i miss you. but i still hate you. (jayley 6)

Jaymes est ma femme, elle m’a déjà vu triste, vulnérable, mais peut-être jamais autant qu’à cet instant. Mes failles je les cache la plupart du temps et c’est sans doute en partie le problème. Bien sûr elle les connaît, parce qu’elle me connaît, mais je n’avais pas réellement verbalisée les choses avec autant de franchise. Je n’en étais même pas vraiment consciente à vrai dire, de la raison de mes souffrances latentes et de mon sentiment d’imposture quasi constant. C’est grâce au travail fait avec ma psy que je peux mettre des mots clairs sur mon ressenti, expliquer à Jaymes comment j’en suis arrivée là, à tout foutre en l’air. Elle n’a pas de réelle responsabilité là dedans, c’est un truc que j’ai en moins, un bagage accroché à mes épaules qui s’est alourdi avec le temps, jusqu’à me faire trébucher. C’est une fois à terre que l’on peut se relever, j’espère juste ne pas avoir à changer de chemin, car il n’y en a qu’un que je souhaite emprunter et c’est celui à ses côtés. Elle m’a fait tenir le cap pendant longtemps, m’a éviter de sombrer, je le sais et je veux qu’elle le sache aussi. Cette conversation est chargée d’émotions, ses yeux s’embuent de larmes tout comme les miens et elle les baisse, sûrement pour m’épargner ça. Ce moment n’est pas le plus facile, mais il est un vrai moment de partage et je crois que nous en avons besoin. Jay s’approche, posant sa main sur mon genou en signe de réconfort, de soutien et son regard revient capter le mien. Je me laisse happer bien volontiers par le bleu profond de ses yeux, écoutant attentive ses mots. Elle trouve le moyen de voir du positif dans la situation, mon cœur bat plus fort. Putain qu’est-ce que je l’aime… Je hoche la tête, elle a raison, ce travail ne sera pas vain et je compte continuer, être une meilleure personne pour elle mais surtout pour moi. Ses mots me laissent encore l’espoir qu’elle puisse me pardonner, sans aucune assurance qu’elle le fasse. Il n’y a aucune certitude, jamais et on ne sait pas de quoi demain sera fait. « Merci. » je pose délicatement ma main sur sa joue que je caresse avec tendresse, m’autorisant ce contact en espérant qu’elle veuille bien me l’offrir, temporairement « J’ai tellement de chance que tu ai croisé ma route. » dis-je dans un sourire malgré les larmes que j’ai fini par laisser couler, lasse d’essayer de les retenir. Ma main quitte sa joue pour venir se poser sur la sienne, la serrant légèrement « Faudrait quand même que tu arrêtes d’être aussi belle. Tu me donnes chaud. » lâché-je dans un léger rire. Je lève les yeux « Si tu savais le nombre de fois où je rêve de toi… Tu rougirais. » j’essuie mes larmes et reprends un peu contenance.

Je crois que nous n’avons jamais eu une discussion aussi profonde et puissante depuis que nous nous sommes rencontrées. Parce qu’elle a toujours caché au mieux ses blessures, ses failles, les remplaçant par des traits d’humour. Mais avec le temps, j’ai appris à la connaître, appris à comprendre, analyser, sans pour autant qu’elle se livre vraiment sur ses peurs, ses doutes. Aujourd’hui elle le fait, et la voir aussi vulnérable me bouleverse plus encore que je ne le voudrais. Elle est si touchante, et ça la rend d’autant plus belle, comme si c’était possible. Je m’approche, lui adressant un geste tendre, aussi petit soit-il, il reste profondément sincère. Mes mots sont choisis, je ne veux pas qu’elle fasse ce chemin pour moi, mais pour elle, même si c’est difficile, même si on ne connaît pas l’issue. Elle vient alors poser sa main sur ma joue le temps de me remercier. « J’ai tellement de chance que tu ai croisé ma route. » Je garde mon regard ancré au sien, sentant toute la sincérité dans ses yeux bleus puissants. Les larmes coulent le long de ses joues, je l’ai rarement vue pleurer, et ça me sert encore le coeur, mais je trouve ça à la fois vraiment beau qu’elle se laisse aller de cette manière, qu’elle accepte sa vulnérabilité. « Faudrait quand même que tu arrêtes d’être aussi belle. Tu me donnes chaud. Si tu savais le nombre de fois où je rêve de toi… Tu rougirais. » Un rire un peu gêné finit par franchir la barrière de mes lèvres. Je baisse les yeux sur nos mains jointes, relevant un peu mon pouce pour caresser sa peau. Bailey essuie ses larmes, je sens mon coeur qui bat plus fort, je sais pourquoi. Mais je ne suis pas sûre que l’idée soit bonne. J’ai envie de la retrouver, elle me manque, particulièrement ce soir, alors qu’elle vient de me montrer son âme, plus que jamais. Lorsque je relève les yeux pour les plonger dans les siens, je sens que toutes mes barrières viennent de tomber. Et sans attendre je m’approche pour venir capturer ses lèvres. Ma main libre vient alors se poser sur sa joue. Mon coeur implose, j’ai beau dire tout ce que je veux, je n’ai jamais ressenti ça avec personne. Jamais. J’ai l’impression de pouvoir entendre son coeur qui bat plus fort, peut-être au même rythme que le mien. Le baiser prend doucement de l’ampleur, je n’ai pas envie de me séparer de ses lèvres, elles m’avaient beaucoup trop manqué. Elle m’a manqué. Je ne sais pas si c’est une forme de résilience mais je ne veux pas y réfléchir, pas encore. J’avais juste besoin de laisser parler mon coeur.

Je n’ai jamais autant montré mes failles à quiconque – hormis ma psy – qu’à cet instant. Il n’y a que Jaymes à qui je puisse m’ouvrir et j’aurais dû le faire bien avant. Je ne dois pas me blâmer, ce serait contre productif, il n’est jamais trop tard pour apprendre, c’est ce que je fais. On apprend de ses erreurs, la plus grosse que j’ai faite pourrait me coûter très chère, elle pourrait me coûter l’amour de ma vie. Cependant je garde espoir, car ma femme est là, sa main dans la mienne, nos regards ancrés l’un à l’autre et ce moment est d’une force incroyable. Nous avons partagé des instants magiques, intenses, passionnées, celui-ci est différent, singulier et je crois, significatif. Je finis par lui avouer rêver d’elle bien trop souvent au point qu’elle en rougirait. Elle me manque, c’est indéniable. Jay rit, un peu gênée par ma franchise, notre situation voudrait que j’évite ce genre de remarque, mais elle me connaît comme ça, spontanée. Son pouce caresse ma main, ce simple petit geste anodin me fait un bien fou, je savoure chacun de ses contacts, aussi brefs sont ils parfois. Elle regarde nos mains, moi je contemple les traits de son visage, m’émerveillant toujours de sa beauté et de la puissance de mes sentiments à son égard. Son regard retrouve le mien, je sens quelque chose changer dans ses yeux, dans son attitude. Je ne l’explique pas, je le ressens simplement et mon cœur s’accélère. Nous ne pouvons pas lutter contre cette connexion, les blessure font interférences, mais l’amour renforce le signal. Sa main sur ma joue est comme une caresse divine et ses lèvres capturant les miennes, une bouffée d’air après une apnée bien trop longue. Je garde à l’esprit qu’elle est sans doute seulement temporaire, raison de plus pour en profiter pleinement. Notre baiser s’intensifie naturellement, je me rapproche un peu plus, une main chastement posée un peu plus haut que sa hanche. Mon cœur bat si fort, j’ai l’impression d’entendre la mélodie au rythme effréné qu’il ne sait jouer que pour Jaymes. J’aimerais lui dire combien elle me manque, mais j’ai peur de briser cette petite bulle éphémère. C’est égoïste parce que se sont des mots qu’elle a le droit d’entendre, mais pas maintenant, plus tard, quand nos lèvres se sépareront. Ce baiser a un goût d’espoir, un goût de peut-être et c’est toujours mieux qu’un goût d’adieu. Nos lèvres s’éloignent un bref instant et j’échappe dans un souffle « Je t’aime Jay… » quoi qu’elle décide ça ne changera pas.

Je n’avais aucune attente lorsque je lui ai proposé de ramener le dîner pour nous deux, de chez ce traiteur que nous aimons tant. J’ai juste eu envie de partager un petit moment avec elle, prendre des ses nouvelles, en dehors du courant d’air que je peux être depuis quelques temps. Je sais que j’ai tendance à la fuir, un peu, mais je sais aussi pourquoi. Parce que malgré tout, j’aime toujours Bailey, mais que je ne suis pas encore prête à lui pardonner totalement. Son écart de conduite m’a fait beaucoup trop mal, et la brèche dans notre couple est encore trop fraiche pour que je sache si je veux essayer de reprendre là où on s’était arrêtées. Pourtant, je la sais sincère, je sais qu’elle fait des efforts, qu’elle fait des choses qu’elle n’aurait pas fait avant, comme aller voir un thérapeute par exemple. Et je suis très contente qu’elle le fasse, très fière d’elle, aussi, malgré tout. Ça ne change rien à ce qu’elle a fait, mais ça apaise un peu la blessure, j’imagine. Et puis c’est comme si mon cerveau se déconnectait petit à petit, à mesure que les secondes s’égrainent. Je peux sentir l’amour qu’elle me porte toujours à travers son regard, et je ne lutte pas contre l’envie de l’embrasser. C’est mon choix, moi qui suis allée vers elle, et j’assume pleinement. Evidemment elle répond à ce baiser, en faisant de ce dernier un réel échange. Je me sens bien, je ne réfléchis pas pour le moment, j’en avais simplement envie. Profondément envie. Et quand nos lèvres se séparent et qu’elle murmure dans un souffle ces quelques mots d’amour, je sens mon coeur imploser. Je ferme les yeux un instant, le souffle encore court, comme pour les ressentir en moi, au plus profond de moi. Je la sais sincère, elle n’a jamais cessé de m’aimer, mais ça ne lui a pas empêché de faire une très grosse bêtise. Stop. Il faut que j’arrête de penser à ça. Je réouvre les yeux pour la regarder, une seconde, une deuxième, et je reviens l’embrasser, avec plus d’envie encore. Je ne sais pas exactement ce qui me prend, je ne veux pas réfléchir, juste vivre. Suivre mon envie du moment, sans me demander ce qui pourra arriver demain, après demain. Juste maintenant. Et maintenant, j’ai envie de la sentir contre moi, sentir ses mains sur moi. Maintenant. Juste maintenant. Ma langue vient chercher la sienne, mes mains se font plus aventureuses, je me laisse porter par mes envies…

Ce baiser n’est pas un pardon, je le sais, je le garde en tête et freine tout emballement. Ce baiser est la preuve que tout n’est pas détruit, qu’il reste de l’espoir, des sentiments aussi. Je livre les miens à Jaymes avec sincérité. Je l’aime. J’ai fait une connerie monumentale, mais ça c’est une vérité inébranlable. C’est moi que j’ai puni en la trompant, aveuglé par mes tourments j’avais l’illusion de la préserver. Continuer à me flageller sans qu’elle n’en sache jamais rien, vivre avec le fardeau que je méritais. Mais ces semaines sans pouvoir la toucher, où nous nous sommes à peine parlé, elle est là ma vraie punition. J’attends encore la sentence finale, mais cette étreinte me donne de l’espoir et je m’y raccroche sans penser à demain. C’est maintenant qui compte, cet instant où nos lèvres se retrouvent et mes mains peuvent à nouveau se poser sur son corps. Les siennes ne tardent pas à faire de même alors que notre échange s’intensifie. Je me sens déjà brûler de l’intérieur, comme après un trop long séjour dans le froid. Je me rapproche encore passe mes bras autour de son corps et la serre contre moi sans cesser de l’embrasser. J’imprime cette sensation dans ma mémoire pour y avoir accès lorsque j’en serais à nouveau privé. Parce que je sais que ça va arriver, ceci est une parenthèse. A la fois douce et passionnée, mais une parenthèse quand même. Nos regards suffisent à mettre en avant l’évidence, le désir nous ronge, des braises laissées à vivoter nous pouvons faire rejaillir une flamme, il nous suffit de souffler dessus. Mes mains caressent sa peau avec attention et les vieilles habitudes se mêle à l’envie orientant la progression de l’une d’elle de plus en plus au sud. C’est instinctif, je m’abandonne au moment, vis l’instant présent et c’est ce que Jaymes provoque en moi. L’amour, le désir, l’envie de retrouver notre connexion. Le manque n’y est pas pour rien, comme une droguée il me faut ma dose d’elle avant d’en être privée à nouveau. De toute façon je ne peux me faire à l’idée d’un sevrage total, je n’y suis pas prête et je sens qu’elle non plus ne veux pas renoncer.

J’aurai pu m’en empêcher, aller contre cette envie soudaine de la retrouver, même si ce n’est que pour un court instant, une heure, une nuit. Je sais que je ne suis pas encore prête à lui pardonner, ça sonne encore dans ma tête. Mais pour le moment, j’ai juste envie de profiter. Et ça me fait un bien fou, je crois que j’en avais besoin, pour me prouver aussi que tout n’était pas enseveli, effacé, enfoui. Mes sentiments sont encore là, et le désir aussi. Je frissonne sous ses caresses, et décide à me lever finalement. Je vois dans son regard un vent de panique, mais je lui offre un sourire comme pour la rassurer. Une main tendue qu’elle s’empresse de saisir, et je la guide jusqu’à cette chambre que nous partagions auparavant, et dans laquelle je dors seule depuis notre séparation. C’est aussi étrange que c’est naturel. Une fois dans la chambre, je reviens l’embrasser et commence à la déshabiller. J’ai envie de sentir sa peau contre la mienne. Je la sais vraie, je sais qu’elle ne triche pas, ses baisers me sont destinés à cent pour cent, ses pensées et son désir aussi. Mais est-ce que ce sera toujours le cas ? Est-ce que si je pardonne une fois, elle ne serait pas à même de reproduire encore la même erreur encore ? Arrête de penser, Jay. Je continue de l’embrasser comme si ma vi en dépendait, comme si j’avais ce besoin irrépressible de me raccrocher à elle, me raccrocher à quelque chose pour ne pas perdre pied. Une fois en tenues plus légères l’une et l’autre, je m’allonge sur le lit, le regard encore plein d’envie, et l’incite à me rejoindre. Elle me surplombe et ça ne m’empêche pas de laisser glisser mes mains partout sur son corps. Encadrant son visage de mes mains, je la regarde droit dans les yeux et lui demande, dans un murmure « Fais-moi tout oublier… » J’ai besoin, besoin de partir loin, pour arrêter de penser, pour vivre pleinement cet instant avec elle, sans que mon esprit ne divague d’un moment à l’autre..

Lorsque Jaymes se lève j’ai peur que la trêve soit terminée, la parenthèse refermée. Mais son sourire me fait comprendre qu’il n’en est rien et je viens saisir sa main tendue vers moi sans la moindre hésitation pour la suivre jusqu’à l’étage. C’est presque un peu cérémonial pour moi d’entrer à nouveau dans notre chambre, celle qui est pour le moment seulement la sienne. Elle m’embrasse à nouveau, ses mains courent sur moi, me débarrassant de mes vêtements et je fais de même. Le plaisir simple de la déshabiller, que je considérais presque comme une habitude m’apparaît comme un réel privilège à cet instant. Je ne dirais pas que j’ai l’impression de revivre notre première fois, mais ce moment à quelque chose de particulier, c’est incontestable. Retrouver son corps est comme une bénédiction, une délivrance et je savoure chaque sensation comme si c’était peut-être la dernière fois que la chance me serait donné de pouvoir la toucher, l’embrasser. Notre échange s’intensifie, la passion s’installant, mais c’est aussi avec beaucoup de tendresse que je dirige chacun de mes gestes. Jay s’allonge sur notre lit, elle est magnifique et son regard me fait chavirer, peut-être plus encore à cet instant que le jour de notre rencontre. Bordel, je l’ai dans la peau. Je la rejoins quand je m’y sens invitée, elle mène la danse je m’en remets à elle, son envie. Elle est accordée à la mienne et je veux qu’elle le sente, que toute l’étendue de mes sentiments s’expriment par mon attitude, mes regards et mes gestes. Je la surplombe, la couvant du regard, mes yeux ne lâchant pas les siens, m’imprégnant de la sensation de ses caresses sur ma peau. Puis ses mains se posent sur de part et d’autre de mon visage, elle me réclame de lui faire tout oublier. J’esquisse un sourire tendre à sa requête et mon regard brille sûrement de la lueur du désir franc et intense que je ressens pour ma femme. Je l’embrasse alors avec plus d’amour et de passion que précédemment, je ne compte pas laisser passer cette chance qu’elle me donne, je saisis l’opportunité et j’en mesure tout l’enjeux. C’est mon manque que je comble et tout mon amour que je lui prouve durant ce temps que Jaymes veut bien me laisser pour le faire.

J’aimerai pouvoir être sûre de moi à cent pour cent. Etre certaine que c’est bel et bien ce dont j’ai envie. Bien sûr que j’en ai envie, je ne suis certainement pas en train de me forcer à quoi que ce soit. Mais je suis encore tiraillée par toutes ces pensées parasites. Est-ce vraiment une bonne idée ? Est-ce que c’est une bonne chose de m’offrir à elle ce soir ? Tout est tellement flou, j’ai la sensation que rien ne sera jamais plus jamais pareil. Au fond de moi je le sais. Rien ne le sera. Parce qu’on efface pas une tromperie. On peut passer outre, pardonner, mais on n’oublie jamais. Je m’efforce de mettre de côté ces pensées, pour me concentrer uniquement sur les sensations qu’elle me procure, la chaleur qui me réchauffe, et ce désir qui est encore plus présent que je n’aurai pu l’imaginer. Elle m’a toujours rendue folle, et je constate que c’est encore le cas aujourd’hui, malgré les blessures qu’elle m’a infligées. Je me délecte de ses baisers, de ses caresses, comme si j’avais peur d’en être privée à nouveau. De m’en priver, volontairement cette fois. Parce que je suis sûre que ce n’est pas elle qui pourrait ce soir rompre ce moment. Il n’y a que moi qui ait encore ce pouvoir. Mais en ai-je envie ? Une fois encore je m’efforce de virer ces pensées parasites, mais elles reviennent si vite…
L’échange s’intensifie, je frissonne, réagis positivement a ses caresses, mon corps est prêt à l’accueillir, je le sais, je le sens. Mais ça ne suffit pas. Alors quand je sens ses doigts approcher de la zone la plus érogène de mon anatomie, je la stoppe d’une main sur la sienne. « Non, arrête… » Mon souffle court, je sens un poids compresser ma poitrine, m’empêchant presque de respirer comme je le voudrais. Je me sens comme étouffée. « Je peux pas… » Je me redresse et me recroqueville, rabattant mes jambes contre mon buste, avant de laisser couler les larmes le long de mes joues. J’aurai été incapable de supporter tous ces questionnements plus longtemps. J’ai bien conscience que ça risque d’être dur pour elle de la stopper à ce moment là, de l’avoir fait espérer. Je me pensais capable de passer au dessus de la douleur, du traumatisme, mais je ne le suis pas. J’ignore si je le serai un jour, mais ce soir, ce n’est pas possible pour moi. « Je suis désolée… » que je murmure entre mes lèvres. Je m’en veux de lui avoir donné un infime espoir.

J’y crois, à ce moment de répit, ce pas vers moi que Jaymes fait ce soir. J’y crois et à la fois j’en savoure chaque seconde en gardant à l’esprit qu’il est possible que tout s’arrête. Après ça, comme si cette soirée était en fait un adieu, ou même avant, si ma femme décide de faire machine arrière. L’espoir grandit au fil des minutes et de nos corps se ré apprivoisant, le désir augmente, le plaisir est juste là à porter de main… Littéralement. Nous retrouvons progressivement une intimité, ou presque. Mes caresses se précisent, deviennent plus aventureuses et Jaymes me stoppe. Sa main arrête la mienne et ses mots viennent renforcer son geste. Je respecte sa volonté sans pour autant m’éloigner, cherchant simplement une réponse dans son regard. Elle me la donne facilement, elle ne peux pas. Douloureux constat, pour moi mais également pour elle. J’ai sens mon cœur se serrer dans ma poitrine en la voyant se recroqueviller sur elle-même, exactement comme quand elle avait fait ce cauchemar. Je hoche la tête « Je comprends. » ce que j’ai fait ne s’efface pas comme ça, mon erreur va me poursuivre, nous poursuivre. Je reste assise sur le lit, non loin d’elle, un peu hésitante sur la conduite à tenir. Dois-je partir ? Jay ne me l’a pas demandé, mais peut-être est-ce ce qu’elle souhaite ? Finalement je l’entends murmurer des excuses. Je secoue la tête à la négative et pose ma main sur son bras avec douceur « Non, c’est moi qui le suis Jaymes. ». Parce que je suis celle qui a tout foutu en l’air. « Et je ne cesserai jamais de l’être. » ça fait partie de ma punition. « Prends tout le temps qu’il te faut. » je me lève et me rhabille avant de me rassoir sur le bord du lit « Est-ce que tu veux être seule ? ».

Je me croyais capable d’affronter la douleur de cette trahison, passer au dessus des souvenirs, de tout ce que ça avait pu créer en moi. J’y ai cru. Je ne lui ai pas fait croire qu’il y avait une chance, juste pour la blesser à mon tour. Ce n’est pas mon genre, et j’avais envie que ça fonctionne. J’en ai parlé à ma psy pas plus tard qu’il y a deux jours, et ce n’est pas par hasard que j’ai proposé de rapporter à manger pour dîner avec elle ce soir. Mais force est de constater qu’il est trop tôt. Ou que ce ne sera jamais possible pour moi. Seul l’avenir nous le dira, mais il me faut encore du temps, et je m’en rends compte ce soir. Je m’en veux de lui avoir donné de l’espoir, mais ça n’était pas volontaire, et je me raccroche à ça. « Je comprends. » finit-elle par dire d’une petite voix qui fait se serrer davantage mon coeur meurtri. « Non, c’est moi qui le suis Jaymes. » me dit-elle en passant tendrement sa main sur mon bras, me faisant frissonner au passage. « Et je ne cesserai jamais de l’être. Prends tout le temps qu’il te faut. » Je reste figée, les yeux dans le vague, les larmes au bord des paupières, prêtes à prendre la poudre d’escampette. Je l’entends se lever, se rhabiller. Chaque son, chaque geste. Je n’ai pas besoin de la regarder pour la voir. Mon coeur se serre un peu plus en sachant qu’elle va partir, pour aller dormir dans le bureau, et moi je resterai dormir seule, comme depuis notre séparation. Mais alors que je me prépare à lâcher les larmes que je retiens depuis quelques minutes, je la sens se rasseoir sur le bord du lit. « Est-ce que tu veux être seule ? » Je déglutis, pas sûre moi-même de ce que je veux vraiment. Je prends une seconde pour me poser réellement la question, mais j’ai déjà la réponse depuis qu’elle s’est levée pour se rhabiller. « Non, j’aimerai que tu restes. » Je tourne la tête vers elle, les yeux humides, croisant son regard. Je fais volte face dans l’autre sens pour récupérer mon pyjama sous mon oreiller et enfile ce deux pièces short et débardeur en soie prune. « Enfin, si tu veux, tu n’es pas obligée. Mais je… j’aimerai dormir avec toi. » Je me glisse sous les draps, de mon côté du lit - alors que je dors depuis un moment de son côté, juste pour avoir la sensation de la sentir encore là, même si son odeur n’y est plus depuis longtemps. J’attends de voir si elle va accepter ou non, peut-être que ce serait trop dur pour elle après le refus que je viens de lui mettre, la frustration, la déception. Je ne lui en voudrai pas si elle refusait, je le comprendrais.

La réalité de l’étendue de mes erreurs me revient de plein fouet lorsque Jaymes met fin à ce moment que nous étions en train de vivre. C’est trop tôt, elle ne peut pas continuer, aller plus loin. Elle s’excuse pour ça, mais c’est moi qui doit le faire. Chaque jour qui passe, je ne cesse d’être désolée et je ne cesserai jamais de l’être. J’ai cassé quelque chose, dont j’ignore si c’est réparable. Quand bien même, notre couple portera toujours la trace de cette blessure, une cicatrice plus ou moins visible. A nous de la panser au mieux, ce que je tente de faire en travaillant sur moi, pour devenir quelqu’un de meilleur. Du temps, je suis prête à en laisser à ma femme, autant que nécessaire. De l’espace aussi. Je me rhabille, mais je ne veux pas la laisser là sans un mot de plus, comme si je lui en voulais. Je ne lui en veux pas. J’ai juste envie de pouvoir être présente pour elle, bien qu’étant à l’origine de ses maux, je ne suis pas la mieux placée. Mais peut-être qu’on devrait essayer de traverser ça un peu plus ensemble ? Je m’en remets à elle, à ses besoins, lui demandant si elle préfère être seule ou non. Je m’attends à ce que Jaymes me demande de partir, avec cette douceur dont elle sait faire preuve, sans pour autant laisser place au doute. Sa douce fermeté m’a toujours charmé. Cependant ma femme me surprend. Elle aimerait que je reste, je hoche la tête quand son regard croise le mien. Alors je reste assise là, pendant qu’elle met son pyjama. Je vais attendre qu’elle s’endorme et je descendrai ensuite dans le bureau, rejoindre ce qui est mon lit depuis quelques temps maintenant. Mais Jay ne veux pas seulement que je reste quelques minutes, elle voudrait que nous dormions ensemble, si je le veux, bien sûr. J’esquisse un sourire alors qu’elle se glisse sous les draps. Bien sûr je ressens un peu de frustration, j’ai cru la retrouver pleinement et tout s’est éteint comme un pétard mouillé en quelques secondes. Néanmoins dormir à ses côtés est une des choses qui me manque le plus, elle m’offre la possibilité de retrouver cela le temps d’une nuit, je n’ai aucune raison de refuser. « J’aimerais beaucoup aussi… » soufflé-je finalement, me levant juste pour ouvrir les draps de mon côté et me glisser sous ces derniers. Je m’allonge sur le dos, fixant le plafond, il y a peu de chance que je parvienne à m’endormir comme ça mais peu importe, je suis là avec Jaymes et c’est tout ce qui compte. Le silence s’installe et après quelques minutes j’ose finalement « Jay ? Est-ce que je peux au moins tenir ta main ? » demandé-je en tournant la tête dans sa direction.

Je me sens perdue. J’ai la sensation que tout a pris un sens dont je ne m’attendais pas le moins du monde. J’avais envie de poursuivre cet instant, jusqu’au point de non retour. Et pourtant je suis toujours partagée. Parce que si je n’ai pas - ou plus - envie de partager un moment sexuel avec elle, mais l’intimité est un terme vaste. Et j’ai comme ce besoin de prolonger d’une façon différente ce moment avec elle. Je lui demande de rester, mais je ne m’arrête pas là. J’aimerai qu’elle reste dormir ici, avec moi, dans le lit qui a été le nôtre pendant longtemps, et qui ne m’a jamais semblé aussi froid que depuis notre séparation. « J’aimerais beaucoup aussi… » Un fin sourire étire juste à peine le coin de mes lèvres alors qu’elle se glisse sous les draps à son tour. Je tente de trouver une position confortable. J’ai envie de me rapprocher d’elle mais j’ai peur d’une mauvaise interprétation de sa part, peur de le regretter aussi. Et puis après un court instant, elle brise le silence. « Jay ? Est-ce que je peux au moins tenir ta main ? » Mon coeur implose. Sa voix presque suppliante, remplie d’une émotion que je lui ai toujours aimée. Sans un mot, je me retourne vers elle et plonge mon regard dans le sien une seconde, avec une intensité rare. Et sans attendre, je m’approche d’elle et me love dans ses bras, comme nous avions l’habitude de nous endormir il y a encore quelques mois, avant que tout ne soit bousculé. Mon bras autour de son buste et sa main caressant ma peau, je me sens juste profondément bien, et le sommeil ne tarde plus à venir s’emparer de mon corps et de mon esprit. On gèrera le réveil en temps voulu…