et elle a fini par me transpercer le coeur. (winneya #1)

je ne sais pas ce que je fous ici. qu’on soit bien d’accord, je n’en ai aucune idée. j’ai fui cette ville pour une bonne raison. à cause d’elle. parce qu’elle s’est mariée. mais pas que. je me suis fourvoyée, enfermée dans cette vie qui ne me correspondait pas. j’ai pris la poudre d’escampette avec une excuse qu’on m’a servi sur un plateau. il n’y a pas eu un seul jour où je me suis dit que c’était une mauvaise idée de partir. j’ai assumé mes choix, j’ai découvert de nouvelles choses, de nouvelles personnes. tout était bien. ma famille me manquait, mes amis aussi mais j’avais de leurs nouvelles. pourtant, lorsqu’elle m’a appelé pour me dire que ça n’allait pas. qu’elle, notre amie n’allait pas bien, je n’ai pas hésité. il fallait que je le fasse, que je remette les pieds dans cet enfer. mais je me sens prête. enfin je crois. je ne les ai pas encore revues, nu l’une, ni l’autre. rapidement mes parents par contre. et ma famille de coeur. je n’ai pratiquement pas quitté cet appartement. mon ancien appartement que j’avais toujours. voilà peut être une preuve que je comptais revenir finalement. j’en sais rien… je sais juste que je suis bien contente de l’avoir encore. et sans aucuns dégâts. heureusement que je n’habitais pas dans un quartier huppé parce que niveau loyer je n’aurai pas pu le supporter. je n’ai pas besoin de grand chose pour vivre. de toute façon pendant les mois où je suis partie, je n’avais qu’un sac à dos. et c’est à peu près toutes les affaires qui me sont nécessaires et qui m’importent. puis de toute façon avec ma moto je ne pouvais pas prendre plus d’affaires que ça. mais c’est bien, ça m’apprend à faire des choix, à ne pas être trop matérielle. c’est une nouvelle façon de voir les choses. je n’ai jamais été dépendante des objets mais c’est encore moins le cas maintenant. j’ouvre les fenêtres après avoir étendu ma lessive et m’attaque à la cuisine. j’ai fait les courses ce matin et ce n’était pas du luxe. depuis que je suis rentrée je me suis nourrie exclusivement de plats tout faits, livrés ou à emporter. ça me change d’avoir de la bouffe dans le frigo et les placards. mais maintenant que j’ai pu trouver un job dans le garage à deux pâtés de maisons de chez moi, je peux enfin me poser. et reprendre ma vie en main. du moins ça c’était jusqu’à ce qu’on sonne à la porte. porte que j’ouvre pour me retrouver face à flore et… winnie. ” qu’est ce que vous faites là ? “ au vu du sac que ma meilleure amie me tend après avoir poussé winnie chez moi, elle est venue pour une livraison. ” mais qu’est ce que tu fais… “ et elle se barre après m’avoir dit qu’elle n’avait pas le choix. euh d’accord… le sac à la main, je reste figée quelques secondes en regardant le palier vide avant de me tourner vers elle. celle qui est restée… ” je… comprends pas. qu’est ce qu’il se passe ? tu vas bien ? “ foutue idée que de penser que j’étais guérie. je ne le suis pas. pas du tout. rien que de la voir accélère mon rythme cardiaque de manière considérable.

« Où est-ce que tu m’emmènes, Flore ? » J’ai sûrement posé la question une dizaine de fois mais jamais ma meilleure amie ne m’a répondu. Elle m’avait envoyé un message, m’avait ordonné de préparer un sac avec des affaires pour quelques jours sans me donner plus d’explication et j’avais obéi, incapable de lui refuser quoique ce soit. Soulagée, surtout, d’échapper à l’ambiance pesante et lourde de ma maison. J’avais prévenu Vincent du bout des lèvres, sur le pas de la porte de la cuisine et il avait seulement acquiescé. Il m’avait lancé un regard et j’étais restée dans l’expectative de quelque chose de plus. De quelque chose d’autre. Mais je n’avais eu le droit qu’à un sourire un peu triste, comme s’il avait de la difficulté à retrousser ses lèvres comme autrefois. Alors je suis partie de chez moi le cœur en berne, les yeux pleins d’eau et les lèvres sèches. Le voyage s’est passé dans un silence relatif, entrecoupé seulement de mes questions curieuses dont je n’attendais pas forcément la réponse. J’étais surtout épuisée. Mon cœur était lourd comme un rocher. Je prends à peine conscience de la route que nous empruntons, le regard perdu dans un paysage que j’aurais pourtant dû reconnaître entre mille. J’ai les pensées qui s’affolent, se percutent. C’est un champ de bataille à l’intérieur de mon esprit.

Alors quand je me retrouve à la porte de l’ancien appartement d’Adeya, je fronce les sourcils en lançant un énième regard interrogateur en direction de la brune. Ce n’est qu’en apercevant ma meilleure amie dans l’embrasure de la porte que tout fait sens et que tout retrouve enfin sa place. « Adeya ? » Je ne reconnais même pas le son de ma propre voix. Flore s’enfuit comme une voleuse après avoir laissé mon sac de voyage à notre amie. Et moi, comme une idiote, je reste immobile, incapable de bouger ou de dire quoique ce soit. « Oh, Adeya ! » Je me précipite dans les bras de ma meilleure amie, dévastée. Partagée entre le bonheur extatique de la retrouver et la tristesse profonde de voir ma vie partir à vau-l’eau, je la serre contre mon cœur comme si je ne l’avais pas vue depuis un millénaire. Et c’était un peu la sensation que j’avais alors que je la retrouvais enfin. « Tu m’as tellement manqué, je souffle dans le creux de son cou parfumé à l’odeur de son shampoing. Tu es partie si longtemps… » Elle était partie si vite après mon mariage que la coupure avait été brutale et douloureuse. Comme une cicatrice que je portais sur mon palpitant fatigué. « Ne repars plus jamais loin de moi, s’il te plaît… »

" adeya ? " et flore qui s'enfuit. je ne comprends pas ce qu'il se passe. juste que face à moi j'ai winnie, avec un sac qui semble-t-il lui appartient dans la main. y'a quelque chose qui ne va pas mais je ne sais pas quoi. y'a quelque chose qui ne colle pas mais je ne sais pas quoi non plus. juste que c'est ainsi. winnie face à moi. winnie tout aussi immobile que moi. durant quelques secondes seulement. visiblement elle n'était pas au courant non plus. " oh, adeya ! " elle se précipite dans mes bras et moi je reste là, incapable de faire quoique ce soit. le sac toujours dans la main, l'autre bras toujours ballant de l'autre côté de mon corps, je ne peux m'empêcher de humer son odeur qui me chatouille les narines. une odeur qui me renvoie à tellement d'émotions que j'ai du mal à les soutenir. " tu m’as tellement manqué. tu es partie si longtemps… " sa voix qui s'infiltre dans mon oreille, qui résonne dans ma tête. je ne peux même pas dire le contraire. évidemment qu'elle m'a manqué. et au final, si elle n'avait pas du me manquer je ne serai pas partie. " ne repars plus jamais loin de moi, s’il te plaît… " mis à part le fait que sa demande n'ait rien d'étrange, c'est sa voix qui me perturbe. winnie elle est enjouée, elle est joyeuse. et là flore me la dépose avec un sac d'affaires. avec une voix qui semble fatiguée ou du moins ... bizarre. ça ne me plait pas. elle n'a pas l'air mal physiquement c'est déjà ça. mais pour le reste... difficilement je me détache d'elle et lui offre un fin sourire. " allez entre, on ne va pas rester là indéfiniment. " puis parce que j'ai des voisins beaucoup trop curieux surtout. je l'attrape par la main et l'entraîne dans l'appartement avant de refermer la porte derrière nous. je laisse son sac là pour le moment ne sachant pas trop quoi en faire et je la conduis jusqu'au canapé sur lequel on prend place. " bon alors tu m'expliques ? il s'passe quoi là ? pourquoi t'es là ? enfin ... pourquoi flore t'a amené chez moi ? " parce que visiblement elle n'était pas au courant de cette partie du plan non plus.