[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ses parents et son neveu sont loin, c'est le moins qu'on puisse dire. D'ailleurs, elle le dit.
« La Nouvelle Orléans.
»
Elle ne donne pas le nombre de kilomètres, ni les heures de route par le bus. L'aller, elle l'a fait en bus. Elle se souvient très bien de la route interminable. Elle ne se souvient pas pourquoi elle n'a pas pris un train ni un avion. Le bus ? Qu'elle drôle d'idée ! Aujourd'hui, elle prend l'avion. Elle n'y va pas tous les jours. Il faut bloquer au moins une semaine, sinon, ça n'a pas de sens. Alors, les retours aux sources sont trop rares. D'un certain côté, c'est bien aussi. Ici, elle a un statut reconnu, avocate dans un cabinet qui ne manque pas de clients. Là-bas, elle redevient la fille de l'épicier du coin de la rue, la soeur du tôlard et de la disparue, la copine de la tarée, la soeur de la mère indigne. Un beau CV ! Ici, on ne sait rien des casseroles qu'elle traine à la patte et c'est très bien.
Parce que Meg propose un bistrot français, elle sourit. Elle doit avoir des ascendants français dans sa généalogie, comme un certain nombre d'habitants en Louisiane. Pourtant, quand elle entend restauration française, ce n'est pas de cuisine cadienne ni créole dont on parle. Alors en écoutant le choix, ce n'est pas ce qu'elle note dans la proposition pour prendre un repas.
« Mexicain me convient parfaitement. »
Les restaurants du coin, elle en connait plusieurs et celui qui propose des plats mexicains ajoute du soleil et de la bonne humeur aux plats servis. Et c'est exactement ce qui lui faut, ce qui leur faut. Elle n'en doute pas. Elle hoche de la tête en souriant.
« En effet, je ne peux pas partir clandestinement. Je récupère ma veste, mon sac à main et...
»
Quelques dossiers, bien évidemment, glissés dans son attaché-case. Comment ne pas ramener des bricoles à étudier à la maison ? C'est incontournable.
« Et je vous rejoins, ici même dans cinq minutes. »
Difficile de dire si ce sera effectivement cinq minutes montre en main, mais elle ne va pas trainer ce soir. Laisser Meg... Elle a du mal à faire demi-tour. Cette journée s'achève étrangement. Surprenante journée. Renee n'a pas envie que la routine dévore cet imprévu. Si elle retourne au cabinet, si quelqu'un l'accapare, si Meg renonce à attendre. Elle ne lui laissera pas cette possibilité, elle ne laissera personne se mettre entre elles deux. Elle a laissé une ombre se mettre en travers de sa relation avec Lennon. Pas cette fois. L'idée qui vient de lui traverser l'esprit la fait frissonner. Idée folle, cette femme est l'ex de son client. Rien d'autre. Elle se résout, gênée de laisser Meg sur le trottoir. Elle file comme un courant d'air, traverse les couloirs. Son bureau se vide en un clin d'oeil de ses affaires personnelles et des dossiers qu'elle considère comme obligatoires à boucler cette nuit. Elle quitte le cabinet à la surprise des gens qu'elle croise et déboule dans la rue le coeur serré.