Fate's joke (Rayden#6)

Quelques jours sont passés depuis le casting, qui s’est d’ailleurs plutôt bien passé. Difficile à dire quelle en sera l’issue, mais je suis satisfaite de la prestation que j’ai donné ce jour là. Désormais mon sort est dans d’autres mains et je n’ai pas d’autre choix que d’attendre patiemment d’obtenir une réponse. J’ignore totalement si je vais avoir ce rôle, je n’ai même parlé de ça à personne. Ma vie va peut-être prendre un tout nouveau tournant mais pour le moment je n’ai pris aucune disposition à ce propos. Il va peut-être falloir que je songe à le faire. Je termine mon dernier cours de la matinée, rejoins la salle de pause réservée aux professeurs et constate que j’ai un appel en absence sur mon portable et qu’un message vocal a été laissé, je l’écoute. Il s’agit de l’équipe de production du film, je suis convoquée en milieu d’après-midi aux studios. Evidemment ça chevauche mon emploi du temps, les choses auraient été trop simples autrement. Prétextant une urgence auprès d’un de mes collègues j’arrive à le convaincre de me remplacer exceptionnellement. Je pouvais également supprimer mon cours, mais je trouve que les élèves ont déjà trop peu d’heures d’activités physiques dans leur cursus, alors autant éviter de les en priver. Certains sauteraient de joie, j’en suis bien consciente…
Libérée de mes obligations, je trouve le temps de passer rapidement chez moi pour prendre une douche et me changer avant de regagner les studios. Je me retrouve dans une partie du bâtiment que je ne connais pas encore, m’annonce à l’accueil et on m’indique que la réunion se passe au sixième étage. Direction l’ascenseur, alors que j’attends qu’il s’arrête je reçois un message de mon collègue lequel me fait part de la déception de mes élèves de ne pas me voir. Il n’en a pas la moindre idée mais ce message tombe à pic pour m’aider à gérer mon stresse grandissant. Je suis en train de rédiger une rapide réponse quand l’ascenseur s’ouvre, j’y entre sans même relever le nez de mon portable, me plaçant simplement sur le côté de la cabine. Les portes se referment, mon message est envoyé, je mets mon portable en mode avion, le range dans ma poche et relève enfin les yeux vers la personne qui occupait déjà l’ascenseur avant que je n’y entre. Mon sang se glace, et pour cause, je me retrouve en compagnie d’Eden. J’esquisse un rictus poli « Bonjour. ». J’avais espoir de ne pas la croiser, c’était totalement stupide… la preuve, le destin n’a pas tardé avant de démontrer tout son sens de l’humour. La productrice a été plutôt claire lors de notre dernières discussion, elle ne veut plus aucun contact avec moi, je m’abstiens donc de dire quoi que ce soit, me contentant de fixer les étages qui défilent. Quatrième, plus que deux. La cabine semble ralentir un peu, sûrement pour s’arrêter prendre de nouveaux “voyageurs“. Les portes ne s’ouvrent pas, elle poursuit simplement son ascension lentement. Une première secousse se fait sentir. Pitié, pas la panne. Ça serait quand même complètement dingue, non ? Nouvelle petite secousse avant l’arrêt total de l’ascenseur, la lumière semble faiblir par moment signe de baisse de tension électrique. Elle est où la caméra cachée ?

Je mets beaucoup d’espoirs dans cette nouvelle production, j’ai aimé le scenario à la première lecture et j’aime surtout la vision qu’apporte cette nouvelle scenariste au cinéma, pour le moment trop peu ouvert aux femmes dans sa généralité. Rien qu’à mon poste, je suis une des seules femmes productrices à Hollywood, la plupart sont des hommes vieux et bedonnants, et pour beaucoup des prédateurs sexuels. Ça me répugne, mais leur pouvoir finira par leur causer perte et fracas, surtout vu ce qui se passe en ce moment, la rébellion des femmes dans la société. C’est aussi pour ça que j’essaie au maximum de donner leur chances à des femmes qui j’estime le méritent. L’équipe de ce film est principalement composée de femmes, j’aurai aimé que la totalité le soit, mais il fallait des hommes au casting pour le bien de l’histoire, et certains postes au niveau techniques ne sont pas encore très en vogue dans la population féminine. Mais pour une fois, le quota de femmes est supérieur à celui des hommes et c’est plaisant. La première réunion pour le film a lieu aujourd’hui, et je suis aussi impatiente que stressée, par la simple idée de croiser Rayan à nouveau. Depuis notre dernière altercation lors du pré-casting, les choses ont été suffisamment claires pour ne pas me donner envie de revenir vers elle. Et pourtant, la vie va nous mettre à nouveau à l’épreuve puisque Rayan a été sélectionnée pour le rôle pour laquelle je l’ai un peu pistonnée. C’est une bonne chose pour elle, d’autant que je n’ai pas été là pour la décision finale et que ça, elle peut s’en féliciter. Je n’ai fait que lui donner un petit coup de pouce pour provoquer le destin.

Voiture garée dans le parking sous terrain, dossier et scenario en main, je me dirige vers l’ascenseur pour rejoindre l’étage à laquelle la réunion de pré-production se passera, en présence des acteurs et de l’équipe de réalisation. Un moyen de faire connaissance une première fois, un premier contact dans les règles avant de commencer les répétitions. Je me glisse dans l’ascenseur et pianote sur mon téléphone pour envoyer un sms à Cora. La cabine s’arrête au rez-de-chaussée, j’imagine pour récupérer quelqu’un, je relève les yeux et mon regard accroche la silhouette de Rayan qui entre sans lever les yeux. Mon corps se tend d’un seul coup. Elle range finalement son téléphone et daigne lever le regard, regard qui change lorsqu’elle comprend qu’elle se trouve seule avec moi dans cet ascenseur. Un simple bonjour et un rictus presque forcé que je ne prends même pas la peine de lui rendre. « Bonjour. » Ce sera ma simple réponse, dans une expression plus neutre qu’autre chose. Je sais que je vais devoir faire bonne figure et ne surtout pas mettre de mauvaises ondes dans ce film. Je reste finalement silencieuse, cherchant au maximum à ne pas la regarder même si sa simple odeur me fait vriller le cerveau. L’ascenseur fait des siennes et s’arrête finalement. Je laisse échapper un rire nerveux. « C’est une blague. » Pitié dites moi que c’est une blague. Je sors mon téléphone de mon sac mais évidemment pas de réseau, et m’approche des boutons pour appuyer sur celui de l’appel de secours. La tonalité est très faible et je n’entends qu’à peine la voix de mon interlocuteur. « On est coincées dans l’ascenseur sud, entre le 5ème et le 6ème étage, vous m’entendez ? » Je rappuie sur le bouton mais plus rien ne se passe. Putain c’est pas vrai. Je soupire longuement et jette un oeil à l’heure sur mon téléphone. La réunion commence dans 5 minutes. « Ils savent que je suis jamais en retard, dans dix minutes maxi quelqu’un viendra nous chercher. » Espérons. Nouveau soupir et je m’écarte des portes pour m’appuyer contre le miroir au fond de l’ascenseur. « Félicitations, au fait. »

Ce serait se voiler la face que de penser que les probabilités de croiser Eden étaient faibles. C’est son studio de production, je suis conviée à une réunion dont j’ignore tout, mais ça me semble logique qu’elle soit présente. En revanche c’était peut-être un peu moins probable de se retrouver au même moment dans l’ascenseur, mais surtout là où nous manquons clairement de chance elle et moi c’est que ce dernier tombe en panne. Si ce n’est pas le cas ça y ressemble. Un blague ? De très mauvais goût ça c’est certain, mais le destin a un humour douteux de toute façon. La blonde appuie sur le bouton d’urgence pour contacter le service d’assistance de l’ascenseur, la connexion est très mauvaise, pas étonnant si c’est un soucis venant du courant électrique. Devant l’absence de réponse la productrice soupire, agacée par la situation. Je peux le comprendre, je ne suis pas la plus à l’aise non plus même si je tente de donner le change tout en espérant très fort que ce foutu appareil se remette en marche rapidement. Très rapidement ça serait encore mieux… genre maintenant. Mon vœux n’est pas exaucé, la boite de métal reste immobile et la reine des glaces fulmine à mes côtés. Sèchement elle indique que ce n’est que l’affaire d’une dizaine de minutes avant que quelqu’un vienne à sa rescousse et la mienne par la même occasion. Je ne sais pas si elle a des McGyver parmi ses employés mais ça me semble mal barré. Evidemment je m’abstiens de ce genre de commentaire, jouer au roi du silence me paraît être la meilleure option pour éviter de dire une connerie et aggraver les choses. C’est désagréable d’ailleurs, de devoir agir ainsi face à Eden alors que nous avions une certaine complicité avant de tout gâcher. Je connais ma part de responsabilité là dedans cependant je refuse d’endosser l’entière faute, il n’y a pas de fumée sans feu et en l’occurrence la quadra tenait le briquet ou jouait le rôle de l’allumette.
La productrice se retranche dans le fond de l’ascenseur, son agacement est palpable. Ils ont mis la clim dans cet ascenseur ou c’est juste elle qui refroidie les lieux ? J’évite tout regard dans sa direction, du moins jusqu’à ce qu’elle me félicite sans que je ne comprenne pourquoi. Je lui adresse un air interloqué « Merci… » dis-je quand même pour ne pas passer totalement pour une idiote. Est-ce que ça veut dire que j’ai eu le rôle ? Personne ne m’a rien annoncé et je pensais que cette réunion était justement à ce propos. Bon tant pis je vais passer pour une conne mais auprès d’Eden je crois que je ne suis plus à ça près « Pourquoi tu me félicites au juste ? ». Je me fais peut-être des films, ça peut tout aussi bien être une pique de sa part au sujet de notre différend. Je ne lui connais pas cette attitude, mais étant donné que je découvre pleinement son côté glacial j’imagine que je peux être surprise. Je jette un coup d’œil à ma montre, ça fait à peine cinq minutes depuis l’arrêt de l’ascenseur. « T’es pas claustrophobe au moins ? » demandé-je juste pour être sûre, il paraît que les emmerdes n’arrivent jamais seules, en plus on dit jamais deux sans trois et j’en compte déjà deux.

J’y crois pas. Pourquoi maintenant ? Ce genre de chose n’était encore jamais arrivé depuis que je travaille ici et que je prends cet ascenseur tous les jours. Non. Bien sûr. Il fallait que ça arrive justement aujourd’hui, et seule dans cet appartement avec Rayan. Evidemment. Le destin se fout bien de nos gueules on dirait. Ça a tendance à me mettre hors de moi. Pas de réseau, des interférences avec la station de secours. Tout. Va. Bien. Je prends un peu de distance, à vrai dire je cherche la distance maximale avec Rayan, autant dire vu la taille de l’ascenseur, ça fait pas grand chose. Le silence est lourd, je pourrai bien le laisser là et ne pas chercher à le briser, pourtant c’est ce que je fais. Et je la félicite, presque un mot gentil dis-donc, c’était inespéré vu la situation. « Merci… » Lâche-t-elle avec un regard visiblement bourré d’incompréhension. « Pourquoi tu me félicites au juste ? » Alors là c’est moi qui tique. « Personne ne t’a appelée ? » Visiblement non. « Pourquoi tu crois que tu es ici ? Tu penses vraiment qu’ils t’auraient fait venir à cette réunion pour te dire que tu n’avais pas le rôle ? On a autre chose à faire… » Oui. Alors voilà, même quand je lui annonce qu’elle a été prise, ce qui est en soi une bonne nouvelle pour elle, je reste quand même glaciale. Nous en sommes là. Effectivement. « T’es pas claustrophobe au moins ? » demande-t-elle avec une pointe d’innocence que j’avais toujours adoré jusque là, mais qui m’exècre au plus haut point vu la situation dans laquelle on se trouve. « Non. » Ouah, bravo pour la réponse Eden, je crois qu’on arrive au sommet de ton potentiel sympathie. Je soupire à nouveau, traduisant de mon exaspération,  et décide de tenter à nouveau ma chance en appuyant sur le bouton d’appel. Il pourrait y avoir une femme enceinte ici, quelqu’un de claustrophobe justement, cardiaque, j’en sais rien, mais ça va finir par m’angoisser cette histoire si on ne vient pas nous chercher très vite. Rien ne se passe, aucune tonalité cette fois. Fait chier. Nerveusement, je donne un coup dans la machine, du plat de la main. Pas fort, mais suffisamment pour raisonner. Cette journée commence mal. Très mal. Ok, trouve un truc. Vite. « Ils vont t’accorder un congé sur six mois ou tu vas devoir démissionner ? » Voilà, comme un cheveu sur la soupe, le truc qui sort de nulle part, et qui en plus sert à rien. On est bien avancées. Je me retourne vers Rayan qui ressemble à s’y méprendre à un lapin pris dans les phares d’une voiture. Ça va être long. Très long.

Cynisme ou réelles félicitations, je suis en droit de me poser la question étant donné l’ambiance glaciale qui règne dans l’ascenseur. La productrice s’étonne de ma question, je secoue la tête, non de toute évidence personne ne m’a appelé sauf aujourd’hui pour me convoquer à cette réunion. La blonde enchaine, plus froide encore – oui c’est possible – m’expliquant qu’ils n’ont pas de temps à perdre, si je suis là c’est que j’ai le rôle. On a connu plus sympathique comme annonce que d’avoir en sous-titre “t’es conne ou quoi ?“ mais je prends ce qu’on me donne. Je hoche la tête « Evidemment » murmuré-je pour moi-même. Elle peut penser ce qu’elle veut le fait est que je ne suis pas devin. Face à la tension palpable d’Eden je m’interroge sur la nature de son agacement. Ce n’est quand même pas ma seule présence qui la rend si irascible, si ? Je tente une question quant à une éventuelle claustrophobie, mais non ça n’a rien à voir « C’est déjà ça. » soufflé-je. Je crois désormais que le silence est définitivement ma meilleure option. Le plus difficile c’est de faire abstraction de l’agitation de la quadra. Elle soupire, tente à nouveau d’appeler le service d’assistance, en vain. Je sursaute quand elle frappe du plat de la main contre la colonne de commande de l’ascenseur, le bruit raisonnant dans toute la cabine. Ça risque d’être très long cette histoire, surtout si Eden se transforme en furie. Elle compte essayer de me taper dessus aussi ? Prendre mon mal en patience, il n’y a rien d’autre que je puisse faire. Respire Rayan et surtout ne pense pas que ça puisse durer des heures, surtout pas. Si j’ai adopté l’option silencieuse, la blonde semble de son côté vouloir meubler par une tentative de conversation. Enfin peut-on vraiment appeler cela comme ça vu le ton employé ? Décontenancée par son attitude j’écarquille les yeux. Et c’est elle qui m’a plusieurs fois répété de ne pas “me mettre dans un état pareil.“… la bonne blague. « Je ferai ce que j’ai à faire. » dis-je simplement, d’un ton neutre sans aucune animosité et pourtant je commence un peu à en avoir marre du ton qu’elle emploie.
A vrai dire ce qui m’agace le plus c’est de voir où nous en sommes. Comment un quelques minutes à peine les choses ont changés, un totalement revirement de cap de la par de la productrice. J’ai été maladroite, je l’ai compris avec le recul et le comprends sans doute encore un peu plus maintenant. J’ai eu tort de sous-entendre qu’elle m’avait piégée alors que j’ai fait ça toute seule. Elle était l’allumette et j’ai voulu jouer avec le feu, poussée par une force qui me dépassait, des questions auxquelles je n’ai toujours pas de réponses ou plutôt dont j’ai peur. J’ose laisser mon regard glisser sur Eden, je sens sa tension, son énervement et je me surprends à vouloir la délivrer de ces émotions désagréables. J’échappe un long soupir, cette situation est aussi ridicule qu’intenable « Donc ça va être comme ça désormais ? » j’enchaine avant qu’elle ne prenne la mouche « Le ton cassant, la froideur glaciale… c’est ce qui m’est réservé ? » je ne m’attendais pas à un tapis rouge et de grands sourires mais au moins un semblant de cordialité. « Si tu ne voulais pas me voir tu avais largement le pouvoir de faire en sorte que ça ne soit pas le cas. T’avais qu’à claquer des doigts et je disparaissais de l’équation. J’imagine que c’est encore le cas. ». Je ne suis pas sûre de pouvoir travailler dans ces conditions, c’est un rêve que je touche du doigt avec ce rôle, mais que la productrice ai cette attitude à mon égard c’est plus que je ne peux endurer et pourtant dieu sait qu’il en faut pour me pousser jusque là. « J’ai été… maladroite. » soufflé-je finalement je capte son regard plus franchement pour la première fois depuis mon entrée dans l’ascenseur « J’en ai pris conscience. ».

Je n’arrive pas à rester calme. Non seulement parce que je suis dans un ascenseur en panne, mais aussi et surtout parce que je le partage avec Rayan. Merde. C’est la dernière personne au monde avec qui j’aurai voulu être enfermée dans un espace aussi réduit. Être forcée à sentir son odeur, entendre sa voix, sentir son regard sur moi. Je tressaille, perds patience. Je ne suis pas agréable avec elle, n’ai aucune envie de l’être, aucune envie non plus de faire un effort. Je veux dire, depuis qu’elle m’a bien fait comprendre que j’avais essayé de la piéger, ou pire même que je l’avais piégée, je crois que nous avons fini de se dire les choses. Elle est peut-être bouleversée dans sa vie sexuelle mais j’en ai rien à foutre. J’ai autre chose à faire que passer pour la manipulatrice de service. Pas avec elle en tout cas. Moi qui pensait que nous avions une relation privilégiée, je me suis bien plantée, et ça me fout les nerfs en vrac. Je tente pourtant de briser le silence mais de tout évidence j’aurai mieux fait de la fermer. Sa réponse est aussi froide que ma question. Génial. Je choisis cette fois de fermer la gueule, et je reste au fond de l’ascenseur, attendant que ça se passe. Je jette de temps en temps un regard sur mon téléphone pour voir l’heure - parce qu’il fait trop sombre pour la voir sur ma montre - et pour voir si par hasard je ne capterai pas un peu de réseau, mais rien. Le calme plat. Je soupire parfois, change de position, mon appui d’un pied sur l’autre, et l’agacement ne semble pas vouloir laisser place à un minimum d’apaisement. « Donc ça va être comme ça désormais ? Le ton cassant, la froideur glaciale… c’est ce qui m’est réservé ? » Si elle voulait essayer d’apaiser les choses c’est mal barré. Le regard foudroyant que je lui lance est une première réponse à sa question. « A quoi tu t’attendais ? » Sous entendu après ce qu’elle m’a balancé dans la gueule. « Si tu ne voulais pas me voir tu avais largement le pouvoir de faire en sorte que ça ne soit pas le cas. T’avais qu’à claquer des doigts et je disparaissais de l’équation. J’imagine que c’est encore le cas. » Je lâche un rire acerbe. « Donc tu me prends toujours pour la productrice qui a tous les pouvoirs et qui en plus de ça s’en sert pour piétiner les gens. » Je crois que si ce n’était pas elle, je lui aurai foutu une belle baffe. « Je ne mentais pas quand je disais que je tenais mes promesses. Maintenant si tu te dégonfles, effectivement je peux faire en sorte de te dégager de l’équation. » C’est pas l’envie qui manque. Parce que la voir régulièrement, pouvoir la croiser dans les studios, je suis pas vraiment prête. Mâchoires serrées, je tente de garder le cap et ne pas m’énerver outre mesure bien que j’en ressens le besoin de manière presque viscérale. « J’ai été… maladroite. J’en ai pris conscience. » « Maladroite ? » Que je répète après elle avec une intonation plus forte et plus agressive. Cette fois je perds pieds. Je m’avance vers elle d’un pas rapide, je n’ai eu besoin d’en faire qu’un et demi. Elle recule et se heurte à la paroi de l’ascenseur. Je pointe mon index et le pose sur son thorax, mon regard planté dans le sien. « Tu n’as pas été maladroite Rayan. Tu as été irrespectueuse et blessante. Tu m’as fait passer pour ce que je n’étais pas et je suis même sûre que tu y as cru. » Je suis hors de moi, mon regard est plus puissant qu’il n’a jamais été et je ne me rends même pas compte que mon corps se trouve presque plaqué au sien, et que je peux sentir son souffle sur mes lèvres. Mauvaise idée.

A quoi je m’attendais ? Pas à ce que l’ascenseur tombe en panne et que nous soyons toutes les deux coincées ici ensemble, ça c’est une certitude. J’ai de sérieux doute sur le sens de l’humour du hasard ou du destin, peu importe le nom le constat reste le même. Concernant l’attitude d’Eden je n’avais pas vraiment d’attente, étant donné sa froideur naturelle, difficile de s’attendre à autre chose que d’être face à un bloc de glace, mais je pense que j’avais espéré un peu plus de neutralité de sa part. Chacune de ses phrases porte clairement les stigmates laissé par mes propos lors de notre dernière rencontre. Je ne peux pas l’en blâmer, mais si la situation est si insupportable pour elle, pourquoi ne rien faire ? Elle a tous les moyens en sa possession pour ne pas s’emmerder avec moi. Ok j’aurais mieux fait de me taire, maintenant elle pense que je la prends pour une sorte de monstre sans pitié qui abuse de son pouvoir. Je lève les yeux, agacée par sa manière de retourner encore une fois les choses, de penser à ma place. Elle remet en avant la promesse qui m’a été faite et le point d’honneur qu’elle met à honorer ses promesses. Donc c’est quoi le but au juste ? Me faire passer pour la méchante de l’histoire, la petite ingrate de service ? « Je ne te prends pas pour quelqu’un qui abuse de son pouvoir. Ce n’est pas ce que j’ai dit. » répliqué-je, ce jeu de ping-pong risque d’être pénible, je le sens. Si nous en sommes là c’est en grande partie ma faute, je l’ai compris. Un peu tard, puisque le mal était déjà fait, mais j’en ai conscience et j’avoue avoir été maladroite. Encore un mot de trop. J’enchaine les conneries je crois, car Eden se retourne, fond sur moi, me faisant reculer contre la paroi de l’ascenseur et plante son regard dans le mien. Non en fait elle me transperce de son regard et s’il pouvait lancer des éclairs je crois que je ne serais plus qu’un petit tas de cendre à cet instant. Son index pointé sur moi, lame de fortune appuyant ses propos, pour leur donner plus de force encore afin qu’ils s’encrent en moi. La blonde fulmine, le ton est vindicatif. Je l’ai blessé, peut-être plus encore que je ne le croyais. Coincée entre son corps et la paroi de métal, je suis coincée, face à face avec mes doutes, mon trouble, mes conneries.
Je pensais qu’il serait plus facile de mettre de la distance entre la productrice et moi, rétablir une relation strictement professionnelle m’apparaissait comme la solution idéale. Je m’y suis mal prise, j’ai été blessante et j’en paye désormais les pots cassés. J’avais l’illusion de pouvoir endurer ce froid glacial, la vérité est que j’en suis incapable. Et peut-être devrais-je avoir peur à cet instant, mais ce n’est pas le cas. L’aura magnétique d’Eden semble une nouvelle fois faire son effet, pourtant elle est chargée de colère, hostile. Une vague de chaleur m’envahie, sa proximité tout aussi difficile à endurer que sa froideur. Je nage dans un océan de paradoxes, finalement rien ne semble calmer ce que la blonde provoque en moi, ce qu’elle a réveillé sans le savoir. Je rassemble mes esprits et secoue négativement la tête « Non. Je n’y ai pas cru. » soufflé-je « Dans la panique c’était plus facile de rejeter toute la faute sur toi. » comme elle le fait en ce moment en m’accablant à son tour. « Ton seul tort a été de continuer ton jeu de séduction… » alors que je lui avais fait comprendre que je n’étais pas intéressée. Bon ok c’était pas tout à fait vrai, cependant nous n’en serions peut-être pas là si elle avait arrêté. « T’es peut-être au dessus de tout ça, t’as peut-être jamais douté, jamais essayé d’enfermer cette envie à double tour. » je hausse les épaules « Tu es chanceuse si c’est le cas. Mais ne me blâme pas pour être perdue. ». Sans doute Eden s’en fout elle d’avoir mis le bordel dans ma tête, elle ne voit que la blessure laissée par ma réaction, elle réagit en conséquence, moi j’avais seulement besoin de le lui dire. Mes yeux jusque là braquer sur les siens, bifurquent une fraction de seconde vers ses lèvres. C’est suffisant pour raviver ma mémoire, me ramenant à cette soirée où j’ai perdu le contrôle. Je repense à ce baiser échangé, les sensations encore parfaitement claires dans mon esprit, l’envie d’y goûter à nouveau. Rayan tu dérailles là ! « Arrêtes ça. » lâché-je dans un murmure. Merde je me mets à penser tout haut.

« Je ne te prends pas pour quelqu’un qui abuse de son pouvoir. Ce n’est pas ce que j’ai dit. » Oui. Une chose est sûre, elle n’a pas la langue dans sa poche. Je n’ai pas rencontré souvent des personnes qui continuaient de me tenir tête, encore moins dans un moment pareil où je fulmine clairement. Elle le sait pourtant, elle le sent que je suis à deux doigts d’exploser, et elle se permet de jouer les insolentes en en rajoutant une couche. Clairement, elle ne sait pas ce qui peut l’attendre d’un moment à l’autre. Et d’ailleurs, a peine eut-elle ouvert la bouche à nouveau que je fonds sur elle, la menaçant de mon index, de mon regard plus tranchant qu’il n’a jamais été. « Non. Je n’y ai pas cru. Dans la panique c’était plus facile de rejeter toute la faute sur toi. » Elle avoue enfin ses torts. Ce n’est pas pour autant que je la laisse respirer, ou que je lâche son regard du mien. « Ton seul tort a été de continuer ton jeu de séduction… » Je ricane un peu, par provocation à son tour sans doute. Mais ma chérie, si tu n’avais pas été aussi réceptive, j’aurai sûrement arrêté, si tu avais été plus convaincante lorsque tu m’as dit ne pas être intéressée, j’aurai arrêté, si tu n’avais pas flanché la première… « Berce-toi d’illusions si tu veux. » Que je souffle à mon tour, m’approchant davantage de son visage, par pure provocation, et surtout pas dans l’idée de rompre la distance en totalité. Surtout pas. « T’es peut-être au dessus de tout ça, t’as peut-être jamais douté, jamais essayé d’enfermer cette envie à double tour. Tu es chanceuse si c’est le cas. Mais ne me blâme pas pour être perdue. » Perdue, c’est un grand mot. Qu’elle le soit je l’accepte, le comprends même, et je ne la blâme pas pour ça. Je la blâme seulement pour son comportement qui n’a pas été à la hauteur de mes espérances la concernant. Parce qu’elle a joué, qu’elle m’a laissée jouer, et qu’au final, c’est elle qui a abattu les cartes et les barrières avant de se rétracter. Mais le mal était déjà fait. Elle se fait passer pour la victime mais qui est la victime de l’autre, qui est la prédatrice au final ? Je me suis laissée embarquer dans ce petit jeu, j’y ai pris goût, j’ai développé des sentiments pour elle sans pouvoir les contrôler. Et nous voilà en train de nous cracher dessus, comme deux chats faisant le dos rond, tous poils hérissés. Je remarque que son regard dérive sur ma bouche. Elle le fait exprès c’est pas possible. « Arrêtes ça. » murmure-t-elle, me faisant reculer d’un pas comme brûlée par les flammes de l’Enfer. « Arrête quoi ? Tu te fous de ma gueule Rayan ! » Je crois que j’ai un peu hurlé. Mais merde elle me fout dans tous mes états. Je passe mes mains dans mes cheveux en soupirant et me tourne dos à elle pour ne surtout pas la regarder. Mon souffle est plus court, mon coeur bat plus vite. Merde. Merde merde merde merde. Je suis en train de me battre contre mes démons, contre mes envies, contre cette folie qui cherche à s’emparer de moi. « Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu veux à la fin ? » Je me retourne et lui fais face à nouveau, plantant mon regard dans le sien, cette fois moins assassin, plus désarçonné. Je sais plus quoi faire, quoi dire, comment me comporter. Elle m’a vrillé le cerveau.

Me bercer d’illusions ? Quelles illusion au juste ? Celles que tout cela n’est qu’une vision de l’esprit, une réalité alternative dont on va me sortir à tout moment, ou simplement que j’aurais pu passer outre le trouble provoquer par Eden dès l’arrêt de son jeu de séduction ? J’y ai pourtant cru sur l’instant, tout comme j’ai continuer à y croire en remettant une nette distance entre nous la dernière fois que nous nous sommes vues. Je me suis trompée, l’erreur est humaine et devinez quoi je ne suis qu’une simple mortelle ! Ah ça c’est sûre j’aurais préféré être une Déesse ou toute autre entité pouvant se permettre d’être au dessus de tout. C’est peut-être d’ailleurs ce que pense la blonde, que son aura, son charisme lui donne le droit de se sentir plus forte que moi et mes doutes dont de toute évidence elle se fout. C’était un reflexe égoïste de la placer comme totale responsable du bordel qui règne dans ma tête, mais elle est tout aussi égoïste pour avoir continué à me provoquer, pour son envie de me faire flancher. Elle a réussi, elle devrait en retirer une certaine satisfaction. A moins que je ne l’ai fait voler en éclats à l’instant même où je l’ai accusé de m’avoir piégé, la blessant au passage. Je ne suis pas du genre à m’écraser, et bien que la productrice puisse être intimidante je n’ai pas peur d’elle. Je crains d’avantage ma propre réaction, la manière dont je peux gérer notre proximité, cet échange houleux qui pourtant ravive en moi le souvenir brûlant de ses lèvres contre les miennes. Je m’intime d’arrêter mes conneries, pensant tout haut, malgré moi. Eden fulmine de nouveau, prenant l’ordre pour elle. En soit, il pourrait lui être adressé, comme une supplique de la faire stopper cette mise à l’épreuve. La solution serait peut-être de rendre les armes, m’avouer vaincue et quitter le ring pour ne plus jamais la revoir. Mais je n’en ai aucune envie, je ne suis pas quelqu’un qui baisse les bras, tant pis pour les obstacles à franchir. Celui-ci est sans doute le plus difficile qu’il m’est été donné d’affronter… on est toujours faible face à ses propres démons et la quadra en est l’incarnation même.
A bout de nerf la blonde recule, passant nerveusement ses mains dans ses cheveux. Je ne perds pas un seul de ses gestes, l’observe et décèle une faille, une faiblesse de sa part. Elle se tourne dos à moi, c’est trop pour elle aussi et dans un sens ça me soulage de le constater. Je ferme les yeux un instant, laissant ma tête reposer contre la paroi de métal derrière moi, prenant une inspiration un peu plus profonde. L’air est saturé par la tension ambiante, le feu et la glaçant se transformant en vapeur opaque dans laquelle il est si facile de se perdre. Le répit est de courte durée, Eden me fait face à nouveau, usant de son arme la plus redoutable, son regard. Elle me sonde, ce n’est pas la première fois, et je ne peux retenir un frisson de courir le long de mon épine dorsale. Sa colère semble avoir laissé sa place, une légère vulnérabilité s’étant invitée dans la lueur claire de ses iris envoutantes. Elle me demande ce que je veux, je fronce les sourcils et elle répète sa question, dans une attente de réponse oppressante. Je garde une respiration calme, régulière c’est le meilleur moyen de rester maitresse de mes émotions. « Je ne… » non surtout ne pas lui dire que je ne sais pas, même si c’est vrai, elle exploserait probablement à nouveau et je ne veux pas nous infliger ça. « Pas ça en tout cas. » dis-je calmement « La froideur, la dureté… le mépris. Je ne peux pas. » pas parce que je suis faible, mais parce que je ne veux pas que ce petit bout de rêve qu’il m’est donné de vivre avec ce rôle soit gâché par la rancœur et la colère, jusqu’à transformer le rêve en cauchemar. « Je t’ai vu sourire, je t’ai entendu rire je ne peux pas m’imaginer qu’à présent je doive faire face à cette version glaciale de toi. » j’hésite à être parfaitement honnête et sincère, mais sans doute que je lui dois au moins ça « Parce que ça ne change rien… tu as toujours ce truc… » je fais un geste de la main pour désigner un ensemble. Je soupire posant ma main sur mon front, fermant les yeux un instant « Ça aurait été tellement plus simple que tu ne sois pas si attirante, et que tu n’ai montré aucun intérêt à mon égard. Tout serait resté gentiment dans la boite où j’avais tout enfermé. » je rouvre les yeux et secoue la tête « Je crois qu’il vaut mieux autant pour toi que pour moi que je ne dise pas ce que je veux à cet instant. » soufflé-je. Parce que c’est une envie éphémère, pas une décision concrète et réfléchis sur la manière dont nous pourrions coexister sans faire trop de vagues.

J’implose. J’explose. Je n’arrive pas à rester près d’elle, à soutenir son regard - ou plutôt accepter qu’elle soutienne le mien. Elle met mes nerfs à rude épreuve et ce quasiment depuis notre rencontre, c’est sans doute ce qui me rend le plus folle. Elle me plait, ça a toujours été, je n’ai pas tardé lui faire comprendre, à lui dire même, et mon petit jeu de séduction a trouvé preneuse. Parce que même si elle a tenté de me faire comprendre qu’elle n’était pas intéressée, je savais au fond qu’elle se leurrait elle même. Elle m’en a donné la preuve un peu plus tard, et c’est ce qui a tout chamboulé d’ailleurs. « Je ne… » Qu’elle ne dise pas qu’elle ne sait pas parce que je vais l’étrangler. « Pas ça en tout cas. La froideur, la dureté… le mépris. Je ne peux pas. » Je lâche un petit rire cynique. « Oh bien sûr. Tu ne peux pas…  » Comme si elle avait le choix. Est-ce que je l’ai moi, le choix de me comporter autrement avec elle ? Non. Parce que je dois me protéger d’elle, j’ai trop bien vu à quel point elle avait le pouvoir de me mettre dans tous mes états. Elle me rend vulnérable, même si elle n’a pas l’impression que ce soit le cas. « Je t’ai vu sourire, je t’ai entendu rire je ne peux pas m’imaginer qu’à présent je doive faire face à cette version glaciale de toi. » Elle n’aura pas le choix malheureusement, à partir de maintenant il me serait complètement impossible de redevenir celle que j’ai pu être à son contact. « Parce que ça ne change rien… tu as toujours ce truc… » Mon coeur se serre, parce que je sens qu’il y a ce ‘truc’ justement, entre nous, je sens la tension, je sens l’attirance, et ça me bouffe de l’intérieur parce que je n’ai envie que de ça. Pas la posséder pour l’empêcher d’être qui elle est, c’est autre chose, bien au delà de ça, et je n’en ai même pas réellement conscience d’ailleurs. « Ça aurait été tellement plus simple que tu ne sois pas si attirante, et que tu n’ai montré aucun intérêt à mon égard. Tout serait resté gentiment dans la boite où j’avais tout enfermé. Je crois qu’il vaut mieux autant pour toi que pour moi que je ne dise pas ce que je veux à cet instant. » Elle va me laisser là ? Comme ça ? Avec cette suspension pendue à ses lèvres ? Je ne crois pas non. « Qu’est-ce que tu veux Rayan ? » J’ai bien entendu ce qu’elle venait de dire et même si cette phrase fait écho à la même, prononcé quelques poignées de secondes plus tôt, elle n’a pourtant pas la même intonation. Je ne veux plus savoir ce qu’elle veut en surface. Je veux savoir ce qu’elle veut, au fond. Ce qu’elle n’assume même pas vouloir. Elle ne répond pas, fuit même mon regard et je m’approche d’elle, réduisant à nouveau cette distance entre nous, réchauffant l’ambiance malgré moi. C’est d’une voix plus chaud que je répète. « Qu’est-ce que tu veux ? » Je glisse mes doigts sous son menton pour relever son visage et la pousser à plonger dans mon regard. Je veux savoir. Je veux savoir ce qu’elle cache, ce qu’elle renferme. « Pourquoi vouloir tout renfermer dans cette boîte ? De quoi tu as peur ? » Je crois avoir assez prouvé ma loyauté envers elle, j’aurai pu tout envoyer valser mais non, je suis encore là. Et moi je sais ce que je veux. Elle.

Un rire cynique passe la barrière des lèvres d’Eden. Elle pense sûrement à une forme d’arrogance de ma part à demander l’impossible. Avoir brisé notre complicité sans en payer le prix, retrouver un semblant de sympathie de sa part semble insurmontable si je traduis sa réaction correctement. Je me montre franche, lui fait par de mon incapacité à supporter sa froideur alors qu’il y à peine quelques semaines en arrière elle m’offrait une visite de studio dans une atmosphère détendue et chaleureuse. Bien sûr c’était avant cette soirée où tout à dérapé, durant laquelle j’ai commencé à gâcher ce que nous avions en me perdant dans le dédales de mes doutes depuis trop longtemps enfouis. Je pousse l’honnêteté jusqu’à lui avouer que son comportement ne suffit même pas à dissiper totalement l’attirance ressentit à son égard. Elle a ce truc spécial qui me transforme en papillon face à la lumière. M’en approcher devient une envie irrépressible, même en ayant conscience du danger que cela représente. Mais quel danger au juste ? Ils sont nombreux, revenants en bribes de souvenirs, de cette époque où j’étais déjà troublée d’éprouver de l’attirance pour une autre femme. J’aimerais revenir en arrière, ne pas l’embrasser, garder la tête froide et que les choses suivent le cours plus simplement. Aurait-ce été seulement possible ? Eden a peut-être raison, je me berce d’illusion, je combats des démons qui ne peuvent être vaincus. Je le sais dans le fond, je le mesure à la force de cette envie que j’ai de me jeter sur ses lèvres à cet instant précis. Une décision sur un coup de tête, et après… je reculerais probablement à nouveau. Je ne peux pas lui dire ce que je veux. Cependant je sais que ça ne lui suffira pas, elle est tout aussi obstinée que je peux être déterminée.
La blonde réitère sa question, elle veut me pousser dans mes retranchements, me faire affronter l’origine même de cette lutte intérieure que je mène. Je reste muette, elle se rapproche à nouveau, je me redresse un peu, prenant de la hauteur pour me donner l’illusion de me protéger, j’imagine. Comme une rengaine la blonde se répète, usant d’un ton plus chaud, un timbre plus grave qui vient faire raisonner en moi tout ce que j’essaye d’ignorer. Je détourne le regard, inutile de se compliquer la tâche en essayant d’affronter ses orbes magnétiques. Rompant les notions de frontières, Eden glisse ses doigts sous mon menton, me forçant à la regarder. Ses iris azurées font offices de sondes, elle me transperce une nouvelle fois de son regard mais se trouve confrontée au mien, sombre, reflet de mon combat contre moi-même. Elle pose alors les questions que je redoutais. Pourquoi je lutte ? Contre quoi ? Qu’est-ce qui m’effraie ? J’ai beau essayer de maintenir une respiration calme pour tempérer mes émotions, elle s’accélère malgré moi. Je reviens plus de dix ans en arrière, les oreilles irritées des commentaires de la part de mes coéquipières à propos de l’une d’elle, qu’elles avaient fait virer de l’équipe en ayant appris son homosexualité. Nourris par l’intolérance ambiante, j’avais pris peur face à mes émotions déplacées à l’égard d’une de mes pairs. J’avais fait taire la partie la plus gênante de mon identité, niant son existence, mettant cela sur le compte de la jeunesse et son instabilité. J’y ai cru jusqu’à il y a peu… jusqu’à Eden. Peut-être est-ce juste une passade, une fois encore. La crise de la trentaine ? C’est un peu tard, mais y’a t’il vraiment un âge pour ça ?
Maintenant je suis là face à mes démons, face à cette blonde à la beauté quasi surréaliste, son souffle caressant mes lèvres alors que je tente de maitriser la force d’un désir depuis longtemps muselé. Un petit enfer personnel. “Pourquoi vouloir tout renfermer dans cette boite ?“ me répété-je, c’est vrai. Pourquoi ? « Ce que je veux… » dis-je dans un souffle « Je… » je suis incapable de le dire, de le formuler à voix haute. Je les sens à nouveau ses picotements dans le bout de mes doigts, ce pic d’adrénaline qui part à l’assaut de mes veines. Mon souffle se hache un peu plus, d’un geste rapide je saisis les poignets d’Eden et inversant nos positions la plaque contre la paroi de l’ascenseur, mes lèvres se plaquant contre les siennes sans retenue aucune. Si elle est la glace, je suis comme le feu, parfois lent et capricieux et démarrer, redoutable et destructeur une fois lancé.

Elle est paumée, c’est pas nouveau. Mais ça m’irrite, parce que je ne suis pas ce genre de personne qui ne sait pas ce qu’elle veut, et j’estime qu’il est important de savoir ce qu’on veut dans la vie. Rayan me fait sortir de mes gonds, alors que j’ai plutôt l’habitude de rester froide et impassible. Mais pas face à elle, parce qu’elle me ramène peut-être à quelque chose qui me perturbe plus que je ne voudrais le laisser sembler. Je déteste profondément perdre, surtout avec des regrets. Parce que dans cette histoire, j’ai la sensation de pas avoir abattu toutes mes cartes. C’est peut-être pour ça que je suis si acerbe de la voir me fuir. Je suis bien obligée de me protéger à mon tour, pour éviter de vriller totalement. C’est pourtant bien ce que je fais dans cet ascenseur. La proximité avec la jeune femme est trop difficile à vivre. Pourtant je m’accroche, comme si je n’avais pas d’autre choix. Je m’approche d’elle à nouveau et lui demande, une nouvelle fois mais de manière subtilement différente, ce qu’elle veut réellement. Il ne faut pas être idiot pour comprendre que la réponse attendue n’est pas le genre de ‘je veux sortir de cet ascenseur’, clairement, on est au même point de ce côté là. Quoi que. Quoi qu’il en soit, je lui demande clairement ce qu’elle veut, ce qu’elle tait, ce qu’elle n’assume pas. J’ai besoin de savoir une bonne fois pour toutes sur quel pied danser. Une fois près d’elle je redresse son menton pour la forcer à me regarder, perçant son âme de mon regard puissant. « Ce que je veux… Je… » Dis-le Rayan. Crache le morceau une bonne fois pour toutes. J’attends encore une seconde et enfin il se passe quelque chose. Enfin elle sort de sa léthargie. Se saisissant de mes poignets, la jeune femme me fait faire demi-tour, inversant nos positions pour me plaquer contre la paroi de la cabine et réduit la distance entre nos lèvres. Enfin. A la fois surprise et grisée par la sensation qui s’empare de moi, je lâche un souffle de plaisir, fermant les yeux immédiatement pour profiter de cet échange. Dieu seul sait combien de temps il durera cette fois, si elle ne va pas me fuir comme la peste à nouveau après ça. Mon coeur tambourine comme un dingue dans ma poitrine, j’ai presque l’impression de n’avoir jamais ressenti ça. Ne dit-on pas que de l’attente naît le désir ? Si tel est le cas, le désir que je ressens pourrait déplacer des montagnes, je vous le dis. Une de mes mains glisse dans sa nuque pour appuyer davantage le baiser qui laisse enfin parler nos envies les plus profondes, et mon autre main se niche alors dans le creux de ses reins pour l’attirer contre moi, sentir sa chaleur. Ma langue s’invite peu à peu, titillant ses lèvres d’abord jusqu’à ce qu’elle me laisse la porte ouverte pour venir caresser sa langue de la mienne. Je meurs de chaud, j’ai la sensation de ne plus toucher terre, que tout s’estompe peu à peu autour de nous. Mon démon intérieur se réveille et se met à gronder. Elle me rend folle…

Pour la seconde fois je cède, je me jette à l’eau et heurte la glace. Elle est brûlante, enivrante, ravivant une flamme en moi dont j’avais tue l’existence. Ce sont des envies longtemps enfouies que je laisse s’échapper au travers de ce baiser. Il n’a rien de timide, plus fiévreux que le précédent, il est chargé de toute cette tension ambiante dont nous nous délivrons à présent. Je crois n’avoir jamais ressenti un tel embrasement de mon être, cet échange est une délivrance, catalyseur temporaire de mes doutes. L’emprise de mes mains sur les poignets d’Eden se relâche et rapidement je sens ses mains se poser sur moi, rapprochant nos corps, renforçant notre proximité grisante. Nos lèvres apprivoisées, l’échange s’intensifie quand nos langues se rencontrent. Comme un bis répétita, mes mains viennent prendre place sur ses hanches mais cette fois aucune panique ne me saisie en découvrant leur finesse. Au contraire, cette sensation alimente le désir, je me serre encore un peu plus contre la productrice. J’ignore tout des secondes ou même des minutes qui s’écoulent. A quoi bon les compter, nous sommes coincées ici… dans cet ascenseur et désormais comme dans un autre espace temps. Mon cœur bat fort dans ma poitrine au point qu’Eden le sent peut-être. A quand remonte la dernière fois où j’ai été dans cet état sous l’effet d’un baiser ? Je suis incapable de m’en souvenir. Ai-je seulement déjà ressenti ça ? Si aucun mot n’a été pu passer la barrière de mes lèvres, je crois que mes actes sont chargés de réponse quant à ce que je veux. Pourtant je recule, légèrement, laissant mon souffle chaud courir sur les lippes de la jolie blonde contre lesquelles j’esquisse un sourire « Toi… » soufflé-je dans un aveu fait à moi-même autant qu’à elle « Même si c’est une folie… ».
Notre ballet enflammé reprend de plus bel, jusqu’à ce qu’une première secousse me fasse renouer avec le contexte actuel. La lumière semble s’être ravivée dans la cabine bien qu’elle subisse encore quelques oscillements. Je recule à nouveau, un pas, puis un second, regardant le cadran des étages qui n’a toujours pas bougé. « L’ascenseur va surement redé… » nouvelle secousse plus forte, elle me surprend et je perds légèrement l’équilibre me rattrapant comme je peux à la paroi la plus proche où se trouve Eden, lui tombant presque dessus. « Désolée. » l’ascenseur reprend son ascension « Le problème a l’air réglé. » dis-je avec un léger sourire qui laisse place à une mine confuse au moment où je me rends compte que l’une de mes mains se trouve sur la poitrine de la productrice. Je me redresse et recule, gênée, ce qui est un peu paradoxal étant donné ce qu’il vient de se passer quelques minutes plus tôt « Pardon. ». J’échappe un léger rire et tente de reprendre contenance, c’est plutôt difficile avec Eden à un mètre de moi, son parfum saturant encore mes narines et le goût de ses lèvres encore bien trop clair dans mon esprit. Levant les yeux je remarque une caméra, je tourne alors vivement la tête vers la productrice « Elle a subit la panne de courant aussi, n’est-ce pas ? » demandé-je avec un soupçon d’inquiétude que j’essaye de dissimuler. En vérité je n’en mène pas large, partagée entre les sensations grisantes qui continuent d’irradier mon corps et le flou totale qui entoure cette situation.

C’est une délivrance. Totale, complète. Je sens que cette fois elle ne va pas s’échapper, pas dans l’immédiat en tout cas. Le rapprochement est bien différent de la première fois, plus assumé, plus assuré. Elle en a envie, elle y a pensé, réfléchi, et s’est finalement jetée à l’eau, même si je l’y ai fortement poussée. Mais je ne me remercierai jamais assez de l’avoir fait. Nos langues partent à la conquête l’une de l’autre, nos mains se font plus appuyées, nos corps brûlants d’envie. Je sens le démon du désir gronder en moi, je sais pourtant que cette trève d’ascenseur ne suffira jamais pour assouvir tout ce qui m’est venu à l’esprit la concernant, depuis que j’ai croisé son chemin le tout premier jour. « Toi… » finit-elle par lâcher entre deux baisers fiévreux. « Même si c’est une folie… » Je souris et reviens chercher ses lèvres avec une avidité certaine, comme si vous avions du temps à rattraper, tout ce temps où j’ai rêvé de cet instant. Mais alors que ma main s’apprêtait à glisser sous son haut, une secousse se fait ressentir et les lumières grésillent et se rallument progressivement. Rayan s’éloigne de moi, rompant la magie et créant un vide certain à l’intérieur de moi. « L’ascenseur va surement redé… » Une nouvelle secousse propulse Rayan contre moi, je ne vais pas m’en plaindre. Elle s’excuse mais je ne désire qu’une chose désormais, que ce foutu ascenseur ne démarre pas réellement. « Le problème a l’air réglé. » lâche-t-elle, avant de se rendre compte que sa main se trouvait sans le vouloir sur ma poitrine. Je lui souris, plus amusée qu’autre chose alors qu’elle semble confuse. « Pardon. » Je laisse échapper un rire qui se mêle au sien. « C’était pas pour me déplaire…. » Que j’ajoute à demi-mot, plus pour moi qu’autre chose. Elle se redresse et laisse une sorte de distance de sécurité entre nous. Il est vrai que ce n’est pas plus mal si elle ne veut pas que je bloque cet ascenseur par moi même pour lui faire goûter aux joies de l’amour entre deux femmes. J’en rêve depuis si longtemps. « Elle a subit la panne de courant aussi, n’est-ce pas ? » demande-t-elle, me faisant relever les yeux vers elle, puis suivant son regard, vers la caméra. Je glousse légèrement, plus amusée qu’autre chose. Faut dire que même si mon corps est tendu, c’est pour une toute autre raison qu’un peu plus tôt. Mon esprit lui, semble plus serein, bien que quelque peu pollué par toutes les envies qui me traversent. « Aucune idée, on verra ça sur la tête de celui qui va nous accueillir en ouvrant les portes. » répondis-je avec légèreté. Rayan elle, semble vraiment perturbée. « J’irai voir à la régie sécu après la réunion, t’inquiète pas. » Je m’approche d’elle alors que l’ascenseur reprend sa course. Je glisse ma main sur sa joue et à l’aide de mon pouce essuie le coin de ses lèvres où se trouve une légère trace de mon rouge à lèvres. « Tu n’as plus qu’à montrer tes talents de comédienne et faire comme si j’avais été imbuvable. Comme à mon habitude. » Je lui souris et viens quérir ses lèvres, juste avant que l’ascenseur n’émette le petit tintement, annonçant notre arrivée à l’étage où se trouve la réunion. Les portes s’ouvrent et je me trouve face à elles, le visage fermé pour jouer la comédie, Rayan derrière moi. « Mme Lewis, on a fait tout notre possible pour vous sortir de là au plus vite, mais c’était une panne générale et… » Je lève ma main comme un mur entre mon interlocuteur qui semble être un technicien, et moi. « N’en dites pas plus avant que je n’explose et vous vire sur le champs. Allez emmerder quelqu’un d’autre. » Mon ton est froid, comme j’en ai l’habitude. Je me dirige vers la salle de réunion où évidemment tout le monde attend. M’attend. Nous attend. Un regard sur ma montre et nous nous installons Rayan et moi l’une à côté de l’autre. « On peut commencer. » Evidemment, je vais m’en donner à coeur joie pour titiller les nerfs de Rayan. Je crois que ça va être mon prochain grand jeu. Chacune son tour, chaque personne autour de cette table se présente, annonce qui elle est et son rôle sur le film. Arrivera bientôt le tour de Rayan, et je m’amuse déjà à frôler sa jambe de mon pied. La partie ne fait que commencer.

Cette secousse de la cabine d’ascenseur me fait renouer avec la réalité, les raisons de ma venue, cette réunion à laquelle nous allons devoir assister. Pas que cet échange ne fut pas réel, au contraire, il était vrai, authentique, témoin de mon lâché prise face à mes envies les plus secrètes. Je suis comme un peu sonnée, une seconde secousse me reconnecte d’avantage au contexte actuel me retrouvant gênée par ma proximité avec Eden. Si j’écoutais cette tension dans mes entrailles, je reprendrais sans doute le fil de notre échange, mais la raison et mon esprit reprennent le pas sur le reste. Je repère une caméra, j’aimerai rester parfaitement détachée et prendre ça à la dérision, mais je ne peux empêcher une pointe d’inquiétude de s’emparer de moi. La productrice, semble pour sa part bien plus sereine, elle plaisante même un peu sur l’éventualité que nous ayons pu être vues. Comment ça on verra selon la tête de celui qui se trouvera devant les portes ? Je crois que mon regard parle pour moi, Eden veillant à me rassurer aussitôt. Elle ira à la régie dès la fin de la réunion. « Ok. » soufflé-je, me détendant un peu. En soit je ne regrette pas ce baiser, ni d’avoir laisser s’exprimer mon désir… en revanche j’ai parfaitement conscience de la délicatesse de cette situation. Hors de question à peine un pied mis dans ce milieu, de risquer d’être pointée du doigt comme une de ces femmes qui couchent pour réussir. Ce n’est pas le cas. La blonde s’approche, ne m’aidant pas vraiment à apaiser mon esprit, mon cœur s’accélère au contact de sa main sur ma joue et ce geste doux avec lequel elle estompe les preuves de la rencontre de nos lèvres. Son conseil me fait sourire « Je devrais y arriver sans trop de difficulté. » répondis-je avec un regard entendu, parce que jouer la comédie c’est mon truc et qu’en l’occurrence Eden a aussi été imbuvable donc je n’aurais pas vraiment à trop me forcer. Elle me surprend en venant m’embrasser brièvement juste avant que l’ascenseur s’arrête et qu’elle ne remette son masque de reine des glaces. C’est un frisson qui vient de me traverser ? Je crois bien oui.
Je reste en retrait, les portes s’ouvrent et c’est un homme confus qui accueille la productrice. Froide, elle l’envoie balader lui stipulant d’aller emmerder quelqu’un d’autre. Il obéit, s’adressant alors à moi alors que la blonde s’éloigne déjà vers la salle de réunion « Je suis vraiment désolé… » me dit-il avec une sincérité perceptible, je hoche la tête affichant un air compréhensif « Ce n’est pas votre faute. Et puis j’ai survécu. » il soupire et ajoute plus bas « Elle devait être très énervée. » je hausse les épaules « Sa réputation la précède. D’ailleurs je devrais y aller... » un dernier sourire et d’un pas rapide je rejoins la salle de réunion dont Eden vient d’ouvrir la porte. Nous prenons place, je mets derrière moi tout ce qui a pu se passer avant et la réunion débute. Première étape, les présentations avec un tour de table où chacun se présente rapidement. La plupart de ces gens ont beaucoup plus d’expérience que moi, ayant au moins déjà eu des rôles, même petits, dans un film ou une série. Je ne me laisse pas intimider, il y a un début à tout, non ? Et si Eden ainsi que les responsables du casting ont cru en moi, c’est que j’ai ma place, je ne l’ai pas volé. Ça sera bientôt mon tour, je réfléchis à ce que je vais dire, mais suis coupée dans le fil de mes pensées par un frôlement contre ma jambe. Je dissimule au mieux mon trouble, bien que j’ai presque sursauter, et fais mine de me réinstaller plus confortablement sur mon siège. Plus que deux personnes et ce sera à moi de parler. Coup d’œil en direction d’Eden, elle paraît attentive mais je sais très bien que c’est son pied le fautif et surtout que cela n’a rien d’un hasard. Je perçois un léger rictus au coin de ses lèvres, elle joue sciemment avec mes nerfs. Concentre toi Rayan. C’est à moi de parler, je me présente tout en faisant abstraction, ou presque, de cette mise à l’épreuve de la part de la productrice. « A quoi tu joues ? » chuchoté-je une fois l’attention déplacée, espérant qu’elle arrête son manège. La réunion se poursuit, mon espoir d’accalmi est de courte duré, Eden provoquant habilement plusieurs frôlements contre ma jambe, mon bras, et même ma main. Elle veut que je devienne dingue en fait, c’est ça ? Elle me teste ? Rapidement je note sur un coin de feuille “Ne joue pas avec le feu.“ le glissant discrètement en direction de la productrice, avant de venir gribouiller par dessus après que son regard ce soit arrêté sur mon message.