc le plan b le plus évident. A vrai dire je m’en serais bien passé, mais je n’en montre rien, impassible. Heureusement pour moi Knox ne compte pas s’éterniser, cérémonie et cocktail je devrais pouvoir le supporter. Nous verrons bien.
Le plan est simple, je dois tenir le rôle du petit ami parfait. Un petit numéro comme nous avons pu jouer lors de cette exposition d’art qui n’était pas que ça. « On garde le côté couple libertin à tendance échangiste aussi ? » demandé-je avec un léger rictus. « Je vais tâcher de me montrer aussi gentleman que possible. Ça te va ? » évidemment elle ignore qu’aller a un mariage tient de l’épreuve pour moi. Je sais dores et déjà que ça ne sera pas facile, mais je ne manque pas de ressources et je saurais faire bonne figure. Il me suffit de considérer ça comme un boulot, une mission d’infiltration comme une autre. Il est peut-être temps de me mettre à l’épreuve et j’ai l’avantage d’être en terrain totalement inconnu où personne ne me connaît moi ou mon histoire. C’est très différent de ses réunions familiales dans lesquelles je capte toujours des regards désolés me donnant l’impression de susciter une certaine pitié.
Nous arrivons finalement assez rapidement sur place, je gare la voiture puis me dirige vers le côté passager, tendant la main à la blonde pour l’aider à sortir. « Evites de m’appeler “mon canard“ ou un autre truc ridicule du genre, c’est tout ce que je demande. » dis-je alors que nous nous avançons à l’endroit où les invités sont réunis pour assister à la cérémonie. Mon estomac se noue légèrement et ma gorge se serre un peu, mais en surface je ne montre rien.

Je ne compte pas le laisser trop longtemps dans l’ignorance. Alors sans attendre je lui explique que les personnes à ‘arnaquer’ sont ma famille. Mes parents, frères, soeurs et cousins cousines. Pour ma grand mère, je vois plutôt ça comme une façon de la préserver. J’ai hésité un instant pour l’idée de lui ramener un métisse, mais j’ai dans mes souvenirs la photo de ce soldat américain noir qu’elle avait aimé un temps. Ça lui rappellera des souvenirs. J’explique à Sam qu’il n’aura qu’a jouer le petit ami parfait, après tout, nous n’en sommes pas à notre coup d’essai. La première fois c’est lui qui m’avait embauchée pour ça, là c’est l’inverse. Il me doit bien ça. « On garde le côté couple libertin à tendance échangiste aussi ? » me demande-t-il avec un très léger sourire mutin au coin des lèvres. Il me cherche. « Si je veux éviter de faire clamser ma grand mère, on évite. » Je sais bien qu’il a demandé ça juste pour m’emmerder. Le fait même que je lui parle de ma grand mère mourante, j’espère qu’il aura un peu d’humanité et qu’il ne va pas faire n’importe quoi. Ça c’est plutôt mon domaine en général, sauf quand il y a un réel enjeu. Et ce soir, il y en a un. « Je vais tâcher de me montrer aussi gentleman que possible. Ça te va ? » Je hoche la tête en lui offrant un petit sourire satisfait. « Je compte sur toi. » Je sais qu’il est ‘l’homme de la situation’.
Nous arrivons sur place, il y a déjà pas mal de monde, tout le monde bien sapé, ma cousine a choisi un château privatisé évidemment, ça m’aurait étonné d’elle qu’elle fasse les choses dans la simplicité. Sam fait le tour de la voiture pour m’ouvrir la porte, gentleman. C’est qu’il me ferait presque de l’effet le bougre. « Evites de m’appeler “mon canard“ ou un autre truc ridicule du genre, c’est tout ce que je demande. » Je ricane légèrement et, face à lui, réajuste son noeud de cravate pour commencer notre petit jeu de couple amoureux transis. « T’inquiète pas pour ça, j’essaierai de rester soft. J’ai pas envie de griller ma couverture. » Si y’en a un qui pourrait jouer au con, c’est lui. Il est en position de force, et même si je n’aime pas particulièrement ça, je m’y ferai, parce que je n’ai pas le choix. J’ai voulu qu’il m’accompagne, maintenant il est là. Je glisse ma main dans la sienne, mêlant nos doigts, jusqu’à arriver à l’endroit où se trouvent tous les convives. Je lâche alors sa main, salue les personnes que je connais et présente Sam de manière naturelle. Quelques petits tacles pour le moment assez mignons du genre ‘enfin tu te décides à te caser’. Merci bien. Et voilà ma mère qui arrive. « Knox chérie. Oh, tu es venue accompagnée… » Son regard détaille l’homme qui m’accompagne et je lui adresse un sourire un peu forcé. « Maman. Oui, c’est Sam. Sam… ma mère. » Ce n’est pas un grand enchantement que de lui présenter ma mère, mais passons. « Tu nous avais caché que tu avais quelqu’un… c’est sérieux ? » Et elle me demande ça devant lui, heureusement que c’est pas vraiment mon mec, sinon il serait parti en courant. « Oui c’est sérieux. Et je ne vous en ai pas parlé justement pour éviter ce genre de réflexion. » Je soupire un peu et fais mine de voir au loin quelqu’un que je connais pour semer ma mère. Je prends la main de Sam et le guide plus loin. Je remarque que sa main est légèrement moite. « Ne dis jamais que j’ai de qui tenir en parlant de ma mère, sinon tu finis chez le médecin légiste. » Que le choses soient claires.

Knox compte sur moi et je n’ai qu’une parole, alors je vais devoir affronter ce mariage sans ciller. C’est une épreuve, certes, mais le moment est peut-être le bon pour me tester. De toute façon je ne suis pas du genre à me défiler, je ne vais donc pas prendre la fuite. C’est l’affaire de quelques heures, je vais gérer ça très bien. Et puis ce que la blonde attend de moi est assez simple, être le mec parfait, le gendre idéal pour duper sa famille. Donc pas de tendance au libertinage ou de tension sexuelle trop visible, et pas de surnoms débiles non plus. Tout ça doit être crédible, ce n’est pas la Knox arnaqueuse qui vient se saisir de ma main, mais la vraie Knox. Même s’il y a de quoi se questionner sur sa capacité à être vraie, puisque même dans ces circonstances elle use d’une supercherie. Je ne juge pas, ça la regarde et de toute façon je lui en dois une. Le bal des salutations et des présentations arrive rapidement, je tiens mon rôle de pièce rapportée, sourire poli, de la présence sans trop en faire. Je me sors bien, parvenant à faire abstraction du contexte dans lequel nous nous trouvons, ça sera sans doute plus difficile durant la cérémonie à proprement parlé. Visiblement la blonde surprend tout le monde en étant venue accompagnée et sa réputation de femme indépendante la précède. Je ne perds pas mon côté observateur, derrière mon masque je n’en pense pas moins et ça m’amuse un peu. Avant même qu’elle ouvre la bouche, je sais reconnaître ma “belle mère“ lorsqu’elle apparaît. Il y a clairement un air de famille entre elle et sa fille que je perçois se crispée légèrement. Relation mère/fille difficile ? Je subis un regard appréciateur que j’accueille avec le sourire, Knox fait les présentations « Enchanté » déclaré-je avec un enthousiasme mesuré. Je sais de qui la jeune femme tient sa franchise et je me retiens clairement de rire à sa remarque je me contente d’un petit « J’espère. » accompagné d’un regard complice en direction de la concernée qui s’empresse de trouver un prétexte pour s’éclipser. Elle m’entraine à sa suite, reprenant ma main dans la sienne tout en me mettant en garde, je ne dois au grand jamais les comparer. Je hausse les épaules « Elle m’a l’air d’être une femme charmante pourtant. » je peux bien m’en faire l’idée que je veux, de toute façon je n’en saurais pas plus, si ce n’est que Knox préfère se trouver loin d’elle et de ses questions gênantes. « Apparemment ils ont plus l’habitude que tu la joue fille de l’air… » déclaré-je avec un sourire en coin juste pour l’emmerder un peu, ça me permet de penser à autre chose. C’est plus ou moins efficace, mais je sens malgré tout que mes mains sont un peu plus moites, trahissant ma tension. « Tu veux peut-être aller saluer ta grand-mère avant le début de la cérémonie, non ? » j’ignore quand celle-ci doit commencer, mais j’avoue ne pas être pressé.

J’ai choisi Sam pour m’accompagner pour plusieurs raisons que je lui ai énuméré dans la voiture. Mais je dois bien admettre que m’afficher avec lui me plait plutôt pas mal, moi qui ai plutôt l’habitude de donner une image de femme indépendante qui n’a besoin de personne pour s’épanouir. C’est toujours le cas, mais il n’empêche que la présence de Sam m’est agréable. Je n’aurai jamais pensé pouvoir me dire ça un jour, et pourtant c’est une réalité. Ma mère arrive dans notre direction et je me crispe immédiatement. Celle qui a toujours vécu avec rien en faisant croire à tout le monde qu’elle avait tout. Elle doit se sentir dans son élément ici. Sam joue son rôle à merveille, répondant à ma mère qu’il espère que ce soit sérieux entre nous. Il passe proche de l’oscar, il faudra que je l’en félicite. Je prends bien vite la poudre d’escampette, et préviens le beau métisse qui m’accompagne qu’il n’a plutôt pas intérêt de me comparer un jour à ma mère. Qu’il dit trouver charmante. « Au premier abord peut-être. » Et ça l’amuse en plus de ça, je le vois à son petit rictus. Petit con. « Apparemment ils ont plus l’habitude que tu la joue fille de l’air… » J’arque un sourcil à sa réflexion. « Parce que c’est le cas. Je suis une femme indépendante, et j’ai besoin de personne. » Oui, enfin c’est ce que je dis, mais j’étais bien contente qu’il me sauve la mise la dernière fois, même s’il m’a quand même faite passer pour une criminelle. C’est d’ailleurs pour ça qu’il es là. « Tu veux peut-être aller saluer ta grand-mère avant le début de la cérémonie, non ? » me propose-t-il alors que je hoche la tête. « Tu as raison. » Je fais le tour des invités, demande à mes cousins s’ils savent où est granny. Elle est à l’intérieur, installée dans un fauteuil telle la matriarche qu’elle est. Je m’approche, un large sourire au lèvres. « Hey, Granny ! » Son sourire s’étire et elle me tend les bras, dans lesquels je fonds sans attendre. Je m’imprègne de son odeur un instant avant de me reculer. « Comment vas tu ? » Son discours n’est pas très optimiste, c’est le lot des personnes âgées je crois. Ça me fait mal au coeur, mais je m’y suis faite. « Je voulais te présenter quelqu’un d’important pour moi. » Je fais signe à Sam d’approcher. « Il s’appelle Samaël. » Elle le regarde un instant, puis repose son regard sur moi. « C’est ton fiancé ? » Je lui souris et hoche la tête. « Oui Granny, tu vois, tout peut arriver. » Ça m’embête de lui mentir, mais je veux lui faire plaisir avant qu’elle s’en aille. « Il ressemble à Mickael. » Le fameux soldat qu’elle avait aimé un temps. Je ris un peu et lui réponds sans tarder. « Oui alors ne perds pas le nord, celui là c’est le mien. » L’entends rire me ravit le coeur, et je pense que Sam ne m’a jamais vue comme ça..

Je suis ici pour rendre service à Knox, mais le cadre de cette “mission“ étant le cercle privé de la jeune femme, j’ai l’opportunité de la voir sous un tout autre jour. Elle est plus naturelle, moins dans la provocation et je peux également voir comment ses proches la perçoivent. Je la découvre différemment et c’est d’autant plus vrai lorsque nous allons à la rencontre de sa grand-mère. La blonde tombe alors totalement le masque, étreignant chaleureusement son aînée. Ce moment est important pour elle et je suis l’élément clé d’une bienveillante mascarade. Je reste en retrait, observant la scène avec respect, presque un certain attendrissement. Knox me répète souvent que je suis un ours mais je ne suis pas dénué d’émotions pour autant. Arrive le moment des présentations, sans doute la plus importante aujourd’hui, celle qui compte le plus pour la jeune femme, la raison même de ma présence ici. Je m’approche quand elle me fait signe, sourire aux lèvres, il n’a rien de forcé et je m’étonne même que ça soit si naturel « Enchanté. ». Sa grand-mère m’observe, avant de demander à sa Knox si je suis son fiancé, ce à quoi la blonde répond à la positive. Pour donner du crédit à sa réponse, je pose une main dans son dos en me rapprochant encore d’avantage « Je suis le chanceux de l’histoire. » dis-je sans me défaire de mon sourire. La matriarche m’observe encore un instant, apparemment je ressemble à quelqu’un qu’elle a connu un certain Mickael. Un ancien amant si j’en crois la réponse de sa petite fille laquelle affiche sa possessivité à mon égard dans un rire spontané que je me surprends à trouver agréable. « Elle est un peu jalouse. » dis-je à mon tour sur un ton complice « Elle a raison. Un bel homme comme vous ça se surveille. Et vous faites un très beau couple, vos enfants seront magnifiques. » cette projection dans un futur inexistant me fait échapper un léger rire « Mais d’abord le mariage. Un beau, ma petite fille le mérite. » ajoute t’elle alors que je hoche la tête « Oui. Rien n’est jamais trop beau pour elle. » je joue mon rôle en posant un regard tendre sur la jeune femme avant de déposer un baiser sur sa tempe. Et parlant de mariage, c’est l’heure de la cérémonie. Knox aide sa grand-mère a rejoindre l’endroit où elle va se dérouler, à l’extérieur, et nous nous retrouvons installés non loin des premiers rangs. Moi qui espérais pouvoir être tout au fond, c’est raté. J’ai un peu de mal à ne pas être un peu plus tendu, appréhendant la manière dont je vais vivre ce moment. Ces gens sont des inconnus, je dois pouvoir être totalement détaché. Mais je sais bien que ça va être difficile, ce contexte fait remonter beaucoup de chose en moi. L’assemblée est installée, la musique est lancée, et le marié est le premier à remonter l’allée. Instinctivement ma main trouve celle de Knox, je la prends dans la mienne pour me raccrocher à quelque chose, rester dans le réel de ce jour heureux et ne pas me projeter dans mon passé douloureux du bonheur dont on m’a privé.

Comme Sam le souligne, il serait bien que je vois ma grand mère avant la cérémonie. Une fois trouvée, je m’approche pour l’enlacer tendrement, avant de lui présenter mon ‘petit ami’. Elle parle directement de fiancé, j’acquiesce même si je n’ai pas de bague. Pour le moment elle n’y fait aucune allusion, tant mieux. Sam s’approche, glissant sa main dans mon dos. Ce serait mentir de dire que je ne ressens rien à ce simple geste. Je m’amuse d’entendre ma grand-mère dire qu’il ressemble à son amant de l’époque, et je précise que celui-ci, c’est le mien. Elle n’a pas perdu la tête, Granny. « Elle est un peu jalouse. » affirme-t-il en me regardant, alors que je hausse légèrement les épaules, comme pour confirmer sans pour autant le verbaliser. Ma grand mère en rajoute une couche, parce que selon elle, un homme comme lui se surveille. Nos enfants seront magnifiques. Nous voilà bien. Mon rire se mêle à celui de mon faux fiancé. « On n’en est pas encore là. » Avant, un beau mariage, qu’elle dit. Parce que je le mérite. J’aime tellement cette femme, je ne sais pas ce que je serai quand elle va partir pour de bon. Cette simple pensée me brise déjà le coeur et les entrailles. « Oui. Rien n’est jamais trop beau pour elle. » Je tourne la tête vers lui et le regard qu’il m’adresse me ferait presque flancher. Il joue. Je dois simplement me rappeler qu’il joue. C’est tout.
Il est l’heure de nous rapprocher des bancs. Je pousse le fauteuil de ma grand-mère jusqu’à l’endroit que nous indique la wedding planner, et m’installe non loin, avec Sam à mes côtés. Tout se passe à merveille pour le moment, je ne sais pas comment je vais pouvoir le remercier, même si en soi, il m’en devait une belle. Quoi que nous ne sommes pas encore à la fin de la journée, tout peut encore arriver. Je me méfie avec lui, il est si imprévisible. Le marié remonte l’allée et ça ne me fait pas grand chose à vrai dire, je ne le connais même pas. Mais lorsque je sens la main de Samaël venir chercher la mienne, mon coeur s’emballe d’un coup. Je tourne la tête vers lui, surprise mais sans pour autant esquiver son geste. Je comprends en le regardant que quelque chose cloche. Sa main est moite. Je glisse mes doigts entre les siens et appose même ma seconde main contre le dos de la sienne, en guise de soutien. Je ne sais pas ce qu’il a vécu pour qu’un mariage soit une sorte de traumatisme, mais c’est comme ça que je le ressens. Son regard croise le mien et je me contente de lui apporter mon soutien, simplement par ce regard. La mariée arrive sur la marche nuptiale, et je me penche un peu pour approcher mes lèvres de l’oreille de Sam. « On dirait une grosse meringue ! » que je lui dis dans un murmure, espérant le faire sourire, au moins un peu.

Knox m’a fait venir pour jouer le rôle de son petit ami. Je passe directement au statut de fiancé auprès de sa grand-mère, les promotions sont rapides chez les Hopkins. Tout ça tient du détail, l’essentiel c’est que la blonde semble avoir trouvé son équilibre, quelqu’un pour l’aimer et rassurer sa grand-mère qu’elle ne finira pas seule. C’est un mensonge, mais il ne fait de mal à personne, je crois. J’adopte l’attitude que l’on attend de moi, c’est plutôt facile et ça me permet de ne pas trop réfléchir à la cérémonie qui approche à grand pas. Nous y sommes rapidement. Dommage, j’aurais bien aimé discuter un peu plus avec la grand-mère de Knox et pourquoi pas apprendre quelques infos sur cette dernière, mais peut-être le pourrais je après tout ça. Car le moment est venu de rejoindre le lieu de la cérémonie. Je fais bonne figure, tentant de ne pas me trahir, mais la blonde n’est pas dupe et lorsque je prends sa main dans la mienne sans raison apparente, je sens une forme de soutien dans son propre geste. Je finis par croiser son regard, peinant à masquer totalement mon trouble. Ça aurait pu m’emmerder de me sentir vulnérable face à elle, cette foutue emmerdeuse, mais étonnamment je ne perçois pas les choses comme ça. Le regard qu’elle m’adresse n’y est pas pour rien, ce moment est hors de tout conflit puéril qu’il peut y avoir entre nous, c’est une trêve. Le marié attend sa future femme, se tenant droit, impassible, pour ne pas montrer que ses jambes sont sans doute un peu tremblantes. La musique commence, la mariée apparaît, remontant l’allée au bras de son père. Knox y va de son petit commentaire, selon elle sa cousine ressemble à une grosse meringue. Ce n’est pas faux et je ne me retiens pas de sourire à cette remarque. Le choix de la robe est une affaire de goût, les siens n’ont pas l’air d’être de faire dans la simplicité et la sobriété. L’espace de quelques secondes j’ai pu me détacher du contexte dans lequel nous sommes. Je ne dois pas vivre dans le passé, rester focalisé sur mon propre mariage qui n’a jamais eu lieu, remplacé par les obsèques de ma défunte fiancée. C’est difficile, ce n’est pas le genre de chose dont on se remet totalement, mais il faut vivre avec. L’assemblée se rassoit, commence alors la cérémonie et je ne prête pas vraiment attention à ce qu’il se dit durant celle-ci. Je concentre mon esprit sur autre chose, fuyant le moment présent. Il n’y a que Knox tirant un peu sur ma main pour que je me lève qui me ramène dans la réalité. L’échange des vœux, la bénédiction. Voilà, ils sont unis par les liens du mariage et le marié est invité à embrasser sa femme. Moi ce que j’ai envie d’embrasser à cet instant c’est un verre de scotch. La grand-mère de la blonde adresse un regard complice à sa petite-fille, comme pour lui signifier qu’elle est la prochaine. Je me penche alors vers ma fausse compagne « Si elle te propose de financer le mariage si on fait ça vite, n’oublie pas de refuser. ». La cérémonie terminée, je me sens un peu mieux, probablement encouragé par la perspective de boire un verre le temps de faire acte de présence durant les mondanités d’usages. Je me doute que nous n’allons pas partir comme des voleurs, quoi que Knox en serait bien capable. « Je sais pas toi mais j’ai besoin d’un verre. Qu’est-ce que tu bois ? » lui demandé-je en lorgnant déjà le côté bar de la réception.

Après les présentations à ma grand mère et le contrat de Samaël en grande partie respecté, nous prenons place pour assister à la cérémonie. Mais je sens rapidement que quelque chose cloche. Sa manière se se saisir de ma main, sans raison apparente, me met la puce à l’oreille. Les mariages, ce n’est pas son dada. Je peux comprendre, tout le monde n’aime pas les mariages. Mais il y a autre chose, autre chose que je finirai par apprendre, je m’en fais la promesse. En attendant, j’essaie de jouer la carte de la légèreté, tout en le soutenant malgré tout. J’ai comme l’intime conviction qu’il s’agit d’un souvenir douloureux. Est-ce qu’il a été marié ? J’ai presque peine à imaginer qu’une femme puisse avoir envie de se marier à un grizzly comme lui. Certes, il est super canon, mais qu’il est chiant putain ! Je sais. Je peux parler. Remarque, il était peut-être pas aussi homme des cavernes avant. Qui sait. Peut-être qu’un évènement l’a rendu comme ça ? Impossible de savoir pour le moment. L’union est enfin prononcée et ça semble être un soulagement pour mon faux petit ami. Ma grand mère se retourne pour me faire comprendre que la prochaine fois, c’est mon tour. Oui, on y est pas. Et malheureusement, elle ne sera pas là pour voir ça. Si ça se produit un jour. « Si elle te propose de financer le mariage si on fait ça vite, n’oublie pas de refuser. » Je laisse échapper un rire amusé et hausse les épaules. « On fera un plus grande fête pour le divorce. » Je crois que je serai prête à faire un faux mariage à la hâte pour rendre heureuse ma grand mère avant qu’elle parte, s’il le fallait. Mais je ne vais pas dire ça à Sam, au risque de le voir décamper plus rapidement qu’il ne le faudrait. « Je sais pas toi mais j’ai besoin d’un verre. Qu’est-ce que tu bois ? » me demande-t-il à peine arrivés dans la pièce qui accueille le vin d’honneur. « Aucune envie de célébrer particulièrement cet union, mais je me laisserai bien tenter par un verre de champagne. » Nous allons nous faire servir à boire et je trinque avec le bellâtre. « Merci d’être venu. Enfin même si t’avais qu’à moitié le choix. » Je ris un peu, tout en continuant de jouer le jeu de l’amoureuse transie, pour les regards alentours. « Mais quelque chose me dit que si je t’avais annoncé avant que c’était un mariage, tu serais pas venu. J’me trompe ? » Je commence à le cuisiner, j’ai envie de savoir.

Mon empressement à aller boire un verre ne doit sans doute pas passer inaperçu auprès de Knox et à vrai dire je m’en fous. Cette emmerdeuse a de toute façon senti qu’un truc clochait, je dois lui reconnaître de vraies qualités d’observations. Elle ne s’en sert pas toujours à bon escient, mais ça c’est un autre problème. La blonde n’a pas particulièrement envie de célébrer cette union à laquelle nous venons d’assister, cependant une coupe de champagne la tente quand même. Je fais part de nos choix respectifs au serveur qui remplit sa tâche sans attendre pour nous délivrer nos boissons. Si ma mission est presque totalement accomplie nous continuons néanmoins à jouer notre rôle. Knox me remercie d’être venue, reconnaissant que je n’avais pas vraiment le choix et je hoche la tête en sirotant une gorgée de scotch avant de lui adresser un sourire pour donner le change sur le couple que nous sommes censés former. Et comme je le pressentais la blonde a très bien compris que je ne suis pas friand des mariages. Aurais-je refusé de l’accompagner en sachant à l’avance où nous devions aller ? Je soupire et hausse les épaules « Je t’en devais une. J’ai qu’une parole. » dis-je pour noyer le poisson, mais oui clairement ça m’aurait été d’autant plus difficile, voire impossible, je n’en sais rien. Je connais ce regard là, celui de la curieuse, elle est déterminée à creuser pourquoi je suis comme ça, je le sais. Je bois une nouvelle gorgée, l’alcool brûlant agréablement mon palais puis ma gorge d’une chaleur réconfortante. « Bon si tu me disais plutôt jusqu’où nous allons devoir jouer notre petit numéro de couple parfait ? » prévoit-elle de partir bientôt ? « Que je sache si je dois me préparer psychologiquement à danser avec toi. » j’échappe un petit rire taquin « Et le problème ne vient pas de la danse. » au contraire, aussi étonnant que ça puisse paraître j’aime ça. Nous échangeons un regard complice, j’espère être crédible, en tout cas auprès de sa grand-mère je crois que ça a été le cas et c’était le but principal. Je remarque le regard de la mère de Knox se tourner plusieurs fois dans notre direction alors qu’elle parle avec quelqu’un que je ne connais bien évidemment pas. « Nous sommes observés. » je me rapproche « Ne crois pas que ça soit une partie de plaisir. » dis-je discrètement avant d’embrasser la blonde. Je recule un peu « Si la journée s’éternise, c’est toi qui finira par m’en devoir une à ton tour. » je n’irais pas jusque là, mais c’est vrai que tout ça me met plus à l’épreuve que je le pensais en m’habillant ce matin pour lui rendre ce service dont j’ignorais la nature. Je termine mon verre d’une traite puis interroge ma partenaire du regard « Un autre ? ».

J’ai envie de savoir. Je sens bien qu’il n’est pas dans son assiette, et je suis prête à parier que c’est l’ambiance mariage qui ne lui plait pas. Mais pourquoi ? Il a été planté devant l’autel par sa fiancée ? Cela dit, ça pourrait justifier son mood grognon h24. « Je t’en devais une. J’ai qu’une parole. » se contente-t-il de me répondre. Je crois que je n’aurai pas de réponse dans l’immédiat. Je peux me montrer patiente. « Bon si tu me disais plutôt jusqu’où nous allons devoir jouer notre petit numéro de couple parfait ? Que je sache si je dois me préparer psychologiquement à danser avec toi. » Mon rire se mêle au sien, et il ajoute que le problème ne vient pas de la danse. « Tant mieux, parce que j’ai très envie de te voir danser. » Je ne sais pas encore si je compte rester longtemps ou non, mais une chose est sûre, sa présence ne m’est pas désagréable. Je ne lui aurai pas proposé de venir si ça n’avait pas été le cas. Pourtant, je ne compte pas lui avouer, ce serait faire voeu de faiblesse. Je sens le regard de Sam qui vagabonde derrière mon épaule et je comprends qu’il se passe quelque chose. Je ne me retourne pas pour le moment, histoire d’être discrète. Ça, je sais faire. Il finit par me dire que nous sommes observés. J’avais cru comprendre. Et le voilà qui se rapproche, je le laisse faire, un rictus au coin des lèvres. « Ne crois pas que ça soit une partie de plaisir. » « Non évidemment. Pour moi non plus qu’est-ce que tu crois. » Pourtant, son baiser est agréable, je le trouve même un peu trop court. Mais nous ne sommes pas là pour nous donner en spectacle. Il croit pouvoir retourner la situation à son avantage, et je me contente d’un haussement d’épaules. « Peut-être bien. » Que je lui en devrai une en échange. Après tout, les fois où j’ai bossé avec lui - sauf la dernière fois - je me suis plutôt bien amusée. Sam termine son verre d’une traite et j’en fais de même, hochant la tête à sa question. Un autre oui, ça pourra pas nous faire de mal. « Tu comptes pas me dire pourquoi t’es pas dans ton élément. Hein ? » J’ai pas besoin de faire semblant, il est flic, si je veux savoir, je n’ai qu’à poser la question. J’ai juste peur de piquer où ça fait mal, et je ne veux pas le blesser. Je peux me montrer taquine, chiante, mais je ne pense pas être méchante. « Tu as été marié ? » On peut tenter en douceur, même si je sais qu’il peut se renfermer comme un ours dans sa grotte en moins de temps qu’il ne faut pour le dire… Je prends un risque, j’en ai conscience.

Réorienter la discussion pour me donner un peu de répit, voilà ma stratégie. Je sais qu’elle ne sera efficace qu’à court terme avec Knox, mais je le tente et ça fonctionne. Evidemment la blonde a envie de me voir danser, pour elle tout est source d’amusement et inspiration pour jouer son meilleur rôle, le sien, celui d’une emmerdeuse finie. Mais pour le moment c’est surtout moi qui ai un rôle à tenir et des regards se posent inévitablement sur nous. Aux yeux de sa famille, et à raison, Knox est plutôt volage ils sont donc surpris de me voir là. Nul doute qu’ils doivent y aller de leurs pronostics pour savoir si oui ou non c’est du sérieux. Je remarque plusieurs fois le regard de sa mère se tourner vers nous, je prends alors l’initiative de rendre notre couple un temps soit peu crédible en précisant bien ne trouver aucun plaisir là dedans. Disons que ce n’est pas désagréable, c’est déjà un bon point, non ? Knox est une jeune femme dont je ne peux nier le charme, ça rend les choses plus faciles. Mais c’est un simple service rendu, qu’elle n’imagine rien. C’est clair de son côté aussi. Nous sommes dans un jeu de chien et chat, ça fait partie de ce drôle de duo qu’il nous arrive de former. Et si je lui rends ce service suite à une promesse que je lui ai faite, il se pourrait bien qu’elle finisse par me devoir à nouveau une faveur en retour si tout ça s’éternise un peu. Ok, je ne suis pas à l’aise ici, j’aimerais donc que ça se termine assez rapidement. Cependant je l’ai dit, je n’ai qu’une parole et je resterais le temps qu’il le faudra. L’alcool m’aide à prendre mon mal en patience, ou du moins m’en donne l’illusion alors après avoir terminé le premier cul sec je propose que nous nous servions à nouveau. Nous nous approchons du bar, je demande un autre whisky et du champagne pour Knox. Elle profite de l’attente pour revenir à la charge sur mon inconfort quant au contexte, comprenant que je n’ai pas l’intention de m’étaler sur le sujet. Ma seule réponse est un haussement d’épaule alors que je récupère nos verres, elle a plutôt bien saisit. Néanmoins je sens qu’elle n’est encore une fois pas prête à en rester là. « On va le boire à l’extérieur ? » demandé-je en lui tendant sa boisson. Elle acquiesce et nous sortons juste devant la salle de réception, nous ne sommes pas les seuls, les autres étant pour la majorité des fumeurs sortis pour prendre leur dose de nicotine. La blonde revient à la charge, puisque je ne suis pas décidé à parler, elle entreprend de me poser des questions. Je la sais tenace, elle ne lâchera pas l’affaire sauf peut-être si je l’envoie balader plus durement. Mais ai-je envie d’en arriver là ? Non. A vrai dire sa compagnie ne m’est pas désagréable, et je sais très bien que je dois réussir à dépasser tout cela. Je secoue la tête « Presque. » je peux facilement deviner ce que Knox doit imaginer à cet instant, que je me suis fait planter devant l’autel ou larguer avant le mariage. Deux options, m’en tenir là et me refermer ou lui parler avec franchise, partager mon histoire avec elle. Mon regard croise le sien un instant avant que je m’en détourne, ma décision prise. « Ma fiancée était flic elle aussi. Elle est morte en intervention une semaine avant notre mariage. » lâché-je, regardant droit devant moi, sirotant une gorgée d’alcool. « C’était y’a plusieurs années, mais j’ai toujours un peu de mal. » conclue-je. Elle doit désormais un peu mieux comprendre que ce ne soit pas le genre d’événement que j’arrive à apprécier à sa juste valeur. Pas parce que je n’aime pas les mariages, mais il m’est difficile d’en détacher ce douloureux souvenir de la perte de celle que j’aimais et de ce dont j’ai été privé.

Il le sait, je suis tenace, et il ne peut pas m’en vouloir de l’être, il est pareil. Nous avons peut-être beaucoup de différences, il se trouve que nous avons aussi pas mal de similitudes. Je ne vois pas totalement clair en lui parce que depuis le temps - ses blessures doivent dater - il a se se former une putain de carapace, et il est difficile de voir ce qui peut se cacher derrière. J’y arrive parfois, mais c’est quand même assez rare. Pourtant, je ne compte pas lâcher le morceau, et il faut croire qu’il en est bien conscient, parce qu’il ne m’envoie pas sur les roses. Je le suis à l’extérieur, il a l’air d’avoir besoin d’air, et je ne vais pas lui refuser ça. Je tente le tout pour le tout, me promettant qu’en fonction de sa réaction, cette question serait probablement la dernière. Il me rend service, je n’ai pas envie de le braquer en totalité, parce que je sais qu’à ce moment là je ne pourrai plus rien avoir de lui. Il a presque été marié. Je reste attentive, plissant légèrement les yeux sans lâcher ses expressions de visage, comme pour arriver à lire l’indicible. Il sait que je n’ai pas besoin de poser de question supplémentaire. A lui de savoir s’il veut poursuivre ou non, me faire confiance ou non, se confier ou non. Je suis là, j’attends, je tente de lui offrir mon regard le plus compatissant possible. Et, sous mon plus grand étonnement, la bête des cavernes fait preuve de vulnérabilité, m’offrant une part de son récit. « Ma fiancée était flic elle aussi. Elle est morte en intervention une semaine avant notre mariage. » Wow. Je ne m’attendais à rien, j’avais vaguement laissé mon esprit imaginer un passif à ce grand gaillard renfrogné, mais je n’avais pas trouvé d’explication précise pour son comportement d’ermite. « C’était y’a plusieurs années, mais j’ai toujours un peu de mal. » finit-il par conclure. « Je comprends. » Non, en fait, je ne peux pas comprendre. « Enfin non, j’imagine. » Je déteste les gens qui disent qu’ils comprennent alors qu’il n’ont pas vécu ce que nous avons vécu. Et même si j’avais vécu la même chose, le comprendre aurait été une autre affaire, puisque nous sommes différents et nous vivons les choses différemment, selon notre propre passé, notre histoire, notre caractère etc… Ce que je comprends par contre, c’est son comportement qui en a découlé. « Je suis désolée pour toi, même si c’est une phrase toute faite et qu’elle est nulle… » Je hausse un peu les épaules. Mais ça c’est vrai, je suis désolée qu’il ait eu à vivre une épreuve aussi difficile. Je soupire un peu, finis d’une traite ma coupe de champagne et prends la main du bellâtre, l’entraînant à ma suite à l’intérieur. « Viens, on va dire au revoir à ma grand mère, et on se casse. » Je glisse mes doigts entre les siens, balayant le regard à la recherche de ma grand-mère. Une fois trouvée, je fonce vers elle, Sam à ma suite. « Granny, on va devoir y aller. Sam est de garde cette nuit, il vient d’avoir un appel pour une urgence, mais on voulait pas partir sans te dire au-revoir. » Son sourire est sans aucun doute ma plus grande faiblesse. Je la prends dans mes bras et l’entends murmurer au creux de mon oreille « Ne le lâche pas celui-là, je suis sûre que vous ferez de beaux enfants. » Je ris un peu et plaque un baiser sur sa joue aussi douce que fripée. « Je ferai tout mon possible. » Et alors que je me redresse, elle fait signe à Sam d’approcher, je crois qu’elle veut le prendre dans ses bras, lui aussi. Et comme à moi, elle glisse quelques mots à son oreille. « Je sens que tu as souffert, mais je vois comment tu la regardes, et je sais qu’elle saura te rendre heureux mon garçon. »