rooting for you (barman)

Allongée à plat ventre, tu ouvres un œil, t’étonnant aussitôt de l’état de repos dans lequel tu te trouves. Il y a bien longtemps que tu n’avais pas dormi d’un sommeil aussi profond et réparateur, et un sourire de soulagement se dessine sur tes lèvres alors que tu te dis que ta journée commence bien. Avant de trouver le courage pour te retourner et vérifier l’heure, tu entreprends de t’étirer quand ta main atterrit sur un objet non-identifié. Ou devrais-tu plutôt dire, un individu non identifié. Ton sang ne fait qu’un tour, et si tu flirtais encore un peu avec Morphée, tu es à présent bien réveillée. Tes inquiétudes s’envolent lorsque tu t’aperçois que l’inconnu en question ne l’est pas vraiment, et qu’il s’agit en réalité de celui qui a dormi dans ce même lit toutes les nuits pendant deux décennies.

Avant de bouger davantage, tu remontes le fil de la soirée. Un dîner comme tant d’autres, dans le chaos familial qui est le vôtre. Un verre du merveilleux vin rapporté de France par Jay, un seul, pas suffisamment pour te faire tourner la tête et voir les étoiles. Une conversation qui s’éternise alors que les enfants sont retourné s’enfermer dans leurs chambres depuis bien longtemps. Mais il faut croire que ni lui ni toi n’avait envie de voir le moment s’envoler derrière une porte claquée. Ensuite tout est allé beaucoup plus vite. Des baisers retrouvés, des cheveux en bataille, des habits qui jonchent le sol d’une chambre plongée dans la pénombre.

Mais alors que les ailes de mille papillons s’agitent dans ton ventre, tu réalises que le soleil se lève et qu’il ne peut tout simplement pas apparaître en caleçon à l’heure du petit déjeuner comme si de rien n’était. Tu as mal au cœur à l’idée de le réveiller, mais tu n’as pas vraiment le choix. Du bout des lèvres, tu déposes un baiser sur son épaule avant de remonter sur le matelas. La bouche contre son oreille, tu murmures : « Mark. » Tes doigts se joignent à l’effort en traçant des courbes dans son cou. « Mark, sweetheart, you’ve got to wake up. » Tu n’as pas franchement envie de te lever, ni de faire face aux conséquences de quelques heures suspendues. Tu préfèrerais retourner encore un temps dans les douces limbes de tes draps, mais tu commences à être rapidement rattrapée par un vent de panique.

Un souffle chaud contre son oreille, son prénom murmuré et quelque chose qui venait lui chatouiller le cou. Mark grimaçait un peu, venant machinalement gratter son cou alors qu’il pouvait entendre plus clairement la voix de Meg lui demandant de se lever. Sa main trouvait, au creux de son cou, celle de la blonde alors qu’il ouvrait enfin les yeux, découvrant le visage de Meg. Ils c’étaient un peu laissés aller hier soir, peut-être qu’il n’aurait pas dû la laisser faire alors qu’elle avait bu pas mal de vin dans la soirée, mais il avait été aussi faible qu’elle. Plus conscient, plus sobre, mais pas moins incapable de lui résister. « Good morning darling. » Lâchait-il alors qu’un petit sourire venait étirer ses lèvres. Ça lui avait tellement manqué de ne plus la voir en se réveillant, de ne plus sentir son parfum sur ses draps et la chaleur de son corps près du sien. Il se retournait lentement, pour s’allonger face à elle, venant du bout des doigts repousser quelques mèches rebelles pour mieux l’admirer. Il avait envie de lui dire combien elle était belle, combien il était fou d’elle, encore plus en cet instant, mais rien de tout cela ne franchissait ses lèvres. Il la dévorait silencieusement du regard, ce léger sourire toujours collé aux lèvres avant qu’il ne disparaisse soudainement en entendant du bruit dans le couloir. « shoot, the kids are up already? » lâchait-il. Avait-il le droit de passer la nuit ici alors qu’ils étaient divorcés ? Sa présence si matinale n’allait pas soulever tout un tas de question et perturbé un peu plus les enfants ? Tout se bousculait dans sa tête alors que sa main c’était arrêter dans la nuque de son ex-femme. « I can’t have breakfast here… can I? » demandait-il embêté pas la situation. « Are you going to sneak me out of the house by the window? » Il pourrait de rire à cette idée, ayant cette terrible impression d’être retourné à l’adolescence.

« Good morning darling. » Tu laisses retomber ta tête sur ton oreiller et t’installes sur le côté, faisant face à ton ex-mari. A la lueur du petit jour, tu détailles les traits de son visage que tu redécouvrirais presque et, sans que tu n’en sois consciente, ton sourire imite le sien, éclairant les petites ridules sur ta peau et faisant briller une certaine lueur dans tes yeux. Tu laisses ses doigts jouer avec tes mèches blondes, dans un sentiment de normalité que vous aviez perdu. Le silence qui s’installe ne te perce pas les tympans, contrairement à celui qui hante d’ordinaire la chambre, et, l’espace d’un instant, tu te surprends à te demander ce qui vous a pris de vous arracher ces plaisirs simples. Comme habitées par un réflexe, tes lèvres cherchent les siennes, lentement, se nourrissant de l’air que vous respirez autant que de la béatitude du matin. Mais le contact vibrant n’arrive jamais, interrompu par des pas dans le couloir et le bruit d’un interrupteur qu’on allume. Frustrée, tu te caches dans le coussin en grommelant. « shoot, the kids are up already? » Tes mots étouffés dans le tissus, tu réponds : « They shouldn’t be. » Il est encore beaucoup trop tôt, tu es d’habitude obligée de les tirer du lit de force quelques minutes avant le départ pour l’école.

Ses doigts contre ta nuque t’invitent à te tourner à nouveau vers lui. « I can’t have breakfast here… can I? » Tu te mords l’intérieur de la joue avant de secouer la tête, faisant ton possible pour être raisonnable. Dans un soupir, tu poses ta main gauche sur sa clavicule. « Are you doing to sneak me out of the house by the window? » Tu ris en silence, l’imaginant escalader la façade de la maison comme un ado de seize ans qui s’échappe de chez sa copine. Tu prends conscience du ridicule de la situation dans laquelle vous vous êtes empêtrés. « Did you drive here ? » Tes muscles se tendent. Sa voiture dans l’allée ne passerait pas inaperçue… Un coup d’œil par la fenêtre et n’importe qui serait capable de résoudre l’équation. Tu as toutefois un peu d’espoir, car tu sais qu’il préfère parfois éviter de prendre le volant après une longue opération, par exemple, et tu croises les doigts pour que ce hasard de calendrier vous sauve.

« Maybe you can… » Fronçant les sourcils pour essayer de trouver la bonne formulation, tu finis par abandonner précautions et fioritures. « …hide here while I cook  breakfast for the kids and make sure they actually leave in time for school. » Tu ne sais pas vraiment si la honte qui bouillonne dans tes joues répond à ta suggestion ou à l’idée d’être surpris par vos enfants. Aucune des deux options ne te plaît réellement, mais il est temps d’assumer les conséquences d’une soirée empreinte d’insouciance. « And then we can eat together ? »

« Did you drive here? » il secouait lentement la tête. « I took a cab. » Il avait l’habitude d’appeler un taxi dès qu’il finissait tard ou qu’il sortait d’une longue opération. Certain de ses collègues le trouvaient trop prudent, limite précieux, mais Mark n’avait pas envie de causer un accident par manque d’attention, il préférait se faire conduire sagement jusqu’à la maison même si ça faisait rire ses collègues. « Maybe you can… » Il était comme suspend à ses lèvres, attendant la suite, avec cet espoir ridicule qu’elle lui dirait qu’il pouvait se joindre à eux pour le petit déjeuner. Ça faisait déjà bien quatre mois qu’il n’avait pas partagé ce premier repas de la journée avec ses enfants et sa femme, enfin ex-femme.
« …hide here while I cook breakfast for the kids and make sure they actually leave in time for school. » Il échappait un petit rire en entendant ça. Evidemment ce n’était pas ce qu’il espérait entendre mais il fallait bien qu’il reconnaisse que Meg ne manquait pas d’idée, puis comment lui refuser lorsqu’elle venait conclure par un « And then we can eat together? » des plus attendrissant. Un sourire venait étirer les lèvres de Mark alors que sa main avait glissé de la nuque de Meg à la peau si douce de son épaule. « Or we can… » son sourire se fait plus charmeur alors que sa main glisse le long du bras de la blonde. « We can stay here longer and let them figure out how to use the microwave. » il venait déposer un baiser contre les lèvres de Meg, puis un second avant d’entendre la voix de l’un des jumeaux résonner dans le couloir. « Mom today’s school picture day you promised you’d help me with the tie! » le second marmonnait quelques chose d’inaudible avant que la porte de la salle de bain ne se ferme bruyamment. Mark lâchait un soupire. « I guess i have no choice but to hide here. » Il reposait sa tête au fond de son oreiller, un peu frustré de ne pas pouvoir profiter de la présence de Meg plus longtemps, mais également, de ne pas pouvoir aider les garçons à se préparer pour leur photo de classe. « Or… » son regard s’illuminait soudain. « You can pretend to be sick and let their sister take care of them this morning! » A vingt ans elle pouvait tout a fait gérer ses frères de quinze ans non?

« I took a cab. » Tu laisses échapper un micro-soupir de soulagement. Au moins vous ne serez pas pris la main dans le sac, en flagrant délit de yes-your-parents-can-have-sex-too. Tu ne sais pas qui d’entre vous serait le plus mortifié, mais tu préfères ne pas le découvrir, alors tu choisis de briser toute forme de glamour en suggérant à Mark qu’il se cache bonnement et simplement. « Or we can… » Tu lis dans ses yeux qu’il ne semble pas décidé à te laisser vaquer à tes devoirs de mère et qu’il va te falloir lutter – non seulement contre toi-même, mais contre lui également – pour réussir à sortir du lit. Tes yeux suivent ses doigts qui glissent le long de ton bras et qui font se dresser tous les poils sur ta peau. « We can stay here longer and let them figure out how to use the microwave. » Rendant les armes que tu n’avais d’ailleurs pas vraiment saisi, tu te laisses embrasser sans rechigner. Tu serais presque tentée de te laisser convaincre par ton ex-mari, le désir de ne jamais connaître la fin de ce baiser surpassant presque la volonté de ne pas voir ta cuisine disparaître sous les flammes. « Mom ! Today’s school picture day you promised you’d help me with the tie ! » Contre sa bouche, tu pousses un râle de frustration avant de dire, d’une voix qui porte : « I’m coming, pumpkin ! »

« I guess i have no choice but to hide here. » Alors qu’il s’enfonce plus dans l’oreiller, tu fais le mouvement inverse et te hisses sur tes coudes. « Or… » Tu ne peux t’empêcher de tourner la tête pour l’écouter, même si tu es certaine qu’il se met en quête d’un nouveau moyen de te corrompre. « You can pretend to be sick and let their sister take care of them this morning! » C’est d’un air faussement agacé que tu réponds aussitôt, « I can’t. » Lui comme toi savez très bien que c’est tout simplement impossible. Tu tapotes du bout de l’index sur sa lèvre inférieure en murmurant : « Stop pouting, I’ll be back soon. » Pour effacer la trace fantôme de ton doigt sur sa bouche, tu l’embrasses furtivement avant de te lever pour de bon. En quelques enjambées tu gagnes la salle de bains où tu enfiles le pyjama qui n’avait pas quitté son crochet sur le mur. Sans prêter attention aux vêtements sur lesquels tu marches, tu t’arrêtes devant la porte et dis : « Go back to sleep, I’ll wake you up. » Tu disparais ensuite du champ de vision de Mark, et t’engouffres dans le couloir en tentant de paraître normale.

« Mom, why are you so weird this morning ? » Raté. Sans quitter des yeux le bacon qui frémit dans la poêle, tu protestes, l’air de rien, comme si tu ne voyais pas du tout ce qu’elle veut dire. « I’m... not weird. » Tu te retournes, un sourcil arqué, vers ta fille qui semble te dévisager avec perplexité. « Menopause. » Tu la connais par coeur. Sa réaction est exactement celle que tu avais prévu, un vent de panique souffle sur ses traits et elle abandonne aussitôt la luttle, jetant ses mains en l’air et se tournant vers le grille-pain. « Urgh. Whatever. »

Des cravates redressées, des estomacs remplis, des mèches rebelles domptées et des câlins distribués, tout le monde quitte enfin la maison qui retrouve son calme des journées tranquilles. Tu disposes de quoi servir deux petits déjeuners de plus sur un plateau avant de retrouver le chemin de la chambre. Tu n’es pas de celles à apprécier grandement un repas au lit, non, tu es plutôt de celles dont on se moque et qu’on tourne en ridicule car elle trouve qu’il n’y a rien de pire que les miettes dans les draps. Mais tu es prête à faire une exception aujourd’hui, pour te faire pardonner d’avoir forcé Mark à jouer à l’homme invisible. Why would you do that ? Tu secoues la tête pour chasser la question, car t’arrêter dessus voudrait dire réfléchir, et tu n’es pas prête à réfléchir. Tu les vois arriver au loin, ces pensées qui te hurlent que vous avez été stupides et irréfléchis et déraisonnables et inconscients et, et, et. Alors tu ne penses pas, c’est quelque chose qui viendra plus tard, quand tu ne pourras plus l’esquiver. Pour l’instant, tout ce que tu sais c’est qu’il y avait bien longtemps que tu ne t’étais pas sentie aussi vivante, aussi légère. Des années, sans aucun doute.

Tu poses délicatement les victuailles sur le bord du matelas avant de tirer lentement les épais rideaux aux fenêtre, inondant la pièce d’une chaude lumière. Tu t’assieds ensuite en tailleur dans un coin du grand lit et redécouvres en silence les traits de ton ex-mari. Un sourire planté en travers du visage, tu passes une main dans tes cheveux et dis, simplement : « Hi. »

Il avait tout essayé : sourire charmeur, caresses aguicheuses… il avait même tenter de laisser les enfants de débrouiller tout seul, mais non, rien à faire Meg avait finit par se tirer du lit, non sans déposer un rapide baiser sur les lèvres de Mark. Il l’avait observé un instant alors qu’elle avait enfilé sont pyjama à la hâte avant de suivre sagement ses ordres et de se réenrouler sous la couette. Premièrement il c’était surpris à tendre l’oreille et, les yeux fermés, à deviner ce qu’il se passait. Les pas qui se pressaient dans l’escalier, le bruit, lointain, d’une poêle qu’on sort du placard et des voix étouffés… Puis petit à petit le confort de ce lit, de son lit, avait eu raison de sa curiosité et il s’était laissé partir dans les bras de Morphée.

La cuisine baignée par la lumière du soleil matinal, ses pieds dans des pantoufles douillettes, et ses trois enfants autour de la table. Il entendait l’un des jumeaux lâcher : « Dad, can you make those foreign toast again? » très vite repris par l’ainé qui le corrigeait en pouffant de rire. Meg le rejoignait derrière l’îlot central de la cuisine, déposant un rapide baiser sur sa joue avant de l’aider à préparer le petit-déjeuner. Très vite une odeur de sucre et de beurre flottait dans l’air, alors que les assiettes se remplissaient de pain perdu et les verres de jus de fruit. « I love when dad isn’t working » lâchait l’un des enfants, la bouche à moitié pleine avant que Meg ne lui fasse remarquer de son impolitesse. Soudain une odeur de bacon et de café venait lui titiller le nez avant que la lumière ne le tire de son sommeil. Il rouvrait lentement les yeux, le regard plissé, passant une main dans sa tignasse blonde avant d’échapper un bâillement. Il se redressait avant d’enfin voir Meg, assise en tailleur sur le lit, près d’un plateau petit déjeuner. « Hi.  » répondait-il simplement, un sourire tendre au coin des lèvres. Il s’étirait tout en observant le contenu du plateau. « Seems like someone is ready to sleep in a bed full of crumbs… » lançait-il, une pointe de malice dans le regard. Puis soudain son expression changeait alors qu’une idée lui traversait l’esprit. Il récupérait son téléphone portable qu’il avait laissé par habitude sur la table de chevet, pianotait silencieusement quelques secondes avant de le reposer là où il l’avait pris. « There. I have all morning to help you clean the mess we’re about to make. » Annonçait-il avant de faire signe à Meg de se rapprocher. Il tirait le plateau entre eux, attrapant sa tasse pour prendre une gorgée de café. « Thanks for this. » Il plantait ses yeux dans les siens, un sourire sincère sur les lèvres. « I think last time we did this was for our anniversary …. Maybe two years ago? »

« Hi. » Il y avait longtemps que tu te l’avais pas regardé, vraiment. Sans arrière-pensée, sans calcul ou intention dans les yeux. Sans essayer de déchiffrer le moindre recoin de son esprit, mais juste parce qu’il est là et que te plonger dans la familiarité de ses traits que tu connais par cœur te réchauffe de l’intérieur. « Seems like someone is ready to sleep in a bed full of crumbs… » Ton sourire s’étire, mais tu te gardes bien de répondre que tu t’empresseras assurément de changer les draps dès qu’il aura tourné les talons. Il meurt cependant bien rapidement alors que tu le vois dégainer son téléphone. Tu ne sais pas ce que tu espérais, ne savais même pas, à vrai dire, que tu espérais quoi que ce soit. Certaines choses ne changent décidément pas. « There. I have all morning to help you clean the mess we’re about to make. » Tu relèves aussitôt la tête, surprise par ses mots. Et la culpabilité qui t’envahit. Encore une fois, ton jugement hâtif a eu raison de toi. « Are you sure ? » Il fut un temps, tu aurais formulé les choses autrement, lui aurais conseillé de ne pas se déranger, d’aller à l’hôpital et que tu t’occuperais du reste. Et après tout, tu n’as pas besoin d’aide, pas pour ranger un plateau et refaire ton lit. Tu le sais autant que lui. La simple idée qu’il ait envie de passer quelques heures de plus avec toi, et juste avec toi, réveille des sentiments adolescents qui avaient oublié à quoi ressemblait la lumière du jour.

Sans te faire prier, tu le rejoins contre la tête de lit, maudissant du bout des lèvres le plateau qui vous sépare. Auto-sabotage. « Thanks for this. » Tu picores un morceau de bacon, regrettant déjà d’avoir mangé tes flocons d’avoine avec les enfants. Te souvenais-tu que son sourire peut illuminer une pièce plongée dans l’obscurité ? Qu’il te suffit de l’apercevoir pour savoir que tu es exactement où tu devrais être, au bon endroit, au bon moment ? Qu’il pourrait te convaincre que tu es la plus belle femme du monde et que le soleil ne brille que pour toi ? Ou devais-tu l’oublier pour qu’il puisse te manquer ? « I think last time we did this was for our anniversary …. Maybe two years ago? » Tu reviens sur terre avec sa voix, détournant un regard qui devait se faire un peu insistant. Fronçant un sourcil, tu refais l’historique des moments importants de ces dernières années. « Not two years ago. Both boys had this horrible stomach bug that lasted forever, remember ? » Tu préfèrerais oublier. « The year before that you were in Seattle... So, maybe your birthday, in 2017 ? » Ton ton est léger. Ce n’est pas l’heure des reproches ou de la rancœur, juste des souvenirs.

Tes prunelles effleurent sa peau alors qu’elles remontent le long de son bras, de son cou, de sa joue, et finissent par retrouver les siennes. « I missed you. » Ta bouche se tord en une moue qui reste inexpliquée, et tu dis, plus bas : « I miss you. »

« Not two years ago. Both boys had this horrible stomach bug that lasted forever, remember ? » Il hochait lentement la tête. « Right, I totally forgot about that. »  confiait-il dans un petit rire. Leur dernier petit déjeuner au lit, en tête à tête remontait donc à 2017 ? Le temps c’était envolé à une telle vitesse, Mark n’aurait jamais pensé que trois années s’étaient écoulées depuis ce dernier moment d’intimité et de miette sous les draps. Ça lui rappelait à quel point il avait pu être absent, même pour un moment aussi important qu’un anniversaire. Il avait passé le plus clair de son temps le nez dans ses recherches, à voyager à travers le pays pour assister à toute sorte de convention et il avait mis sa famille et surtout sa femme, de côté. Il était trop tard pour regretter ses actes, il le savait bien, mais maintenant qu’il avait son poste de chef en poche, il ne pouvait s’empêcher de se dire que cette promotion ne valait pas le sacrifice de son mariage. La paye était généreuse, il était vrai, mais ces nouvelles responsabilités, la paperasse qui allait avec et le stresse que tout cela engendrait lui faisait regretter ses choix passés. Il croisait le regard de Meg, ne pouvant retenir un sourire attendrit lorsque celle si avouait : « I missed you. » et se sourire semblait presque triste lorsqu’il l’entendit murmurer : « I miss you. » Il avait envie de pousser le plateau du petit déjeuner pour la prendre dans ses bras, mais se retenait de peur de mettre du café plein le lit. « I’ve missed you too. » avouait-il venait prendre une nouvelle gorgée de café, avant d’attraper un bout de bacon, préférant avaler ses sentiments que d’en partager d’avantage. Il n’aurait jamais cru que ce divorce serait si difficile et qu’il se sentirait aussi seul loin de Meg. Pourtant il rentrait voir ses enfants régulièrement, mais le simple fait de se savoir séparé d’elle, de ne plus porter sa bague, lui donnait un pincement au cœur. Il avait envie de lui dire qu’elle lui manquait aussi, et ce à longueur de journée, mais se retenait. Après tout : A quoi est ce qu’ils jouaient ? Ne devraient-ils pas profiter de cette liberté nouvelle pour découvrir autre chose ? Mark avait l’impression d’être une sorte d’addicte qui venait de rechuter. Et à mesure qu’il mangeait son bacon il réfléchissait à la situation, se rendant compte qu’il était incapable de résister à Meg et que ce divorce n’avait fait que lui prouver sa faiblesse. Jamais il n’aurait dû passer cette nuit avec elle. Il était supposé venir, de temps en temps, pour voir les enfants et partager un repas en famille, non pas pour partager les draps de son ex-femme. « We were supposed to take some time apart… I guess we’re not good at that. » notait-il avec humour alors qu’au fond de lui il culpabilisait déjà. Il n’avait pas su lui offrir la vie de mariée dont elle avait rêvé et voilà qu’il échouait aussi dans son rôle d’ex-époux. Peut-être qu’il n’aurait pas dû envoyer ce texto pour libérer sa mâtiné…

« I’ve missed you too. » Regardez-vous. Ca ne rime à rien. Si une caméra venait se glisser dans la chambre et immortaliser ce moment, elle verrait les vingt ans de mariage plutôt que les quelques mois de divorce, la quiétude apparente plutôt que la panique qui s’éveille en toi. « We were supposed to take some time apart… I guess we’re not good at that. » Tu lui rends son sourire, mi-amusée, mi-consternée par la situation. Vous vous êtes mis dans de sales draps, dans tous les sens du terme. « Yeah… » Mariage, fail. Divorce, fail. Vous enchaînez les échecs sans répit. Mais une séparation ratée, qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’elle aurait dû ne jamais avoir lieu ? Ou que vous êtes des incapables qui auraient mieux fait de ne jamais se rencontrer ? Pourtant, tu ne peux t’empêcher de ne pas avoir de regret. Ni pour avant, ni pour maintenant, et encore moins pour la nuit dernière. Dans un élan d’insouciance que tu ne te connais pas, tu t’apprêtes à dire quelque chose. La bouche semi-ouverte, ta main vient trouver machinalement le collier que tu n’enlèves jamais. Tu caresses la chaîne en or blanc, et t’arrêtes net quand tes doigts se referment autour du minuscule pendentif en quartz rose qui l’orne.  

Ta respiration se bloque en travers de ta gorge. Tu suffoques pendant trois secondes avant de finir par réussir à reprendre ton souffle, dans une inspiration lente, douloureuse et bruyante. « … I forgot. » Tes mots sont étranglés, à peine audibles. La culpabilité se livre à un corps à corps acharné avec l’immense chagrin qui s’est écrasé de plein fouet contre toi. Comment as-tu pu oublier ? T’en serais-tu seulement souvenu, au milieu de ton matin baigné d’égoïsme, si le bijou ne t’avait pas ramenée à la raison ? Un frisson glacial parcourt ton échine alors que tu sens l’émotion te gagner. Tu pourrais suivre sa trace précisément, sur ton cœur qu’elle écorche, le long de ta trachée poncée au papier de verre, dans ta bouche qui s’assèche, jusqu’au bord de tes yeux que tu t’efforces de garder ouverts malgré la marée qui s’annonce. Tu remontes instinctivement tes genoux contre ta poitrine et les enserres de toute l’amplitude de tes bras. Une mèche blonde tombe sur ton visage, s’échouant contre ton nez, mais tu ne prends pas la peine de la chasser. Ta voix annonce sobrement, parce que tu lui dois des explications, que tu ne peux décemment pas passer d’un sourire béat à la mine décomposées que tu tires. « May 21st. It was my due date. » Tu sais que c’est toi qui parles, mais les mots pourraient être prononcés par quelqu’un d’autre que tu ne verrais pas la différence. Ils sonnent faux, étrangers et lointains. Tu te mords la lèvre, comme si tu cherchais à ressentir une douleur physique, une vraie, tangible, pour que celle-ci remplace le déchirement de tes entrailles. You failed her once again. « She would have been 18 today. » Tu tournes la tête, regrettant presque aussitôt le mouvement, et t’échoues dans les prunelles de Mark avant que ton champ de vision se trouble.

Tout allait bien, il était souriant, mangeant son bacon, plantait sa fourchette dans ses œufs brouillés, buvait son café, le tout en très bonne compagnie. Puis soudain, un ombre passait sur le regard de Meg et c’était comme si le soleil, qui réchauffait la pièce, était devenu froid. « … I forgot. » Son ex-femme serre ses genoux contre sa poitrine, alors que Mark l’observe, bouche bée, sa fourchette manquant de tomber sur le plateau. « May 21st. It was my due date. » Et la fourchette lui échappait enfin, il repoussait le plateau, sortant de dessous la couette pour pouvoir s’approcher de Meg, poussait la mèche qui tombait devant le visage de son ex avant de la prendre dans ses bras. « She would have been 18 today. » Cette annonce lui donnait un pincement au cœur. Il se souvenait très bien du jour de l’accident, mais plus du tout de cette date ci, celle à laquelle leur seconde fille devait venir au monde. Pourtant lorsqu’ils avaient appris pour la grossesse de Meg puis qu’il avait connu la date de son arrivée, il se souvient très clairement de la joie qui l’avait envahi, de l’impatience avec laquelle il comptait les jours. Mais son cerveau avait pris grand soin d’effacer le vingt-et-un mai de sa mémoire, comme pour lui éviter une souffrance supplémentaire. Il serrait Meg un peu plus, comme pour tenter de garder le contrôle face à tout ce qui lui traversait l’esprit. « Do you want to bake a cake and celebrate her birthday? Or… would you rather treat this day as any other day? » demandait-il calmement. Lui-même ne savait pas trop. Oublier totalement cet enfant était impossible, même s’il n’avait pas eu la chance de la rencontrer, elle faisait et ferait toujours partie de la famille, mais fallait-il que chaque vingt-et-un Mai ils retombent tout les deux dans cette tristesse qui les avait tant tourmentés ? « We should try and celebrate her. Don’t you think? » Elle venait passer une main dans ses longues mèches blondes. « I hate seeing you sad darling. »

Tu ne te voyais pas rentrer chez toi comme si de rien n’était, une nurserie prête mais désespérément vide et une brèche béante dans le cœur. Ca n’aura pas changé grand-chose, mais tu voulais pouvoir t’accrocher à un objet, à une manifestation matérielle de sa présence éphémère sur terre. Tu n’y connais rien en pierres, et aurais de toute façon probablement choisi celle-ci pour sa couleur poudrée, mais on t’a dit qu’elle serait parfaite pour toi. Consolatrice, symbole de tendresse, de réconfort et de maternité, ça t’a effectivement semblé coller plutôt bien à la situation. C’est ainsi que tu as fait l’acquisition de ce [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] que tu n’as jamais plus enlevé, te donnant l’impression d’avoir quelque chose à serrer dans tes mains.

Tu t’abandonnes totalement aux bras de Mark, oubliant que tu ne devrais pas. S’il y a bien une seule personne sur terre qui peut te comprendre c’est lui, malgré tout ce que tu as pu penser au début. Tu t’en voulais tellement, à t’en rendre malade, que tu ne pouvais t’empêcher de le tenir à l’écart, persuadée que sa peine ne pouvait pas rivaliser avec la tienne. Il t’a fallu du temps pour accepter que la grossesse ne faisait pas tout, et qu’il était déraisonnable de le blâmer d’avoir été au travail ce matin-là, alors que rien n’annonçait la tragédie qui se tramait. Tu te concentres sur ton souffle, les battements de son palpitant contre ton oreille et les caresses de ses doigts sur la peau nue de ton bras. Tu sens quelques larmes rouler sur tes joues et éclabousser ta clavicule, mais tu restes silencieuse et calme. Passée la panique de la date, tu te répètes en boucle les mantras de ta psy. It was not your fault. It’s ok to move on. You’re a good mother.

« Do you want to bake a cake and celebrate her birthday? Or… would you rather treat this day as any other day? » Tu ne sais pas combien de temps a passé dans la quiétude de la maison vide. Suffisamment longtemps pour que le café soit froid et les œufs caoutchouteux ? Ou juste une seconde qui t’a fait perdre toute notion temporelle ? Mais un instant ou une heure, ça ne te donne pas la réponse à ta question. Tu n’en as jamais eu aucune idée. « We should try and celebrate her. Don’t you think? » Scrutant le plafond à la recherche de la bonne solution, tu finis par suggérer, la voix rauque : « We could go to the beach ? » Tu as passé des heures, des jours même avec votre aînée à la plage, les premiers temps. Tu te sentais invisible au milieu de cette foule qui n’avait aucune idée de ce que tu traversais. Tu construisais des châteaux de sable et les observais s'écrouler au gré du vent, tu écoutais le bruit des vagues. La marée qui monte et qui se retire, éternelle fatalité du pacifique. Tu avais la douce impression d’être insignifiante face à l’immensité de l’horizon, à l’infiniment grand de l’océan, à l’infiniment petit des grains de sable. « I hate seeing you sad darling. » Tu le regardes, te réfugiant dans la tendresse de ses prunelles. Hésitante, tu te redresses pour déposer un baiser sur ses lèvres. Puis un second que tu ne veux pas rompre, désespéré et brûlant. Qu’on ne te demande pas d’expliquer ton geste. Peut-être veux-tu faire cesser ce chagrin que tu lis dans son regard et qu’il ne veut pas avouer, préférant soigner le tien. Peut-être est-ce une stratégie pour ne pas avoir à trouver ces mots que tu n’as pas. Ou peut être simplement que le savoir nu dans ton lit provoque en toi des sentiments autres que la tristesse, et que c’est vers eux que tu préfères te tourner.

Il était désarmé, ne savait plus quoi lui proposer, quoi lui dire. Soigné des blessures, des cœurs malades, ça il savait faire, mais réparé un cœur briser n’avait jamais été au programme de ses études de médecine. C’était très certainement pour cette raison qu’il c’était plongé corps et âme dans son travail. Parce qu’il était plus simple de faire face à quelque chose de concret, de visible et de palpable ; quelque chose qu’il pouvait tenter d’arranger, de réparer. La perte de cet enfant c’était bien au-delà de ses compétences. Il n’avait pas su aider Meg et n’avait pas su comment digérer la nouvel non plus. Mais il se devait d’essayer, d’être là pour elle, que ce soit en la prenant simplement dans ses bras ou en tentant, vainement, de lui proposer des activités qui pourraient l’apaiser, ne serait-ce qu’un instant. « We could go to the beach ? » Il hochait lentement la tête. Oui, la plage, pourquoi pas, c’était une bonne idée. Peut-être allait-il devoir prendre son après-midi aussi du coup, vu la situation, une simple mâtiné ne suffirait pas. « Yes. Let’s do that. » lançait-il tendrement, un faible sourire apparaissant timidement aux coins de ses lèvres. Du moment qu’elle ne comptait pas se réfugier sous les draps toute la journée pour pleurer, il était partant. Son regard posé sur celui de Meg, ils restaient silencieux un instant, avant que la blonde ne vienne l’embrasser une première fois, puis une seconde fois. Les mains de Mark glissaient machinalement dans le dos de Meg venant la serrer contre lui alors qu’il l’embrassait à son tour. Son cœur s’emballait alors qui la sentait contre lui. Puis il venait coller son front au sien, séparant leurs lèvres un instant, gardant les yeux fermés alors que ses mains caressaient calmement le dos de Meg. Est-ce que c’était vraiment le moment idéal pour céder une seconde fois à la tentation ? Oui les enfants étaient partis et Meg lui avait énormément manqué, mais n’était-il pas plus sage d’aller à la plage, d’essayer, pour une fois, de ne pas ignorer cette tristesse qu’ils portaient tous les deux comme un fardeau ? L’une de ses mains quittait le dos de la blonde pour tirer le drap sur lui, recouvrant d’avantage son corps dénudé, d’un geste presque prude.

Il y a certaines choses pour lesquelles tu es douée, et d’autres qui te sont insurmontables. Tu sais écouter, être pédagogue, tout faire pour que ceux qui t’entourent soient à l’aise. Tu es une excellente cuisinière et ta maison est toujours ouverte et accueillante. Lorsqu’il s’agit des autres, tu brilles de mille feux, mais pour ce qui est de t’occuper de toi, c’est la dégringolade. Depuis toujours tes émotions sont bien trop fortes pour que tu n’aies le courage de les affronter de face, alors tu les ranges soigneusement dans des petites boites, qui elles même trouvent refuge au sein de plus grandes boites, et au fil du temps, ton cerveau est devenu un immense hangar aux allures d’usine qui tourne en 3x8. Il y a des cartons partout, empilés les uns sur les autres, parfois en équilibre précaire, sans étiquette ni moyen d’identification. Une simple allumette et tout part en fumée. Alors, face à la perspective de passer la matinée face au ronronnement des vagues qui te forcera à faire le tri là-dedans, tu cherches inlassablement une échappatoire. L’espace d’une seconde, et trompée par Mark qui ne semble pas hésiter à te rendre ton baiser, tu crois ta tentative fructueuse.

Tu soupires doucement alors qu’il rompt le contact, posant délicatement son front contre le tien. Tu pinces les lèvres, refusant de le regarder, et ton pouce caresse machinalement les repousses de sa barbe naissante. Tu le sens s’éloigner de toi et ne protestes pas, sachant pertinemment qu’il a raison. « Yeah… » Tu murmures, plus pour toi qu’autre chose. Te jeter dans les bras de ton ex-mari, ce n’est pas le coping mechanism le plus sain du monde, quoiqu’essaye de te dire ton instinct. Même si tu pourrais argumenter et dire que le mal est, de toute façon, déjà fait, you know better. Tu finis par ouvrir les yeux, évitant ses prunelles pour observer plutôt le drap, érigé entre vous en rempart. « To the beach. » Tes doigts s’attardent un instant sur son avant-bras, puis tu te lèves, quittant le lit sans plus de cérémonie.

Assise sur le sable, entre les genoux de Mark et le dos posé contre son torse, tu n’as pas pris la peine de te maquiller. Ta peau est recouverte d’une fine couche de crème solaire qui sent les vacances. Au loin, la voix d’un petit garçon qui rit se fait entendre par moment, probablement trop heureux de ne pas être à l’école et de pouvoir profiter de l’eau salée du pacifique. « Thank you for making me do this. » Sans lui tu aurais probablement perdu pied pendant une petite heure avant de te ressaisir et de passer une journée pseudo-normale, à cent à l’heure, et de te remettre à cogiter à la nuit tombée, dans le silence assourdissant de ta chambre vide. « Did you ever… Take time to stop and think, in the past few months? » Ton regard est plongé dans la douce houle de l’océan, métaphore parfaite de ton quotidien qui ne s’arrête jamais, l’éternel recommencement. « About everything ? » C’était ça l’idée, au départ. De prendre une pause, de faire un point et de réfléchir. Mais toi, tu es encore plus perdue qu’avant. Tu te pensais criblée de doutes, de ‘et si’, mais tu finis par croire que tout cela valait mieux que le néant absolu qui t’a gagnée. Les incertitudes sont toujours là, mais ta seule constante s’est évaporée. Tu commences à penser que tu as perdu au change….

Les mains appuyé dans le sable, le regard se perdant dans les vagues qui déferlaient sur la côte, Mark était content d’être venu ici. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas pris le temps de faire une pause comme celle-ci, de sortir de la ville pour respirer l’air marin et se déconnecter un peu du stresse de la vie. « Thank you for letting me join you. » avait-il retorqué simplement. Il se sentait terriblement calme, comme bercé par le bruit des vagues et celui du vent. Un silence s’installait, alors que lui, comme Meg, fixait l’océan. Puis soudain, fendant les vagues la voix de son ex-femme refaisait surface. « Did you ever… Take time to stop and think, in the past few months? » Les prunelles bleu de Mark veinaient malgré lui se perdre sur le sable avant de se poser sur Meg et sa chevelure blonde. « About everything ? » Est ce qu’il avait pris le temps de se poser pour réfléchir ? non, clairement non. Il avait été promu, il avait eu beaucoup de boulot, il avait à peine eu le temps d’aller voir ailleurs en expérimentant son nouveau statu de célibataire. Donc réfléchir à tout ça n’avait pas fait partie de ses priorités. Ceci étant dit, Meg n’avait pas quitté son esprit et il c’était plusieurs fois retenu de l’appeler pour prendre de ses nouvelles par peur d’être l’ex-époux le plus collant du monde. « I’m not sure I have. » avouait-il après un silence, reportant son attention sur les vagues pour tenter de retrouver l’apaisement que celles-ci lui avaient procuré quelques secondes plus tôt. « All I know for sure is that you haven’t left my mind. » Et puis rentrer dans son appartement qui était si vide et silencieux lui donnait le cafard. Ses soirées se résumaient à quelques take out, un ou deux chapitres d’un livre qu’il avait déjà lu et dodo. Il passait ses journées au boulot, parfois même si rendait durant ses jours de repos, simplement parce qu’il n’avait rien d’autre à faire. Il n’avait pas imaginé ça comme ça. Il avait naïvement pensé qu’après le divorce il retrouverait des amis de longue date, se retrouverait à sortir un peu plus, irait voir des films que Meg n’aime pas au cinéma, aller au golf avec ses collègues. Mais non. Il c’était surpris à éviter bon nombre de sorties, à annulé à la dernière minutes sa venue à des soirées parce qu’il était trop fatigué. Enfin de compte, peut-être qu’il avait passé l’âge de sortir tous les soirs de la semaine et peut-être qu’il n’était pas si sociable que ça lorsque Meg n’était pas là. C’était elle the social butterfly du couple, c’était elle qui le tirait pour aller manger français en ville… et sans elle, il se retrouvait en slip devant des rediffusions de friends, eating some bad chinese take out. « Have you… thought about it? »

« I’m not sure I have. » Vous faites un beau duo. Toi qui cogites du matin au soir, puis du soir au matin, sans interruption, et lui qui cours, toujours. Il est doué pour l’esquive, bien plus que toi, incapable de faire autrement que de tout te prendre en pleine face sans pouvoir lutter. « All I know for sure is that you haven’t left my mind. » De ta bouche s’échappe un soupir. Ce n’est pas ainsi que ça devrait fonctionner. Ce n’est ni normal, ni sain. Rien ne va. Pourtant ce n’est pas tant un reproche qu’un soulagement d’être moins seule dans ton bateau que tu ne le pensais. Tu n’es pas folle, tu n’es pas celle qui se raccroche à un passé révolu de manière désespérée. L’une de tes mains quitte son duvet de sable pour trouver place sur son genou. Tes doigts dessinent des spirales sur sa peau mais tu ne réponds pas.

« Have you… thought about it? » Tu ne sais pas vraiment ce que tu décèles dans sa voix. Une hésitation ? De l’inquiétude ? Appréhension ? Ou simplement est-ce qu’il pose une question dont il n’a pas envie d’entendre la réponse ? Tournant légèrement ta tête, tu scrutes ses traits et captes son regard avant de retrouver ta position initiale face à l’océan. « I can’t seem to stop... » Tu joues la carte de l’honnêteté, de la transparence. « But the more I think, the less sense it makes. » Ça tourne en boucle dans ton esprit, et les nœuds ne se défont pas. Au lieu de démêler petit à petit l’épaisse pelote de laine, tu ne fais que la secouer, entortillant les fils pour ne faire qu’un amas difforme. « Is it supposed to hurt this much ? » Tu n’étais pas prête. Il n’y avait pas de raison, véritablement, pour que tu anticipes ça. Sur le papier, le divorce était une bonne idée. Ca semblait logique, couler de source. Et puis vous avez fait les choses en douceur, sans conflit, sans rupture brutale. Un dialogue permanent et bienveillant. « All. The. Time ? » Aussi cliché que ça puisse paraître, tu as l’impression d’avoir perdu un bout de toi-même. Au début tu disais que tu étais perdue, perturbée par le bouleversement de tes repères et que ce n’était qu’un état passager. Que tout rentrerait dans l’ordre en quelques semaines quand tu aurais intégré une nouvelle routine, un nouveau « normal ». Mais tu n’es plus sûre de rien.