a gun on your head. (louise)

” ne vous en faites pas madame strugatsky, je repasse après le diner. “ ils sont mignons mais parfois carrément gamins ceux là. j’aime mes pensionnaires comme j’aime à les appeler. enfin c’est ce qu’ils sont bien sûr même s’ils ne demandent pas forcément être ici. dépendants, totalement dépendants. c’est étrange de voir ce qu’on va finir par être. même ceux qui ont encore toutes leurs têtes sont atteints par des maladies qui les empêchent de se déplacer librement ou d’être autonome. ça pourrait être triste quand on y pense mais pour la plupart, ils sont plutôt contents. ils sont ensemble, ils s’amusent, ils rigolent. certains même retrouvent une certaine jeunesse. y’a même des amourettes qui se créent. on est là pour les aider à vivre leurs dernières années. cette maison de retraite est leur dernière demeure, ils en ont conscience et nous aussi. c’est dur de se dire qu’un matin on peut arriver et qu’on nous annonce qu’une des chambres vient d’être libérée. parce que la prochaine maison de l’hôte sera le cimetière. alors on tente de tout faire pour rendre leur vie agréable. même si c’est pas franchement dans mon habitude de base, je pense qu’ici moi aussi je revis. je sors de la chambre, dépose le linge de monsieur finley dans sa commode et continue ma ronde. tout se passe comme d’habitude. des sourires, des bonjours qui se répètent pour certains car ils ont déjà oublié qu’on s’est déjà vus et des pensionnaires qui désorientés ne retrouvent plus leur chambre. une journée normale. jusqu’à ce que je manque de renverser quelqu’un avec le chariot de linge sale que je récupère au fur et à mesure de mes visites. jusqu’à ce que je manque de la renverser elle. ” louise ? “ et merde, en voilà un de fantôme que je n’étais pas pressée de revoir.

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elle passe voir sa grand-mère de temps en temps, louise. sincèrement voudrait passer plus parce que c'est peut-être la seule personne qui la comprend, qui l'accepte. même si elle ne sait pas tout, forcément, certains secrets ne seront jamais révélés. mais elle est occupée par ses études en athlétisme, par ses compétitions. et honnêtement elle n'aime pas les maisons de retraite. c'est quelque chose qui l'angoisse sans vraiment savoir la véritable raison. peut-être qu'elle a peur de la mort ou tout simplement de vieillir. à l'âge des pensionnaires de la maison de retraite elle ne pourra plus courir comme elle le fait aujourd'hui et elle trouve ça terrifiant. puis elle n'aime pas l'odeur des médicaments, des produits de nettoyage. même si elle sait que sa grand-mère y est heureuse et bien traitée, elle a toujours du mal à passer la porte du bâtiment. et a toujours grande hâte d'en sortir. c'est certainement quelque chose qui se ressent dans sa démarche alors qu'elle se presse dans les couloirs en manquant de rentrer en collision avec une employée. louise y prête à peine attention dans un premier temps jusqu'à ce que son prénom soit prononcé par la jeune femme. elle fronce les sourcils, relève le nez de son téléphone et se retrouve en face de son ex petite amie, jean. — et merde. elles ne se sont pas quitté en très bons termes. en fait c'est plus compliqué que ça encore, louise a lâchement abandonné celle qu'elle aimait par peur, par pure lâcheté, elle lui a tourné le dos et leur jolie histoire s'est terminée du jour au lendemain. alors qu'elle était si belle. — désolée j'regardais pas où j'allais. sauf qu'en vérité c'est pour totalement autre chose qu'elle devrait s'excuser. et elle sait pas, louise, pourquoi elle reprend pas tout simplement son ch'min. non, au lieu de ça elle reste plantée là et brise même le silence, une nouvelle fois. — tu bosses ici ?

franchement si on m'avait dit que je tomberai sur louise ici, je ne l'aurai jamais cru. je ne connais pas le nom de tous les p'tits vieux qu'on a ici. parce que dunham, je me serai méfiée. enfin si c'est un grand parent de ce côté là. ou peut être même ses parents... j'en sais rien. en fait c'est ça. j'en sais foutrement rien. elle est juste là, face à moi. je me sens stupide et pourtant la colère remonte bien vite à la surface. j'ai mal. un peu, beaucoup. j'ai mal encore de ce qu'il s'est passé. j'ai mal toujours parce que john est mort. et qu'au fond, si j'avais été aidée à l'époque, rien de tout ça ne serait arrivé. c'est peut être stupide de reporter ça sur elle mais faut avouer qu'elle n'a pas fait grand chose pour moi. même au contraire. louise c'est louise. louise m'a laissé tomber. " désolée j'regardais pas où j'allais. " de simples mots pour une situation à laquelle pour laquelle j'ai participé à l'aboutissement. je lui suis un peu rentrée dedans aussi. ce n'est pas la seule responsable. sauf que pour le coup, je n'ai pas envie de m'excuser. pas envers elle. ces mots, ce n'est pas moi qui doit les prononcer. " tu bosses ici ? " bien joué einstein... " non non, j'ai vu que ce chariot avait envie de faire un tour alors j'ai décidé de lui rendre service. " peut être un peu trop incisive je l'avoue. mais pour le coup j'ai la rancoeur tenace. voir de la rancune même. c'est pas très clair dans ma tête. je sais juste que je lui en veux. et pas qu'un peu. " oui je bosse là. " je finis par lâcher ça dans un soupir. " et toi tu fais quoi ici ? " j'espère qu'elle ne commence pas à bosser dans le coin parce que la voir tous les jours, je ne suis pas certaine que je pourrai le supporter.

c'est bien sa veine de tomber sur son ancienne petite-amie. la dernière personne qu'elle a envie de croiser en fait - et c'est certainement réciproque. un soupir racle sa gorge, elle essaie quand même de se montrer polie mais même ça, ça ne semble pas au goût de son interlocutrice. qui ne se gêne pas pour lui répondre de manière un peu trop agressive. mais inutile de protester parce qu'elle lui dira que c'est mérité de toute manière, n'est-ce pas ? parce qu'elle l'a lâchement abandonné au lieu de lui tendre la main. comme si c'était facile pour elle avec la famille qu'elle a. sa langue claque contre son palais, elle ne répond pas à sa provocation. — depuis longtemps ? elle ne sait même pas pourquoi elle essaie de faire la conversation. à la place la meilleure solution serait de reprendre le chemin vers la sortie et de totalement oublier cette rencontre. mais non, elle préfère rester plantée là, les yeux plantés dans ceux de la jeune femme. — je suis passée voir ma grand-mère. elle esquisse un sourire gêné — je t'avais jamais croisé dans le coin auparavant. et heureusement d'ailleurs, dommage de ne pas avoir continué sur ce sentier là.

” depuis longtemps ? “ je la regarde, totalement surprise déjà de la trouver là et puis franchement surprise de cette question. ” qu’est ce que ça peut bien te foutre ? “ clairement pas l’endroit pour faire un esclandre, qu’on se le dise. ” ça fait un moment… “ que je me conçois à lâcher dans un soupir assez équivoque. ” je suis passée voir ma grand-mère. je t'avais jamais croisé dans le coin auparavant. “ moi non plus et j’avoue que c’était loin de me déranger. putain non mais louise quoi. il a fallu que je tombe sur elle. c’est une vaste blague en fait cette histoire. ” faut croire que j’avais des horaires beaucoup plus agréables avant. “ je ne sais pas quoi lui dire. j’arrive pas en fait. j’ai beaucoup trop de colère en moi encore. je lui en veux. oh ça oui. je lui en veux parce qu’elle aurait pu être un pilier dans ma vie et qu’à la place, j’ai juste eu l’impression qu’elle m’a assommé avec un tronc d’arbre. surtout qu’elle ne prend même pas la peine de me demander comment je vais, qu’est ce qui s’est passé pour moi après qu’elle m’ait laissé tomber. non, elle a juste l’air emmerdé de devoir voir ma gueule lorsqu’elle vient voir sa grand mère. ” tu as des horaires fixes pour passer ici ? j’vais voir pour m’arranger pour ne pas bosser dans le coin comme ça t’aura pas à être forcée de me voir hein. miss j’ai ma petite vie parfaite, je m’en voudrai de l’entacher. “ oui okay, il reste même énormément de colère. toutes ces choses que je n’ai pas pu lui dire lorsqu’on s’est vues la dernière fois. parce que j’étais dans le mal, parce que j’étais surprise, parce que je n’ai pas pu faire autre chose que partir. mais pas aujourd’hui.