holy water (ft. penelope)

Ces photos qu’on t’envoie, de manière périodique, depuis une adresse e-mail anonyme, tu les trouvais risibles. Tu les ouvrais, te disais que tu avais bien changé depuis tes vingt ans, avant de les supprimer sans plus de considération. Tu ne les considérais que comme des surprises, donnant un peu de piquant à ton existence tous les 3 ou 4 mois, mais tu commences à prendre les menaces implicites au sérieux. Et puis, une part de toi te dit qu’il serait peut-être temps de veiller à ce que ta vie d’avant soit définitivement enterrée avant qu’elle ne risque d’affecter un petit humain tout neuf. C’est une chose de se trainer une réputation discutable quand on est seul à en assumer les conséquences, mais il faut que tu fasses attention maintenant.

Tu débarques dans l’imposant cabinet d’avocats de la manière la plus Violet qui existe : avec des choses plein les mains, un sac qui menace d’exploser et un décaf en équilibre sur tout le reste. Par miracle, tu parviens à t’asseoir dans la salle d’attente, guidée par une réceptionniste, et à retrouver un semblant de calme sans provoquer de catastrophe. Du coin de l’œil, tu observes l’environnement, les portes de ce que tu supposes être les bureaux de tous ces avocats qui partagent ces espaces. Si tu réussis à apercevoir certains noms, pas tous, ça ne t’avance pas beaucoup car tu ne sais pas à qui ton cas va être assigné. Tu as brièvement expliqué ta situation en prenant rendez-vous, mais quand la personne que tu as eue au bout du fil t’a demandé si tu avais une préférence, tu as répondu que ça t’importait peu. Mais bon, tu seras vite fixée, à priori.

Avalant une gorgée du latté qui n’est plus très chaud, ton attention est attirée par des voix qui émergent du couloir, au loin. Elles sont beaucoup trop loin, tu ne peux distinguer précisément ce qui est dit, mais c’est suffisant pour attiser ta curiosité. Un homme et une femme, vraisemblablement un couple, qui prennent congé d’une femme dont tu ne vois pour l’instant que les escarpins et la jupe. Mais alors qu’elle fait quelques pas supplémentaires, tu la reconnais. Ça te frappe d’un coup, presque comme un flashback. Penelope. Aussitôt, tu te relèves, bien décidée à sortir d’ici. Tu t’étais juré de ne jamais plus la croiser, et tu n’as que quelques secondes pour agir avant qu’elle ne tombe nez à nez avec toi. C’est maintenant ou jamais.

Evidemment, jamais rien ne se passe comme prévu avec toi, et, dans la précipitation, tu serres un peu trop fort le gobelet en carton jetable qui déverse tout son contenu sur ton pantalon et le sol immaculé. Tu ne peux empêcher un soupir frustré de s’échapper de tes lèvres, mais tu te baisses aussitôt, dégainant un paquet de mouchoirs de ton sac, déterminée à nettoyer rapidement pour pouvoir déguerpir. « Shit, shit shit. »  Accroupie, tu maugrées en plongeant les kleenex dans la flaque, sans que l’effet ne soit fantastique. « Come on Vi’, move ! » Tu te parles à toi-même, pour t’auto-motiver, dans l’espoir de réussir à prendre la fuite avant qu’elle ne remarque ta présence.