Fate's joke (Rayden#6)

Nous arrivons finalement dans la salle de réunion, et j’apprécie qu’ils n’aient pas commencé sans moi, sans nous, je crois que j’aurai largement pu lâcher les chiens. Je suis assez tendue pour ça, pour tout un tas de raisons. Je n’ai pas de raison de m’excuser de mon retard, tout le monde sait qu’il y a eu une panne générale, et que j’étais bloquée dans l’ascenseur. Je m’installe et les laisse démarrer la réunion comme prévue. Lorsqu’arrive le tour de Rayan, je prends soin de la perturber légèrement, juste pour le plaisir. Mon pied frôle sa jambe et je la sens se raidir à mes côtés. Je garde pour moi mon sourire intérieur bien qu’un très léger rictus vienne d’y frayer un chemin, et laisse sur mon visage cette façade qui me sied si bien. C’est au tour de la jeune femme de prendre la parole, tous les regards sont tournés vers elle, le mien également. Je me surprends à boire ses paroles, me délecter de sa voix. Une fois que la prochaine personne prend la parole et que l’attention est détournée, elle me demande. « A quoi tu joues ? » Je laisse ma langue humidifier mes lèvres une fraction de seconde et m’adosse contre mon siège, bras croisés contre ma poitrine, sans aucune réponse à l’attention de la jeune femme, comme si je n’avais rien à me reprocher. Tu parles. Pourtant, je continue bel et bien de jouer profite de cette immense table ovale, que les personnes se trouvant en face de nous ne puissent pas voir mon petit manège. Je prends la parole quelques fois, de mon ton étrangement moins cassant qu’il peut l’être. Je suis bizarrement plus détendue, sans doute que le petit jeu que j’installe entre Rayan et moi fait passer la réunion plus vite, m’emmerde moins, me permet de me focaliser sur quelque chose. Et puis je vois le petit mot que Rayan a griffonné au coin de sa feuille, ce qui me fait doucement sourire. Elle crayonne par dessus pour que personne ne puisse lire autre que moi. L’air complètement détendu, je viens glisser une main sur sa cuisse, sous la table, et me penche à son oreille pour murmurer quelques mots. « Tu as peur de te brûler ? » Je garde mon air impassible, pas question que qui que ce soit se doute de quoi que ce soit. Mais le jeu est grisant, excitant. La réunion dure quelque chose comme trois bonnes heures, à continuer effectivement de jouer avec le feu. Une fois la réunion terminé, je m’entretiens quelques minutes avec la réalisatrice mais jette quelques regards en direction de Rayan, espérant qu’elle ne va pas s’enfuir sans me dire au revoir comme il se doit.

Cette réunion prend des allures de mise à l’épreuve. J’ignore quel est ce jeu auquel Eden veut jouer, et ce n’est pas d’elle que viendra la réponse. Elle garde son masque, maitresse du faux-semblant tout en utilisant chaque opportunité d’un rapprochement avec moi, même minime. Un truc à me rendre dingue, parce qu’elle est elle et c’est déjà un trouble conséquent en soit, mais en plus je ne dois rien laisser paraître, rester moi aussi impassible. Je suis plutôt forte, cependant il y a toujours une petite partie de mon être qui craint que quelqu’un se rende compte de quelque chose. C’est à la fois inquiétant et terriblement excitant. L’interdit. Enfin en soit ce n’en est pas totalement un, c’est moi qui qualifie ce rapprochement avec la productrice comme prohibé, pour tout un tas de raisons d’ailleurs. J’espère au moins que je passe bien le teste, car ça me demande de réels efforts d’être à la fois attentive à la réunion et déjouer les tentatives de trouble de la part de la blonde. Je griffonne un petit message sur un coin de feuille que la productrice peut lire, cette fois j’obtiens une réponse. Son timbre de voix me donne chaud, à moins que ce ne soit la main qu’elle a glisser sur ma cuisse ? Probablement l’ensemble. Je garde moi aussi mon masque, faisant passer notre échange pour totalement professionnel, me penchant à mon tour vers elle « C’est toi qui va te brûler. » répliqué-je en retirant sa main de sur ma jambe, non sans laisser glisser mes doigts contre sa peau dans une furtive caresse. Putain, qu’est-ce qu’il me prend ? Je crois que tout ça me retourne un peu trop la tête… pourtant j’ai l’impression de penser clairement. Simplement je m’engage dans un jeu que je sais dangereux. Mais bordel, ce que c’est grisant !
Je suis presque étonnée de voir que trois heures se sont écoulées depuis le début de la réunion lorsque celle-ci arrive à son terme. Il faut dire que le contexte n’avait rien d’ennuyeux, ça aide. Si au début j’ai failli trouver le temps long, une fois rentrer dans le jeu de taquinerie d’Eden, tout s’est au contraire accéléré. Quelques discussions perdurent, j’échange avec mes futures partenaires à l’écran, le tournage commencera dans une dizaine de jours, le temps que nous nous familiarisions au mieux avec le scénario et notre texte. Plusieurs réunions de préparation ont déjà été programmé, je sais dores et déjà qu’il va me falloir un long congé au lycée ainsi que renoncer à ma place de professeur de théâtre. J’avais espéré pouvoir tout mener de front, c’était utopique, je le sais. Bien que nous soyons à l’opposé l’une de l’autre dans la pièce, je sens la présence de la productrice, comme si elle était tout près. Je capte son regard dans ma direction, voilà pourquoi je me sentais observée. Finalement mes nouveaux collègues de travail prennent congé, Eden elle n’a pas terminé sa conversation avec la réalisatrice. J’hésite, partir… attendre ? Mais attendre quoi ? Je suis indécise, mais le temps que je prenne une décision elles ont l’air d’en avoir fini, marchant ensemble vers la sortie. « Excusez moi Mrs Lewis, à propos de mon contrat, dois-je voir ça avec votre assistant ? » j’adresse un sourire à la réalisatrice qui quitte la salle de réunion, restant dans mon rôle j’ajoute « Ce ne sont que quelques détails, mais comme nous devions en discuter… ». Plus personne, à priori nous sommes seules, je plante mon regard dans celui d’Eden m’adressant à elle à vois relativement basse, sait-on jamais que les murs aient des oreilles « J’espère que tu ne compte pas me faire passer toutes les prochaines réunions comme celle-ci. » sourire en coin j’ajoute « La prochaine fois je me mettrais de l’autre côté de la table. ». Je l’observe, la lueur d’envie dans son regard est impossible à ignorer « Arrête ça… » je l’ai déjà dit je crois… dans un tout autre contexte et ça s’adressait à moi-même, ça l’avait rendu folle, et maintenant ?

Je surveille Rayan, avec l’espoir qu’elle ne s’en ira pas sans au moins me dire au revoir. Je me doute qu’elle doit être encore un peu secouée, ensevelie sous une montagne de nouveaux sentiments, questionnements, pas seulement à mon propos, mais aussi à propos de ce milieu dans lequel elle est en train de mettre le pied. Mon regard jongle entre le visage de la réalisatrice avec qui je m’entretiens, et Rayan un peu plus loin, qui vient de finir sa conversation. Je fais en sorte de couper court à ma discussion de mon côté, et raccompagne la réalisatrice vers la porte de sortie. « Excusez moi Mrs Lewis, à propos de mon contrat, dois-je voir ça avec votre assistant ? » Je tourne la tête vers Rayan, lui accordant l’attention qu’elle demande, gardant mon masque face à elle. « Ce ne sont que quelques détails, mais comme nous devions en discuter… » Je hoche légèrement la tête. « On va voir ça de suite, vous avez raison, faut pas que ça traîne. » Je pivote finalement vers la réalisatrice pour la saluer et me dirige finalement vers mon bureau, suivie par Rayan. Refermant la porte derrière nous, je me tourne dans sa direction, posant mon regard sur elle, plus naturel, plus chaleureux, plus désireux aussi sans doute. « J’espère que tu ne compte pas me faire passer toutes les prochaines réunions comme celle-ci. » Un sourire naît au coin de mes lèvres, mutin, joueur. « La prochaine fois je me mettrais de l’autre côté de la table. » Je ris un peu, amusée par le ton qu’elle emploie. Je vois bien que même si ça l’a décontenancée, elle n’a pas l’air d’avoir réellement détesté ce petit jeu. « Tu es sûre que te mettre à l’opposé suffira ? » J’arque un sourcil, jouant de mon regard de braise pour la faire flancher. Je sais que j’ai un certain pouvoir sur elle, avec ce simple regard, et je compte bien en profiter pour la rendre folle, encore plus qu’elle ne semble déjà l’être. « Arrête ça… » Je souris de plus belle. « Arrêter quoi ? » Je m’approche d’elle, sachant très bien que nous sommes dans la partie de mon bureau où personne ne peut nous voir, il faudrait être dans le building en face à quelques centaines de mètres, et avoir des jumelles. Et encore. Je m’avance vers elle, prédatrice, la faisant reculer pas à pas, lentement, sans la toucher, l’allumant seulement de mon regard de braise. « J’ai rien fait. Pas encore. » Nouveau sourire, et lorsque son dos heurte le mur le plus proche, je la bloque de mon corps contre le sien. « J’ai eu peur que tu partes sans dire au revoir. Je t’en aurai voulu… » Je souffle dans un murmure enjôleur, ma respiration ricochant sur ses lèvres. « Il y a des scènes du film que tu as besoin de réviser ? Je peux t’aider si tu veux… » Je viens glisser mon nez sur sa joue, embrassant l’arrête de sa mâchoire, descendant dans son cou, mes mains reprenant possession de sa taille, le creux de ses reins…

Tout ça amuse beaucoup Eden, je le sens, au delà de cette façade qu’elle affiche. Son regard ne trompe pas et je me rends compte que je suis parfaitement apte à le lire. Sans doute parce que j’accepte d’avantage ce qu’elle provoque en moi, cette attirance quasi magnétique dont je suis la proie. Je mets à profit mon talent d’actrice pour me montrer totalement neutre, sans trop savoir dans quoi je m’embarque avec mon faux prétexte. Une chose est sûre, je ne voulais pas partir comme ça, j’ai le sentiment que les choses sont trop fragiles et je ne veux pas risquer de me heurter à nouveau à l’attitude glaciale de la productrice. Me voilà partagée, entre la raison et l’envie, les doutes et l’instinct. Je choisis de ne pas fuir, intriguée et grisée par ce jeu de séduction, aussi dangereux soit-il. Nous regagnons le bureau d’Eden, je pourrais à nouveau prendre ça pour un piège, mais je serai une proie bien stupide d’y foncer tête baisser une fois encore. Cette fois je suis prête à affronter les conséquences, curieuse même. Mes premiers mots sonnent comme une requête, presque une mise en garde. Mon ton reste léger et mon sourire ne trompe pas la jolie blonde. Je suis un peu perdue dans tout ça, mais je ne peux cacher avoir apprécié cette joute avec elle et la saveur toute particulière de notre complicité retrouvée. J’aime l’entendre rire, la voir à nouveau plus authentique, chaleureuse et charmeuse, elle est moins intimidante mais tout autant attirante. Eden est consciente de l’effet qu’elle a sur moi, on pourrait même parler de pouvoir, mais je crois que la réciproque est valable elle est juste beaucoup plus habile pour s’en servir. « Suffire je ne sais pas, mais ça aidera. ». Quoi que si elle compte m’offrir un tel regard je serai impuissante, mon seul atout c’est de ne pas être seule à seule durant les réunions.
Le cœur battant déjà plus fort, mon être fourmillant de l’envie de goûter ses lèvres à nouveau je lui demande d’arrêter. Ça manque de conviction, c’est vrai et dans le fond c’est peut-être juste pour alimenter un peu notre jeu. La productrice se rapproche, je recule, hors de question de lui faciliter la tache alors que tout est déjà à son avantage. Je souris à sa remarque, non elle n’a encore rien fait de concret mais je sais que c’est imminent « Non, pas encore… » répété-je alors que je heurte le mur derrière moi son corps venant faire barrière pour m’empêcher de m’éloigner. La tension monte d’un cran, comme chaque fois que nos bulles respectives s’entrelacent. Elle a cru que j’allais partir sans un mot de plus, j’avais raison elle m’en aurait voulu, j’ai bien fait de rester. « Je suis bien élevée. » répondis-je avec un sourire amusé alors que son souffle me fait frissonner. Elle a clairement augmenter son niveau de jeu, il n’est plus question seulement de séduction mais de faire monter la température… et c’est plutôt efficace. Eden le sait, elle est capable de me faire dérailler cependant je suis déterminée à rester forte. Quoi que… ses baisers dans mon cou me font perdre pied, je penche légèrement la tête laissant mes yeux se fermer pour savourer la délicieuse sensation de ses lèvres sur ma peau. Réviser certaines scènes du film… la proposition est subtile mais j’en capte sans mal l’idée de fond. L’envie est là, elle gronde en moi, mais suis-je prête à abaisser de nouvelles barrières si rapidement. Tout en elle semble fait pour que je cède. Je glisse une main dans sa nuque, échappe un soupir puis rouvre les yeux. Il faut que je garde la tête froide pendant que je le peux encore ma main glisse le long de son cou, descendant vers sa poitrine sur laquelle j’exerce une pression pour la faire reculer légèrement « Pas ici. » soufflé-je. Parce que tout est déjà bien trop compliqué pour ne pas en rajouter avec des risques inutiles. Mes doutes m’assaillent de nouveau, pourtant il y a quelque chose de bien plus fort qui prend le dessus quand mes lèvres viennent à la rencontre des siennes « Il vaut mieux que je m’en aille. Pense à passer à la régie de vidéosurveillance. » je l’embrasse une dernière fois « Appelle moi quand tu as du temps. » je me faufile hors de sa prise, non sans lui adresser un sourire plus charmeur que je ne le voudrais.

J’aime cette variante de notre petit jeu, j’aime me retrouver face à elle, contre elle sans avoir peur qu’elle ne m’échappe, me glissant des doigts comme un poisson fraîchement sorti de l’eau. Je lui laisse entendre que j’aurai sûrement été vexée et très en colère qu’elle s’en aille sans me dire au revoir, sans que je n’ai pu sentir son odeur ou sa peau sous la pulpe de mes doigts. « Je suis bien élevée. » dit-elle, me faisant sourire de plus belle, alors que je m’amuse à la faire frissonner de mes gestes équivoques. Sa tête penchée sur le côté, comme pour m’inciter à poursuivre, et je ne me fais pas prier, laissant l’emprunte de mes lèvres sur sa peau étendue. L’air de rien, je lui demande si elle a besoin d’aide pour réviser certaines scènes du film, elle sait de quoi je parle, elle est loin d’être idiote. Sa main dans ma nuque me fait frissonner plus que de raison, je sens le démon du désir gronder en moi, comme je l’ai très rarement ressenti avant de la rencontrer. C’est aussi flippant que grisant. Sa main se fraye un chemin jusqu’à ma poitrine et mon coeur rate un battement, mais ce geste visait à m’éloigner d’elle. Fait chier. « Pas ici. » lâche-t-elle dans un souffle qui semblerait vouloir dire tout le contraire. Pourtant, je ne compte pas lui faire changer d’avis ou la brusquer, je crois qu’on a déjà bien avancé aujourd’hui, contre toute attente. Pourtant, elle vient quérir mes lèvres et je m’abreuve de ce baiser comme si j’étais consciente de devoir attendre un long moment avant le prochain. « Il vaut mieux que je m’en aille. Pense à passer à la régie de vidéosurveillance. » Un nouveau baiser que je voudrais sans fin, mais elle me laisse sur ma faim. « Appelle moi quand tu as du temps. » Elle s’éloigne et je me contente de souffler ma frustration, entendant la porte se refermer derrière elle. Je passe une main dans mes cheveux, me laissant quelques secondes pour reprendre mes esprits, et ma vie. Je ne sais pas du tout où nous mènera cette histoire, je sais que je dois faire attention, mais c’est plus fort que moi, avec elle je ne réfléchis pas, je me sens plus vivante que jamais.