cohabitation = malaise [bailey/lennon/jaymes]

On est mal, je vous le dis ! Personne n’est au courant de ce qui a pu nous lier Lennon et moi par le passé, et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a insisté pour venir à Los Angeles, passer du temps avec moi. J’ai pas eu le choix que de leur proposer d’habiter chez moi, chez nous, quelques jours, quelques semaines. Je ne sais même pas encore combien de temps, je ne sais pas si Bailey va tenir, si moi même je ne vais pas finir par péter un plomb. La présence de Lennon et Wyatt n’est pas dérangeante en soi, ils sont respectueux, ne prennent pas trop de place, donnent un coup de main pour les tâches ménagères même alors qu’on essaie au mieux de leur interdire. Non, c’est surtout la tension qui règne qui me met mal à l’aise, mais je joue très bien la comédie, j’ai appris à le faire toute petite et je m’en sors à merveille, du moins je crois. En attendant, je m’en veux un peu de partir tous les matins au boulot et laisser Bailey gérer tout ça. Quoi que je la connais assez bien pour savoir que fuir, elle aussi elle sait faire, et quand elle en a marre, elle part à ses rendez-vous, de vrais rendez-vous ou non d’ailleurs, personne ne le saura jamais.

Ce soir, je rentre un peu épuisée, j’ignore qui sera là pour dîner. Je dépose ma veste sur le porte manteau de l’entrée, je n’entends pas grand monde. De toute évidence, Wyatt est sorti, sinon on l’entendrait. Je retire mes talons en soupirant et rejoins le salon, silencieux. Une tête brune dépasse du haut du canapé, et souriante je m’approche. « Bonsoir mon amour… » Je me penche finalement pour déposer un baiser sur la joue de celle que je pensais être ma dulcinée, mais non. En plus elle tourne la tête et mes lèvres sont à deux doigts de toucher celles de Lennon, elles se frôlent seulement alors que je me recule d’un seul coup. « Merde, excuse-moi j’pensais que c’était Bailey… » Je grimace et passe une main dans mes cheveux, nerveusement, alors que je sens mon coeur qui s’est affolé plus que de raison. Bailey fait son apparition, descendant les escaliers, un petit air guilleret sur les lèvres, comme à son habitude. On a jamais l’impression qu’elle est de mauvaise humeur, ou du moins, c’est plutôt rare. « Salut toi ! » Vous croyez qu’elle sent le malaise là ? Parce que moi je le sens bien…

Vivre sous le même toit que Jaymes est encore pire que ce que j'aurais pu imaginer. Si j'ai accepté sa proposition, c'est bien uniquement pour faire plaisir à Wyatt. Ça semblait lui tenir à coeur d'apprendre à connaitre sa demi-soeur. Et avec la mort de son père, les révélations, tout ça, je ne pouvais pas vraiment lui refuser. Personne n'est au courant du passé commun qui nous lie Jaymes et moi. En réalité nous n'en avons même pas reparlé ensemble. Sujet tabou et défendu. Complètement interdit. Comme si ce foutu baiser n'avait jamais eu lieu. C'est mieux de faire comme si de rien n'était. Pour elle, pour moi, pour tout le monde en fait. Mais ça n'empêche pas de me sentir mal à l'aise quasiment à longueur de journée. Vous vous voyez vous vivre sous le même toit que votre ancienne 'faiblesse' ? Sans oublier de rajouter la femme de cette dernière...  enfin je vous laisser imaginer le tableau. Ça devient absolument nécessaire pour Wyatt et moi de trouver un autre endroit pour vivre. Mais le principal concerné semble plus intéressé à passer du temps avec sa petite-amie qu'à étudier cette solution. Ah la jeunesse. En attendant, je prends sur moi et j'essaye de tout faire pour que cette cohabitation soit la moins gênante possible. Tâche qui s'avère compliquée quand on pense à tout le merdier qui se bouscule dans ma tête. Après avoir insisté pour préparer le diner, je me retrouve un moment seule dans le canapé. Wyatt n'est pas là ce soir, Jaymes n'est pas encore rentrée et Bailey doit être en haut. Un petit moment de solitude que j'essaye d'apprécier à sa juste valeur. Se vider la tête, ne plus penser à rien. Fermer les yeux, souffler un grand coup. « Bonsoir mon amour… » La voix de Jaymes derrière moi me fait sursauter, je ne l'ai pas entendu arriver. Mon amour ? Euh... je n'ai même pas le temps de la prévenir qu'elle pose déjà sa bouche à la limite de mes lèvres. Putain. Mon coeur s'emballe étrangement alors que mes joues deviennent rouge vif. « Merde, excuse-moi j’pensais que c’était Bailey… » Je me lève brusquement alors qu'elle recule d'un bond. « Je... » Je fuis son regard horriblement mal à l'aise. « C'est rien. » Comment ça c'est rien ? Bien sur que si c'est grave. Elle était à deux doigts de m'embrasser putain. Merde quoi. C'est à ce moment là que Bailey fait à son tour son apparition. Là, tout de suite, je ne sais plus où me mettre. Est-ce qu'elle a vu quelque chose ? Plus gênante comme situation tu meurs.

Clairement avoir du monde à la maison ce n’est pas franchement un truc qui m’enchante. J’ai vécu dans une famille nombreuse, très nombreuses, trop nombreuse et j’en ai des séquelles. Certains, après ça, ne supporte pas la solitude, moi je la bénie. Exception faite de la présence de Jaymes qui m’est indispensable… ah l’amour. Je dois bien le reconnaître Lennon et Wyatt ne sont pas désagréables à vivre, l’une se fait discrète mais pour un fantôme c’est assez facile donc elle n’a pas de mérite et son fils est un vrai courant d’air la plupart du temps fourré avec sa petite amie. Enfin fourré… l’histoire ne le dit pas mais. Bref, je m’égare. Ils ne sont pas chiants c’est vrai, sauf que ça change forcément quelque chose dans nos habitudes à ma femme et moi. Nous avons moins d’intimité, un certain ordre à tenir et tout simplement de l’espace à partager. Parlons en de l’espace d’ailleurs, mon bureau ayant été transformer en chambre de post-ado, je travaille désormais dans notre chambre à Jay et moi, alors que la règle était claire “no boulot dans le dodo“. De toute façon je crois que depuis quelques temps notre vie est un petit peu chamboulée. Pas de gros changement, mais des trucs ça et là. C’est une phase, j’imagine. Même une fois rentrée à la maison, et d’autant plus quand ma moitié n’est pas encore là, j’ai toujours du boulot. Lennon s’est proposé de préparer le dîner, ça m’arrangeait bien, j’ai accepté, à nos risques et périls peut-être. Je suis en pleine finalisation d’un contrat quand mes oreilles de lynx captent de l’agitation en bas, Jay est rentrée. Je préviens, j’épluche à l’économe le premier qui fait une comparaison entre moi et un chien qui attend son maitre.
Je descends l’escalier, sourire aux lèvres, contente de voir ma femme laquelle fait une drôle de tête bien qu’elle essaye de donner le change en me saluant avec enthousiasme « Bonsoir, love… » répondis-je avec le sourire « Qu’est qu’il y a t’as vu un fantôme ? » plaisanté-je en m’avançant pour venir l’embrasser. Je vois alors Lennon, elle aussi fait une drôle de tête. Il se passe quoi ici ? Mon regard retrouve celui de Jay et j’ajoute « Ou un vampire ? ». Ok elle a pas l’air ravie de ma petite vanne, mais c’est une private joke entre nous, faut bien qu’il nous reste ça depuis que Morticia Addams dort dans la chambre en face la notre ! Je dépose un baiser sur ses lèvres « T’as passé une bonne journée ? » je recule et arque un sourcil avant d’échapper un léger rire en regardant les deux femmes tour à tour « Y’a un problème ? » demandé-je avant de baisser les yeux pour vérifier ma tenue vestimentaire « Pas d’oubli de pantalon, donc c’est autre chose… ». Soit elles m’expliquent soit elles se détendent mais va falloir faire un choix là. « Ok. J’vais ouvrir une bouteille de vin. » soupiré-je, regard complice vers Jay et j’ajoute « Rouge. » je regarde Lennon « Ça vous va j’imagine ? ». Fière de ma connerie je m’éloigne en direction de la cuisine pour sortir trois verres et du vin.

Lennon se lève d’un seul coup pour mettre de la distance et je recule à min tour, heureusement le canapé nous sépare. Mon coeur bat à tout rompre et mon regard bloqué sur elle, qui à l’inverse fuit ce dernier.  « Je… c’est rien. »  Ma femme fait son apparition et je tente de donner le change. Elle me connaît par coeur, ça ne va pas être une mince affaire. « Bonsoir, love… Qu’est qu’il y a t’as vu un fantôme ? » Je jette un regard en biais à Lennon avant de regarder à nouveau ma femme, secouant la tête. « Ou un vampire ? » Je fronce un peu les sourcils en lui adressant un regard réprobateur. Elle m’a fait rire avec ses sms, mais pas là, pas devant Lennon, ça se fait pas. Elle m’embrasse et je la laisse faire, toujours pas très à l’aise avec les démonstrations amoureuses devant public, surtout quand le public en question n’est autre que la première femme qui a fait s’affoler mon coeur et mon corps. « T’as passé une bonne journée ? » Je hoche vivement la tête, espérant que tout ce malaise se dissipe rapidement. « Oui, ça va. »[/color] Je ne me rends même pas compte à quel point je suis froide et distante. Ça ne me ressemble pas, je dois me ressaisir. « Y’a un problème ? » Et voilà que mon coeur s’emballe à nouveau, malgré la blague de ma femme sur une histoire de pantalon. « Non non, on vient juste de vivre un moment gênant, je pensais que c’était toi sur le canapé je voyais juste les cheveux de Lennon, je l’ai appelée ‘mon amour’. » Je laisse échapper un petit rire nerveux. « C’était gênant. » Je ne parle pas du reste, il ne vaut mieux pas. Bailey propose d’ouvrir une bouteille de vin. Elle précise que ce sera du vin rouge, et s’adresse à Lennon pour poursuivre. « Ça vous va j’imagine ? » Je la regarde et lui donne un coup de coude très peu discret, avant qu’elle ne s’éloigne. Je soupire légèrement et croise le regard de Lennon qui est toujours aussi gênée. Je m’adresse à elle à voix plus basse, pour ne pas que Bailey entende, de toute manière elle doit être dans le garage, c’est là que nous stockons le vin. « Elle… enfin je lui ai jamais parlé de… enfin tu sais. » Sauf si son cerveau a occulté cet évènement, ce qui n’est pas du tout mon cas.

Ouf, la brune n'a apparemment rien vu de la scène. Même si le malaise reste tout de même omniprésent entre nous. N'importe qui le remarquerait. « Y’a un problème ? » Je fuis tout autant son regard que celui de Jaymes. « Non non, on vient juste de vivre un moment gênant, je pensais que c’était toi sur le canapé je voyais juste les cheveux de Lennon, je l’ai appelée ‘mon amour’. » Une grimace s'installe sur mes lèvres alors que je prie de toutes mes forces pour qu'elle ne parle pas du reste. « C’était gênant. » Je laisse échapper un rire nerveux se mêlant au même moment avec celui de Jaymes. Heureusement, elle s'arrête là et Bailey propose d'ouvrir une bouteille de vin. « Ça vous va j’imagine ? » Je hoche la tête par politesse. En réalité je ne suis pas une grande adepte de vin et je ne bois quasiment jamais. Disons qu'une petite coupe de champagne dans les grandes occasions me suffit largement. De toute façon je ne tiens absolument pas l'alcool. Je me souviens encore des rares fois où j'ai pu le constater. Bonjour les dégâts. Bailey s'éclipse en direction de la cuisine alors que mon regard croise à nouveau celui de Jaymes. « Elle… enfin je lui ai jamais parlé de… enfin tu sais. » Mon coeur s'emballe étrangement lorsqu'elle mentionne le fameux sujet interdit. Je sais très bien de quoi elle fait référence. Un peu trop bien même. Nous, le lien qui nous a lié par le passé. Le baiser. Surtout le baiser d'ailleurs. L’ambiguïté toute entière qui a su caractérisé notre relation. Et pour cause, c'est tout ce que je me suis toujours efforcée de refouler dans un coin de ma tête. Non, ça n'a jamais existé. Point final. Je hausse légèrement les épaules avant de répondre. « Parce qu'il y a quelque chose à dire à ce sujet ? » L'art de jouer avec les apparences et de faire comme si de rien n'était. Non, il n'y a absolument rien à dire. Il n'y a jamais rien eu. JAMAIS. Se le répéter encore et encore pour arriver à s'en persuader. Jouer la carte de l'amnésie, c'est peut-être lâche mais c'est plus facile. Et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour ne rien laisser paraître. Une manière détournée de lui faire passer un message aussi. Je ne veux pas que Jaymes puisse penser que le sujet ne me laisse pas indifférente. Surtout pas. C'est mieux comme ça. Autant pour Bailey que pour nous. « Il n'y a rien à savoir. » Je reste catégorique, fermée comme une huître. A quoi bon avouer quelque chose d'aussi insignifiant à sa femme ? Si ce n'est pour faire des problèmes là où il n'y a même pas raison d'en avoir. Bon, je ne suis peut-être pas totalement objective sur ce coup-là... mais c'est une autre histoire. Je rêve désormais que Bailey revienne au plus vite dans le salon pour clôturer définitivement le sujet. Faudrait pas que Jaymes prenne idée de crever l'abcès. Pas maintenant. Même si je suis consciente que je ne pourrais pas éternellement éviter cette discussion.

Pas besoin d’être extralucide pour percevoir le malaise qui plane dans mon salon. Mais comme en plus de ça je suis de nature perspicace, ça ne m’échappe pas. Jay se montre plutôt distante, je sais qu’elle n’est pas du style à s’afficher je ne suis pas moi-même une adepte des effusions d’affections en public mais là on est chez nous et il suffit de faire abstraction de Lennon pendant un quart de seconde. Visiblement c’est déjà trop demandé à ma chère épouse… c’est l’effet belle-mère qui fait ça ? J’aurais préféré Morticia Adams moins vampire et plus fantôme du coup. Transparente et dont on fini par oublier la présence, comme par exemple le fait qu’elle dorme dans la chambre en face de la notre. Je déteste cette sensation, d’être dans ma propre baraque et d’avoir limite la sensation de mal tomber. Après quelques traits d’humour pas forcément très bien accueillis par Jaymes, depuis quand est-ce le cas ? Je finis par demander de but en blanc s’il y a un problème. A priori non, juste un moment particulièrement gênant dû à une méprise de ma femme quant à la personne qui se trouvait assise sur le canapé. Elle a pris Lennon pour moi. Admettons. Qu’est-ce qui ressemble plus à une tête brune qu’un autre après tout ? Mais putain elle doit avoir des cheveux blancs, non ?! Je hoche la tête et souris « Tu l’aurais embrassé, là ça aurait été vraiment gênant. » je regarde tour à tour les deux femmes qui s’embourbent dans leur malaise. C’est communicatif je crois, et la solution m’apparaît dans un verre de vin qui détendra tout le monde, du moins je l’espère. Ça sera du rouge, je pense à notre invitée… quelle hôte formidable je suis, hein ? Je m’éclipse vers la cuisine, sortant trois verres et une bouteille de rouge. Pas un grand cru, faut pas pousser non plus, je ne suis pas si généreuse. Je reviens dans le séjour avec deux verres que je donne à Jay et son ex belle mère puis récupère le mien, hésitant un instant à carrément ramener la bouteille. L’ambiance n’a pas l’air plus détendue « On va peut-être pas se regarder dans le blanc des yeux toute la soirée… C’était une petite maladresse. Rien de grave. » je hausse les épaules et bois une gorgée avant de porter mon attention sur Lennon « Alors vos recherches d’appartement, ça avance ? » si je mets les formes au niveau du ton j’ai bien conscience que c’est une question plutôt directe. Mais sincèrement, qui dans ma position n’aurait pas envie d’un retour à son intimité ? Parce que clairement la situation, et je ne parle pas seulement d’aujourd’hui, est quand même plutôt étrange. Sous le regard de Jay j’ajoute « On est heureuse de vous avoir vous et Wyatt, mais j’imagine que vous aimeriez avoir un endroit à vous. » en tout cas moi j’ai vraiment envie de retrouver le mien !

Fuir, encore et toujours. Eviter la discussion, repousser l'échéance. Ce n'est de toute façon pas le moment d'en parler. Bailey n'est pas loin et les murs peuvent avoir des oreilles. J'ose imaginer que Jaymes ne prendra pas ce risque. Si de base elle avait voulu lui en parler, elle l'aurait fait dès le début. Et ça m'arrange plutôt bien comme ça finalement. Je n'ai pas envie d'en parler. Ni maintenant ni jamais d'ailleurs. La jeune blonde n'a pas le temps de rétorquer quoi que ce soit que son épouse est déjà de retour dans le salon. Sauvée. Le malaise ne se dissipe pas pour autant. C'est peut-être encore pire que tout à l'heure même. « On va peut-être pas se regarder dans le blanc des yeux toute la soirée… C’était une petite maladresse. Rien de grave. » Un soupir presque inaudible s'échappe d'entre mes lèvres alors que je récupère le verre de rouge que me tend Bailey. Si d'ordinaire je ne suis pas tentée, là, tout de suite, le vin m’apparaît comme un sauveur. Une sorte de bouée de sauvetage pour oublier le "presque" baiser qui vient d'avoir lieu. Le frôlement de nos lèvres respectives, cette proximité troublante qui ne cesse de repasser en boucle dans mon esprit. Tous les moyens sont bons pour essayer de dissiper ce malaise. Et peu importe si je fais une exception à la règle. Je bois alors une gorgée de vin en faisant volontairement abstraction du goût de ce dernier. C'est une certitude, ce n'est pas ma tasse de thé mais ça n'a plus d'importance. « Alors vos recherches d’appartement, ça avance ? » La question de Bailey est plutôt directe. Cette cohabitation n'est idéale pour personne, j'en suis bien consciente. Et Il ne faut pas être extralucide pour comprendre que Bailey n'est pas forcément ravie de nous avoir dans les pattes. Je ne dis pas qu'elle n'est pas gentille et accueillante avec nous, loin de là. C'est juste qu'elle peut parfois paraître un peu froide à mon égard. « On est heureuse de vous avoir vous et Wyatt, mais j’imagine que vous aimeriez avoir un endroit à vous. » Mon visage se ferme sans que je puisse réellement le contrôler, une grimace s'installant au coin de mes lèvres. « On essaye de faire de notre mieux. » En réalité, depuis notre arrivée, nous n'avons pas réellement eu le temps de nous en occuper. « Mais c'est une période un peu difficile pour nous... » C'est assez délicat pour moi de devoir tout gérer. D'autant plus quand Wyatt se transforme en courant d'air. Mais je ne peux pas vraiment lui en vouloir, c'est en quelque sorte sa manière à lui d'encaisser la mort de son père. « Quoi qu'il en soit, si ça peut vous rassurer, on ne vous dérangera pas indéfiniment. » Ma réponse s'adresse à toutes les deux même si de toute évidence c'est plutôt Bailey qui se montre insistante sur le sujet. « Je dois d'ailleurs visiter un appartement demain dans la matinée. » Un appartement qui a l'air tout à fait convenable sur les photos même si je n'arrive pas à être totalement convaincue. C'est comme si inconsciemment quelque chose me bloquait, comme s'il y avait toujours un problème ou un petit détail insignifiant qui ne me convenait pas. Comme si c'était fait exprès... bizarre non ?

« Tu l’aurais embrassé, là ça aurait été vraiment gênant. » Je souris pour donner le change mais je suis sur le point de me liquéfier. Je profite finalement que Bailey soit partie dans la cuisine pour aller chercher du vin, pour m’adresser directement à Lennon, d’une voix plus basse pour éviter d’être entendues. « Parce qu'il y a quelque chose à dire à ce sujet ? » Je suis un peu surprise de sa réponse, quoi que pas tant que ça quand j’y réfléchis. J’ignore pourtant si elle joue la comédie pour me faire comprendre qu’elle sera une tombe, ou si elle pense réellement qu’il n’y a rien à dire ou à raconter. Est-ce que ces moments vécus elle et moi il y a plusieurs années ne comptent réellement pas ? « Il n'y a rien à savoir. » lâche-t-elle fermement et sans équivoque. Très bien. Il n’y a rien à savoir. Pourquoi ça fait si mal ? Ça ne devrait pas me toucher autant, plus, en tout cas. Je me contente d’un hochement de tête sans rien ajouter, quand mon épouse fait son grand retour. « On va peut-être pas se regarder dans le blanc des yeux toute la soirée… C’était une petite maladresse. Rien de grave. » Je souris de nouveau, pour la forme, et récupère le verre de vin qu’elle me tend. Je vais en avoir grandement besoin. Bailey n’est pas très fine lorsqu’elle demande à Lennon où en sont leurs recherches d’appartement. Je lui lance un regard un peu réprobateur, elle a toujours eu le don de mettre les pieds dans le plat. C’est une de ses particularités. Lennon s’était déjà renfermée, mais là c’est pire. « On essaye de faire de notre mieux. Mais c'est une période un peu difficile pour nous... » Je secoue la tête, sentant son désarroi et sa peine. Ça me vrille les entrailles. « Mais non mais c’est pas pressé, vous pouvez rester encore, Bailey ne disait pas ça parce qu’elle veut vous mettre à la porte. Hein chérie ? » Je regarde ma femme et tente de lui faire comprendre qu’elle devrait faire un petit effort. « Quoi qu'il en soit, si ça peut vous rassurer, on ne vous dérangera pas indéfiniment. Je dois d'ailleurs visiter un appartement demain dans la matinée. » Léger soupir presque inaudible, j’avale l’équivalent de la moitié de mon verre de vin. « Si tu as besoin de quelqu’un pour venir avec toi.. si Wyatt n’est pas dispo… enfin… je suis là quoi… » Je lui offre un léger sourire, même si je crois qu’au fond je suis un peu blessée par la manière dont elle a réagi un peu plus tôt.

Une situation un peu difficile en ce moment. Et bien comme ça tout le monde est dans le même panier ! Alors oui ok, Morticia vient de perdre son mari et d’apprendre qu’il avait eu une double vie ainsi qu’une fille de trente ans. Mais moi j’ai la famille Adams qui squatte à la maison depuis parce que ma femme s’est découverte une âme de bonne samaritaine ! Non c’est faux, elle a toujours été généreuse, sauf que là franchement je ne sais pas bien quelle mouche l’a piqué. Quelques jours pour passer du temps avec son frère, soit. Mais le frère en question c’est plutôt Casper en ce moment… alors pour tisser des liens on a vu mieux. Et la situation commençant doucement à me courir sur le haricot, oui je prends mes expressions dans les maisons de retraite, j’amène subtilement – presque le sujet de leur recherche d’un logement. Je ne les foutrais pas dehors, Jay serait capable de m’en vouloir… j’ai l’impression qu’elle nourrit une forme de culpabilité et se sent redevable à sa belle-mère. La voilà d’ailleurs qui s’empresse de nuancer mon propos. Je hoche la tête, je devrais faire “coin coin“ tiens, « Non bien sûr que non. J’étais juste curieuse de savoir où vous en êtes. » et pressée de les voir quitter notre maison, oui aussi. Mon côté direct à quand même du bon, nous apprenons ainsi que Lennon doit visiter un appartement pas plus tard que demain. Je souris m’apprête à dire que c’est une bonne nouvelle avant d’entendre ma femme soupirer. Elle a un problème avec ça ? Cette ambiance est définitivement trop étrange, et je n’aime pas vraiment me sentir mal à l’aise sous mon propre toit. Avec gentillesse Jaymes propose alors à la quadra de l’accompagner pour la visite si Wyatt n’est pas disponible. Je reste perplexe, peut-être un peu dérangée par cette proposition sans trop savoir pourquoi. Je bois, ça aide toujours à faire passer les choses, ou à en donner l’illusion. Je hausse les épaules « Et bah c’est bien tout. Bonne nouvelle. » lâché-je, ne voulant pas laisser un trop long silence s’installer. Sans vouloir bousculer personne, pour qui cette situation est-elle vraiment agréable ? Personne. Je ne comprends pas pourquoi Jay a l’air de vouloir la laisser perdurer. Je pense qu’une discussion va s’imposer dans peu de temps, mais pour l’heure je vais faire ce que je fais de mieux… me réfugier dans le boulot. « Bon j’ai des trucs à finir de préparer pour ma journée de demain. » je sens le regard de mon épouse sur moi. Quoi encore ? Ah oui. Le dîner préparé par Morticia « Mais ça attendra après le dîner. » et il va me falloir un autre verre je crois, je vais donc chercher la bouteille dans la cuisine.