daydreamer (matteo)

Les enfants sont chacun dans leur coin, enfermés dans leur chambre respective ou bien en vadrouille et toi tu es plantée sur le canapé. La télévision tourne, son volume au minimum, mais tu n’es pas concentrée sur les images qui défilent. Tu n’es même pas sûre de te souvenir du titre du film que tu as lancé. Distraitement, tu pianotes sur ton smartphone jusqu’à ouvrir, sans vraiment y prêter attention, The Chart. Aussitôt tu tombes sur le profil de Mark, la dernière chose que tu avais consultée sur l’application. Un peu ridicule, tu dois l’avouer, mais tu ne peux t’empêcher de te demander s’il passe du temps là-dessus à passer en revue toutes les plus belles femmes de la région. Tu ne devrais pas, tu n’en as pas vraiment le droit, mais c’est plus fort que toi. Tu te répètes que tu n’es pas jalouse, pas comme ça, c’est différent, c’est juste que ça te fait bizarre. Balivernes. Mais après tout si tu veux continuer à te mentir à toi-même, personne ne peut t’en empêcher. Essayant de te contrôler et pour t’empêcher de lui envoyer un message, encore, tu quittes la page et parcours nonchalamment les photos qui te tombent entre les mains. Jusqu’à tomber sur un second visage familier, beaucoup trop familier.

Du bout des phalanges tu frappes doucement à la porte de Matteo et attends patiemment une réponse avant de pénétrer dans son espace. Ceux qui te connaissent sont généralement étonnés de te savoir capable de respecter l’intimité de tes enfants. Tu es moins envahissante qu’on pourrait le penser, préférant généralement les laisser venir à toi, une stratégie payante. Malgré tout, il y a des circonstances qui l’obligent, et c’est d’un pas déterminé que tu te plantes devant ton jeune fils, lui tendant ton écran. « Teo ? Tu m’expliques ? » Tu lui laisses une chance de prendre la parole, même si tu ne vois pas vraiment ce qu’il pourrait avancer pour sa défense. Tu le trouves étrange depuis un moment déjà, sans pouvoir te l’expliquer. Ce n’est pas son genre de faire ce genre de choses, de braver les interdits de la sorte. Et tu es quelque part heureuse d’avoir eu la présence d’esprit de ne pas lire ce qu’il avait répondu, préférant préserver tes yeux chastes de toute attaque surprise.

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ces derniers temps, tu restes principalement enfermé dans ta chambre. tu n'as pas envie de parler, tu n'as pas envie de croiser tes parents, ton ta sœur, ou ton frère. tu n'as envie de voir personne, tu as l'impression que tout le monde sait ce que tu caches, que tout le monde sait pour les marques encore visibles sur ton corps. et pourtant, il n'y a que ton frère qui sait. tu fermes les yeux, allongé sur ton lit, glissant une main contre ton visage et soufflant lentement, essayant de te calmer. tu le détestes. tu aimerais pouvoir dire honnêtement que tu le détestes. mais c'est ton frère jumeau ... quoique lui ne s'est pas réellement posé la question. tu te pinces les lèvres de longues secondes et tu soupires un peu, une nouvelle fois. tu n'as même pas faim. tu es rentré de cours, et tu t'es directement dirigé vers ta chambre. tu n'as pas franchement mangé à midi non plus, et tu sais que ce n'est pas ce qu'il y a de mieux. tu veux reprendre la danse sans avoir à grimacer à chaque mouvement, tu veux pouvoir agir normalement, ne pas constamment chercher à cacher tes marques. tu bascules sur le dos, fixant le plafond de ta chambre. la maison est silencieuse, tu te fiches de savoir ou es ton frère et lexa ... tu ne sais pas trop non plus. ta mère regarde un film dans le salon.

tu te mords l'intérieur de la joue quand tu entends toquer. tu pourrais faire semblant de dormir, ne pas répondre. tu sais que ta mère n'entrera pas si tu ne réponds pas. un léger oui ? tu en profites pour te redresser un peu et pour t'adosser contre le mur. ta mère rentre finalement dans ta chambre et tu fronces un peu les sourcils quand elle te tend son téléphone, allumé. tu te pinces brièvement les lèvres, restant neutre. teo ? tu m'expliques ? tu arques un sourcil et tu glisses tes doigts dans tes cheveux, les éloignant un peu de ton front. visiblement un gars qui me ressemble. tu te contentes de répondre en reniflant un peu, récupérant ta bouteille d'eau sur la table de nuit pour y boire une gorgée. un petit souffle t'échappe, tu ne veux pas que ta mère reste trop longtemps, tu ne veux pas qu'elle se rendre compte de quoi que ce soit. tu glisses ta main dans ta nuque, et un soupir s'échappe de tes lèvres.

« Visiblement un gars qui me ressemble. » Là, debout face à ton fils qui te ment éhontément mais sans parvenir à être parfaitement convainquant, tu sors de ton chapeau l’une de ces expressions du visage que l’on n’acquiert qu’en devenant mère. L’air grave et le regard perçant, ça veut dire que tu n’es pas contente et que tu n’acceptes pas de te laisser berner. « Ne joue pas à ça avec moi. Je reconnaîtrais le moindre de tes grains de beauté. » Ta voix est ferme, ton ton posé, mais tu n’es pas agressive pour autant. Mark et toi avez toujours opté pour un style d’éducation doux et basé sur le dialogue. Tu veux que tes enfants comprennent ce que tu leur dis, ce que tu leur reproches et ce qui leur est interdit, c’est beaucoup plus efficace qu’un règne par la peur qui, au final, n’est absolument pas instructif. « La limite d’âge n’est pas là pour t’embêter, Teo. »  Cette application, tu la connais puisque tu y as un profil, courtoisie de Leona. Tu sais que pour s’y inscrire il faut indiquer sa date de naissance, étape qu’il a donc forcément outrepassée. « C’est pour te protéger. C’est vraiment dangereux. » Tu ne veux même pas penser trop fort à ce que tu viens de dire de peur de plonger dans une spirale d’inquiétude. Les gens mal intentionnés il y en a à la pelle sur internet, cachés derrière des écrans bien trop opaques à ton goût. C’est si facile de se faire passer pour quelqu’un d’autre, de voler la photo de quelqu’un pour se faire passer pour un adolescent avenant. C’est si facile, aussi, de tomber dans le panneau des belles choses qu’on a envie d’entendre.

Tes yeux retombent et se font plus tendres. Délicatement, tu t’installes près de lui sur son lit. Du bout des doigts tu attrapes sa main avant de dire : « C’est pas évident en ce moment, il y a beaucoup de choses qui changent et j’imagine que tu dois te sentir un peu seul… Mais tu peux toujours me parler, tu sais. » Encore une fois, sans surprise, tu te remets la faute sur le dos, le divorce en ligne de mire. Depuis plusieurs mois ça t’obsède, mais tu t’es peu arrêtée pour te préoccuper de l’impact que cette décision avait eu sur le reste de la famille. En surface, tu avais l’impression que tout le monde le vivait plutôt bien, surtout au vu du peu de changements opérés en quelques mois, mais tu t’es peut être trompée.

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un soupir t'échappe, tu aimerais que ta mère te laisse, mais tu sais pertinemment que ça ne vas pas être le cas avant plusieurs minutes. t'as mal et t'as envie de t'allonger ou alors d'aller t'enfermer dans la salle de bain pour une douche brûlante en espérant que la chaleur soulage tes douleurs. tu bouges lentement pour éviter la douleur et pour éviter de grimacer. ne joue pas à ça avec moi.je reconnaîtrais le moindre de tes grains de beauté. tu arques un sourcil et tu laisses un soupir t'échapper, haussant distraitement les épaules, fuyant un peu le regard de ta mère pour fixer le vide, non loin de ton bureau. tu sais même pas quoi lui dire, tu t'en fiches pas mal qu'elle soit tombée sur ce profil idiot. la limite d'âge n'est pas là pour t'embêter, teo. c'est pour te protéger. c'est vraiment dangereux. tu hausses les épaules un bref instant et tu soupires lentement. c'est bon, c'était un défi débile avec des potes. tu marmonnes. dangereux ? pas comme si dans c'pays, on pouvait acheter des armes à feu. ou plus généralement un peu ce qu'on veut sur internet. tu souffles dans un lourd soupir, secouant un peu la tête de gauche à droite et glissant une main dans tes cheveux. tu te grattes la joue du bout des doigts, essayant d'agir le plus normalement possible.
mais c'est compliqué. tu observes ta mère un instant et tu la laisses s'installer non loin de toi sur le lit, essayant de rester le plus neutre possible. elle prend ta main dans la sienne. c'est pas évidemment en ce moment, il y a beaucoup de choses qui changent et j'imagine que tu dois te sentir un peu seul... mais tu peux toujours me parler, tu sais. tu soupires un peu et tu fuis le regard de ta mère. tu ne sais pas quoi lui dire. tu ne sais pas quoi dire, tout simplement. c'est pas ça. tu te contentes de souffler doucement. c'est pas à cause du divorce. tu te contentes de préciser, sachant très bien à quoi ta mère penses. tu glisses une main dans ta nuque et tu fermes les yeux de longues secondes. tu aimerais pouvoir lui dire. mais ... tu ne peux pas. tu ne peux pas lui parler de ça. tu ne peux pas lui dire ce que ton frère à fait, ce qu'il s'est passé. un soupir t'échappe un instant.