Vous croyez aux coïncidences, vous? ▬ Eva

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Santa Monica n'est sans doute pas mon endroit préféré de Los Angeles, mais c'est le seul qui regroupe et la chaîne de fitness ou j'ai un abonnement, le meilleur glacier de la ville, ma librairie préférée et un coin lounge sur la plage réservé aux résidents de LA. Car oui, depuis que je suis arrivée en Californie, j'ai découvert que je déteste les touristes.

J'ai couru les 10 kilomètres qui séparent mon appartement du fitness en slalomant entre les groupes de vieux en sandales/chaussettes, les asiatiques appareils photos à la main et les jeunes encore saouls de la veille qui pensent que parce qu'ils sont en vacances, se promener à moitié nus dans les rues est permis. J'ai déjà du mal avec l'étalage de viande des locaux qui passent leur vie à la plage, à s’exhiber couvert d'huile et du minimum de tissus possible. Remarquez, si j'avais claqué 10'000$ dans une paire de fesses, je rentabiliserais aussi le merdier.

Même si l'on est lundi matin, le fitness accueille un nombre de clients non négligeable. Surtout des mères de famille et des jeunes adultes actifs. Start-up Nation, comme dit mon banquier. J'ai peur de devoir presque me classer dans cette catégorie. Ça doit être ça, le rêve américain. Il y a six mois je galérais à tenir ma boutique en étant au four et au moulin et maintenant je me contente d’élaborer les recettes pendant que des petites mains produisent et vendent en mon nom. Le fitness n'est en fait qu'un prétexte pour utiliser les douches, mais je donne quand-même le change en faisant quelques abdominaux et du gainage. 15 minutes plus tard, je file sous le jet rafraîchissant qui en plus de me laver emporte la culpabilité de ma nuit top arrosée. J'ai encore un léger mal de tête, mais je dois bien assumer mes excès.

C'est fraîche et dispose que je vais dans ma librairie préférée. Le personnel y est de bon conseil et comme l'établissement est petit, on se souvient des clients réguliers et j'aime ne pas être une inconnue. Je me laisse conseiller un livre qui, selon de libraire va me plaire. Je n'ai encore as eu affaire à lui, mais il doit se baser sur mon compte client pour me sortir un bouquin du lot. Vu l’œillade appuyée qu'il me lance, je me doute que le livre doit être au minimum érotique. Je ne regarde pas le titre et j’entraperçois à peine l'auteur: Evy. Je me désintéresse rapidement du jeune homme, histoire qu'il ne se fasse pas de film. Je sélectionne aussi le dernier livre de Maxime Chattam que le magasin propose aussi en français. Je le pose avec une certaine brusquerie sur le comptoir, regrettant ne pas avoir un panneau indiquant: lesbienne, arrête ta drague à deux balles. Je devrais avoir un mini drapeau gay sur moi... Je paie, remarque qu'il a inscrit son numéro de téléphone sur la quittance et la jette ostensiblement dans la poubelle à côté du comptoir.

« Connasse» l'entends-je murmurer.

« Non, lesbienne» le corrigeais-je de suite, avec effectivement un sourire de connasse.

Je le temps de voir son regard mortifié avant que la porte ne se referme. Assez satisfaite de moi, je traverse la rue pour entrer chez le glacier le plus en vue de la ville. Je soupire en voyant le troupeau de touristes qui prend des photos, smartphone à la main. Heureusement je repère vite Kelly, l'une des serveuses, qui me remarque et se dirige vers moi, faisant fit des autres clients.

« Laeti, comme d'habitude?» demande-t-elle tout sourire.

« Tu es en amour, Kelly»

Je la gratifie d'un sourire enjôleur, extrêmement satisfaite. Ce traitement de faveur n'est visiblement pas du goût d'une femme qui se penche vers ce qui doit être son mari.

«Elle peut pas faire la queue, comme tout le monde, celle-la?»

Je reconnais du français. 4 ans dans la capitale française et je le parle couramment. Je la regarde et lui réponds donc dans sa langue.

« Vous avez l'impression que je suis "tout le monde"?» Je récupère ma glace, cerise-chocolat noir, la paie et envoie un baiser à Kelly qui se penche par-dessus l'étal pour m'embrasser. C'est la fille du patron, elle peut se permettre quelques familiarités. « Et je ne suis pas très queues...»

Je ricane devant l'air outré de la bonne femme et je sors en mangeant tranquillement ma glace. Comme d'habitude, c'est divin et ça dure pile le temps du trajet jusqu'au Lounge Resident de Santa Monica. Je montre ma carte du Club au vigile qui garde l'entrée et je me laisse placer par un serveur à qui je commende une bouteille d'eau. Le contraste entre le côté public, bruyant et dénudé et l'ambiance calme et cosy est vraiment appréciable. Je me coule dans le fauteuil relaxe auquel on m'a conduit avec un soupire de contentement. Il y a déjà une femme en face de moi et je ne peux m'empêcher de la détailler. Heureusement que mes lunettes de soleil cachent mes yeux. Je fais mine d'avoir le regard perdu dans le vague, au cas ou elle verrait quand-même mon regard. Elle est très classe, je l'imagine de suite femme d'affaire, dans la finance ou le spectacle. Elle a un brin d'excentricité que je n'arrive pas à définir. Ça ne se voit pas sur elle, mais je le ressens. À vue de nez, elle doit avoir la même taille que moi, au-dessus du mètre soixante-dix. Je dois m'arrêter sinon je risque de paraître impolie. J'enlève donc mes lunettes de soleil pour mettre celles de vue et je sors mes deux livres nouvellement acquis.

« Bonjour » dis-je en souriant. « Je ne sais pas par lequel commencer... J'ai peur qu'avec Chattam je passe mon temps à dépecer des femmes... »

Je prends une gorgée d'eau qui me fait un bien fou et efface les derniers stigmates de ma gueule de bois.