Care about your generosity [Laumie]

Soyons honnête cinq minutes. Où est l’intérêt de tout obtenir avec facilité, presque en claquant des doigts ? Non, mieux. Où est le plaisir ? Celui-ci ne réside pas dans la lutte pour obtenir quelque chose ? La satisfaction n’en est pas meilleure quand il a fallu faire des efforts, presque se battre pour obtenir quelque chose ? Nous sommes d’accord, et c’est valable sur beaucoup d’aspect. Une relation amoureuse sera plus saine si elle est fondée sur des bases solides, plutôt qu’un coup de foudre qui donne lieu à un mariage à Las Vegas dans l’heure. Une carrière professionnelle sera plus plaisante si elle est réussie grâce à des efforts, des sacrifices plutôt qu’en étant passé(e) sous le bureau. Pour certains, c’est suffisant, mais pour d’autre, comme Laurel, ça ne l’est pas. Tout ce qu’elle possède, la blonde estime le mériter. Même la villa dans laquelle elle réside depuis plusieurs années, même quand elle était mariée. Car Laurel n’est pas l’une de ces femmes qui se fait entretenir par un mari, qui passe la journée à siroter des margaritas dans un transat, sur la terrasse, avec les doigts de pied en éventail. La Fawkes a toujours travaillé. Avant de rencontrer son mari. Pendant son mariage. Et après. Cette villa est autant la sienne que celle de son mari, car elle a payé de sa poche pour l’acheter. Tout ça pour en revenir à l’instant T, celui où elle se voit refuser poliment l’invitation de Jamie pour cette fameuse danse. Au fond d’elle, elle serait enchantée de lui accorder ce privilège, en sachant que ça en est un pour elle, si elle se base sur les dires de l’homme. Cependant, un accord est un accord. Lui est le mieux placé, grâce à son immense expérience dans le monde des affaires. « Je vous remercie pour la délicieuse vision que vous m’offrez. C’est parfait pour terminer cette soirée. » Que dire, c’est même très glamour à imaginer. Presque autant que la poitrine des femmes passé un certain âge. Non, elle n’est définitivement pas faite pour le rôle de la petite jeunette qui se trouve un vieux de quatre vingt dix balais, et qui espère qu’il crève pour toucher l’héritage. Laurel en vient même à se demander comment des femmes peuvent s’abaisser à un tel rôle, avec un homme totalement impuissant sur le plan physique. Elle n’a pas eu de chance avec son précédent mari, mais elle espère bien un jour retrouver quelqu’un, et pouvoir s’épanouir dans cette relation de toutes les manières possibles. Trêve de plaisanterie, la jeune femme pose le dilemme, et demande l’avis du principal intéressé. C’est fou, elle pensait assister à un argumentaire pour la convaincre de lui laisser une seconde chance, mais une nouvelle fois, Jamie la surprend en allant à contre courant. Cet homme est fascinant. Il n’y a pas à dire. Beau joueur, mais avec du plomb dans les idées. L’échec aussitôt assumé, il propose à Laurel une alternative. Une nouvelle soirée, un rendez-vous, en tête à tête, orchestré de A à Z, où elle n’aura qu’à fermer les yeux, et se laisser guider. « Je pense que nous pouvons dire que… nous sommes en affaires, monsieur Ukhar. » Et à la surprise générale, elle lui prends la main, pour sceller ce deal. On dit souvent que jamais deux sans trois. C’est la troisième fois qu’il lui tend une main, et cette fois-ci, c’est la bonne. Et c’est accompagné d’un sourire. « Vous allez devoir m’en dire plus, le moment venu, si vous voulez que je respecte ma part du marché. Le choix d’une robe, surtout si elle doit me mettre en valeur, ne peut se faire à l’aveugle. Vous savez aussi bien que moi que le choix du restaurant va influencer celui de la tenue. Prenez cette robe. Elle serait parfaite pour souper dans un restaurant sur les Champs Elysée, mais totalement inadaptée pour un petit bistrot irlandais. » Laurel n’est pas une réplique de Pretty Woman. La mode, c’est pas trop son truc. Par contre, elle connaît les codes de cet univers, et elle sait que l’apparence est un point très important. C’est le faux pas à ne pas faire, pour ne pas subir un suicide médiatique.

« Je vous remercie pour la délicieuse vision que vous m’offrez. C’est parfait pour terminer cette soirée. » « Vous ne me ferez pas croire que vous êtes si innocente. » Je lui accorde un sourire entendu, non, elle a dû en voir bien d’autre des moins ragoutantes, et pourtant, je reste convaincu que c’est le genre de femme que peu de choses peuvent effrayer, ou rebuter. Elle a plutôt l’air d’une battante et pas d’une petite chose fragile qui se planque derrière la première excuse venue. J’ignore encore ce qu’elle peut bien faire de sa vie, mais je ne tarderais pas à le découvrir. Sauf que pour une fois, je n’irais pas piocher dans mes sources d’infos, je le découvrirais par moi-même et grâce à elle. Pour avoir le plaisir de partager quelque-chose de très personnel la concernant.
Je lui tends une main pour sceller un nouvel accord, celui de la promesse de nous retrouver à un moment donné, dans quelques jours, pour un nouvel échange, un dîner au restaurant, un tête à tête. Loin de toute cette course à l’argent, de toute cette mascarade en laquelle je ne crois pas moi-même. Mais qu’importe, on ne peut vivre dans un monde fait de vérité, il serait trop difficile à supporter, les apparences conviennent et confortent la plupart des gens, c’est là tout l’intérêt dès qu’on sait les manipuler.
« Je pense que nous pouvons dire que… nous sommes en affaires, monsieur Ukhar. » « Pourquoi mettre à mal toute cette mise en scène ? Je vous garantie que cette expérience sera bien moins illusoire que celle de ce soir. C’est un dîner tout ce qu’il y a de plus correcte, sans intention particulière, si ce n’est celle de vous faire passer une bonne soirée. Le plaisir, et rien que le plaisir. » Sa main dans la mienne et mon regard profondément ancré dans le bleu de ses yeux.
Je sais ce que j’ai en tête, et j’ai toujours un coup d’avance, mais ça, pour le moment, elle est totalement censée l’ignorer, j’ai l’effet de surprise de mon côté, et j’en suis la plupart du temps très fière. Après tout, pourquoi avoir besoin de me justifier ? Je me contente de jouer ma part des conventions, et elle n’est pas censée savoir comment ça se passe. J’aime jouer, j’aime le faire avec elle, puisque de toute évidence, c’est un adversaire à ma taille. « Vous allez devoir m’en dire plus, le moment venu, si vous voulez que je respecte ma part du marché. Le choix d’une robe, surtout si elle doit me mettre en valeur, ne peut se faire à l’aveugle. Vous savez aussi bien que moi que le choix du restaurant va influencer celui de la tenue. Prenez cette robe. Elle serait parfaite pour souper dans un restaurant sur les Champs Elysée, mais totalement inadaptée pour un petit bistrot irlandais. » « Alors mettez la robe que vous souhaitez, et je saurais m’adapter le moment venu. Faites-moi confiance. » Déposant un baiser sur sa main, et c’est uniquement à cet instant que mon regard jusque-là maintenu, se pose sur mon geste, avant de bien vite retrouver les siens. Je me tiens droit devant elle, déterminé et particulièrement impatient. « Disons vendredi soir. 20h. Je passerais vous chercher. Et je vous demande simplement de vous laisser guider. » Je lui rends sa main, elle a été bien assez patiente. « Avons-nous toujours un accord, mademoiselle Fawkes ? »

La promesse d’un dîner, et de passer une bonne soirée. Voilà qui devrait ravir la jeune femme. C’est d’ailleurs ce que toute femme devrait ressentir, face à cette perspective de soirée. Mais entre promesse et réalité, il y a parfois plus d’un pas. Laurel sera la seule à pouvoir juger, le soir de ce fameux rendez-vous. Dans tous les cas, ça ne pourra pas être pire que ce gala de charité. Sur le papier, l’idée est charmante, mais à cause de la personnalité de certains des convives, la magie a quelque peu perdu de son éclat. Heureusement que la cause reste inchangée, et que le plus important reste cet argent récolté pour les orphelins de Los Angeles. Que ce soit après une soirée délicieuse qu’un moment de torture, ce n’est qu’un détail insignifiant, comparé au confort qui sera apporté à ces enfants. C’est la seule chose à retenir.

Laurel a accepté, mais elle ne va pas se contenter de ça. Elle reste une femme élégante, qui a retenu quelques leçons dans ce monde superficiel. Alors elle l’interroge, essaye d’avoir des indices, même si c’est un chouia prématuré. Jamie a sûrement eu cette idée à l’instant. Ce serait surprenant d’avoir déjà tout planifié, dans un coin de son esprit. Mais comme on le dit, qui ne tente rien n’a rien. Si ce n’est pas ce soir, ce sera au cours d’un échange, qu’il y aura sûrement, entre ce soir et le soir du rendez-vous. Ou pas. L’homme a plus d’un tour dans son sac, et il remet à la blonde les pleins pouvoirs, en ce qui concerne sa tenue vestimentaire, tout en déposant un baiser sur sa main. « J’en prends bonne note. » Dans ce cas, le choix sera influencé par l’humeur qui primera sur le reste. Et par le déroulement de la journée. Ce choix est tout bête pourtant. La tenue que l’on porte n’est qu’un détail dans le tableau de la vie. Certes, cela peut faire passer un message. On peut en apprendre beaucoup sur quelqu’un en regardant ses vêtements, mais ça ne fait pas tout. Le mieux est d’apprendre à connaître la personne en profondeur, par des questions, en observant les réactions, les mimiques… Il faut savoir percer la carapace de l’apparence pour découvrir le moi profond. Et ça, c’est une chose qui n’est pas donné à tout le monde, car se mettre à nue, entièrement, reste quelque chose d’effrayer. Aimer quelqu’un, c’est lui donner le pouvoir de nous détruire. « C’est beaucoup me demander, mais je vais essayer de relever le défi. » Elle préfère être franche avec lui. Cet exercice, elle a dû trop souvent s’y confronter, se laisser guider, suivre le courant, pour convenir à une seule personne. Or, depuis le divorce, elle n’écoute qu’elle même, ne cherche plus à rentrer dans un moule. Elle se laisse guider par ses propres envies, et seulement les siennes. Ça semble être encore un peu tôt pour refaire confiance à quelqu’un, agir aveuglément, mais Laurel espère que c’est un peu comme le vélo, une chose qu’une fois acquise, on ne peut l’oublier. « Nous avons un accord, mais seulement à une condition. » La quête du dernier mot ? Le besoin de toujours maintenir une sorte de défi ? Pour une fois, ce n’est pas le cas. C’est avec un sourire sincère qu’elle énonce sa condition. « Appelez-moi Laurel. » S’ils sont amenés à se voir en dehors d’une réception d’ordre public, il serait plus sage d'utiliser son prénom, son surnom même si il accepte, plutôt qu’une appellation de politesse.

« J’en prends bonne note. » C’est une formulation qui pourrait mettre à mal plus d’un homme. Mais pas moi. Je ne me laisse pas décontenancer ou déstabiliser si facilement. Il faut dire que j’en ai vu d’autre. La pression d’une femme ? C’est bien, c’est le challenge. Joueur, ce que je suis, ça m’encourage à chercher le détail qui me donnera raison, et qu’elle-même finira par reconnaître, ce n’est pas une question d’égo, mais de vouloir bien faire. Elle me plaît, je le sais avant même d’avoir eu besoin de me poser la question. Mais n’allons pas trop vite en besogne, j’ai besoin de tester une certaine réciprocité, et quand bien même, ce n’est pas le genre de femme qui se laisse avoir par un joli bouquet et une invitation au resto. Aussi chic soit-il, le message est passé.
« C’est beaucoup me demander, mais je vais essayer de relever le défi. » « Je vous promets de faire mon possible pour ne pas vous laisser l’occasion de le regretter. » Je ne peux rien promettre de plus. Je conçois cependant qu’elle est bien plus échaudée qu’elle ne le laisse paraître. Par son divorce, les hommes, les jeux de pouvoir ou de possession, ce que je conçois. Il m’appartient donc d’être le plus délicat possible. Et le plus fin. Ce qui peut être un défi intéressant. Pour autant, je lis dans son regard un certain intérêt, et je ne m’en priverais pas. Bien au contraire.
« Nous avons un accord, mais seulement à une condition. » Voilà, je savais que j’avais à faire à une femme têtue et qui a à cœur le défi, le jeu et surtout de maintenir le contrôle, c’est humain, surtout dans sa situation de jeune divorcée. « Appelez-moi Laurel. » Soulagé intérieurement, sans rien laisser paraître, parce que la gestion des apparences est mon point fort, je laisse échapper un léger sourire. « Appelez-moi Jamie. Nous ne sommes pas en affaires. » Je n’aime pas traiter avec une femme sous un aspect pécunier, sauf si c’est bel et bien le deal qui nous lie. Mais je préfère les affaires avec les hommes, quand il s’agit d’avoir le dessus. Ils sont moins difficiles à prévoir. Les femmes ont toujours une longueur d’avance que je ne devance pas toujours. « Alors je vous laisse le soin de m’envoyer votre adresse, et de me laisser m’occuper du reste. » J’embrasse une nouvelle fois sa main et la raccompagne finalement jusqu’au comptoir du voiturier, qui va chercher son véhicule, et referme moi-même sa portière.

FIN