shelter (ft. mavis)

Avec le temps qui passe, tu es de moins en moins surprise quand vient la nuit mais que le sommeil te boude. Ton cerveau commence à être en paix avec ces insomnies, tu les acceptes, mais elles n’en sont pas plus faciles à vivre physiquement parlant pour autant. Les cernes sous tes yeux se creusent et noircissent, ta concentration d’ordinaire si précise te joue désormais des tours et va papillonner à des moments inopportuns. Lasse de tourner et de te retourner dans ton lit, tu décides d’embarquer ton livre dans une aventure nocturne et d’aller lire dans un fauteuil du patio pour profiter de la brise marine et du silence si rare de Los Angeles.

Tu traverses le couloir pieds nus et en pyjama, à pas feutrés, quand ton attention est attirée par une faible lumière émanant du salon. La tignasse qui se détache du canapé est bien trop foncée pour qu’il s’agisse de celle de ta fille, et tu n’as donc aucun mal à reconnaître Mavis, même de dos. Sans un mot, tu rebrousses donc chemin et te diriges vers la cuisine où tu mets aussitôt de l’eau à bouillir. L’adolescente s’est fait une place dans la maison, petit à petit, et même si tu ne passes pas énormément de temps en tête à tête avec elle, Lexa étant toujours dans les parages, tu es contente de voir qu’elle commence à se sentir à l’aise ici. Tu ne sais pas exactement de quoi est fait le reste de sa vie, ni quelles sont les raisons qui la poussent à se réfugier chez toi, mais la savoir dans les parages te rassure. Tu n’as pas besoin d’inquiétudes supplémentaires dans ta vie, tu en as bien suffisamment comme ça, mais elle a creusé malgré toi une petite place dans ton cœur et tu t’en voudrais terriblement si il lui arrivait malheur.

C’est ton bouquin coincé sous le bras, et un tasse de camomille dans chaque main, que tu regagnes la pièce à vivre. Tu poses une tisane sur la table basse, près Mavis, et garde la seconde pour toi, fermement serrée dans ta main droite. « May I ? » D’un signe de la tête, tu désignes le sofa, lui demandant la permission de la rejoindre. Lui adressant un doux sourire, tu t’assieds, la jambe gauche repliée sous toi pour lui faire face plutôt qu’à la télévision. « Is everything alright ? » Tu as l’impression de percevoir une once de contrariété ou d’inquiétude sur les trait fins de son visage. Ou peut-être est-ce simplement la fatigue ?

elle n’est pas là, pas ce soir. c’est ce dont je me rends compte face à ce lit vide. d’habitude y’a une blonde enroulée dans les draps mais pas là. le lit est fait et il manque son sac. surement de sortir ou ailleurs. j’en sais rien et dans l’idée ce n’est pas le plus important. mais elle n’est pas là. je me pose quelques secondes sur le lit et laisse ma tête venir s’échouer dans mes mains. au moins je ne suis pas à la maison, c’est déjà ça. mais bon la solitude ça n’a quand même jamais été mon truc. mais je sais que malgré tout je ne suis pas toute seule. cette maison est habitée. de personnes endormies certes, mais habitée quand même. je reste pendant de longues minutes posée sur ce lit avant de tenter de m’y allonger. mais je sais bien que le sommeil ne viendra pas tout de suite. les images, les paroles qui me reviennent en tête et tout ce bordel qui s’agite. mes parents qui veulent me caser avec je ne sais pas quel abruti encore. blod qui joue avec moi ou j’en sais rien mais y’a un truc qui ne va pas. ma sœur qui me ment et m’a caché sa séparation. entre ceux qui me prennent pour une gosse et ceux qui à l’inverse veulent me faire grandir trop vite, je ne sais plus où j’en suis. tiraillée entre deux parties de moi. je ne sais pas quoi faire mais de toute façon ce n’est pas allongée sur ce lit que je trouverai une réponse. dans un énième soupir, je me redresse et me dirige vers le salon. j’allume la télévision en faisant attention de mettre le son au plus bas. même si je n’entends pas grand-chose ce n’est pas grave. les images seront là pour me distraire. je zappe et zappe encore jusqu’à me retrouver sur une chaine pour enfants. tom et jerry qui passe et sera parfait pour me distraire. recroquevillée sur moi-même, je serre mes genoux contre ma poitrine et observe le chat courser la souris à travers le salon. un léger sourire prend place sur mes lèvres alors que les images défilent. concentrée sur le dessin animé, je ne remarque pas tout de suite que quelqu’un est levé. c’est seulement lorsque je vois la silhouette de meg se dessiner non loin de moi que je sursaute. pas bien violemment mais un peu quand même. je pensais que tout le monde dormait. visiblement je me trompais. elle pose sur la table une tasse qui m’est visiblement destinée étant donné qu’elle en a une autre entre les mains. elle avait donc bien vu que j’étais là. « may i ? » je hoche la tête comme si de toute façon j’avais mon mot à dire. c’est chez elle qu’on est… « is everything alright ? » j’attrape la tasse devant moi et la porte à mes lèvres. c’est brûlant mais j’arrive quand même à en avaler une gorgée. « thank you. » on m’a appris à être polie, au moins ça. « and… i don’t know. » non, vraiment, j’en sais rien. « i’m just… lost. and tired. » c’est un bon résumé de la situation. je finis tout de même par me redresser et la regarde un peu inquiète. « I hope it wasn't me who woke you up ? » il manquerait plus que ça…

« thank you. » Tu portes la tisane à tes lèvres, immunisée contre l’intense chaleur du liquid qui s’engouffre entre tes lèvres, dans le fond de ta gorge puis le long de ton œsophage. « and… i don’t know. » Tu ne peux pas la blâmer. Toi non plus tu ne sais plus rien. Tu es si confuse désormais que tu n’oses même pas imaginer ce que ça doit être pour une adolescente déboussolée. « i’m just… lost. and tired. » Un sourire en coin fend ton visage alors que tu lui réponds, énigmatique : « Lost and tired… sounds about right. » Pour elle, pour toi. Une bonne description de la nuit et de votre état d’esprit.

« I hope it wasn't me who woke you up ? » Tu secoues la tête lentement. « No it wasn’t, don’t worry sweetheart. » Ta voix se veut apaisante. Quand bien même avait-elle été responsable de ton insomnie, tu ne lui en aurait pas voulu. Une petit part de toi se demande alors si l’expérience aurait été différente chez elle. A-t-elle peur de toi comme elle pourrait avoir peur de ceux qui y vivent ? Ne pas savoir te fait imaginer le pire. C’est probablement ton côté protectrice qui s’applique à toujours envisager le scénario le plus sombre pour être prête, toujours. « Is there something I can do ? » Tu n’es pas omnipotente, mais parfois les actions les plus simples sont les plus efficaces. Un câlin, une oreille attentive et dépourvue de jugement, un conseil. Autant de choses que tu peux faire et que tu serais même ravie de lui apporter. « It may have been ages ago, but I once was 17 too. » Tu ajoutes ces quelques mots sur le ton de la plaisanterie, espérant détendre l’atmosphère et la mettre à l’aise. En réalité tu n’es pas sûre que tes expériences de lycéennes pourraient t’être bien utiles. Tu étais beaucoup moins anxieuse, et si sûre de toi. La Meg en costume de cheer semblait au-dessus de toute préoccupation, et aujourd’hui tu es rattrapée par son fantôme qui se venge. Tu n’arrives pas à savoir si c’est ta vie qui était insouciante et plus facile ou si c’est simplement une question de génération. Quand tu vois tes enfants aujourd’hui, Mavis, leurs amis, c’est différent. La légèreté s’est envolée.

” Lost and tired… sounds about right. “ de toute façon ça résume bien la situation. je suis exténuée autant physiquement que mentalement. puis il n’y a pas que mes parents, il y a blodwyn aussi mais ça c’est un autre débat. puis ma soeur et alors ça ça me dépasse aussi... là ce soir forcément ce sont mes parents qui me prennent la tête encore et toujours. mais meg est là, tout comme lexa. je les aime bien les herrman. c’est pas prise de tête avec eux et les parents acceptent leurs enfants sans faire de concessions. pourquoi ma famille n’est pas comme ça hein … ? je reprends une gorgée de ma camomille en m’inquiétant du fait qu’elle soit debout meg. parce que oui on est quand même au milieu de la nuit. ” no it wasn’t, don’t worry sweetheart. “ je hoche doucement la tête rassurée. c’est au moins ça, mon insomnie ne l’a pas réveillée. ” ok. “ je me renfrogne un peu dans le fond du canapé et garde cette tasse chaude contre moi. comme pour m’apaiser. comme pour me protéger. de quoi je ne sais pas vraiment mais c’est la sensation que j’ai. ” is there something i can do ? “ je relève mon regard vers elle, vois évidemment toute la bienveillance dont elle fait preuve mais je ne fais que hausser les épaules. j’en sais rien en fait… j’en sais rien. ” it may have been ages ago, but i once was 17 too. “ elle arrive tout de même à me faire esquisser un sourire. je souffle un bon coup, reprends une gorgée de la boisson comme pour me donner du courage. ” i don’t know … “ non mais faut être honnête, personne ne peut rien faire pour moi. cette situation est merdique et tant que je ne me barrerai pas d’ici ça restera comme ça. ” there’s nothing you can do... i think… “ je sens les larmes qui montent, la fatigue n’aide pas à rester forte. ” i’m tired of all this…. i’m tired of my parents wanting to decide who i should love or what i should do with my life. i’m tired of my sister never telling me anything. i’m tired of loving the wrong people. i’m tired of feeling like i’m alone… “ ça fait gamine capricieuse, j’en sais rien. je sais juste que voilà, j’en ai marre. ” i’m just… i’m just done with all of this… “ et la les larmes coulent réellement. mais oui, j’en ai marre…

Le soulagement qui te gagne en la voyant sourire ne dure pas longtemps, puisque son visage s’assombrit rapidement alors qu’elle se planque à nouveau derrière sa tasse fumante. ” i don’t know … “ Tu lui en poses des questions toi aussi. Si on te demandait la même chose, tu serais bien embêtée. ” there’s nothing you can do... i think… “ Tes yeux tombent pour se concentrer sur tes genoux, lui laissant un voile de pudeur quand tu sens monter l’émotion. ” i’m tired of all this…. i’m tired of my parents wanting to decide who i should love or what i should do with my life. i’m tired of my sister never telling me anything. i’m tired of loving the wrong people. i’m tired of feeling like i’m alone… “ Sa voix tremble, et toi tu es impuissante, ignorant tout de ce qui la hante, n’ayant pas la moindre idée de ce qui se cache derrière tout ce qu’elle te dit. ” i’m just… i’m just done with all of this… “Ton coeur se brise avec le sien. « Oh, baby girl… » Tu reposes ton mug sur la table basse, avant d’ouvrir tes bras. « Come here. » D’un geste des mains, tu l’invites à venir se blottir contre toi. Il n’y a pas grand-chose de plus que tu puisses faire, mais les étreintes, tu es passée pro.

Tes doigts glissent dans ses bouclettes. « You’re not alone. » C’est la seule certitude que tu es en mesure de lui apporter. Tu ne peux pas promettre que tout le reste ira bien, que les choses s’arrangeront et que les gens arrêteront d’être cons. Les mensonges, très peu pour toi, ça ne fera aucun bien. Par contre, si savoir que tu ne refermeras jamais la porte peut la réconforter, c’est déjà ça. « Love… is such a gift. » Ta voix toute douce, à peine murmurée, prononces quelques mots dont tu n’es pas sûre. Peut-être sont-ils des banalités sans nom, mais c’est tout ce que tu as. « But oftentimes it hurts so, so much. » Tu en sais quelque chose. Avoir un cœur trop gros pour tenir confortablement dans sa cage thoracique, c’est un peu le sous-titre de ta vie. « Don’t let the pain make you resent it. It’s worth it, in the end. » Tu es coupable de cette tentation, ou plutôt l’as été. Croire qu’arrêter d’aimer résoudrait tout. Mais finalement, s’il n’y a plus l’amour, il reste quoi ?

je n’aime pas être dans cet état là. c’est bien simple, je déteste pleurer. je n’aime pas ça. le nez qui coule, les yeux qui brulent, le mal de tête qui suit et l’incapacité à respirer et à correctement s’exprimer. non, je n’aime pas ça. et pourtant, là, je pleure. ” oh, baby girl… “ que j’entends à côté de moi. ” come here. “ je relève la tête vers elle et vois ses bras ouverts. je pose à mon tour ma tasse et je me laisse tomber contre son corps. les larmes redoublent et mes soubresauts aussi. je me laisse aller, comme je n’ai pas pu le faire depuis longtemps. ” you’re not alone.” ça n’arrête pas mes larmes mais je sens mon coeur qui se réchauffe un peu. ” love… is such a gift. “ je ne sais pas pour ça. j’ai du mal à être d’accord. ce n’est pas un cadeau, j’ai mal. et un cadeau c’est pas censé faire mal non ? c’est censé faire plaisir et ce n’est pas vraiment le cas. c’est juste douloureux. ” but oftentimes it hurts so, so much. “[/b] c’est comme si elle avait lu dans mes pensées et j’acquiesce silencieusement. toujours incapable de prononcer le moindre mot mais je suis d’accord avec elle sur ce point. ça fait mal, voilà tout. [i]” don’t let the pain make you resent it. it’s worth it, in the end. “ mes larmes ne se calment pas, bien au contraire, ça reprend de plus belle. je ne sais pas quoi faire alors je reste juste là, contre elle à pleurer de plus belle. on dit que ça fait du bien mais j’ai du mal à voir le bien là. au bout de quelques minutes, heures, secondes, j’en sais rien, je me redresse. je n’arrive plus à respirer, j’ai besoin d’un mouchoir. heureusement que j’en ai dans ma poche et j’en retire un du paquet. je me mouche sans aucune élégance mais je m’en fiche bien là tout de suite. ” i … do..don’t know. “ oh il y a beaucoup de choses que je ne sais pas. ” i don't know what to do. “ et est ce qu’il y a seulement quelque chose à faire ? je ne sais pas. je ne pense pas. ou alors je n’ai pas la solution. partir de chez moi ? avouer à blod ce que je ressens ? oui bien sur, mais vu tout ce que je pourrai perdre en faisant ça je ne suis pas sure que ça vaille vraiment le coup…

” i … do..don’t know. “ La tristesse qui habite l’adolescente toute entière te bouleverse. A son âge tu avais beau avoir les pieds sur terre, tu étais empreinte d’une insouciance qui ne semble même pas effleurer l’épiderme de Mavis. Son cœur semble trop lourd pour sa poitrine, ses épaules trop frêles pour supporter le poids qu’on décharge sur elles. ” i don't know what to do. “ Délicatement, tu prends son visage au creux de tes mains et lui dis : « Nobody does, babygirl. » Du revers de tes pouces, tu essuies les larmes qui coulent sur ses joues et murmures : « Nobody does. » Toi la première. Les choix que tu fais ces derniers temps semblent te conduire tout droit dans un mur. Tu aimerais pouvoir lui apporter des réponses sur un plateau d’argent, un manuel décrivant les étapes précises d’une vie heureuse et stable. Mais tu en es tout bonnement incapable, tout le monde l’est. « You just gotta try, do what feels right and get back up when you fall down. » Quelqu’un d’un peu plus optimiste, ou soucieux de visser des lunettes roses sur le nez de la jeune femme utiliseraient plutôt le conditionnel. Se relever si on tombe. Par pragmatisme, peut être aussi par respect et sincérité, tu admets que la chute est inévitable. « But that’s for another day. » Tu aimerais pouvoir la délester de ses préoccupations, lui ôter son manteau d’inquiétude et le laisser sur le porte manteau de l’entrée. Tes doigts fins glissent dans une bouclette qui menace de tomber sur ses yeux. « Now, it’s time to go to sleep, huh ? » C’est bien à toi de parler, toi qui as déjà abandonné l’idée de dormir pour cette nuit, qui t’étais levée pour trouver la compagnie d’un livre et ainsi fausser celle de tes angoisses nocturnes. Mais tu sais mieux que quiconque à quel point pleurer peut être épuisant, et que seul le sommeil réparera le mal de tête qui l’attaquera très bientôt et qui devrait déjà poindre le bout de son nez. Et si elle doit se coucher à même le canapé, recroquevillée contre toi pour retrouver Morphée, qu’à cela ne tienne, tu ne bougeras pas.