getting real (jolene 6)

Je regarde la chambre d'hôpital, je regarde tout autour de moi. Je n'arrive pas à croire que c'est terminé. Il y a cinq jours j'ai commencé à avoir des contractions. J'étais encore chez moi quand j'ai perdu les eaux. A deux jours du déclenchement de l'accouchement par médicament. En tout franchise, je suis bien contente d'y avoir échappé. Une de mes voisines m'a emmenée à l'hôpital. J'ai attendu que ma gynéco m'examine pour appeler Jaxon. Je voulais pas qu'il attende des heures et des heures avec moi. Surtout après notre dispute de la dernière fois. J'ai préféré délayer le plus possible. Puis tout s'est enchaîné à une vitesse folle ! Jaxon est arrivé, puis ça a été à Timothy de pointer le bout de son nez. Il me l'ont posé sur la poitrine avant de me l'enlever pour l'examiner. Les trois jours qui ont suivi n'ont été que visites médicales, examens, conseils des sage-femme et compagnie. J'avoue que pour le coup, j'aurais aimé que ma mère soit là. J'ai toujours eu un peu de mal à m'entendre avec elle, avec mon père aussi, mais pour le coup, cette fois-ci, j'aurais aimé qu'ils soient là. Peut-être que ce sont simplement les hormones post-accouchement ?

Mais aujourd'hui, je peux enfin sortir de l'hôpital. Je vais bien, Timothy va bien. Jaxon vient nous chercher pour nous ramener le bébé et moi dans mon appartement. On a besoin de parler tous les deux, de trouver ce qu'on doit faire. On aurait sûrement du en parler plus tôt d'ailleurs... « T'as bien pris le siège bébé ? Tu l'as bien installé ? » je demande à Jaxon alors que je m'assure de ne rien avoir oublié dans ma chambre d'hôpital. « De toute façon je m'installerais à l'arrière avec lui, je peux pas le laisser à l'arrière tout seul, c'est son premier voyage en voiture alors je... je veux m'assurer que tout se passe bien. » Oui, on peut dire que je suis un peu sur les nerfs. Je suis comme une vraie pile électrique, ou une sorte d'hypocondriaque mais pas pour moi, pour Tim. « Oh mon dieu, tu m'entends parler ? J'ai l'air d'une folle. J'ai l'air d'une folle pas vrai ? Il n'a que cinq jours et je suis déjà la pire des mères poules ! » Il faut vraiment que je me calme. C'est juste que, je vais rentrer dans mon appartement, et cette fois ça va devenir vraiment réel. Timothy, Jaxon et moi. Peu importe ce que c'est. Il va falloir vraiment démêler les choses et faire en sorte que ça marche. Et il faut le faire maintenant, parce que maintenant c'est vraiment réel. « Il vaut sûrement mieux y aller, avant que je trouve encore un prétexte pour paniquer. Ou avant qu'il se réveille. »

J’ai du mal à réaliser que je suis père. Le jour où Solène m’a appris qu’elle attendait un enfant et qu’il était de moi, ça a été un choc. Mais ce n’est rien comparé à ce jour, ce cinq juin où mon fils a pointé le bout de son minuscule nez. J’avoue que j’ai eu peur que Solène décide de ne pas m’appeler pour l’accouchement. J’aurai eu du mal à encaisser que la naissance de mon fils se fasse sans moi. Mais j’y ai assisté, j’ai tenu sa main et l’ai encouragée pour qu’elle donne toutes ses forces pour faire naître notre bébé. Un bébé magnifique, et en bonne santé, tout comme sa mère, bien que fatiguée. Aujourd’hui, Solène et Tim sortent de la clinique et je suis là pour les accompagner chez Solène comme c’était prévu. J’ai pris mes responsabilités, comme me l’avait demandé Solène il y a quelques semaines. J’ai quitté Charlotte et ça a été difficile, mais je lui ai dit que je serai là pour le bébé, comme je l’avais dit à Solène. Pourtant, je ne me sentais plus légitime de vivre avec une femme qui savait que j’avais un enfant à venir ailleurs. J’ai du mal à trouver ma place, mais je fais ce que je pense être le mieux. En attendant, je loue un appartement pas très loin de chez Solène pour pouvoir être là le plus rapidement possible au cas où il se passe quoi que ce soit, au cas où elle ait besoin d’aide. « T'as bien pris le siège bébé ? Tu l'as bien installé ? » Je hoche vivement la tête. « Oui t’en fais pas, tout est prêt et bien installé. » Elle a peur, c’est normal. Je récupère le couffin avec mon fils à l’intérieur et souris bêtement de le voir aussi mignon tout endormi. Solène m’annonce qu’elle s’installera avec lui à l’arrière, ça ne me pose pas de souci, je hoche simplement la tête. « Oh mon dieu, tu m'entends parler ? J'ai l'air d'une folle. J'ai l'air d'une folle pas vrai ? Il n'a que cinq jours et je suis déjà la pire des mères poules ! » Je ris en secouant la tête. « Mais non arrête, t’es juste une maman qui aime son fils et qui veut que tout se passe bien. Rien d’anormal là dedans. ». Nous quittons finalement la clinique et après avoir signé quelques papiers, j’installe le petit Timothy délicatement dans son siège à l’arrière, bien attaché et protégé. Solène prend place près de lui et je m’installe derrière le volant, direction chez Solène. Dans la voiture, je mets la musique tout bas, j’ai mis une playlist de berceuses pour bébés, faudrait juste pas que je m’endorme. Enfin c’est pas moi qui suis le plus fatigué quand l’histoire. Nous arrivons chez Solène et je la laisse récupérer Timmy cette fois, alors que je m’occupe du reste des affaires. Une fois chez elle, je pose tout dans l’entrée et la laisse installer notre fils dans son couffin. « Tu veux que je te prépare quelque chose à boire ou à manger ? »

Je dois reconnaître que je suis contente que Jaxon soit là. Il me rassures, il m'aide à me calmer et me détendre. Et j'aime le fait qu'il soit là, pour Timmy. Ça aussi ça me rassures. C'était une de mes plus grandes peurs, que Jaxon ne soit pas là ou ne veuilles pas être là. Mais bon, ce n'est que le début. Le tout début. J'appréhende un peu la suite des choses à vrai dire. Mais j'essaie de... me détendre. Je le laisse prendre le bébé pendant qu'on me pousse sur un fauteuil jusqu'à la sortie de l'hôpital - stupide procédure. Une fois dehors je souris à l'infirmière - avec qui j'ai dû travailler mais dont j'ai totalement oublié l'existence - et je suis Jaxon jusqu'à sa voiture. On monte, je me met à l'arrière, et tout se passe bien. Timothy a passé le voyage à dormir. Si je ne m'étais pas tant reposée à l'hôpital, moi aussi j'aurais sombré je pense. Mais malgré... la semaine mouvementée, je vais bien, je suis reposée, prête à passer de nombreuses nuits blanches !

On arrive chez moi. Jaxon se gare, je récupère Timmy et ni une ni deux, on se retrouve dans mon appartement. Je viens de prendre le bébé dans mes bras quand Jaxon propose de préparer quelque chose à boire ou à manger. Pendant une seconde j'ai l'impression de manquer à tous mes devoirs, techniquement je suis l'hôtesse de maison, c'est moi qui devrait proposer ça ! « T'as qu'à nous faire du café et sortir le paquet de gâteaux qui est dans le placard pendant que je le met dans son berceau. » je propose doucement en haussant légèrement les épaules. « Comme ça on pourra discuter tous les deux. » J'esquisse un léger sourire et je me dirige vers la nurserie. Je pose délicatement Timmy dans son berceau. Je ne résiste pas à l'envie de le prendre en photo. Premier jour à la maison ! Première fois dans son berceau ! Je compte bien être de ces parents qui mitraillent leurs enfants. J'irais jusqu'à imprimer mes photos numériques pour créer un gigantesque album photo qui prendra probablement la poussière dans vingt ans. Mais je veux ça ! Alors je prends quelques photos et j'allume le moniteur bébé - j'ai déjà oublié le nom, le babyphone ? sauf que le mien a la vidéo en plus. Bref, je finis par revenir dans la pièce principale pour y retrouver Jaxon. J'ai à la fois hâte qu'on discute et en même temps je redoute ce moment. Pourtant je m'installe sur le canapé, je met deux sucres dans mon café et je soupire. « Alors, hum... Allons-y. » Je me sens mal à l'aise, faut dire que c'est pas comme si j'avais de l'expérience en la matière ! « Je veux que Timothy puisse compter sur son père. Je veux que tu fasses partie de sa vie. Est-ce que tu as pris tes dispositions ? » je demande simplement. J'essaie de ne pas mentionner sa femme, mais bien sûr je veux savoir s'il lui en a parlé, s'il s'est organisé avec elle, enfin je sais pas. Après tout, elle aussi est enceinte, alors... il va aussi devoir en parler avec elle. A vrai, on devrait s'organiser tous les trois. Mais si c'est déjà dur pour Jaxon et moi de nous parler, alors j'ose même pas imaginer une réunion avec sa femme en plus.

Je fais en sorte d’être aux petits soins pour elle. Elle a accouché y’a quelques jours à peine, elle est certainement épuisée même si elle ne veut pas trop le montrer. Toutes les mères sont épuisées après un accouchement. Surtout que dans son cas, on ne peut pas dire que le côté émotionnel ait été facile à gérer ces derniers mois. J’y suis pour quelque chose, et je m’en veux toujours pour ça. Mais je suis là, je ne compte pas faillir à mes devoirs. J’ai promis, je tiendrai mes promesses, cette fois c’est certain. « T'as qu'à nous faire du café et sortir le paquet de gâteaux qui est dans le placard pendant que je le met dans son berceau. Comme ça on pourra discuter tous les deux. » Je hoche vigoureusement la tête et la laisse partir coucher notre fils alors que je fais couler le café, et cherche le paquet de gâteaux en question. Une fois que tout est prêt, j’apporte le plateau dans le salon, le déposant sur la table basse alors que Solène revient et s’installe près de moi. Je lui donne son café et fais tourner la cuillère dans le mien. J’angoisse un peu de cette discussion, ce serait mentir. La dernière fois qu’on s’est vus, elle m’a craché des trucs pas cool à la gueule, mais je le méritais. Alors j’ai encaissé sans rien dire, et puis elle est parti, et quelques jours après elle a accouché. Alors cette discussion est nécessaire, c’est une certitude. « Alors, hum... Allons-y.  Je veux que Timothy puisse compter sur son père. Je veux que tu fasses partie de sa vie. Est-ce que tu as pris tes dispositions ? » Elle ne passe pas par quatre chemins. Mais cette fois, je n’ai pas peur de lui répondre, parce que j’ai été à la hauteur de mes promesses. Je me racle un peu la gorge et hoche la tête. « Oui. J’ai quitté Charlotte. » Je pose mon regard dans le sien avant de le laisser glisser sur mon annulaire gauche désormais libre de toute entrave. « Ça a pas été facile mais c’était nécessaire. Elle m’a menacé, mais je sais qu’elle en fera rien. Elle essayait juste de me retenir. » Je hausse les épaules un peu, gardant mon regard dans mon café que je touille alors que je n’ai pas mis de sucre à l’intérieur. « Je lui ai dit que je serai là pour l’enfant qu’elle porte, mais que c’était pas possible pour moi de continuer comme ça, d’assumer mon nouveau statut de père tout en restant avec elle. » Je soupire un peu, parce que cette épreuve était difficile à vivre. Mais il fallait en passer par là, depuis le temps. « Pour le moment je vis dans l’appartement d’un pote, à quelques rues d’ici, en attendant de trouver mieux. C’est pas grand, mais c’est pas loin. comme ça si t’as besoin, si vous avez besoin… » Je la regarde à nouveau et lui adresse un petit sourire, espérant que ça la rassurera de savoir que je sais - un peu - me comporter comme un adulte responsable. Quand je veux.

Evidemment que je veux savoir ce qu'il en est. Je veux savoir s'il est prêt à être un père, pour de vrai, et pas seulement un type qui suit aveuglément le courant. Je veux qu'il se réveille un peu et se batte pour obtenir la vie qu'il veut. Est-ce que c'est vraiment trop demander ? Alors oui, je n'hésite pas à poser la question qui fâche, autant ne pas tourner autour de pot trop longtemps. Je viens de passer une dizaine d'heures à faire sortir un bébé de 3 kilos 850 d'un vraiment très petit endroit, j'ai pas le temps de tourner autour du pot ! Alors nous y voilà, moment de vérité et je m'attends à tout. Du moins c'est ce que je croyais. Je ne m'attendais pas à ça. Enfin je sais pas. Peut-être que si, peut-être que je m'attendais à ce qu'il quitte sa femme pour de bon et qu'il se mette à assumer ? Ou peut-être que je l'espérais simplement. Et il y a également cette possibilité qu'il l'ai fait pour moi, et pour le coup, je préférerais que ce ne soit pas le cas. C'est déjà assez compliqué entre nous comme ça, autant ne pas rajouter de l'huile sur le feu. Par contre, les "menaces" de Charlotte m'inquiètent un peu. Est-ce que je devrais lui demander de quoi il s'agit ? Peut-être plus tard, pour l'instant une autre question me taraude. « Oh... où est-ce que tu habites maintenant ? » je demande tentant, tant bien que mal, de garder un ton neutre. En même temps je sais même pas ce que j'en pense, de tout ça. Les choses sont vraiment en train de changer, c'est excitant mais également terriblement effrayant. « Pour le moment je vis dans l'appartement d'un pote, à quelques rues d'ici, en attendant de trouver mieux. C'est pas grand, mais c'est pas loin. Comme ça si t'as besoin, si vous avez besoin... » Beaucoup d'informations. Et encore une fois je ne sais pas trop quoi en penser. Je suis pourtant une habituée des grands changements, ça ne devrait pas me mettre dans un tel état ! Reprends-toi Solène ! « T'auras pas de mal à trouver, j'en doutes pas. » je réponds en souriant. Il est chirurgien. Avec son salaire et le prestige du titre de "docteur", aucun doute qu'il aura bientôt son appartement. En attendant, il est hors de question que je laisse Timothy chez lui. « C'est bien que tu sois pas loin pour Timothy. Par contre il va vraiment falloir que tu te prennes un appart', parce qu'il est hors de question que Timmy traîne dans une garçonnière ! » Je lâche un petit rire. Je veux éviter que l'ambiance devienne trop lourde et sérieuse, parce que c'est dans ces moments là qu'on commence à prendre trop les choses à coeur. « Bon du coup, il faut qu'on trouve une façon de s'organiser. » Comment lui dire que je veux qu'il passe du temps avec son fils mais que ça veut pas dire que moi je veux en passer avec lui ? De façon gentille s'entends. Je devrais peut-être éviter cette partie là. « Pour qu'on ai chacun sa vie de son côté mais tous les deux du temps avec Tim. Des suggestions ? » Subtile façon de lui faire remarquer qu'il serait peut-être temps qu'il l'ouvre un peu, qu'il s'affirme et commence à me dire ce qu'il veut plutôt que de me laisser gérer la barque. Mener la danse ne me dérange pas en temps normal, mais s'il veut participer à la vie de Tim, qu'il le fasse vraiment.

Ça y est, on y est. Je n’ai pas voulu lui envoyer de message pour lui dire que j’avais rompu avec Charlotte, par peur de passer pour un gamin qui a ‘fait ses devoirs’. Parce que ce n’est pas du tout comme ça que je vois les choses. Certes j’ai mis longtemps à prendre cette décision, mais j’avais besoin d’un élément déclencheur, et ça a été Timothy. Ce n’est pas que Solène n’avait pas suffit jusque là, c’est juste que la naissance d’un enfant, ça change une vie. J’étais pas prêt pour ça, et je vais tâcher d’être à la hauteur, réorganiser ma vie. Et ça commençait par mettre un terme à mon mariage. Je ne suis pas encore divorcé, et ça risque de mettre un moment, mais au moins je ne vis plus avec la femme que j’ai épousé. Je n’ai jamais été amoureux d’elle de toute manière. Je lui explique que j’ai pris mon ‘indépendance’, que je vis pas loin d’ici. « T'auras pas de mal à trouver, j'en doutes pas. » Je hoche un peu la tête, elle a raison, je pense que ça ne devrait pas être trop difficile vu mon boulot. Mais il me faut déjà du temps pour ça. « C'est bien que tu sois pas loin pour Timothy. Par contre il va vraiment falloir que tu te prennes un appart', parce qu'il est hors de question que Timmy traîne dans une garçonnière ! » Mon rire se mêle au sien. Je ne vais pas lui répondre que ce n’est pas une garçonnière, ce serait mentir. J’ignore ce que fait James dans cet appartement quand il ne me le prête pas, mais je suis pas sûr de vouloir savoir. C’est vraiment juste une solution de repli, et je ne me vois pas non plus accueillir mon fils là dedans. « Bon du coup, il faut qu'on trouve une façon de s'organiser. » Je plonge mon regard dans le sien, attendant qu’elle me dise à quoi elle pense, ce dont elle a besoin. Je n’ai pas envie de m’imposer, c’est déjà assez difficile comme ça. Mais de toute évidence, Solène a besoin que je m’impose un peu plus que ça. « Pour qu'on ai chacun sa vie de son côté mais tous les deux du temps avec Tim. Des suggestions ? » Chacun sa vie de notre côté. Je n’attendais rien nous concernant, mais le fait même qu’elle appuie dessus me fait un pincement au coeur. Je hausse légèrement les épaules. « Pour le moment il est tellement petit qu’il a besoin de sa mère de toute manière, et d’un environnement cocon, ce serait mal venu de le balader pour le prendre chez moi quand j’aurai un chez moi. » Je préfère la sécurité. « Peut-être que dans un premier temps je pourrai simplement passer un peu de temps ici pour le voir, et puis ça te permettra de prendre un peu l’air si tu as besoin, sortir et avoir quelqu’un pour garder Timmy. Et quand il sera plus grand, on prendra de nouvelles dispositions ? » Je ne vois pas comment faire autrement pour le moment.

Je n'avais pas imaginé avoir des enfants dans ce genre de conditions. Séparé du père, lui-même dans une situation relativement compliquée, le tout avec un futur demi-frère ou une future demi-soeur déjà en route... Et maintenant voilà qu'on est ici. Chez moi. Et qu'on doit prendre toutes les décisions qu'on aurait déjà du prendre, qu'on aurait déjà prises si on était un couple parfaitement normal qui aurait prévu d'avoir un enfant. Mais non. Tout est si chaotique ! Bien sûr que ça m'inquiètes ! Je veux le meilleur pour Timothy, et une situation bancale n'est certainement pas l'idéal pour lui. Alors il faut faire au mieux, faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que tout se passe bien. Parce qu'il est hors de question que notre enfant pâtisse de la situation dans laquelle on se trouve Jaxon et moi. « Pour le moment il est tellement petit qu’il a besoin de sa mère de toute manière, et d’un environnement cocon, ce serait mal venu de le balader pour le prendre chez moi quand j’aurai un chez moi. Peut-être que dans un premier temps je pourrai simplement passer un peu de temps ici pour le voir, et puis ça te permettra de prendre un peu l’air si tu as besoin, sortir et avoir quelqu’un pour garder Timmy. Et quand il sera plus grand, on prendra de nouvelles dispositions ? » Je ne sais pas trop quoi penser de sa réponse. D'un côté ça fait un peu "on fait rien pour l'instant, on verra plus tard", et je ne suis pas une grande fan de la procrastination. D'un autre... Jaxon a raison. Mais je ne peux pas rester comme ça, sans aucune solution pour l'avenir. Parce que Timmy est là, c'est une réalité, et il faut bien qu'on se mette à lui en construire un, d'avenir. « Tu as raison, on fait comme ça. » je réponds simplement avec un petit sourire. C'est le plus simple et le plus logique pour l'instant. « Est-ce que tu veux qu'on parle de son éducation ? On a jamais abordé ce genre de sujet... je parle pas forcément du débat école publique / école privée, même si on devrait aussi l'aborder. Y a plein de questions qu'on a pas abordé ! Est-ce qu'on devrait l'inscrire pour les bébés nageurs ? Quelle garderie choisir ? Quelle maternelle ? Est-ce qu'on veut être plutôt laxiste ou strict ? Nourriture faite maison ? Bio ? Des repas végétariens ? Et pour le père-noël ? On ment ou on dit la vérité ? Est-ce qu'on le fait baptiser ? » Mon dieu, je pensais pas avoir tant de questions en tête. Quoi que, je suis certaine de pouvoir en générer encore un sacré nombre ! Je sais que je parais folle avec toutes mes questions mais ce sont des sujets dont on aurait déjà du discuter. Et je sais bien qu'on a pas à appliquer tout ça dès maintenant, mais si on ne se met pas d'accord dès le départ... je veux pas qu'on ai à prendre les décisions à la dernière minute.

Je ne suis pas un homme de décision, ce n’est plus à prouver. J’ai fait mes études pour faire plaisir à mes parents, je n’ai même pas choisi la femme que j’ai épousé. Mon seul choix ça a été Solène, et encore, il n’a jamais été entier puisque je n’ai jamais eu le courage de quitter la femme que j’avais épousé, pour vivre l’amour que je portais à Solène. Je suis pas foutu de prendre des décisions importantes, alors que je me retrouve face à la femme que j’aime, la mère de mon fils, qui me demande ce qu’on va faire, je dois me donner un coup de pied au cul. Comme d’habitude, je suis un adepte du ‘reculer pour mieux sauter’ même si j’espère toujours ne pas avoir à sauter. Et c’est encore le cas aujourd’hui, même si je trouve que mon argumentaire est plutôt pas si mal ficelé. Au point même que Solène approuve, pour le moment en tout cas. Mais la voilà qui repars dans de nouveaux sujets encore plus concrets, plus précis. Son éducation, l’école, les bébés nageurs, la garderie, la maternelle, la nourriture, le père noël, le baptème… j’ai un coup de chaud là d’un coup. Une vague d’angoisse me saisit et j’ai du mal à le cacher. Je me lève en soufflant légèrement. Pas un souffle d’exaspération, non juste une respiration un peu plus appuyée. « Wow… euhm… » Je lâche un rire tendu et frotte mes mains moites sur mon jean le temps de faire quelques pas et me calmer un peu. « Il est un peu petit pour qu’on parle de tout ça non ? » Je sais que les apparences sont contre moi mais je ne cherche pas encore à me défiler. « Enfin j’veux dire, oui, c’est bien qu’on en parle, mais on va pas déjà lui acheter la voiture qu’on lui offrira quand il aura son permis hein ? » Un nouveau rire un peu stressé franchit mes lèvres, et je prends une inspiration un peu plus grande avant de me rasseoir sur le canapé près de Solène. « On va faire ce qui sera le mieux pour lui d’accord ? On parlera des choses en temps et en heure, chaque chose en son temps. J’ai envie qu’on soit en phase, qu’on discute de tout pour être d’accord même si on l’est pas forcément au début. J’ai pas envie qu’il ait des parents qui se déchirent. Pour le moment c’est tout ce dont j’ai envie. Et profiter de lui un maximum aussi. » Je lui offre un petit sourire un peu déstabilisé. « Tout ça c’est nouveau pour tous les deux, j’veux pas qu’on se foute trop de pression et que ça nous bouffe. Tu comprends ? Je veux pas être laxiste non plus, je veux juste qu’il soit heureux. » Je viens poser ma main sur la sienne dans un geste totalement naturel, ne pensant pas au fait qu’elle pourrait bien la retirer de mon contact.

De nombreuses remarques cinglantes m’assaillent mais je les retiens, au moins le temps de le laisser finir. Et au final j’ai bien fait de ne pas l’ouvrir. Au fond, il a raison. Je me met beaucoup trop de pression, je le sais. Je veux ce qu’il y a de mieux pour Timothy, et je sais qu’au fond lui aussi. Sauf qu’il y a des principes éducatifs à mettre en place dès le départ, des choses dont les parents discutent en général avant d’avoir leur enfant. On devrait déjà savoir si on veut le nourrir uniquement de nourriture bio et/ou faite maison, si on veut le faire baptiser - enfin ça ou tout autre rite religieux d’ailleurs-, on devrait savoir dans quelle religion on veut l’élever - enfin pas de religion marche aussi… « Tu as raison. On ne doit pas se mettre trop de pression, je suis d’accord. Mais… il y a des choses dont il faut parler. » je réponds d’un ton plus calme que je ne m’y attendais. « Des choses dont on aurait déjà dû parler. » je m’arrête et je soupire. Je n’ai pas envie de me prendre la tête ni de répéter encore et encore les mêmes choses. Je n’ai pas l’habitude de faire ce genre de choses, mais pour le coup j’abdique. Je suis trop fatiguée pour me battre de toute façon. Je pourrais lui dire que s’il veut que son fils soit heureux, il faut faire les bon choix en conséquences, mais pour faire les choix ils faut qu’on en parle et qu’on se mette d’accord sur ce qui est “bon” selon lui et selon moi, et qu’on trouve notre juste milieu. Mais ce sera pour une autre fois. Pour l’instant je reporte mon attention sur la main qu’il a posé sur la mienne et que j’ai laissé. Cette main que finalement je serre. Jaxon est là, et je sais qu’il me soutient. Pour l’instant c’est suffisant, du moins pour aujourd’hui. Je reste silencieuse un petit moment, nos mains serrées. Et ça ne devrait pas me faire du bien. Non, ça ne devrait pas. « Allez, rends toi utile un peu, et donne moi un gâteau au lieu de me regarder en chien de faïence. » je lâche finalement en récupérant ma main. Oui, c’était uniquement pour briser ce petit moment qui s’est installé. Je ne peux pas me permettre ce genre de… moments.