everybody hurts (ft. mark)

Tu as fait les cent pas dans la maison une bonne partie de l’après-midi, nettoyant le moindre objet qui te passait sous la main. Toi qui pensais que prendre ta journée à l’hôpital serait une bonne idée, tu réalises maintenant que c’était en réalité la pire choses que tu aurais pu faire. Ton estomac fait des nœuds et ton cœur joue aux montagnes russes, mais tu le sais : c’est le moment ou jamais. L’inconvénient d’avoir créé à bout de bras cette atmosphère si chaleureuse au sein de votre foyer est que les moments de répit se font extrêmement rares. Alors quand tu as compris que tes enfants étaient, pour une fois, tous occupés à l’extérieur en même temps, tu t’es décidée. Des jours et des jours que tu rumines, peut-être même des semaines, et tu ne peux plus le garder pour toi. D’ordinaire tu n’as pas de secret pour Mark, tu en es tout bonnement incapable, mais là tu ne savais pas quoi lui dire. Il t’a fallu du temps pour décider que ta fille avait peut-être raison, au final, et que l’idée valait la peine d’être explorée. Tu n’aurais pas voulu l’inquiéter pour rien.

En entendant la porte d’entrée s’ouvrir, tes jambes manquent de lâcher sous ton poids. Tu t’appuies contre le mur et croises les bras sur ta poitrine, tous remparts levés. Tu te mords les lèvres, déterminée à ne pas reculer, et le laisse arriver vers toi. Sans rien dire, parce que tu ne saurais pas par où commencer, et que de toute façon ta gorge est bien trop serrée pour pouvoir parler, tu le laisses observer le dossier posé sur la table. Finalement, c’est avec une voix un peu étranglée que tu lui fournis une ébauche d’explication : « Look at what your daughter gave me… » Tu soupires en baissant la tête. Tes pieds, nus, prennent soudain un intérêt immense. Tu évites son regard coûte que coûte, sachant pertinemment qu’un coup d’œil suffira à te pousser de l’autre côté de la barrière et te faire craquer pour de bon.

« See you tomorrow. Oh and tell Shefield to move my valve replacement from nine to eight. » Lâchait-il à l’attention d’un collègue qui fumait sa cigarette près du parking. Un dernier signe de la main dans sa direction et il montait à bord de sa voiture. Sa journée avait été assez longue, comme toute ses journées de boulot à vrai dire. Il passait très certainement plus d’heures au bloc qu’avec sa famille et ça ne datait malheureusement pas d’hier. Il savait bien qu’il n’était ni le père, ni l’époux parfait, ça le chagrinait, mais il avait besoin de son travail bien plus qu’il ne pouvait se l’avouer. Clignotant à droite et le voilà qu’il garait la voiture dans l’allée de la maison, ce grand nid douillet qu’il partageait avec sa femme et ses trois merveilleux enfants. Il avait quitté le travail un peu plus tôt et se faisait un plaisir de les retrouver pour le diner, pour une fois qu’il n’allait pas rater le repas. Pourtant en franchissant la porte il ne pouvait s’empêcher de remarquer le calme ambiant. Il avait totalement oublié la soirée pyjama des jumeaux et l’anniversaire auquel était invitée la plus grande. Il serait donc seul avec Meg ce soir, peut-être que ce n’était pas si mal après tout, ils n’avaient plus souvent la chance de diner en tête à tête depuis la naissance des jumeaux. Il accrochait son manteau dans l’entrée, retirant ses chaussures pour glisser ses pieds dans des pantoufles avant de pénétrer dans la pièce principale, s’approchant de la table pour lire, presque machinalement, la première ligne du document posé là. Le divorce, il y avait déjà songé, évidemment, mais jamais il n’avait fait cette démarche-là. Pour chercher le formulaire il fallait probablement avoir mûrement réfléchis au sujet, chose qu'il n'avait pas faite, car l'idée de vivre loin de Meg lui brisait le cœur. Il redressait la tête croisant très brièvement le regard de sa femme qui baissait aussitôt la tête. « Look at what your daughter gave me… » Le ciel semblait soudainement lui tomber sur la tête. Ce n’était donc pas Meg qui avait fait ce premier pas vers la fin de leur couple mais leur propre fille ? Il osait à peine imaginer l’image qu’elle devait avoir de ses parents pour en arriver là. Il reportait son attention sur le document, relisant les premières lignes avant de se gratter nerveusement le front. « She gave you that… ? » Il avait bien compris mais ça lui semblait tellement irréel. « So we must look really miserable, huh? » il échappait un léger rire, un peu nerveux. Il était terriblement mal à l’aise mais il se décidait à s’avancer vers Meg qui fixait nerveusement ses pieds, posant ses mains sur les épaules de celle-ci. « You’re alright ? » demandait-il, tentant de capter son regard en se penchant un peu avant de la tirer tendrement vers lui pour la prendre dans ses bras. « It’ll be fine. Talk to me, honey. » soufflait-il en venant caresser ses longues mèches blondes. « What's on your mind? »

« She gave you that… ? » Tu soupires avant de préciser, une once d’indignation dans ta voix : « For my birthday ! » Tu ne doutes pas de ses intentions, probablement très bonnes, mais il faut avouer que c’est un drôle de cadeau d’anniversaire. Depuis ce jour-là, vous n’en avez jamais reparlé toutes les deux, et le sujet n’a pas non plus été abordé avec ses frères, embarqués dans l’histoire. Mais depuis, aussi, tu as tout gardé pour toi, supportant seule l’immense poids sur ta conscience. « So we must look really miserable, huh? » En l’entendant rire, même si tu perçois la nervosité dans sa voix, tu ne peux t’empêcher de pouffer également. « It’s not funny ! » Tu relèves la tête, et ton sourire meurt dès que tu croises son regard.

Tu le sens s’approcher mais tu préfèrerais qu’il reste loin, très loin. Une partie de toi se sent terriblement coupable, l’autre jongle entre le soulagement et la confusion. Tu sens ses doigts se poser sur tes épaules et immédiatement, tout ton corps se tend. « You’re alright ? » Tu as l’impression que ses mains sont incandescentes et qu’elles vont faire fondre ta peau. Tes mains se contractent alors que tes lèvres laissent échapper quelques mots, à peine perceptibles, qui ressemblent à : « please… don’t… » Tu le connais par cœur, tu sais qu’il va te prendre dans ses bras, peut-être même déposer un baiser au sommet de ton crâne. Mais tu sais que si il perce le rempart imaginaire tu as dressé autour de toi, tu es perdue.

« It’ll be fine. Talk to me, honey. » Finalement, tu abandonnes, te laissant étreindre. Tu niches ton visage au creux de son cou, respirant son odeur mêlée à celle, si caractéristique, des désinfectants de l’hôpital. A ta grande surprise, les larmes coincées dans ta gorge, qui menaçaient de prendre le dessus, semblent rebrousser chemin. « What's on your mind? »

Délicatement, tu prends un peu de distance, te permettant de lever la tête vers lui sans pour autant quitter l’étau de ses bras. « I just…  » Machinalement, tes doigts caressent le tissus de sa chemise. « I can’t stop thinking about it. » Après son vêtement, c’est ton front qui est frotté par ta main gauche. « I wanted to throw it in the trash and forget it ever came into our home. But… » Même les mots t’effraient. Depuis le départ tu ne parles que de ‘ça’, ça qui plane comme une menace innommable, tellement déstabilisante qu’on se refuse à la nommer. « What if she’s right ? »

Evidemment he had done the math, si Meg avait eu ce formulaire pour son anniversaire cela signifiait qu’elle l’avait gardé et qu’elle y réfléchissait depuis de longues semaines. Mais même avec toute la mauvaise volonté du monde il ne pouvait pas lui en vouloir. Quelque chose avait changé entre eux, quelque chose avait disparu et il était normal de réfléchir à cette porte de sortie qu’était le divorce. Elle se reculait légèrement, ses doigts glissant sur le tissu de la chemise de Mark. « I can’t stop thinking about it. » Il se pinçait les lèvres et son regard se faisait plus tendre encore alors qu’il gardait ses yeux posés sur Meg. Elle semblait si fragile en cet instant, à bout de force, comme usée par ce fichu formulaire qu’elle cachait depuis des semaines. Usée par cette question du divorce qui la taraudait. « I wanted to throw it in the trash and forget it ever came into our home. But… » Mark détournait les yeux un instant, la mâchoire serrée comme par crainte de trembler, de balbutier. « What if she’s right ? » Son regard se perdait un instant sur les photos de famille posées non loin, sur le buffet du salon. A première vu ils étaient pourtant heureux, mais leur fille avait su voir quelque chose qu'ils semblaient s'acharner à ne pas voir, ou a ignorer. « You wouldn’t have been thinking about it this much if she weren’t, at least, a little bit right. » notait-il reportant son attention sur sa femme. « You know....I’ve been thinking about it too, even though nobody got me something this …. Thoughtful, for my birthday. » il esquissait de nouveau un petit sourire, il ne supportait simplement pas de voir combien cette situation pesait sur Meg, il fallait qu’il tente de faire une pointe d’humour pour dédramatiser un peu. « You know I love you; I care for you and our family… but I think she’s right. We’ve been trying too hard lately. And… It shouldn’t be that way. » admettait-il, venant repousser une mèche de cheveux de devant les yeux de Meg. « And if she's seen that, then maybe it's time for us to open our eyes and ask ourselves: should we get a divorce? »

« You wouldn’t have been thinking about it this much if she weren’t, at least, a little bit right. » Toi qui voulais garder la face te lui offrir le tête à tête qu’il mérite, tu renonces très rapidement à tes bonnes resolutions. Envahie toute entière par un sentiment de honte qui se lit sur tes joues, tu laisses tomber ton menton contre ta poitrine et laisses trainer tes yeux sur le carrelage. Tu as peur qu’il te le reproche, et si tu dois être honnête, tu te blâmes déjà suffisamment pour deux. Tu aurais tant voulu pouvoir tout enterrer, envoyer balader ta fille et ne jamais le mentionner. « You know....I’ve been thinking about it too, even though nobody got me something this …. Thoughtful, for my birthday. » Tu fronces les sourcils, destabilisée. « You have ? » L’espace d’un instant, tu es tentée de mal le prendre. Tu sens ton cœur faire un bond dans ta cage thoracique, prêt à se faire la malle dans les chaussettes, vexé comme il est. Mais au final, c’est le soulagement. Tu n’es pas folle, mais surtout, tu n’es pas seule. « You know I love you; I care for you and our family… but I think she’s right. We’ve been trying too hard lately. And… It shouldn’t be that way. » Cette main qui glisse dans tes cheveux, tu l’attrapes au vol et la serres dans la tienne. « … Sweetheart… »

« And if she's seen that, then maybe it's time for us to open our eyes and ask ourselves: should we get a divorce? » Le mot en lui même ne devrait pas t’effrayer autant, c’est un amas de lettres, de syllabes qui n’ont rien de plus que les autres. Mais pourtant, tu sens ton monde craquer sous votre poids. Comme si la faille venait de rompre et qu’il te serait impossible de la recoller. « But maybe… We don’t need an answer right away ? » Tu ne veux pas qu’il te file entre les doigts, là, tout de suite. Tu as trop besoin de rester près de lui encore un peu, parce que ce n’est jamais bon signe quand tu es abandonnée à tes pensées. Elles vont trop vite, vont trop fort, vont trop loin, et tes petits bras ne peuvent pas lutter. « We can just think about it. Talk about it. » Tu as l’impression d’être un peu paradoxale, lui balançant un tel projet à la figure sans crier gare, et rétropédalant aussi sec. « Figure it out. » Tout ce que tu veux c’est que vous soyez unis dans la tempête. Deux paires de jambes sont plus stables qu’une seule. « We always do, right ? »

Peut-être que si leurs enfants pouvaient voir que ça n’allait plus entre eux alors tout le monde pouvait le voir ? Peut-être, enfin de compte, que ça crevait les yeux et que ce n’était pas qu’un sentiment désagréable qui le préoccupait de temps en temps. Ça faisait longtemps que les choses avaient changées entre eux. Eepuis la perte de leur second enfant. Oui, l’arrivée des jumeaux leur avaient redonnée le sourire et avait su apporter un peu de normalité au sein de leur couple, mais cette sensation de bonheur semblait s’estomper petit à petit, révélant la blessure qui n’avait jusqu’ici qu’été dissimulée. Peut-être qu’ils leur faillaient respectivement, du temps pour vraiment gérer ce deuil ? mais fallait-il se séparer pour cela ? « But maybe… We don’t need an answer right away ? » Il haussait les épaules, un peu perdu, il fallait bien le reconnaitre. « Of course, we have to think about it… » murmurait-il le regard ailleurs alors que son cerveau carburait, réfléchissant déjà au sujet, a ce que deviendrait les enfants dans tout ça, ç si un thérapie de couple ne ferait pas simplement l’affaire…« Figure it out. We always do, right ? » Il reportait son regard sur elle, hochant lentement la tête. Ça faisait des mois qu’ils n’avaient pas eu de relation intime, des mois qu’ils semblaient s’éloigner sans véritable raison, lui occupé au travail, elle avec les enfants… étaient il encore un véritable couple ou de simple colocataire ? Mark ne savait plus vraiment. Pourtant ses sentiments pour Meg étaient limpides. Il l’aimait, pourtant ce n’était plus comme au premier jour, il passait du temps loin d’elle sans culpabiliser, sans forcément qu’elle ne lui manque et puis il se confiait moins aussi, sans savoir pourquoi.  « Okay then… let’s talk. Let’s do this right now, cause honestly, I’m not sure i’m going to be able to sleep with this on my mind. » avouait-il. Il s’éclipsait un instant vers le côté cuisine de la pièce pour se servir un verre d’eau, revenant vers la table à manger pour s’appuyer contre celle-ci avant de prendre quelques gorges, pensif, le regard dans le vide.« I feel like… we’re growing apart. I can’t quite put my finger on the reason why. » il frottait sa barbe de trois jours de sa main libre avant de prendre une nouvelle gorgée d’eau et de poser son verre sur la table derrière lui. « Maybe it’s my fault for working so much and being away from home so often…. » lâchait-il, presque comme se faisant cette remarque à lui-même et non à l’intention de Meg. C’était probablement de sa faute après tout, Meg elle était là, s’occupait des enfants, était une parfaite femme au foyer et puis il n’avait pas l’impression qu’elle ait tant changée… en fait il n’en savait trop rien. Mais à première vue ça ne pouvait qu’être lui le fautif, enfin s’il en fallait un. Pour ce qui était du cœur comme organe il était incollable, mais niveau sentiments et relations amoureuses il était un peu perdu. « what do you think? Do you feel like something has changed? » demandait-il enfin, reposant son regard perçant sur sa femme.

Une instabilité dangereuse te gagne toute entière. Tu ne sais ni comment tu devrais te sentir, ni comment tu te sens. « Of course, we have to think about it… » Une chose est certaine, tu n’es pas prête à balayer 20 ans de ta vie d’un revers de la main. Tu as besoin de temps, vous avez besoin de temps. « Okay then… let’s talk. Let’s do this right now, cause honestly, I’m not sure i’m going to be able to sleep with this on my mind. » Une chance que vous ayez une grande partie de la soirée devant vous. Alors que tu t’apprêtais à te mettre aux fourneaux pour vous préparer à dîner, tu es distraite par ses mots.

« I feel like… we’re growing apart. I can’t quite put my finger on the reason why. » Ce n’est pas si simple, tu le sais. En l’observant s’éloigner de toi, tu examines la routine qui a pris le dessus sur votre quotidien depuis des années. Les allées et venues constantes. Les longues soirées passées seule au rythme des rires étouffés émanant des chambres des enfants. Les matins en coup de vent. Ton humeur changeante. « Maybe it’s my fault for working so much and being away from home so often…. » Tu penches la tête très légèrement et le regardes avec tendresse. Ô combien tu voudrais pouvoir lui dire que non, rien n’est de sa faute, mais tu en est incapable. Bien sûr qu’il est responsable, autant que tu l’es, et vous voiler la face ne changera rien. « what do you think? Do you feel like something has changed? » Tu soupires et laisses échapper en un murmure : « Everything has changed… » Ce n’est pas forcément négatif. Il serait totalement idiot de s’attendre à ce que vous meniez la vie d’étudiants que vous aviez lorsque vous vous êtes rencontrés. Mais vous avez voulu faire la course au temps, et tout indique que vous avez perdu.

« Do you remember the girl you married ? » Tu penses souvent à la Meg de 25 ans, radieuse dans sa robe blanche, en te demandant ce qu’elle dirait de toi. La plupart du temps, tu la chasses bien vite de tes pensées, avant qu’elle ne puisse te crier toute sa déception. « She had so much fire, so much passion and ambition… » Tout la destinait à réussir de grandes choses. Et regarde-toi. « I think she got lost along the way… » Elle s’est noyée dans le chagrin, les traumatismes et l’habitude. « And that’s not fair. » Ce n’est pas pour cette version de toi qu’il a signé, pas celle-ci à qui il a offert la bague qui pèse lourd ce soir sur ton annulaire. « Not to you, and not to me. »

« Do you resent me ? » Tu pinces les lèvres. Le sujet que tu évites avec tant d’attention depuis des années, celui qui, en toute logique, aurait dû arrêter de te consumer l’esprit il y a bien longtemps. « Because I do, I still do. Resent myself. » Passé le deuil de ce bébé que vous ne connaitrez jamais, tu finis par comprendre que cet épisode t’as pris en réalité beaucoup plus. Ta santé mentale. Ta carrière. Et peut-être, ton mariage.

« Do you remember the girl you married ? » S’il s’en souvenait? Bien sûr qu’il s’en souvenait ! Mais il n’était pas là pour comparer celle qu’elle était le jour de leur mariage et celle qu’elle était venue. Ils avaient tout les deux changé, grandi et vieilli. « She had so much fire, so much passion and ambition… I think she got lost along the way…» Est ce qu’ils avaient eu des enfants trop tôt? Est ce qu’il avait été trop égoïste de poursuivre sa carrière alors que Meg c’était retrouvée coincé à la maison ? Il était trop tard pour faire machine arrière, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander comment serait les choses aujourd’hui si Meg avait terminé ses études, s’ils avaient été un peu plus patient, ou s’ils avaient accepté d’être des parents un peu plus absent afin de faire passer leur études et leur travail avant tout… Peut-être qu’aujourd’hui ils seraient un couple heureux, alliant travail et vie de couple…« Do you resent me ? » Cette question le sortait de cet univers alternatif et son regard bleu se reposait sur Meg qui semblait encore plus fragile qu’au début de cette conversation. « Because I do, I still do. Resent myself. » Il secouait lentement la tête, rejoignant sa femme pour la prendre une nouvelle fois dans ses bras. « I could never resent you, darling. » lui murmurait-il en la serrant tout contre lui. « If anything I resent myself for not being here enough for you, for the kids… I’ve left you to deal with all this alone. I should’ve been here more. I’m sorry. » Il déposait un baiser sur son front. « You know you still have it… » Il se reculait un peu la prenant par les épaules. « that fire, that passion and ambition…. It’s still there. It’s always been there. » Et une part de lui se disait que, peut-être, Meg c’était retenue de suivre ses passions et cette ambition par sa faute, peut-être qu’en l’épousant elle c’était forcée à rentrer dans ce moule de femme au foyer qui n’était simplement pas elle. « You know you can be an amazing doctor while still being a mother. You could go back to school, take that exam, practice medicine just like you’ve always wanted to. »

« I could never resent you, darling. » Les mots que tu étais certaine d’entendre résonnent dans le silence nerveux de la pièce. Pour autant, ils ne te soulagent pas, et ne font peut être qu’enfoncer plus profondément l’épine dans ton pied. Il devrait t’en vouloir. Devrait te faire porter le chapeau, tout te mettre sur le dos. Tu détestes cette idée, mais tu es presque sûre que c’est ce que tu ferais à sa place. Et ça ne rend les choses que plus difficiles. « If anything I resent myself for not being here enough for you, for the kids… I’ve left you to deal with all this alone. I should’ve been here more. I’m sorry. » Probablement masochiste, tu lui refuses le blâme. Tu flirtes dangereusement entre l’altruisme extrême, voulant lui éviter la souffrance, et l’auto-flagellation qui t’accable de tous les maux de la terre. « I left you alone too, you know… I may have been here all along, but I ran away emotionally for years. And I’m barely catching my breath. » Entièrement consumée par ce deuil que tu étais déterminée à traverser seule, tu as dépensé plus d’énergie à essayer de le tenir à l’écart qu’il ne t’en aurait fallu pour lui prendre la main. Au creux de ses bras, tu ressens le poids des remords, et le baiser sur ton front, incandescent, te rappelle à l’apathie habituelle de vos gestes tendres. « You know you still have it… that fire, that passion and ambition…. It’s still there. It’s always been there. » Fermant les yeux pour encaisser ses paroles, tu pinces les lèvres pour ne pas les contredire. La vérité c’est que tu ne sais pas. Peut-être qu’en creusant des années durant tu finirais par dénicher un bout de cette Meg-là, en hibernation. Mais tu manques cruellement de conviction.

« You know you can be an amazing doctor while still being a mother. You could go back to school, take that exam, practice medicine just like you’ve always wanted to. » Tu soupires avant d’avouer à voix basse : « I don’t know what I want… » Si c’était si simple, il y a longtemps que tu aurais balance un cartable sur ton épaule, mais tu n’es pas sûre de pouvoir le faire. Pas sûre d’en être encore capable, pas sûre de le vouloir. « I haven’t wanted anything in years. » Si cette pensée n’est pas amère, elle te terrifie, te paralyse complètement. Tu n’iras pas jusqu’à dire que tu as vécu deux décennies de malheur, loin de là, mais tu t’es souvent contentée des petites joies de la vie. Des instants bienheureux suspendus. Mais tu as perdu de vue l’horizon il y a bien longtemps. D’un revers de l’index, tu caresses sa barbe naissante, le long de sa mâchoire. « What do you want, sweetheart ? » Puisque les confidences semblent être de la partie ce soir, c’est à son tour d’être sous les projecteurs. « I know you’ve been holding back. » Tu ne te souviens pas de la dernière fois que tu l’as vu faire quelque chose réellement pour lui, de purement égoïste.

« I left you alone too, you know… I may have been here all along, but I ran away emotionally for years. And I’m barely catching my breath. » Ils avaient été tous les deux absent, que ce soit physiquement ou émotionnellement, ils étaient tout les deux en faute. Mais n’importe quel couple aurait eu des difficultés à traverser une telle épreuve. Certain ce seraient immédiatement déchiré, eux avaient maladroitement recousu les morceaux et attendu que l’orage ne passe. Aujourd’hui il était peut-être temps de s’attaquer à une véritable reconstruction.
« I haven’t wanted anything in years. »ça lui brisait un peu le coeur d’entendre ça, de comprendre que Meg se laissait porter tout simplement par la vie, sans rien en attendre, sans but précis, sans ambition. C’était tellement à l’opposé de celle qu’il avait épousé. Pourtant l’espace d’un instant il se mettait à sa place, se retournait la question et se rendait compte qu’il était aussi vide qu’elle. L’index de Meg venant caresser sa barbe de trois jours le ramenait sur terre avant que l’exacte question qu’il venait de se poser ne quitte les lèvres de sa femme. « What do you want, sweetheart ? » Une nouvelle voiture? Non, il n’avait jamais été très fan de tout ce qui était matériel et avait de toute façon tout dont il avait besoin. Un nouvel enfant ? probablement pas, ils étaient déjà comblés avec leur fille et les jumeaux. Un nouvel emploi ? il était en bon chemin pour être promu chef du service de cardiologie, ce n’était qu’une question de temps. Non, a premiers vu il n’avait pas d’envie particulière, pas d’ambition inassouvie. « I don’t know…. » soufflait-il alors que son regard se perdait sur les murs de la cuisine. « I think … I just want our family to be happy. You and the kids. » Il replantait ses yeux dans les siens. « But… it seems the kids can see you’re unhappy, which makes them unhappy as well… and I don’t know what to do to turn this frown of yours upside down. » Il esquissait un sourire presque désolé. « I’d do whatever you want. If you need some more space, a divorce, a new house, a dog… whatever you need I’ll give it to you, I’ll do it for you. I just genuinely want you to… find yourself again and be happy. »

« I don’t know…. I think … I just want our family to be happy. You and the kids. » Tu l’observes, attendrie, alors que tu le vois essayer d’éviter ton regard. Tes épaules tombent un peu, entrainées vers le sol par le poids de ton cœur qui vient de prendre dix kilos. « But… it seems the kids can see you’re unhappy, which makes them unhappy as well… and I don’t know what to do to turn this frown of yours upside down. » Un sourire triste anime tes lèvres, en parfait synchronicité avec le sien. Il cache l’ombre de la culpabilité qui revient déposer un goût amer sur ta langue. Depuis le départ tu tires la couverture à toi, dans un nuage puant d’égoïsme alors qu’il a laissé son égo au vestiaire. « I’d do whatever you want. If you need some more space, a divorce, a new house, a dog… whatever you need I’ll give it to you, I’ll do it for you. I just genuinely want you to… find yourself again and be happy. » Si tu pensais que ta gorge était déjà suffisamment nouée, tu te trompais. Encore un peu et même l’air ne passera plus. Si tu pouvais, tu lui amènerais tout ça sur un plateau d’argent, mais quelque chose te dit que ça ne serait pas suffisant. Il prétendrait probablement le contraire, mais tu sais au fond de toi que ça ne peut plus durer même si tu refuses de l’avouer. « But baby... That can’t be enough. »

Ta main attrape la sienne et ton pouce bute sur ton alliance avant de tracer des spirales rassurantes sur ses phalanges. « What’s the last thing you’ve done for yourself ? » Tu n’as qu’une peur c’est que la question te reviennes dans la figure. Tu serais incapable de répondre autre chose qu’une banalité du genre ‘j’ai bu un martini avec Lise’. Vous êtes pathétiques. Profondément et éperdument ridicules. Vous avez tout de ces couples de séries télé, aigris, qui tournent en rond et se détestent une fois que les enfants quittent le nid. Tu refuses de devenir comme ça. De gâcher toutes ces années, avec leurs joies, leurs peines et leurs lot d’aventure.

Après avoir contemplé le plafond un instant, tu poses ta tête sur son torse, blottissant ton oreille contre les battements réguliers de son cœur. « What happened to us ? » Ce n’est même pas à lui que tu poses cette question, plutôt à l’univers qui semble avoir une dent contre vous. Qu’on t’explique pourquoi on vous en veut. Pourquoi vous ne pouvez pas jouer selon les règles du jeu et que tout se passe comme prévu ?

« What’s the last thing you’ve done for yourself ? » Elle lui posait une colle. Il aurait aimé pouvoir lui répondre immédiatement, mais rien ne semblait lui venir, il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il avait pu faire pour lui, dans le simple but, égoïste, de se faire plaisir. Son boulot consistait à prendre soin et réparer le cœur d’inconnus et sa vie privé ne tournait qu’autour de ses enfants et sa femme. Son bonheur était le leur. « I… I don’t know. » admettait-il à mi-voix, un peu troublé à cette idée. Meg venait se blottir contre lui et il passait machinalement ses bras autour d’elle, caressant son dos. Il y avait bien une chose qu’il voulait faire : devenir chef de cardiologie et il savait qu’il était le grand favori pour ce poste. Mais il n’était pas certain que ce soit une bonne idée dans l’immédiat, il avait bien trop peur que ça ne l’éloigne davantage de sa famille et qu’il passe encore plus de temps à l’hôpital. Alors pour le moment il ne faisait rien et se contentait de ce qu’il avait. « What happened to us ? » La voix fragile de Meg le sortait de ses pensées. Cette question il ne cessait de se la poser depuis quelques temps. Quelque chose avait changé, c’était essoufflé avec les années. « I think we need to… shake thing up a little. » lançait-il, alors que son cerveau s’activait à la recherche d’une réponse, d’une solution miracle pour que son couple redevienne ce qu’il avait été auparavant. « Maybe we should get a divorce, but not think of it as a permanent break. It could be … a new start. » Son regard se perdait sur les photos de famille non loin. Il était évident qu’après tant d’années ensemble ils c’étaient installé dans une sorte de routine qui était entrain de tuer leur couple petit à petit. Entre les remords, les regrets, les non-dits… Ils avaient tout les deux besoin d’une pause. Il venait caresser les cheveux de Meg tout en poursuivant: « We’re lucky we still get along great, so maybe we should see divorce as a small step back, a way to take some distance and find ourselves again. A way to remember who we were and see who we’ve become. I think it’ll do both of us some good. » Il n’avait pas envie de voir cette idée de divorce comme une fin. Il avait vu bon nombre de ses amis et collègues se déchiré avec rancœur. Il ne voulait pas de ça. Il aimait Meg et avait la chance d’avoir épousé sa meilleure amie, donc il espérait pouvoir retrouver celle-ci, le temps d’une pause. Ils n’étaient même pas obligés d’aller au bout de la procédure, mais la lancé et se dire officiellement : ‘we’re on a break’, allait leur faire le plus grand bien. Une bouffée d’air frais dans leur quotidien.

« I… I don’t know. » Tu as posé cette question plus pour la forme qu’en espérant obtenir une quelconque forme de réponse. Tu étais certaine que c’est exactement ce qu’il te dirait, et ton instinct ne t’a pas trompée. Tu aurais préféré que ce soit le cas, qu’il rattrape ta propre apathie, mais c’est bien de la même spirale que vous êtes tous les deux prisonniers. Tu te détends un peu en sentant sa main sur ton dos, comme si elle était la preuve physique qu’il ne te laisserait pas tomber. Pas tout de suite, et pas complètement. « I think we need to… shake things up a little. » Et ça ressemblerait à quoi ? Ta vie a tellement toujours tourné autour de votre famille que tu n’as aucune idée de ce qu’une telle décision impliquerait.

« Maybe we should get a divorce, but not think of it as a permanent break. It could be … a new start. » Selon ta définition des choses, ce n’est pas tout à fait ainsi que choses sont prévues lorsque l’on signe les papiers officialisant une séparation. Mais ce n’est pas pour t’en déplaire. Si divorcer voulait nécessairement dire que vous finiriez par vous détester et monter les enfants l’un contre l’autre, alors tu ne veux même pas en entendre parler. C’est hors de question. Quoiqu’il advienne de vous, tu n’as aucun doute sur le fait que Mark restera à jamais l’une des personnes les plus chères à tes yeux. « We’re lucky we still get along great, so maybe we should see divorce as a small step back, a way to take some distance and find ourselves again. A way to remember who we were and see who we’ve become. I think it’ll do both of us some good. » Tu acquiesce, un peu perdue et pas très éloquente. « Yeah… » Pourtant, même si tu ne sais pas le dire, tu es persuadée qu’il a raison.

Te décollant prudemment, lentement, de son étreinte, tu tires une chaise vers toi et t’assieds à table, tes ongles griffant ton bras. « You know…  »  Tes sourcils se froncent. Tu ne sais pas vraiment comment formuler ça. « This. »  Tu joins le geste à la parole, montrant de la main l’environnement dans lequel vous vous trouvez. « You, our family, our home. It’s everything I’ve ever wanted. » Tu pinces les lèvres avant de le regarder. « Everything I pictured on our wedding day. »  L’exacte réplique de l’image que tu imaginais en disant oui, jusqu’à ce que la mort vous sépare. « Everything I prayed for when I was a little girl »  A l’époque où tu allais encore régulièrement à l’église, avec ton abuela. « And it’s all so perfect. » Tu serres les dents, luttant contre la frustration qui te gagne tout entière. Mais rapidement, c’est elle qui l’emporte et tu t’écries : « FUCK ! »  en frappant du poing sur le bois. Tu ne jures jamais, et perds ton calme encore moins souvent. Le coup diffusant une chaleur piquante dans ta main, c’est le reste de ton corps qui semble lâcher les dernières onces de retenue qu’il avait. Fini la pudeur et la tête haute, oubliée la détermination de tenir bon. Ta tête basculant dans tes bras, tu t’effondres totalement, submergée par les sanglots qui planaient au-dessus de toi depuis si longtemps.

Meg s’éloignait un peu, venant tirer une chaise pour s’installer autour de la table. Mark la suivait silencieusement du regard. Il venait tout de même de lui proposer de mettre leur mariage en pause, ce n’était pas rien, surtout après deux décennies de vie commune. Même si sa proposition semblait temporaire, elle n’en restait pas moins un divorce, la signature de papiers officiels, une séparation aussi bien sentimentale qu’administrative. « You know…  This. You, our family, our home. It’s everything I’ve ever wanted. Everything I pictured on our wedding day. Everything I prayed for when I was a little girl » Le regard de Mark se fait plus compatissant encore, un peu inquiet aussi, surtout lorsque que le poing de Meg venait s’écrasé bruyamment contre la table accompagné d’un jurons qu’il n’entendait que très rarement franchir ses lèvres. « Hey, it’s alright… » Il se tournait vers elle, posant une main rassurante sur son épaule de Meg alors qu’elle se dérobait déjà sous ses doigts, sa femme se recroquevillant sur la table, éclatant en sanglot. « Honey… » Il tirait la chaise voisine pour s’y installer en biais, faisant face à Meg, venant caresser tendrement le dos de cette dernière. « It’s okay, let it out. » murmurait-elle d’une voix douce et rassurante. Il l’avait rarement vu comme ça et une part de lui s’effondrait d’être le témoin d’une telle scène, de la voir aussi triste. Mais il ne pouvait s’empêcher de voir le bon côté des choses, de voir dans ces larmes et ces sanglots comme le début de quelque chose de nouveau. Meg avait trop longtemps retenue ses larmes, il était temps qu’elle vide son sac, retire un poids de ses épaules, pour mieux ressortir la tête de l’eau. « You’re not that little girl anymore and there’s probably so much more you can pray for now. There are many other things you can do and experience…Life isn’t just about having a nice house and a family. You know that. » Il venait presque machinalement masser le dos courbé de Meg. « Take it in, one day at a time, enjoy the little things… it’s going to be alright. »

Pour la première fois depuis longtemps, des années peut être, tu t’autorises à ressentir pleinement tes émotions. Tu laisses la tristesse t’envahir et secouer ton corps. Pénétrer les moindres recoins de ton cerveau et engourdir tes doigts. Après avoir passé autant de temps à flotter dans une bulle de noirceur, tu t’étais juré qu’on ne t’y reprendrait plus, et as choisi la fuite. Comme souvent. La logique te semblait imparable : une lame émoussée ne coupe pas. Tu t’étais persuadée qu’en te laissant porter, qu’en atténuant le moindre de tes sentiments, tu réussirais à rester à la surface. Alors tu as laissé ta vie entière se couvrir d’un habit de poussière, amortissant chacun de tes chocs et tes blessures, mais déposant un voile opaque sur tout ce que tu touches jusqu’à ce que tu ne puisses plus en voir la vraie couleur. Tu as survécu, mais à quel prix ?

Sans savoir trop pourquoi tu réagis ainsi, ou ce que tu attends de ton geste désespéré, tu te relèves brusquement. Plaçant délicatement tes mains de chaque côté de la mâchoire de Mark, tu hésites un temps avant de plaquer tes lèvres contre les siennes. Le baiser est salé de tes larmes et tremblant de tes sanglots. Tu espérais probablement quelque chose. Un déclic. Des étincelles te hurlant que tu es une pauvre idiote. Ou un courant d’air le long de ton échine scellant en silence l’idée de ce divorce. Mais rien. Tout est exactement pareil que d’habitude. Sa bouche que tu pourras dessiner les yeux fermés, sa barbe contre ta peau, et cette douce tiédeur réconfortante. Mais aucune révélation brutale qui saurait te guider, à part cette question : quand, au juste, la passion brûlante s’est-elle évaporée ? Et pourquoi ne l’as-tu pas remarqué plus tôt ?

Tu finis par rouvrir les yeux pour croiser les siens et les refermes en reprenant ton souffle. Lentement, tu poses ton front contre le sien et murmures : « I’m sorry. » Est-ce à lui que tu dis ses mots, désolée de ne pas avoir la force de continuer ? Ou à toi, t’en voulant d’être aussi égoïste et confuse ? À l’Univers, d’avoir échoué. À Dieu, d’avoir menti. À tes enfants, d’avoir été un piètre modèle. « I’m so sorry… »