please, tell me she's ok (alix & rose)

Plus de nouvelles de Felix depuis janvier. J’ai bien pensé lui envoyer un sms pour lui demander si tout allait bien, mais ça aurait été déplacé. Parce que depuis quatre ans, notre lien est ce qu’il est, contractuel. Un contrat officieux bien sûr, moral, si on peut dire ça. Mais c’est tout bonnement un échange de service contre de l’argent. Je ne suis pas fière de l’avoir employée tout ce temps, de l’avoir appelée maintes fois juste pour m’évader, avec elle. Mais c’était elle et seulement elle. Depuis janvier, ma vie sexuelle est d’un calme alarmant. Mais je n’en ai même pas envie, tout ce que je voulais c’était elle, sans m’en convaincre vraiment, sans oser assumer ce que je pouvais - peux - ressentir pour elle. Je ressasse en boucle notre dernière altercation, la gifle que je lui ai mise par colère, par orgueil, et j’entends encore ses mots, durs, alors que je ne voulais que l’écouter, la protéger. Belle connerie. Au final, je crois que j’étais bien la seule à avoir développé ces sentiments au delà du contrat. C’est plus facile de le croire en tout cas.

Mais lorsque je suis tombée sur ces coupures de presse hier en attendant dans la salle d’attente de mon osthéo, tout a été remis en cause. Mes yeux ont dévalé les lettres, les mots, absorbé chaque information concernant cette famille, cette actrice dont j’avais vaguement entendu parler, ses jumeaux Alix et Felix, dont le garçon a été incarcéré. La photo ne trompe pas, je ne suis pas en plein délire. C’est bel et bien Felix, je m’y suis reprise à trois fois. Tout s’explique, et cet argent dont elle avait besoin si fréquemment, c’était pour lui, pour eux, sans doute pour payer l’avocat, j’en sais rien. Tout prend un sens, différent de ce que j’avais pu imaginer. Jusqu’à présent, j’avais fait en sorte de garder une distance un peu spéciale entre elle et moi, elle ne me parlait pas d’elle, je ne lui parlais pas de moi. C’était le deal. Mais aujourd’hui tout est bousculé et son absence me pèse. Alors sur un coup de t^te je trouve l’adresse de ce frère jumeau, Alix, et me pointe chez lui, mon garde du corps encore dans la voiture qui m’attend au coin de la rue. J’ai enfilé une tenue passe-partout, une casquette et des lunettes de soleil. Je sonne, prétexte une livraison, et me retrouve devant la porte de l’appartement du jeune homme. Il ouvre, et je prends conscience de la ressemblance qui me frappe en plein coeur. Je retire casquette et lunettes et tente le tout pour le tout. « Bonjour Alix, je suis désolée de te déranger, est-ce qu’on pourrait discuter un moment ? Je suis… une amie de Felix, je sais ça doit te sembler étrange, mais j’ai pas de nouvelles d’elle et je m’inquiète… » Au moins, les cartes sont posées, j’espère qu’il sera un peu moins farouche qu’elle ne l’est.

Je n'arrive pas à croire que j'ai une semaine de vacances. Je bosse à la F-Alliance depuis à peine quatre mois et on m'a filé quelques jours de vacance. A moins que ce soient des jours fériés ? J'ai jamais su quand tombaient les jours fériés, même avant que j'aille en prison, quand j'étais au lycée, j'étais incapable de dire quand tombaient les jours fériés ou les vacances. J'ai toujours eu du mal à dire ne serait-ce que le jour qu'on est. Mais est-ce vraiment si important ? Pas aujourd'hui. Je me lèves, je ne sais pas quelle heure il est, je regarde même pas. J'enfile un jean qui traîne, histoire de pas traîner en caleçon dans l'appartement. Même si au fond c'est pas utile. J'ai entendu Felix partir un peu plus tôt. Elle doit probablement être partie faire des courses, ou alors à l'université. Ah du coup si elle est en cours, c'est qu'on est pas un jour férié. Bon, franchement on s'en fout.

Je vais dans la cuisine et attrape une boîte de céréales avant de me caler dans le canapé, les pieds en éventail sur la table basse. J'allume la télévision et je regarde des programmes au hasard. En fait je regarde pas vraiment. J'ai le regard dans le vague, je suis encore à moitié endormi. J'aurais du me faire un café. Pourquoi j'ai pas pensé à me faire un café ? Tant pis. J'ai jamais vraiment aimé ça de toute façon. En fait je m'ennuie. Ma vie m'ennuie. Je suis sorti de prison mais pour quoi ? Jouer le réceptionniste dans une boîte d'avocats, puis passer le reste du temps dans mon canapé à regarder des émissions à la con à la télévision. C'est triste. Je dois me remettre dans le bien. Putain. Faut vraiment je m'envoie en l'air. Ça me manque de m'envoyer en l'air.

Je finis par soupirer et me lever. Je repose le paquet de céréales dans la cuisine et je vais me laver les dents d'un pas traînant. Au moins il y a un point positif à être sorti: c'est que j'ai la salle de bain pour moi tout seul. Bon, ok, je dois encore la partager avec ma sœur. Mais je préfère encore ça plutôt que de partager avec toute une prison. Je suis dans la salle de bain quand j'entends frapper à la porte. « Me dit pas que t'as encore oublié tes clés ! » je m'exclame après avoir craché le dentifrice dans le lavabo. Mais ça continue de frapper. En râlant je quitte la salle de bain et me rends à la porte d'entrée, les clés à la main. « J'arrive, j'arrive, c'est bon, dét- » Je m'arrête en plein milieu de ma phrase, parce que j'ai ouvert la porte et que je ne suis pas devant ma sœur. Au lieu de ça il y a une grande femme, du genre grande brune super classe. Sa tenue est plutôt simple, mais pas besoin de haute-couture pour qu'elle soit élégante. Elle me dit qu'elle est une amie de Felix et qu'elle s'inquiète parce qu'elle n'a pas eu de nouvelles depuis un moment. J'avoue que je suis un peu perplexe. Felix ne m'a jamais parlé d'elle, et j'avoue que j'ai du mal à voir comment elle pourrait être amie avec une femme qui a l'air d'avoir deux fois son âge. Quoique... au lycée j'ai bien couché avec mon prof qui avait le double de mon âge. Felix a pu suivre l'exemple de son frère... « Euh, bonjour » je réponds, l'air hagard. Je suis toujours torse nu au passage, je devrais peut-être me fringuer. « Ouais, on peut carrément discuter. Après vous pouvez aussi rentrer et attendre Felix à l'intérieur. Elle est partie faire des courses je crois, elle devrait pas tarder à revenir. » je reprends en haussant les épaules avant de m'écarter légèrement de la porte, l'invitant ainsi à rentrer. « Je m'apprêtais à faire du café si vous voulez... »

Je suis stressée, mais je dois faire en sorte que ça ne se sente pas. Je sais faire ça, c’est mon métier. Alors c’est le plus simplement possible que je me présente devant la porte du frère jumeau de Felix, un léger sourire au coin des lèvres. Je me présente le plus simplement du monde. La porte s’ouvre à la volée, je pense qu’il ne s’attendait pas à me voir. Mon regard glisse sans le vouloir sur son torse. Nu. Mais ça me fait carrément ni chaud ni froid. Et puis, c’est le frère de Felix après tout. « Ouais, on peut carrément discuter. Après vous pouvez aussi rentrer et attendre Felix à l'intérieur. Elle est partie faire des courses je crois, elle devrait pas tarder à revenir. » Mon coeur s’emballe quand je comprends qu’elle vit aussi ici. Avec son frère. Ok là je sais pas si c’est l’idée du siècle d’entrer chez eux et d’être là quand elle rentrera. Mais trop tard, je suis là je ne vais pas reculer. Alors j’entre et le laisse refermer la porte derrière moi, pendant que mon regard se pose un peu partout dans l’appartement. « Je m'apprêtais à faire du café si vous voulez... » « Avec plaisir oui, merci. »[/color] Je reste sagement dans le salon, sentant mon coeur se serrer en voyant quelques vêtements de Felix qui traînent sur le dossier du canapé. J’effleure le tissus du bout des doigts, je connais ce t-shirt, pour le lui avoir retiré plus d’une fois. Mon coeur s’emballe et je me reprends. « Ça fait longtemps que vous vivez là tous les deux ? C’est sympa… » Je le rejoins dans le coin cuisine pour éviter de m’asseoir quelque part sans y avoir été invitée. « Elle… va bien ? C’est con de demander ça comme ça je sais, mais la dernière fois qu’on s’est vues on s’est pas mal pris la tête et depuis j’ai pas eu de nouvelles et j’ai eu peur d’en prendre. Du coup j’ai tenté le tout pour le tout en venant ici… » Je ne sais pas à quoi je joue, je sais que c’est dangereux, pour moi, pour elle, même peut-être pour lui. Je ne sais pas de quoi il est au courant à propos des activités de sa soeur, ni même si il sait que j’ai payé une bonne grosse partie de son avocat. Je ne pense pas, mais je ne peux pas être sûre. En attendant, je le laisse finir de faire le café. Je sais toujours pas vraiment ce que je fous là, sans doute le besoin d’apprendre à connaître Felix d’une autre manière. Peut-être aussi qu’elle me manque, tout simplement.

J'avoue que j'ai du mal à comprendre ce qu'il se passe exactement. Et je suis du genre assez curieux. Alors j'ai envie de tout savoir. Surtout que je sais que Felix me cache des choses, j'en suis conscient. Mais chacun à droit à son jardin secret pas vrai ? Je lui ai pas raconté tout ce qu'il s'était passé en prison après tout... Je lui ai pratiquement rien raconté à vrai dire. Et tout ce que je lui ai raconté - ou presque - c'est des mensonges. Parce que je veux pas qu'elle s'inquiète pour moi. Et si elle me cache des choses, je sais bien que c'est pour la même raison. Alors je suis un peu partagé. Je devrais peut-être pas chercher à savoir. Mais bon, maintenant que son "amie" est là, je vais quand même pas lui claquer la porte au nez ! Alors je la fait entrer et je lui propose un café, ce qu'elle accepte. Ce n'est qu'une fois qu'elle est à l'intérieur que je capte que je suis torse nu. En soit je m'en fous, je suis très à l'aise avec mon corps. Je pourrais aussi bien être nu que je m'en foutrais. Mais je doute qu'elle soit du même avis. Alors j'attrape un tee-shirt qui traîne par là - je crois qu'il est à Felix mais tant pis, ça me va plutôt bien - et je met la cafetière en route. « Ça fait longtemps que vous vivez là tous les deux ? C’est sympa… » Je ne peux m'empêcher de rire. C'est une façon si polie de dire que l'appartement est ridiculement petit ! « Je suis arrivé en janvier. Felix elle je sais pas trop, ça doit faire quelques années je pense ? » Mais est-ce qu'elle ne devrait pas savoir où Felix habite si elles sont amies ? Enfin je sais pas, c'est louche. Enfin pas que je me sente menacé ou en danger, loin de là. Juste... étrange. « Mais on devrait bientôt déménager, pour un appart' un peu plus grand. Faut juste que la troisième colocataire confirme qu'elle sera des nôtres mais à part ça... » Je suis pas certain de pouvoir étaler notre vie devant cette femme. Vaut mieux que je me concentre sur le café. Pendant que je sors les tasses et que je les remplis, elle se met à me raconter qu'elle s'inquiète pour Felix, que la dernière fois qu'elles se sont vues elle se sont engueulées et que c'est pour ça qu'elle n'oses pas aller lui parler directement. J'avoue que je ne sais pas trop quoi en penser. Je pose les tasses sur le comptoir de la cuisine et enlève le bordel qui traîne sur les tabourets de bar pour l'inviter à s'y asseoir, ce que j'aurais déjà du avoir fait. Jouer les hôtes parfaits c'est pas trop mon truc. « Oui, oui, elle va bien. Enfin, elle vit sa vie quoi. Je suis pas du genre à me mêler des affaires des autres. Y compris celle de ma sœur. » J'espère ne pas paraître trop impoli ou quoi, parce que c'est pas du tout mon intention. Je sais pas grand chose sur ce que fait ma sœur, ou sur ses amis, les endroits où elle fait la fête ou même si elle fait la fête. Je sais juste que quand on est ensemble elle est... normale. Elle est elle. Alors je voudrais pas dire n'importe quoi à ... à... hum. « Comment vous avez dit que vous vous appeliez ? » je demande finalement. Je suis pas certain qu'elle se soit présentée en fait. Et c'est étrange, j'ai presque l'impression de la connaître. Je sais pas d'où. « Parce que si vous voulez pas rester ici pour l'attendre, avoir votre nom ce sera plus simple pour lui laisser un message ! » je lance avec un petit sourire. Je suis pas sûr que ça puisse compter pour une blague mais bon, on va faire semblant que oui. « Et vous vous connaissez d'où au fait ? Parce que... enfin... vous ne faites pas tout à fait partie de... la même tranche d'âge. Sans vouloir vous vexer ! » J'ai pas pu m'en empêcher, j'ai trop envie de savoir.

« Je suis arrivé en janvier. Felix elle je sais pas trop, ça doit faire quelques années je pense ? » Il a pas l’air bien au courant. En même temps, il était en prison, ça explique pas mal de choses. Je me contente d’un petit sourire, accompagné d’un hochement de tête léger, signe que j’ai entendu la réponse, histoire de ne pas rester sans rien dire et sans bouger. « Mais on devrait bientôt déménager, pour un appart' un peu plus grand. Faut juste que la troisième colocataire confirme qu'elle sera des nôtres mais à part ça... » Je le regarde et j’ai l’impression de sentir une certaine suspicion de sa part. Pourtant, je suis quasiment certaine que même à son jumeau elle n’a pas parlé de moi. Il aurait tilté si ça avait été le cas, je ne crois pas être quelqu’un de banal, même habillée comme madame tout-le-monde. J’explique quand même au jeune homme la situation, et surtout la raison pour laquelle je suis inquiète. Il débarrasse le bar et m’invite à m’y asseoir, ce que je fais sans tarder. « Oui, oui, elle va bien. Enfin, elle vit sa vie quoi. Je suis pas du genre à me mêler des affaires des autres. Y compris celle de ma sœur. » Je me pince un peu les lèvres, je sens que je vais pas pouvoir avoir beaucoup d’informations de la part du jeune homme. « Comment vous avez dit que vous vous appeliez ? » Je pose mon regard dans le sien, un peu troublée de voir à quel point ils se ressemblent, quand même. « Rose. » Je n’ai pas envie de mentir, même s’il devait faire le rapprochement, me reconnaître, et se demander comment sa soeur pourrait bien être amie avec une femme comme moi, peu importe après tout. « Parce que si vous voulez pas rester ici pour l'attendre, avoir votre nom ce sera plus simple pour lui laisser un message ! » Je réponds avec un sourire, plus modéré que le sien actuellement. « C’est sûr oui. » J’ai du mal à imaginer comment elle pourrait réagir si son frère lui dit que je suis venue ici. « Et vous vous connaissez d'où au fait ? Parce que... enfin... vous ne faites pas tout à fait partie de... la même tranche d'âge. Sans vouloir vous vexer ! » Et voilà la question que je redoutais. Je ris un peu, même si je n’ai pas envie de rire, mais que voulez-vous, je suis une actrice et je sais très bien faire semblant. « C’est une question légitime, et ça ne me vexe pas, je suis consciente de mon âge. » Je hausse un peu les épaules, cherchant rapidement une manière de lui répondre. « C’est un concours de circonstances en fait, on s’est rencontrées à une soirée, y’avait tous les âges, on a discuté, sympathisé. Elle m’a beaucoup touchée, j’ai senti quelque chose en elle, quelque chose comme un peu… brisé ? » Je penche la tête sur le côté, plissant légèrement les yeux tout en le regardant. « Elle ne s’est jamais vraiment confiée sur sa vie, on parlait de tout et de rien, rien de très personnel au final. Je l’ai aidée quelques fois, financièrement, j’ai compris récemment que c’était pour payer les frais d’avocat qu’elle bossait comme une acharnée. » Je lui offre un léger sourire. « J’ai appris ton existence que très récemment, c’est pour ça aussi que je suis là. Un peu de curiosité, et puis j’ose pas prendre des nouvelles d’elle directement, alors je me suis dit que je pourrai passer par toi… » C’est un peu lâche oui, mais c’est pourtant la vérité.

Est-ce que c'est mal si je la met dehors ? Parce que j'en ai très envie là. Pas qu'elle m'ai fait un truc en particulier, c'est juste que j'ai l'impression d'être embarqué dans une histoire étrange à laquelle Felix voulait visiblement pas que je sois mêlé. Sinon elle m'aurait parlé de cette femme apparemment blindée qui aurait payé mon avocat. D'ailleurs je suppose qu'elle sait parfaitement pour quoi cet avocat était nécessaire exactement. Et j'avoue que parler de mon passé avec des inconnus, c'est pas mon activité préférée. Alors j'avoue que là je ne sais ni quoi dire, ni quoi faire. « Merci de l'avoir aidée » je commente alors. Ouais, commencer par là c'est pas mal. Mais la prochaine étape c'est confronter Felix une bonne fois pour toute pour qu'elle m'explique exactement ce qu'il en retourne. Je veux savoir tout ce qu'elle me cache, si je dois y être mêlé, autant que je sois au courant, pas vrai ? « Quant à Felix, comme je vous l'ai dit, je sais pas grand chose. D'après ce que vous racontez, vous êtes bien placée pour savoir qu'elle est pas du genre à s'étendre sur sa vie. » Bon, certes, en général je suis l'exception qui confirme la règle, Felix est censée tout me raconter, et je suis censé en faire de même. Mais ni elle ni moi n'avons réellement parlé. On a fait nos vies tranquillement, comme si de rien n'était, comme si j'avais pas passé un peu plus de six ans derrière les barreaux. Encore un truc sur lequel je vais devoir la confronter, sauf que pour le coup c'est moi qui devrait parler, parce que je lui cache aussi des choses. Mais c'est pas le moment de penser à ça. Pour l'instant il y a une certaine Rose dans l'appartement que je partage avec ma sœur. Une Rose qui après avoir rencontré ma sœur à une soirée s'est mise à être touchée, à l'aider financièrement et qui s'est disputée avec elle, et maintenant elle s'inquiète et cherche d'avoir des nouvelles par tous les moyens. Y a de quoi se poser des questions. « Moi aussi je suis curieux » je reprends finalement, après avoir bu quelques gorgées de mon café. « Vous couchez avec ma sœur ? » je demande finalement de but en blanc. Ouais, c'est bon, j'arrête de tourner autour du pot.

« Merci de l'avoir aidée » Merde. Y’a peut-être des infos que je n’aurai pas dû donner. Je le sens méfiant maintenant. Fait chier, j’ai perdu une occasion de me taire. En général je ne suis pas la plus bavarde qui soit, mais là j’avoue que je me sens totalement désemparée depuis que je n’ai plus de nouvelles de Felix. Elle faisait partir de mon quotidien, de mon équilibre, et tout s’est envolé le jour où elle a passé la porte de la maison. Je n’y suis pas pour rien, mon geste était déplacé, je n’aurai jamais dû la gifler, mais elle a poussé le bouchon un peu loin aussi. Concours de circonstances, enchaînement de faits, toujours est-il que nous en sommes là actuellement, au néant. « Quant à Felix, comme je vous l'ai dit, je sais pas grand chose. D'après ce que vous racontez, vous êtes bien placée pour savoir qu'elle est pas du genre à s'étendre sur sa vie. » Je me pince un peu les lèvres. « J’avais espéré être un cas isolé. Qu’avec son frère jumeau elle se confierait davantage, je me suis trompée. » Je ne connais pas Felix, et je m’en rends davantage compte en discutant avec son frère. Je soupire légèrement, prenant conscience que je n’aurai pas plus d’informations que ça, c’est un coup d’épée dans l’eau, visiblement. Je finis mon café presque d’une traite, prête à partir, puisque de toute manière j’ai la sensation de le déranger, et que de toute manière je n’en saurai pas plus, mais le jeune homme reprend la parole sans trop tarder. « Moi aussi je suis curieux. Vous couchez avec ma sœur ? » J’ouvre grand les yeux, arborant un air choqué. Je crois qu’une vague de chaleur désagréable s’empare de tout mon être, faisant rosir mes joues sans le vouloir. Mais merde reprends-toi ! Je secoue alors la tête, très rapidement. « Non quelle idée ! » Et puis quoi aussi ? Je vais pas lui dire quelle position sa soeur préfère non plus ? « Je… je suis mariée, et quand bien même, Felix a la moitié de mon âge ! » Je fronce les sourcils et continue de secouer la tête. « Bien sûr que non. » Pour un jeu d’actrice, ça laisse clairement à désirer. Mais c’est l’effet Felix ça, c’est pas nouveau, elle me met dans tous mes états. « Et puis en plus je vois pas le rapport ! » Vas-y enfonce toi !!!

Toute cette histoire me semble complètement dingue. Une amie de deux fois son âge qui lui file de l'argent et avec qui elle s'est disputée ? C'est bizarre. D'autant plus bizarre que Felix ne m'en a absolument as touché un mot ! C'est vrai que ces derniers on vit un peu notre vie chacun de son côté mais bon quand même ! Alors oui ça m'intrigue beaucoup tout ça. Et la confrontation avec Felix sera inévitable, j'en ai bien peur. Avant que ça n'arrive, autant que je choppe le plus d'infos possible auprès de cette femme. Et à voir sa réaction, j'ai clairement tapé dans le mille ! Sa réaction est à mourir de rire. Cette Rose n'a rien d'une comédienne, c'en est carrément risible. « Arrêtez un peu la comédie, c'est franchement pas votre truc ! » je m'exclame en me retenant de rire. « Ecoutez, ce n'est pas moi qui vais vous juger ou quoi que ce soit. A quinze ans je m'envoyais un type qui en avait genre trente. J'avais la moitié de son âge et en plus c'était carrément illégal. Ah et il était marié, à une femme. Alors croyez-moi, c'est pas moi qui vais vous juger ! » je lâche finalement, tentant de la rassurer un peu. Je préfère ne pas dire que je couchais avec mon professeur. Je ne sais pas s'il est toujours marié, ou même s'il est toujours professeur, et si tel est le cas s'il enseigne toujours à Los Angeles ou non. Mais dans tous les cas, je ne veux pas lui porter préjudice. Après tout on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. « Et le rapport c'est qu'il y a une différence entre amie et amante. Et peut-être que si vous me dites exactement ce qu'il se passe ou s'est passé entre vous, peut-être que là je pourrais vraiment vous aider. » Et oui, j'ai bien envie de savoir si ma chère soeur s'est mise à suivre les traces de son frère en couchant avec quelqu'un du même age, deux fois plus vieux et déjà marié. Franchement Felix, quelle originalité !

Il me prend totalement de cours, je n’aurai pas pensé qu’il puisse me poser cette question de manière aussi naturelle. Alors je panique un peu, et j’ai beau être une des meilleures dans mon domaine de compétences, ça ne m’empêche pas de m’emmêler un peu les pinceaux. Un peu beaucoup, au vue de la réaction du jeune homme. « Arrêtez un peu la comédie, c'est franchement pas votre truc ! » J’ouvre un peu plus grand les yeux, surprise par ses mots. C’est bien la première fois qu’on me dit ça. Ça ne pouvait être qu’en rapport avec Felix, elle aura bien bouleversé ma vie cette gamine… Je secoue un peu la tête comme une enfant qui continue de mentir même lorsqu’elle est démasquée. Je jeune homme me raconte une partie de son histoire, en tout cas celle qu’il a vécu étant plus jeune avec un homme qui avait deux fois son âge. Je vois que c’est une épidémie chez les Turner. Je ne le lâche pas des yeux, mais n’avoue pas pour autant. « Et le rapport c'est qu'il y a une différence entre amie et amante. Et peut-être que si vous me dites exactement ce qu'il se passe ou s'est passé entre vous, peut-être que là je pourrais vraiment vous aider. » Je secoue à nouveau légèrement la tête. « Tu te fais des idées Alix, vraiment. Ça te rassurerait peut-être de savoir que ta soeur a pris le même chemin que toi, mais je t’assure que ce n’est pas le cas. » Mentir c’est mon métier, c’est ce que je fais depuis presque toujours. Il m’a prise de cours une fois, mais je ne me laisserai pas avoir. Il peut avoir des doutes, tant pis. Je ne m’abaisserai pas à avouer cette relation qui pourrait mettre en péril l’intégralité de mon existence. « Felix est une amie, rien de plus qu’une amie. Je me suis beaucoup attachée à elle et je m’inquiète pour elle, il n’y a rien d’autre de plus que ça. » J’espère être plus convaincante cette fois-ci. Et il a beau dire qu’il pourra m’aider davantage si je lui dis la vérité, je ne crois pas que ce soit le cas. « Bon, si tu me dis qu’elle va bien c’est le principal. Je t’embête pas plus longtemps. » Je commence à me lever, oui c’est une sorte de fuite, je ne me l’avoue qu’intérieurement. « S’il te plait ne lui dis pas que je suis passée. Ça risquerait de la mettre en colère. » Je soupire un peu, avant d’ajouter. « Merci de m’avoir accueillie Alix. Prend soin de toi. De vous. » Je lui adresse un léger sourire bienveillant et me rapproche de la sortie.

Elle nie encore, elle nie en bloc. Et franchement qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Tant pis si elle veut pas être honnête alors que c’est carrément écrit sur son visage qu’elle a une histoire avec Felix. Mais je vais pas non plus insister pour lui tirer les vers du nez. J’ai clairement pas envie de me prendre la tête. « OK. » je dis en levant les yeux au ciel quand elle m’affirme encore une fois qu’elles ne sont qu’amies. Peu importe. C’est pas moi qui ai des problèmes avec Felix, et je connais même pas cette femme, alors non, j’me prends pas la tête. « Bon, si tu me dis qu’elle va bien c’est le principal. Je t’embête pas plus longtemps. S’il te plait ne lui dis pas que je suis passée. Ca risquerait de la mettre en colère. » reprends alors Rose. Putain, c’est carrément le bouquet ! Je suis censé mentir à ma soeur pour une “amie” ? La blague. De toute façon il est hors de question que je me laisse embarquer dans leurs histoires. Mais je n’ai pas le temps de le lui préciser qu’elle reprends, s’approchant de la sortie. « Merci de m’avoir accueillie Alix. Prends soin de toi. De vous. » Je la regarde, comme en pleine réflexion, avant de finalement soupirer. « On va déménager. Bientôt. Très bientôt. Alors si vous voulez… arranger les choses avec votre “amie”, ne tardez pas trop. » je réponds, en mimant carrément les guillemets. Je sais pas si j’ai bien fait de lui en parler mais bon, ce qui est fait est fait. De toute façon maintenant, que je le veuille ou non, je trempe dans toutes leurs affaires. Alors bon... je suis plus à ça près. « Sur ce, bonne journée. »