i tend to overshare. (devane #2)

Elles lui avaient demandé son avis et Jane leur avait donné son accord. L’histoire aurait pu se terminer là, sur une bonne note. Mais cette famille recomposée n’était que mélodies discordantes et les fausses notes s’enchainaient. Non, la fausse note. C’était elle qui venait régulièrement briser la symphonie mélodieuse, qui gâchait toujours chaque instant. Elle s’en rendait compte, mais c’était plus fort qu’elle. Lorsqu’elle avait découvert la grossesse de Nieves, Jane avait senti la peine l’assaillir. C’était grotesque, elle aurait dû être contente pour la latina. Heureuse pour sa mère. Mais elle n’y parvenait pas. Elle ne parvenait qu’à se focaliser sur sa propre peine, à ruminer en pensant à la vie parfaite qu’aurait ce bébé. Dani était loin d’être une mauvaise mère, contrairement à ce que la jeune femme s’échinait à lui faire croire depuis des années. Elle était gentille, attentionnée, à l’écoute, prévenante. Et des milliers de gamins auraient aimé l’avoir pour mère là où Jane s’était rangée du côté de son père, préférant le challenge que représentait l’accès au cœur paternel plutôt que l’amour déjà acquis de la blonde. Nieves non plus ne serait pas une mauvaise mère. Elle attendait ça depuis si longtemps. Et ce bébé allait arriver au milieu de tout ça, unir leur couple. Il serait leur enfant à toutes les deux, là où Jane n’était que la fille de Dani. Bébé à l’éducation parfaite, il éclipserait bien vite Jane et sa mauvaise humeur, ses piques constantes. Dans moins d’un an, elle n’existerait plus aux yeux des deux femmes qui l’abritaient sous leur toit. A cette pensée, les larmes ne manquaient pas de monter aux yeux de la Hawkins. Et il avait fallu qu’elle l’apprenne le jour de son anniversaire. Futur bébé qui prenait déjà sa place, avant même d’arriver. Alors la violoniste avait quitté la maison, fuyant le foyer familial sous prétexte en prétextant une soirée d’anniversaire, ajoutant que cela leur permettrait de fêter l’annonce de la grossesse toutes les deux. La vérité était toute autre. Personne ne l’attendait et, en réalité, de nombreuses personnes avaient même oublié de lui adresser un message. C’était alors qu’elle parcourait les rues de Los Angeles qu’elle prit conscience que son père ne l’avait pas appelée, ne lui avait pas adressé le moindre message. Elle pinçait les lèvres alors qu’elle dégainait son smartphone, vérifiait une dernière fois si son modèle ne lui avait pas laissé un mot. Mais sa boite de réception était désespérément vide et leur dernière discussion SMS remontait à plusieurs semaines. La gorge de Jane se serrait. Ses doigts s’agitaient de façon automatique sur le téléphone, ouvraient l’une de ses dernières conversations pour adresser ce message : Je vais au Millie’s Cafe sur Sunset Boulevard. On se retrouve là-bas ? Elle n’attendait pas la réponse pour traverser l’ensemble de Silver Lake et aller s’installer dans le café qu’elle avait indiqué. Elle commandait une assiette de pancakes avant de s’installer dans le fond. Elle n’avait même pas faim, mais il lui fallait bien prendre quelque chose pour ne pas être mise à la porte. Jane espérait simplement que Devon allait venir. Pourtant, elle-même ne comprenait pas trop pourquoi c’était elle qu’elle avait contacté – même si elle avait sa petite idée –, alors pourquoi la violoniste prendrait son message au sérieux ?

nugget sur les genoux, je révise patiemment les cours de langue des signes que leah m’enseigne. je ne sais pas combien de temps je vais rester comme ça alors autant tenter de rentrer dans la norme. ça n’a jamais été mon truc mais j’ai pas trop le choix là. je bouge les doigts, tente de me souvenir de ce qu’il m’a dit. j’ai aussi des videos pour m’aider et les feuilles qu’il m’a donné. rien d’autre de prévu pour la journée de toute façon donc je vais potasser ça une heure ou deux, sortir la petite bestiole qui pionce sur moi et ensuite et bien je trouverai un film à regarder ou autre. j’en sais rien. j’vais pas me prendre la tête on est dimanche. cherchant à former parfaitement le mot café de mes mains, je me fais interrompre. par une sonnerie, celle qui me signale l’arrivée d’un sms. j’attrape mon téléphone et vois qu’il s’agit de jane. tiens c’est quand même bizarre qu’elle me contacte. déjà de base et encore plus un jour où on a pas cours avec luana. j’attrape mon portable ce qui réveille le chiot d’ailleurs, et regarde le message. même si ça semble être une demande, j’ai pas franchement l’impression qu’elle me demande mon avis. mais ça m’intrigue. parce que justement si elle cherche tant à me voir, c’est louche. elle me cherche plus ou moins depuis un an, on peut pas dire que ça soit la nana la plus sociable du monde alors là me proposer un café c’est assez fou. sauf que pas le temps de répondre que mon téléphone s’éteint à court de batterie. je soupire et me lève pour aller me préparer rapidement. la seule chose sur laquelle je me questionne, c’est nugget. je ne peux pas le laisser seul. alors je change de sac, j’en prends un plus grand et après avoir installé mes affaires personnelles dans une pochette protégée, je place une serviette sur laquelle je place ma petite bestiole. mon skate récupéré et la porte fermée, je me dépêche de me rendre au café en faisant attention à nugget. je descends de la planche quelques mètres avant l’entrée et ouvre le sac pour voir mon chiot et lui signifier de se taire. il a un peu l’habitude avec moi alors bon… y’a pas de raison. une fois la porte passée je cherche des yeux jane et la voit assez rapidement au fond du café. sa tignasse est reconnaissable c’est pas bien compliqué. un signe de la main et je m’approche d’elle avant de m’installer. je pose mon sac sur la chaise à côté de moi que je ramène pour la coller le plus possible à la mienne. j’en sors mon bloc note et en profite pour caresser rapidement la tête de nugget. “ désolée pour le retard, plus de batterie sur mon tel. ça va ? “ simples mots écrits à son attention sur cette feuille que je déchire et lui tends alors que la serveuse arrive. “ un cappuccino, une tarte aux pommes et un cookie au beurre de cacahuètes s’il vous plait. “ ça fait beaucoup de choses à manger pour moi quand mon me connait. mais le dernier, c’est pour le chiot. j’attends que la serveuse ne s’éclipse pour me concentrer à nouveau sur la raison de ma présence ici.

Ce n’était pas tellement la façon dont elle avait prévu de passer son anniversaire, mais peu lui importait. Elle avait besoin de passer du temps avec quelqu’un et le visage de Devon s’était aussitôt imposé à elle. Comme une évidence. C’était donc elle que Jane avait contacté avant d’aller s’installer dans ce café, priant pour que sa camarade arrive le plus vite possible. La solitude ne faisait qu’accentuer cette impression d’avoir le cœur lourd et ses sentiments étaient exacerbés par ce qu’elle venait d’apprendre : elle allait être grande sœur. Drôle de cadeau. Cela aurait dû la ravir et dans le fond, elle était heureuse de savoir qu’elle ne serait plus la seule enfant de sa mère. Mais cette annonce nourrissait également la peur, jusque là restée enfouie, d’être oubliée. D’être mise de côté parce qu’elle n’était pas l’enfant de Nieves. Si Jane n’entretenait pas une forte relation avec sa mère, il lui fallait toutefois reconnaître que la blonde était la seule qui était restée auprès d’elle. La seule qui n’avait pas fini par lui tourner le dos, malgré le tempérament de feu de la violoniste. La Hawkins fut sortie de ses sombres pensées par l’arrivée de Devon au sein du café. Redressant la tête, elle servit un semblant de sourire à sa camarade, tandis que celle-ci prenant place sur une chaise. « Salut. » lâchait simplement la brune à l’attention de la nouvelle arrivante. La muette ne tardait pas à dégainer son fameux bloc note afin de rapidement y rédiger un mot, pour ensuite tendre la page déchirée à Jane. La brune n’eut même pas le temps de lire la calligraphie de Devon que, déjà, une serveuse arriva à la table. Le second mot fit rapidement son apparition et la Hawkins ne put s’empêcher de lever un sourcil surpris face aux requêtes de sa camarade. Mais au final, peu importait. Devon pouvait bien avoir envie d’engloutir l’ensemble de la corne d’abondance si elle voulait, cela ne la regardait pas. « Bonjour. Ce sera un chocolat chaud avec un muffin à la vanille pour moi, s’il-vous-plaît. » ajouta Jane après que la serveuse ait pris le temps de déchiffrer ce que Devon avait inscrit sur son morceau de papier. La femme acquiesçait avant de tourner les talons et de disparaître. Ce fut au tour de la Hawkins de prendre connaissance des mots de sa camarade. « T’inquiètes, t’es pas en retard. C’est déjà sympa d’être venue. » Jane avait désespérément besoin de voir quelqu’un afin de se changer les idées. Et Devon avait répondu à l’appel. « Ça te dérange pas trop d’ailleurs ? Enfin j’imagine que sinon, tu serais pas là. Mais c’pas mon genre de prévenir à la dernière minute, d’habitude. » Probablement parce qu’elle n’avait jamais proposé de sortie à Devon auparavant. Cela devait jouer. Mais sa présence parvenait à la réconforter, sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi. « J’pète la forme, comme tu peux le voir. Et toi, ça va ? T’as quoi dans ton sac pour que tu le colles à toi comme ça depuis tout à l’heure ? » finit-elle par demander alors que son regard venait s’échouer sur la chaise que Devon avait collé à la sienne un peu plus tôt.