Elle déposa un baiser sur les lèvres endormies de Noa et se redressa dans un rire en voyant son air perdu, son éternel rouge sur les joues. « On est arrivées, la sieste est terminée. » D’un coup sec, Charlie coupa le moteur et ouvrit la portière dans un bond, son corps avait besoin de s’étirer, la route avait été si longue pour une impatiente comme elle. Une main dans les cheveux, elle laissa son regard parcourir l’énorme parking. C’était la première fois qu’elle ramenait ses jolies fesses ici, Sparrow avait tenté de la faire venir l’année dernière, mais elle avait préféré la compagnie de son canapé. Cette année, tout était différent et c’était aussi très bien comme ça. Elle ferma doucement la portière et fit le tour de la voiture pour atteindre le coffre. Les sacs furent posés au sol ainsi que la tente qu’elle manqua de faire tomber. Il y avait déjà du monde tout autour, ça criait de joie ici et là, ça buvait aussi déjà pour certains, on s’amusait comme on le souhaitait.
On lui avait tellement vanté l’ambiance de ce festival, alors Charlie avait un peu peur d’être déçue, mais elle se disait que la présence de Noa arrangeait tout. C’était sur un coup de tête qu’elle lui avait demandé de l’accompagner, en tant que jeune couple pourquoi pas commencer avec une activité comme celle-ci ? Après des semaines, voir des mois à se tourner autour, la Suissesse avait fini par faire le premier coup, non sans s’être pris un coup de pied au cul par sa colocataire. « Pas trop chaud ça va, tu vas réussir à survivre ? » Elle se moquait gentiment comme toujours et attrapa son sac ainsi que la tente. « On va s’installer tranquillement et je t’inviterai à boire un verre, ça te va ? » Elle lui sourit et déposa un baiser sur sa joue avant de se rendre à l’emplacement qu’elle avait réservé. Les tentes donnaient l’impression de s’étendre à l’infini et Charlie regretta presque de ne pas avoir réservé une chambre d’hôtel, ça promettait d’être bruyant ce soir. Elle haussa intérieurement les épaules, elles n’étaient pas là pour se reposer mais pour profiter un maximum. C’était pour ça qu’elle s’était sacrifiée à faire autant de route alors que de base, elle était un véritable danger au volant.
Elle posa leurs affaires et admira le petit coin de terre qui leur était attribué. « Home sweet home ! » rit-elle en glissant un regard en direction de Noa. Elle était belle aujourd’hui dans sa tenue de quasi été. Charlie s’était contentée d’un short en jean, d’un t-shirt encore une fois trop grand et une paire de baskets qui ne craignait pas de se faire piétiner. Elle s’attacha rapidement les cheveux, il faisait chaud sous cette crinière blonde.
Cela faisait quelques temps qu’elles étaient en couple. C’était tout récent, et seuls des baisers avaient été échangés. Mais Noa n’en revenait toujours pas. Elle, avec Charlie. Elle se demandait parfois si elle rêvait, mais non. Elle ne savait pas trop comment tout cela était arrivé, elle ne savait pas trop pourquoi, comment, cela avait bougé. Elle ne savait pas trop pourquoi elles s’étaient tournées autour pendant des mois, sans jamais faire le premier pas. Mais quand Charlie l’avait attrapée par les lèvres, elle avait probablement explosé de l’intérieur, et était devenue si rouge qu’on aurait aisément pu la confondre avec une tomate. Parce que voilà. C’était Charlie. Charlie, qui était dans sa tête depuis des mois. Charlie qu’elle voulait approcher, sans savoir comment faire. Charlie qui lui avait parlé sur the chart, et qui l’avait rencontrée par la suite. Charlie, qui l’avait vue dans… des positions bien étranges, que ce soit allongée par terre, devant son appart, chat à la main, ou tranquillement assise dans l’un de ces jeux pour enfants. Fallait dire que Noa, c’était souvent une grande enfant. Charlie qui l’avait vue avec des moustaches de chocolat, qui l’avait vue s’humilier, encore et encore, au devant des jeux videos. Bref. Charlie quoi. Elle ne comprenait même pas comment elle avait réussi à la charmer. Peut-être que Marley avait raison, et qu’il fallait tout simplement se lancer… Mais tout de même… Elle avait fait tellement de « gaffes » qu’elle avait longtemps cru que la blonde la prenait pour une amie de délires chelous. Quoique… Peut-être était-ce toujours le cas ?
Sinon, pourquoi l’emmener dans le festival le plus déjanté, mais le plus admiré de toute la côte Ouest ? Coachella, c’était quand même quelque chose. Pour une musicienne comme Noa, ça représentait bien plus que des notes jouées et des chansons criées. Non, c’était le repaire de la musique, là où les chansons pouvaient danser à leur rythme, là où les personnes pouvaient se laisser porter par les univers de chaque groupe, par les mondes qui semblaient ployer sous leur voix, sous les sons de leurs instruments. Coachella… L’an passé, elle n’avait pas pu y aller, toujours chez ses parents. Mais aujourd’hui… Elle ne remercierait jamais assez sa belle pour l’y avoir emmenée, et elle aurait voulu pouvoir tenir la conversation pendant tout le trajet, mais n’ayant pas dormi la veille – parce que trop excitée par le festival, ayant d’ailleurs bien embêté son chat –, elle tomba doucement de sommeil dans la voiture… Chose à ne jamais faire, pourtant, avec Charlie au volant. Parce que la blonde le lui avait déjà confié, une fois. Elle était un danger ambulant, une fois dans un véhicule. Mais bon. Peut-être que la présence de sa chérie sur le siège passager la pousserait à faire bien plus attention ? Qui savait ?
Le trajet dura un certain temps, que Noa ne put pas vraiment compter, mais le réveil resta gravé dans sa mémoire, alors qu’elle sentait les lèvres sucrées de Charlie se poser sur les siennes. Elles avaient beau être en couple, officiellement, cela restait source de rougeur, et la tomate réapparaissait. Nomate la tomate. Hmmmm… Wow. Tu nous as pas tuées. Elle laissa un petit rictus s’emparer de son visage. Après tout, être en couple ne voulait pas dire que les petites vannes disparaissaient, sinon, à quoi bon. C’était toujours amusant, et elle ne voulait surtout pas perdre cet aspect de leur relation. Je suis fière de toi. continua-t-elle, en laissant un gloussement s’emparer d’elle, alors qu’elle sortait de la voiture pour sentir la chaleur s’incruster, climatisation éteinte. Son haut blanc qui laissait apparaitre le ventre lui permettait de ne pas étouffer, mais son short avait beau être en jean, il était noir, et elle avait l’impression qu’on lui faisait cuir le haut des cuisses. Et bien évidemment, sa compagne ne manqua pas de se venger avec une petite pique qui fit sourire Noa. Oh, non, je vais sans doute défaillir. Il va falloir me ranimer avec un baiser. dit-elle, toujours rouge – ben oui, le baiser faisait toujours effet – une main plaquée sur sa tête, mimant une dame en détresse. Mais non. Pas de nouveau baiser. Zut. Elle était presque déçue de ne pas avoir réussi à en obtenir un nouveau, mais fort heureusement, la phrase suivante de Charlie lui provoqua un sourire bien trop grand pour son visage. OH OUIII ! Ca me va. Allez. s’écria-t-elle, alertant au passage d’autres visiteurs se garant ou déballant eux aussi leurs affaires. Oups. Du Noa tout craché. Elle ne s’en rendit même pas compte, tandis qu’elle attrapait un baiser sur la joue, qui lui permettait de conserver cette teinte rouge qui lui allait comme un gant. Il fallait dire qu’elle l’avait bien souvent. Attrapant sac et suivant sa demoiselle, elle finit par l’aider à installer la tente, avant de poser le sac à l’intérieur. Pfiou… Du coup, un verre ? Enfin, c’est toi qui est censée m’invitée, donc, je vais directement répondre : « mais avec joie… j’accepte volontiers. » elle avait ce rire. Ce rire qui résonnerait presque, si le festival n’était pas en extérieur. Après tout, elle était dans l’un des meilleurs endroits au monde, accompagnée de sa Charlie à elle. Après le verre, on va voir quel groupe on veut écouter ? Il y en a plein, et je parie qu’ils ont tous envie de nous faire danser. Bon, je ne suis pas bonne danseuse, tu le sais, mais c’est coachella. Faut profiter. Tant pis si je me ridiculise. Elle passa sa main derrière sa nuque, un peu gpenée. C’est pas comme si j’étais du genre à me ridiculiser… surtout devant toi. C’était vrai qu’elle avait fait fort, avec Charlie. Ou alors cette dernière avait toujours le chic pour arriver pile au bon moment… Mais bon. Peut-être était-ce cet aspect de la personnalité – du personnage, parce que la personnalité ne faisait pas le ridicule – de Noa qui avait charmé Charlie. Charlie qu’elle trouvait toujours si belle… Charlie qui la faisait rêver. Charlie qui était sa copine. Oui, elle n’arrivait toujours pas à le croire. Le jour où c’était arrivé, elle avait littéralement explosé de joie, et le soir arrivant, elle avait partagé son excitation avec sa sœur et son chat… Un peu contre leur gré, d’ailleurs… Mais bon. On lui pardonnait, non ?
Installer une tente n’était en rien un jeu d’enfant, même pour une grande débrouillarde comme elle. Les sardines et les pans de toile lui vouaient une guerre sans merci, au point de lui donner envie de dormir à la belle étoile. Heureusement, Noa était là pour rendre la chose plus agréable, de ses remarques décalées et de ses sourires contagieux. Son pied planta le dernier bout de métal dans la terre poussiéreuse. Elle s’écroula dans leur abri précaire pour savourer l’ombre qui s’y trouvait, non sans tendre l’oreille pour capter les paroles de sa blonde Un doux sourire étira ses lippes, ce petit ange ne cessait de la séduire par son innocente franchise et son esprit enfantin qui lui allait si bien. Lentement, elle se redressa pour poser son regard sur son joli visage. « Tu es meilleure danseuse que moi et puis arrête, tu es magnifique quand tu danses, même sur des musiques Disney. »
Ses bras s’enroulèrent autour de sa taille et son nez se frotta au sien dans un bisou esquimau qui lui fit échapper un rire. Son parfum envahit son monde, happa son attention pour la faire prisonnière de sa présence. Parfois, elle se trouvait bête d’avoir pris autant de temps à franchir le pas à saisir cette opportunité offerte. Comment avait-elle pu rester tranquille en regardant un film, elle dans ses bras, à garder son calme à la sentir blottir là ? Tant de questions qu’il ne fallait plus se poser maintenant, la voilà sienne et c’était amplement suffisant. « Et j’adore quand tu te ridiculises. » compléta-t-elle d’un baiser avant de prendre les sacs. Elle les planqua dans la tente, la ferma et prit la main de Noa pour l’emmener à sa suite.
Il était désormais temps d’aller se désaltérer à grands coups de bières et autres alcools rafraichissants. Ses doigts se resserrèrent sur ceux de sa belle, de peur de la perdre dans cette énorme fourmilière. Il était quasiment impossible de croire qu’elle croiserait Sparrow ou même sa meilleure amie dans toute cette foule. Et peut-être qu’elle en était heureuse, après tout, Noa était présente et elle lui avait promis un week-end en amoureuses. Une promesse qui avait sonné étrange entre ses lèvres, après tout, elle n’y connaissait rien aux relations d’amour, mais la joie de Noa avait réussi à la rassurer. Enfin le stand fut devant ses yeux impatients, elle brandit le poing en signe de victoire et s’en approcha pour commander à boire. « Attention à boire avec modération, sinon tu ne tiendras pas debout pour danser. » Elle conclut le tout d’un clin d’œil, prête à rejoindre les panneaux qui exhibaient endroits et heures de passages.
Charlie était décidément une flatteuse bien douée, de ses petits mots adorables, de ses mimiques si rassurantes, et de ses touchers plus que prometteurs. Elle qui lui disait, à cette demoiselle aux joues des plus rouges, qu’elle était bonne danseuse. Jamais Noa n’avait pu trouver un tel mensonge, dans les paroles de sa belle, et pourtant, elle aimait ce dit mensonge, qui lui assurait de passer un bon moment. La blonde faisait de son mieux pour rassurer sa compagne, cette jeune fille, issue d’une famille religieuse, et qui découvrait le monde autant qu’elle découvrait Charlie. Un sourire, et une remarque attendrissante, et Noa ne put que rétorquer Tu sais que je t’aime, toi ? Oui, ces mots étaient assez frappants. Presque tranchants avec sa timidité. Mais elle tenait à les dire, parce que c’était vrai. C’était probablement l’une des seules pensées dont la jeune femme était sûre. Elle l’aimait. Elle l’avait dans la tête depuis si longtemps, des mois à parler, des mois à se rapprocher, des mois à espérer, et croire sans vraiment oser. Des mois qu’elle bafouait les règles d’une famille difficile, et qu’elle tentait de rêver à ces baisers dont elle avait droit, à ces moments intimes qui devenaient légions, à ces embrassades, câlins et baisers, qui se finissaient en caresses, sans aller bien loin, mais permettant d’échauffer le corps. Des mois. Des mois qu’elle en pensait chaque instant, qu’elle en imaginait chaque moment. Et enfin. Enfin, elle avait ce droit, ce droit si beau, de partager un tel moment avec Charlie. Au diable les pensées des autres, elle était lancée. Femme plus que gamine, en cet instant, en ces instants, elle passait ses lèvres près de celles de sa belle, ne voulant pas lui donner le plaisir de perdre patience et contrôle, pour lui arracher un petit baiser adorable. Mais il va falloir que je t’emmène voir de vraies danseuses, parce que tu n’as clairement pas les idées claires quand tu me dis douée… Et puis les disneys, hein… parlons en… Toi, t’était merveilleuse, quand tu te déhanchais sur Hakuna Mattata. Un petit sourire. Un petit gloussement. De quoi attiser la flamme de sa belle, puisque l’instant d’après, elle se retrouvait à subir son regard carnassier, et ses paroles amusantes, ces dossiers qui trainaient dans leurs esprits à toutes les deux. Et un sourire vainqueur de la blonde, qui parvenait à rendre Noa plus rouge qu’elle n’était déjà. Je vais finir par croire que tu m’aimes parce que je me ridiculise. Et une petite moue. Des joues gonflées. Et un rire éclatant, ne pouvant décidément pas faire semblant avec Charlie. Après tout, si elle était de cette teinte écarlate si souvent, c’était bien pour une raison. Noa était un livre ouvert, son visage reflétait parfaitement ses émotions, en face de celle qui faisait battre son cœur. Du rouge, une moue, ou un rire. Des larmes, ou un sourire. Elle ne savait pas se cacher, elle ne voulait pas se cacher. Elle ne voulait plus se cacher, surtout.
Et alors qu’elles se dirigeaient vers le verre promis, main dans la main, celle de Noa serrant celle de sa belle, comme pour lui dire « ne me lâche pas », comme pour lui dire qu’elle était incapable de se repérer au milieu de la foule, elle ne put s’empêcher de ressentir cette vibration en son cœur, due à ce mélange entre musique et sentiments, dû à ce moment, à cet agréable instant qui se profilait à l’horizon. A ce verre, qui promettait un échange de regards, de baisers, des danses et des chants, des sourires à en pleuvoir. Tu sais à quel point je tiens bien l’alcool, en plus. ajouta-t-elle, tandis qu’elle se souvenait s’être endormie chez Charlie, dans son canapé, après avoir bu avec elle. Chose qu’elle ne voulait pas. Elle aurait préféré être l’une de ces femmes, de ces personnes qui laisse leurs désirs devenir réalité sous l’emprise de l’alcool. Elle aurait préféré embrasser la blonde dans un moment d’effervescence. Mais non. Elle s’était endormie. Ne t’inquiètes pas, tu pourras finir mon verre, si tu veux. Elle passa ses lèvres contre celles de son aimée, dans un geste spontanée, parce qu’une partie de l’alcool coulait déjà en ses veines, et elle regarda les groupes qui passaient, écoutant la musique qui se faufilait jusqu’à ses oreilles. Un son parfait, si bien qu’elle ne s’aperçut pas que son inconscient réagissait pour elle, et la voilà qui se déhanchait doucement, au rythme de la musique. Elle était au paradis. Elle était au paradis, et elle lâcha finalement son verre pour tourner dans tous les sens, sous le regard de sa belle, celle qui devait parfois se demander si elle était normale. Mais non. Noa n’était pas normale.
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Lun 15 Avr - 15:45