Don't miss little things [Elliot 5]

« Et tu dormais plutôt bien. Je ne sais pas ce que je donnerais pour dormir comme toi. » Je hausse les épaules en souriant légèrement. J’aimerai qu’elle puisse, mais je crois que c’est juste une question de métabolisme. Parce qu’on peut pas dire que ma vie soit un long fleuve tranquille, surtout pas en ce moment. Si j’avais le sommeil aussi léger qu’Ellen, clairement je n’aurai pas dormi beaucoup non plus ces dernières nuits. Mais j’ai un sommeil de plomb et j’estime que c’est une chance. Elle me rappelle que je dois aller voir ma prétendue mère biologique aujourd’hui, qui n’est autre que sa meilleure amie. Et ça fout un putain de froid d’un seul coup. Je lui avoue ne pas avoir envie. « Tu dois le faire, pour toi, en premier lieu. » Je me contente d’un hochement d’épaules comme j’en ai l’habitude, pour jouer les filles détachées, ce que je suis en règle générale, mais là c’est un peu différent quand même. J’apprécie le contact réconfortant d’Ellen à ce moment là, mais je n’ai pas envie de rester sur cette conversation qui a du mal à passer. Alors je choisis de changer totalement de sujet, ce qui a le mérite d’étonner Ellen. Normal. Je donne mes arguments, j’ai toujours rêvé d’avoir un animal, un chien en particulier, mais Sofia trouvait que dans un appartement ce n’était pas l’idéal, et j’étais quand même d’accord avec elle. Ici, il aurait de quoi s’ébattre. « C’est une bonne idée. J’adore les animaux. » Mon coeur s’emballe un peu, je ne pensais pas que ce serait si facile, qu’elle accepterait que j’adopte un chien, qui serait le mien mais qui vivrait ici, avec elle aussi. Parce que malgré tout, on est quand même chez elle, et je n’ai pas oublié cette notion. Clairement pas. Ellen s’éclipse et revient à moi en glissant ses mains atour de moi. Je récupère ces dernières et profite simplement de cette étreinte agréable. « Ecoute, tu vas à ce rendez-vous avec Ella, et ensuite on ira au salon, comme ça tu me raconteras, d’accord ? Et puis si ça se passe mal, tu auras toujours le choix d’aller casser un truc ou deux, et ensuite on ira y faire un tour, histoire de te calmer. T’en penses quoi? » Ça ma crispe un peu, parce que j’ai pas envie, parce que j’ai peur, mais je ne dis rien, je sais qu’au fond elle a raison. J’ai juste le sentiment d’être un peu maternée sur le coup. Je soupire et me contente d’un hochement de tête, remettant mon masque de nonchalance. « Ouais. Je vais faire ça. » Je tourne la tête pour déposer un baiser au coin de ses lèvres et retire ses bras pour me lever et remonter dans ma chambre pour aller prendre une douche et me changer. J’ai clairement pas envie, mais il faut que je le fasse. De retour dans la pièce principale, le pas lourd, je récupère mon casque de scooter et me contente d’un signe de main à Ellen. « A tout à l’heure. » Motivée comme jamais…

Elle est complètement secouée, et surtout, apeurée. Qu’elle l’avoue ou pas, je sais pertinemment que ça n’est pas une partie de plaisir pour elle. Tout ce qu’elle veut, c’est avoir la paix, et là, clairement, c’en sera fini. Je sais pertinemment qu’elle n’est pas ce qui se fait de moins sociable mais c’est différent. On parle de son histoire personnelle, de sa mère biologique, si tant est que ça le soit et les chances sont minimes mais tout de même. Je ne peux pas lui dire comment ça se passera et encore moins si elle en tirera quelque-chose, tout ce que je sais c’est que ça risque d’être compliqué à gérer pour elle. Mais que je suis là. Quoi qu’il en soit, elle ne peut pas refuser ce rendez-vous, elle finirait par le regretter, tôt ou tard. Si ça n’est pas maintenant ça sera peut-être le jour où elle deviendra maman ou qu’elle se mariera, qui sait ? Elle a encore des tas d’étapes à franchir, des étapes qui demandent une présence féminine. Mais elle ne pourra être sûre d’exclure cette hypothèse si elle refuse de faire les démarches.
Et puis la conversation dévie sur un animal de compagnie, en l’occurrence, un chien. Pourquoi pas ? Je réponds sur le vif mais je me dis qu’un animal entre ces murs peut apporter de la vie, et ça nous ferait du bien à toutes les deux. Je suis sûre que plus tard, Télio aurait adoré avoir un petit animal, et il me le demandait souvent. Je ne lui ai jamais vraiment répondu, mais moi aussi je les aime… Je me disais simplement qu’à passer ma vie à bosser à la fac, il n’aurait pas eu une vie heureuse. Et puis Thomas travaillait tout autant… Mais maintenant qu’Eliot le propose… il arrive qu’elle rentre plus tôt de ses chantiers ou commence plus tard, alors pourquoi pas.
Je lui propose même un compromis, celui d’aller affronter son rendez-vous et d’aller ensuite nous détendre. Ce qu’elle accepte, non sans sa moue nonchalante. Il me suffit d’apprendre à l’apprivoiser pour la comprendre, ça n’est pas plus compliqué que ça. « Ouais. Je vais faire ça. » La nonchalance, c’est sa marque de fabrique, alors je fais comme si de rien n’était, de toute façon, ça donnerait de l’eau à son moulin et je reste persuadée que c’est simplement pour cacher autre chose. Je commence à la connaître. J’ai son aval et elle file se doucher, je pense que c’est encore la meilleure solution. Juste pour amorcer son départ. Elle prend son courage à deux mains, je le sens bien. Et je l’y encourage, même si au fond, je suis moi-même parfaitement terrorisée. « A tout à l’heure. » Je lui accorde un sourire confiant et la laisse filer, terminant mon rangement, juste pour m’occuper.

FIN