Time is money, sweety ((Kym/Chinsun))

Se balader au soleil de Los Angeles était toujours un plaisir. C’est fou, Chinsun adorait sentir les rayons chauds sur sa peau, alors qu’elle déambulait dans la rue. Ses lunettes de soleil sur le nez, une tenue légère et accorder à son sac, elle resplendissait, comme à son habitude. Dans sa main, un gobelet de thé, à son coude, un sac d’une marque hors de prix. Le boulevard offrait toujours les meilleures séances de shopping du monde. Et même si elle était toute seule à pouvoir en profiter – peut-être devrait-elle inviter un jour Yu pour y participer ? – elle ne pouvait s’en lasser. Ce n’était même pas le fait de dépenser son argent sans compter, de toute façon, elle en avait la possibilité. Mais il s’agissait plutôt de pouvoir passer un instant sans réfléchir. Car c’est bien cela qui lui faisait toujours de l’effet. La solitude de sa villa rime avec des pensées en tout genre et souvent, une descente dans la réserve d’alcool pour s’oublier. Alors, oui, elle prenait du temps pour observer les différentes boutiques. Mais elle en avait du temps. Elle n’avait que ça.

Arrivée à un passage piéton, elle le traversa de sa démarche sensuelle habituelle, avant de s’arrêter devant un magasin qui lui semblait tout à fait intéressant. Elle observa la collection été-automne exposée, déjà prêt pour les prochains mois. C’est aussi cela qu’il y a de fascinant avec la mode. On ne sait pas ce qu’il va se passer, et pourtant, tout est toujours en avance. Comme si on fuyait le temps qui nous rattrape en le devançant. Quelle étrange façon de penser. Perdue alors dans sa réflexion, observant une veste en cuir jaune qui irait plutôt bien avec ses cheveux blonds décolorés – il faut faire attention tout de même, jaune et jaune ne vont pas toujours ensemble -, elle ne remarqua pas, elle se mettait en mouvement. Sans doute voulait-elle rentrer dans la boutique pour essayer cette fameuse veste. Oui mais voilà, alors qu’elle se retournait, elle percuta une autre personne qui lui fit renverser son thé sur ses chaussures. Le destin pouvait être vraiment casse pied.

Relevant alors la tête en fusillant la personne du regard, elle se baissa pour récupérer elle-même le sac qui lui avait échappé des mains. Non mais ! Ce n’est pas parce que la demoiselle devant elle était tout à fait adorale, toute prête à être croquer, que Chinsun devait se montrer faible et ne pas lui faire comprendre qu’elle était réellement très contrariée. Claquant ses talons sur le sol pour voir si le thé était tâché quelque chose, elle finit par soupirer, avant de ramener une mèche de ses cheveux blonds derrière elle dans un geste habitué. Puis elle détailla la personnalité devant elle, lui offrant alors un léger sourire froid.

« Vous me devez un thé, jeune fille, assomma-t-elle, sans aucun remord. Et si mes chaussures avaient eu la moindre tâche, une nouvelle paire aussi. »

Oui, elle pouvait se montrer tout à fait désagréable dans son genre. Son regard s’arrêta alors sur le doux visage de la jeune fille devant elle. Il fallait vraiment se le dire, elle était à croquer. Oui, mais voilà, depuis quelques temps, son cœur balançait pour une femme d’affaire qui lui donnait du fil à retordre. L’une des seules qui lui avaient réellement résistée. Même si, comme toutes les autres, elle avait finit entre ses cuisses. Sauf que là, c’était différent. Chinsun s’était attachée à elle. Et, même si elle savait à quel point les sentiments sont destructeurs, elle tenait à ne pas la laisser partir comme ça. Pourtant, cela ne l’empêcha de demander, avec un ton un peu plus clément :

« Puis-je au moins avoir votre nom ? »

User de ses charmes, elle savait très bien le faire. Même en plein milieu de la rue la plus fréquenté du monde. Les étoiles du boulevard pouvaient bien attendre, Chinsun Goo avait un compte à régler, un thé à se faire repayer, et surtout, une jeune fille à tenter. Parce que oui, on ne pouvait pas vraiment lui demander d’être adorable, à cette dame. Elle était même tout le contraire. Un doux poison plutôt, tendre, qui s’infiltrait un peu partout pour faire ployer son ennemi. Et voilà donc, qu’elle avait une nouvelle activité pour la suite de son après-midi. Une certaine brune un peu maladroite.

Los Angeles : la cité des anges. Évidemment que nombreux sont ceux qui veulent s'y rendre. En plus, le soleil rayonne de mille feux aujourd'hui. La journée est parfaite pour faire un tour dans les boutiques. Après tout, Kym a bien le droit de faire un peu de folies. La célébrité, c'est tout nouveau pour elle. Depuis qu'elle a signé avec une maison de disque et qu'elle fait régulièrement des concerts, son univers a basculé. Il serait tant que Black Bird profite un peu de son succès. Et surtout, il serait tant qu'elle s'achète sa propre maison. Elle vit encore chez sa voisine. L'incarcération de son père l'a brisée. Elle se sent un peu coupable mais elle garde tout ça pour elle. Elle n'oserait jamais l'avouer. Il s'agit de sa vie, de ses choix. Un point c'est tout. Bref, aujourd'hui elle va se faire plaisir ! Cet après-midi ne doit pas débuter sur des ondes négatives. Pas encore une fois.

Alors, Kym sort de chez elle avec son téléphone et ses écouteurs. Oui, elle écoute encore de la musique. Malheureusement, il s'agit toujours du même titre. Elle l'écoute en boucle depuis une semaine maintenant : "Elton John - Sad Songs" et ce n'est vraiment pas le moment. Elle déambule donc dans les rues avec un air perdu. Pourquoi tous ces gens autour d'elle sont-ils si heureux ? C'est tout bonnement incompréhensible pour la jeune chanteuse. Le soleil brûle, il y a trop de couleurs, il y a trop de monde. Kym laisse alors une larme rouler sur sa joue. Elle ne comprend pas. Elle ne comprend plus. Et elle ne sait même pas d'où vient cette larme. Peut-être qu'elle a simplement réagi lorsqu'elle a vu un père offrir une glace à la menthe à sa petite fille. Kym aurait tant aimé vivre la même chose. Donc finalement, elle se dit que la journée craint. Enfin, jusqu'à ce qu'elle tombe sur LA boutique...

Dans la vitrine, il y a une magnifique veste en cuire noire. Un corbeau gris tenant dans son bec une rose rouge est brodé au niveau du coeur. C'est une belle coïncidence ! Néanmoins, Kym remarque aussi que la vitrine est divisée en deux parties par un paravent en bois. Le côté qui lui plaît est bien évidemment le côté sombre avec la collection "cuir noir". Le côté qui lui déplaît est le côté clair avec la collection "cuir jaune". Kym ne comprend donc pas quel genre de personne aurait suffisamment de joie de vivre pour porter ceci. Dans tous les cas, elle sait ce qu'elle doit acheter. Alors, d'un pas certain, elle entre dans le magasin et se dirige vers la magnifique veste noire. Cependant, elle reste dubitative... Il faut qu'elle fasse attention aux fautes vestimentaires. Une veste noire avec ses cheveux noir corbeau ne fera peut-être pas l'affaire. Tant pis ! Elle va l'acheter quand même.

Sur le chemin menant à la caisse, elle fait tomber son téléphone. Adieu la musique ! D'un geste maladroit elle le ramasse en bousculant les acheteurs. Mais le pire est quand elle se relève. Là c'est le drame. Elle s'est relevée si soudainement qu'elle n'a pas vu venir la personne d'en face. Et comme c'est encore trop simple d'en rester là, au lieu de s'excuser calmement, elle bouscule à nouveau la même personne en essayant de fuir. Cette fois s'en est trop. Elle se retourne, voit la jeune femme - qui est magnifique au passage - et se rend compte que le café renversé sur ses vêtements n'est pas arrivé là tout seul. Cette jeune femme qui a subi l'erreur de Kym la fusille du regard et lui dit :

« Vous me devez un thé, jeune fille. Et si mes chaussures avaient eu la moindre tâche, une nouvelle paire aussi. »

La jeune Black Bird ne sait plus où se mettre. La seule chose qu'elle arrive encore à voir c'est qu'elle vient encore de gâcher ses chances de séduire quelqu'un. Il est vrai que la belle inconnue tape dans l'oeil de Kym. Elle paraît agréable à vivre même si son regard dit actuellement l'inverse. Mais, toujours dans sa maladresse, Kym ne fait que bafouiller. Elle n'arrive pas à sortir deux mots l'un à côté de l'autre. Sauvée par l'autre belle jeune femme qui lui dit :

« Puis-je au moins avoir votre nom ? »

Kym se sent légèrement moins mal... Il faut qu'elle trouve quelque chose sur-le-champ. Attention ! Il ne faut pas trouver quelque chose d'encore plus stupide. Kym se précipite alors sur son sac. Elle y plonge les mains et semble chercher un truc introuvable. Au bout de quelques secondes, elle attrape un mouchoir en tissu - celui de sa mère - et s'avance vers la demoiselle victime de la maladresse d'une incapable. Elle saisit le bout de son T-shirt et commence à l'essuyer en tamponnant. Kym s'engage à répondre avant que l'autre ait le temps de la repousser :

« Je suis sincèrement désolée de ce qu'il vient de se passer... Vous n'auriez jamais dû croiser mon chemin... Je suis une catastrophe ambulante... Veuillez m'excuser... »

À ce moment-là, Kym se rend réellement compte que sa misérable vie n'a aucun sens. Tout espoir d'avoir une belle vie est perdu. Cependant, elle doit paraître forte. La gorge nouée et les yeux mouillés, elle s'empêche de pleurer. Elle souhaite juste que la jolie blonde ne s'aperçoive pas de la lutte intérieure qu'elle vit. Ne se laissant pas abattre, Kym reprend la parole et essaye de sauver la situation. Il n'est pas encore trop tard. Elle doit tout faire pour ne pas être vue comme la folle du coin :

« Au fait, je m'appelle Kym. Et vous ? Pour votre café ne vous en faites pas. Choisissez d'abord un T-shirt. Celui qui vous plaît. Je vous l'achète. Puis, si vous le souhaitez, je vous emmènerai dans un bon café non loin d'ici. Prenez ce que vous désirez. Je vous l'offrirai. Après tout, je vous le dois bien non ? »

Sur ces mots, Kym commence à reprendre un peu d'assurance. Sa gorge est toujours nouée. Ses yeux sont toujours rouges. Mais peut-être que la magnifique jeune femme face à elle va accepter sa proposition.

Elle s’excuse. C’est déjà ça, songe Chinsun alors qu’elle redresse ses lunettes sur le haut de sa tête, dévoilant ses yeux en amandes. Elle l’observe alors, décelant chez la jeune fille une maladresse tout autant dans les mots que dans la manière de se tenir. Déjà, elle ne parle que d’elle. Comme si Chinsun avait eu la moindre envie de la rencontrer lorsqu’elle était sortie de chez elle. « Son » chemin en plus. Bien sûr, le Goo était sur « son » chemin « à elle ». Levant les yeux au ciel en l’écoutant, ses bras se croisant élégamment sous sa poitrine, elle ne peut qu’approuver ses dires, hochant la tête à ses mots.

« Une catastrophe, c’est sûr oui, commenta-t-elle alors. Savoir si je t’excuse rien qu’avec des paroles, ça reste à voir. »

Chinsun est dure en affaire, c’est sûr. Et pas qu’un peu ! Après tout, elle a toujours tout ce qu’elle veut. Pas forcément d’un claquement de doigts, mais elle obtient toujours son désir. C’est un de ses traits qui font d’elle l’une des femmes les plus influentes de la ville. Ecrivaine à succès, ancienne danseuse et mannequin renommée, elle avait le pouvoir de renverser n’importe qui d’une pichenette médiatique. Même si, ruiner des carrières, ne revenait pas réellement à son activité préféré. Elle, ce qu’elle adorait, c’était de lire son nom suivit de toutes les remarques les plus scandaleuses à son sujet. Bien sûr, jamais rien de trop illégale. Tout ce que l’opinion public pouvait accepter. Enfin… Elle s’amusait aussi à jouer avec cette barrière. Quoi de plus amusant que de tromper les gens sur les apparences ?

La petite parlait beaucoup. Au moins cinq phrases pour dire la même chose. Regardant alors autour d’elle, Chinsun prit avec un geste désinvolte un t-shirt en flanelle pour l’observer. Il était blanc, transparent, de quoi voir n’importe quoi en-dessous. Mais il faisait étrangement habillé. Tout à fait son style. Elle pourra le porter à l’extérieur celui-là. A savoir, maintenant, si elle allait mettre quelque chose dessous ou non. Elle ne le tendit même pas à la jeune fille, préférant se diriger directement vers la caisse, ses talons claquants sur le sol. Posant délicatement l’article devant la vendeuse, elle lui offrit un sourire avant de regarder la plus jeune, comme pour lui faire comprendre qu’elle attendait. La laissant alors payer, la coréanno-palestienne se saisit du sac qu’on lui tendit. Elle sortie l’article de son emballage, retira tranquillement l’étiquette, avant de retirer son haut salis par l’accident, dévoilant son sous-vêtement sans aucune gêne, avant d’enfiler son nouveau haut.

« Bien mieux, soupira-t-elle alors, se moquant bien des regards sur sa personne. Maintenant, le thé, et vous serez pardonnée, jeune fille. »

Oui, elle venait de se changer au milieu du magasin, sans aucune gêne, devant des dizaines de pairs d’yeux qui ne la lâchaient plus. Mais elle en avait l’habitude. Cela faisait partie de sa vie de tous les jours. Pourquoi changer ? Remettant ses lunettes sur son nez, elle sortit alors du magasin, jetant l’étiquette retirée au passage dans la poubelle. De nouveau, le soleil lui tapa dessus furieusement, et la blonde en fut plus que ravie. Elle, femme qui vivait dans une villa de Beverly Hills, venait de se faire offrir un t-shirt par une jeune maladroite qui ne savait pas que ses mots, tous ses mots, seront décisifs avec elle. Son regard se reporta d’ailleurs sur elle, alors qu’elle se retournait pour la regarder.

« Je m’appelle Chinsun Goo. Tâchez de le retenir. »

Une fois le T-shirt choisi par la belle blonde, Kym est allé le payer à la caisse. Elle ne sait plus où se mettre. Sa maladresse va la mener à sa perte si les choses continuent à se dérouler ainsi. En tout cas, Kym doit payer, littéralement, pour se faire pardonner une bonne fois pour toutes. Alors, les doigts tremblant de honte, elle sort sa carte bancaire et paye ses erreurs. L'autre jeune femme a l'air d'être ravie. Cela rassure Kym de la voir sourire. Mais, avec cette fille, rien est certain. Comment savoir si ce n'est pas simplement une manipulatrice ? En plus Kym commence à douter sur "l'accident". Est-elle vraiment la cause ? Et si l'autre s'était placée derrière elle exprès ? Non. Cette enquête est inutile. Elle part trop loin.

Kym se retourne alors pour signaler à la belle inconnue que le T-shirt est payé. Mais, à peine tournée, la chanteuse voit l'autre femme s'avancer. Elle frôle le bras de Kym en passant. Ô douce sensation. Quelques secondes s'écoulent et la grande Black Bird se met à rougir de plus en plus. Est-ce un rêve ? L'autre jeune femme a retiré son haut ici et maintenant. Elle s'est retrouvée en sous-vêtements au centre du magasin. Évidemment, les yeux de Kym ont eu une vision agréable. Mais son esprit divague. Elle pense à des choses déplacées qui ne se disent pas. Rouge comme une tomate, la chanteuse reste sans voix. Un peu paradoxal non ? Puis l'autre revient à nouveau vers elle et affirme qu'elle se sent mieux ainsi. Il ne reste plus qu'à lui offrir un thé et tout sera réglé.

« Euh... Je... Oui... Mais... Qu... Okay ! » dit Kym en ne sachant plus mettre les mots sur ses pensées.

Plantées dans le magasin après cette scène, les deux jeunes femmes attirent les regards. Kym n'ose pas répondre plus que ce qu'elle a fait. En effet, elle a peur que ses mots soient pires s'ils continuent à sortir de sa bouche. Il ne faut surtout pas aggraver la situation. Elle est déjà suffisamment complexe de cette manière. Kym est alors prête à repartir. Ses yeux, écarquillés, en disent long sur son état émotionnel. Mais bon... C'est ce qui se passe qu'on a l'impression de devoir dire à cette fille qu'elle est juste magnifique. Kym ne pourra jamais lui dire. Enfin, pas tout de suite. Peut-être qu'elle peut essayer de la faire venir dans son appartement après le thé. C'est ce qu'elle espère de tout coeur. Et c'est tout à fait probable puisque l'autre vient de se présenter.

« Enchantée. Et... Inutile de me vouvoyer » dit-elle en souriant.

Une fois sortie du magasin, Kym fait son guide. Elle emmène cette Chinsun dans son café préféré. Le soleil brille de mille feux. C'est bon signe. Il ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que la mystérieuse jeune femme ne soit pas hétérosexuelle. Quoi qu'il arrive, vu la poisse de Kym, il ne faut pas mettre la barre trop haute. Elle est déjà presque non atteignable. Arrivées au café, les belles demoiselles s'installent à une table pour deux. Kym est heureuse de voir l'autre dans son nouveau T-shirt finalement. En le voyant, elle ne cesse de revoir le corps à moitié dévêtu de Chinsun dans le magasin. Mais, avec toute dignité, elle ne la dévisage pas. Elle sait que ses moindres gestes et paroles vont être décisifs pour une éventuelle relation. Les probabilités de sortir avec elles sont très faibles, pas inexistantes. Donc, il ne reste qu'à faire les bons choix.

« Donc, quel thé faut-il à madame ? » dit Kym d'un ton sérieux et raffiné.

Les enfants, de nos jours, sont toujours plus pudiques. Levant les yeux au ciel, Chinsun ne peut s’empêcher de sourire face à la réaction si simple et adorable de la jeune Kym. Qu’un bout de sein ou de ventre lui fasse cet effet en disant long sur elle. Devant d’autres, elle n’aurait émoustillé que de la jalousie voir du mépris. Parce qu’elle est belle, et qu’elle assume son corps. Mais voilà que chez la brune, elle ne voit que le désir. Une étincelle qu’elle apprécie susciter chez le regard de celles qu’elle convoite. Oh, il en faudra encore un peu à la plus jeune pour pouvoir arriver à lui faire de belles courbettes, pour qu’elle, ne serait-ce, que l’effleure. Mais fort heureusement pour l’autre, la Goo n’est pas forcément très regardante. Une femme est une femme et si elle consent à ressentir ses plaisirs, c’est un consentement comme les autres. Le sourire aux lèvres, donc, la semi-coréenne suivit l’autre à l’extérieur, haussant les épaules à sa remarque. Elle lui donnait des ordres en plus. Intéressant de voir qu’une peau dénudé la secoue, mais qu’un ordre ne lui fait ni chaud, ni froid. Il faudra surveiller tout ça. Surtout elle se jette dans les feux du monde artistique. Naïve, elle ne lui semble pas. Frivole, un peu. Mais Chinsun l’ait tout autant.

Donc, elle la suivit dans la rue, remettant ses lunettes de soleil une fois de retour sur le trottoir inondé de soleil. Peut-être que la blonde ira se faire un peu de bronzage après, profiter un peu de son après-midi et de son nouveau t-shirt provocateur. Perchées sur ses talons, elle observa à la dérober autour d’elle, ne repérant absolument rien dans les boutiques qui pourraient égayer encore plus sa garde-robe. Il fallait dire qu’elle avait de l’argent à dépenser. Et même si elle en donnait volontiers la moitié à une association pour venir en aide aux femmes battues, à la rue, ainsi qu’aux enfants de Crenshaw en réinsertion éducatif, elle avait encore de quoi se payer un peu plus. Se mordillant la lèvre, elle songea un instant qu’elle devra peut-être aller jeter un coup dans ses comptes un jour. Juste pour voir si tout était réellement bien en ordre. Elle se tenait toujours à carreau mais une fraude était toujours possible et ce n’était pas se genre de polémique qu’elle cherchait. Sortir avec une jeune étoile montante, pourquoi pas. Mais avoir la justice sur le dos, non merci. Cela ferait tâche. Encore plus que si elle couchait avec la femme du maire de Los Angeles.

Arrivée dans le café indiqué par Kym, elle se plaça élégamment sur sa chaise, les jambes croisés sous la table, son sac à main à côté d’elle, un coude sur le rebord alors qu’elle lisait tranquillement la carte des thés. Il n’y avait pas beaucoup de fois. Les basiques, évidemment. Mais cela devrait faire l’affaire. Parfois, Chinsun oubliait que le monde n’avait pas toujours les mêmes goûts qu’elle. Quelle désinvolture de ne pas posséder du thé au romarin dans ses choix. Il n’y avait pas de lavandes, pas de citronnelle. Les choix étaient limités. Comme un peu tout ce qui caractérisait ce genre d’endroit. Il ne fallait pas si méprendre. Même les restaurants hauts gammes ne jouaient pas sur leurs boissons pour le bonheur de leurs étoiles au Michelin. Mais pour Chinsun, si ce n’était pas du champagne ou du vin, il fallait savoir lui satisfaire les papilles avec un peu plus que de l’eau chaude parfumée. Lorsque Kym lui parla avec son air sérieux, Chin leva la main, lui intimant de se taire le temps qu’elle décide en posant son index sur sa propre bouche, sans même la regarder. Méprisante ? Non, juste concentrée. Les breloques de son bracelet claquèrent légèrement sur la table alors qu’elle reposait la carte.

« Un thé Oolong pour moi, dit-elle enfin en relevant les yeux vers elle, avec un sourire. Bien sûr, si c’est trop cher, je peux me l’offrir. »

Jouait-elle sur l’air jeune et insouciant de sa compagne de la journée ? Oui, sans aucun doute. Se penchant alors légèrement au-dessus de la table, juste assez pour laisser apparaitre la courbe de sa poitrine au travers de son nouveau t-shirt transparent, elle posa sa joue dans sa paume, détaillant sans grande discrétion Kym. Franchement, elle aurait pu être son genre. Elle aurait pu. Mais quelque chose la retenait. Etait-ce le regard glacial de Yunhee sur elle ? Où le fait que, maintenant, elle ne désirait plus que du challenge ? La Goo n’en savait rien. Pourtant, elle se disait aussi qu’elle pourrait un peu s’amuser avec le petit oiseau devant elle. Briser un cœur lorsqu’il n’y a pas de réels sentiments, c’est si grisant. Cette enfant lui rappelait un peu son elle de quelques années avant. De grands rêves, une carrière prometteuse, et la chute brutale d’un monde construit avec son sang.

« Alors, lança-t-elle enfin. Jeune maladroite, si nous prenons un thé ensemble, parle-moi un peu de toi. »

Chinsun n’avait pas l’habitude de laisser passer un affront. Mais peut-être fera-t-elle une exception. Peut-être. Si elle arrive à se montrer convaincante. Après tout, elle avait  un haut trempé de thé dans son sac à main, ce qui n’avait absolument rien de classe ni même de convenable. Et si elle avait dû être à un rendez-vous important, comment aurait-elle fait ? Ahah… C’est simple : la même chose, sauf qu’elle aurait planté Kym juste après que celle-ci ne lui ait racheté son haut. Il ne fallait jamais faire confiance à Chinsun. Elle est la pomme empoisonnée d’une sorcière. Le poison tranquille qui coule dans les veines tendres d’une jeune enfant éprise de désir. Brûler les cœurs, détruite les âmes. Prendre les corps, s’éprendre de la passion. Et toujours, ô toujours, se lécher les lèvres lorsqu’elles sont couvertes du miel de la peau.