Enjoy the night, it's free (Jollie#4)

Willie se fout ouvertement de ma gueule, c’est pas la première fois, mais je commence à m’y faire, même si j’ai jamais trop aimé ce genre de comportement. Je crois qu’elle ne le fait pas pour blesser, juste pour emmerder le monde, elle a l’air d’être plutôt douée dans ce domaine. Après tout, chacun est comme il est, moi je suis un grizzly, elle elle est juste chiante. Après tout, je sais pas lequel est le pire. « Ouais, je comprends. C’est celle qui dit qui y est. » Je plisse les yeux pour la fusiller ‘gentiment’ du regard, et elle s’éclipse finalement vers les toilettes, me laissant seule avec ma bière. Bière que je finis avant d’en commander une nouvelle, et payer nos consommations pour éviter de trouer les poches de la petite hippie. Une fois revenue, je tente un trait d’humour, qui n’est pas encore très fin, je n’y suis pas habituée, mais avec l’alcool, ça aide. J’en ai l’impression en tout cas. « Me faire taire ? Et bien si tu veux moins m’entendre, fais la conversation. » C’est pas possible elle en loupe pas une celle-là ! Je ne relève pas, je lui adresse juste un regard assassin. On va pas exagérer non plus, je suis déjà là, je suis sortie, boire un verre, avec elle, faut pas trop m’en demander non plus. Faire la conversation, et puis quoi aussi ? Y’a pas marqué mère thérésa là ! Willie essaie de démonter ma théorie sur le fait que je sois bienveillante, que je l’envoie chez elle dans un taxi. Mais le chauffeur pourrait bien abuser d’elle. Elle n’a pas tort sur ce point. « Fais gaffe je pourrais aussi penser qu’en fait tu veux profiter de moi. » J’ouvre grand les yeux à en la regardant, mais où elle va pêcher tout ça ? C’est pas possible ce lot de conneries qu’elle peut débiter à la seconde celle-là ! « En plus je crois pas que tu te sois emmerdée à connaître mon adresse. » Je détourne finalement mon attention et bois quelques bonne gorgées de ma bière avant de lui répondre. « Tu serais surprise de tout ce que ma tête peut bien retenir. Il se pourrait même que j’ai encore le souvenir de toutes tes lignes de ton CV. » Je hoche la tête, pas franchement fière d’avouer un truc pareil. C’est con, ça sert à rien, je suis dépitée par moi-même, j’en ai bien peur. « Et si on buvait un truc un peu plus corsé pour finir ? » « Allez ! » Avec l’alcool, faut pas me chercher, encore moins me défier. Je finis ma bière d’une traite et nous commandons une ligne de shooters, à se partager.
Tout va très vite, je crois que ça faisait un moment que j’avais pas bu comme ça, c’est la première fois qu’elle me voit comme ça j’en suis sûre, la seule fois où elle est venue chez moi, j’avais la gueule de bois, et c’était juste pas beau à voir. Là c’est pas pareil, je me dévergonde de minute en minute, j’arrive à faire de l’humour, un peu, et je me libère de toutes ces conventions qui m’enchaînent jour et nuit. Je ris, chose que je fais que très rarement, je ris à ses blagues, aux miennes qui sont franchement pourries. La soirée se poursuite, je me dandine même un peu sur mon siège en entendant une vieille chanson que j’aimais bien. Et vient le moment de rentrer. Je suis exténuée, ma tête tourne horriblement. Je laisse Willie appeler le taxi et entre dedans sans réfléchir, alors qu’elle monte à ma suite, et je m’effondre de fatigue, la tête sur son épaule. J’arrive même à articuler son adresse, dans un semi-murmure. J’ignore pourquoi, je ne réfléchis plus vraiment à vrai dire, mon cerveau est déconnecté depuis un moment…

L’alcool désinhibe c’est bien connu, alors tant pis pour la modération ce soir, Joey et moi brisons la glace. C’est plutôt important pour un binôme, l’entente, la complicité même si je ne crois pas que Black ai réellement un avis similaire. Elle se prête au jeu, un peu malgré elle dans un premier temps mais je crois qu’elle fini par y trouver son compte aussi. Y’a de quoi boire, c’est déjà un bon point. Mes taquineries à répétitions passent, ce qui ne m’encourage pas à m’arrêter, et Joey se risque à blaguer à son tour. Je la découvre d’avantage, la carapace se fissure un peu. On est loin de la franche camaraderie et je ne me fais pas trop d’illusions sur l’intérêt que peut porter le Lieutenant à mon égard, mais si déjà on arrive à bien s’entendre ça sera un très grand pas. La soirée suit son cours, à vrai dire je ne vois plus vraiment le temps passé à partir du moment où nous passons de la bière aux shooters. Clairement l’atmosphère se détend, enfin c’est surtout Joey qui se déride d’avantage et elle est plutôt de bonne compagnie quand elle veut ! J’hésite presque à la filmer quand je la surprends à se dandiner au rythme d’un titre de sa jeunesse, un classique que j’apprécie moi aussi. C’est plus qu’éméchées que nous quittons le bar à sa fermeture, il est tard, je suis joyeuse mais j’ai quand même un peu moins bu que Black, ce qui me permet d’avoir les idées assez claires pour nous trouver un taxi. J’aide ma coéquipière à s’installer à bord et prie pour qu’elle ne soit pas malade. Elle n’a pas l’air mal, juste fatiguée et je le suis moi aussi. Je soupire en m’affalant sur la banquette et indique notre destination au chauffeur. La voiture démarre, la tête de Joey tombe sur mon épaule et je ne m’en formalise pas. Elle marmonne et je m’aperçois qu’elle est en train de réciter mon adresse, je ne sais pas trop pourquoi mais je souris… peut-être qu’elle n’est pas si froide et indifférente au reste du monde qu’elle veut bien le faire croire. Je dois le reconnaître, je suis surprise, agréablement.
Le taxi s’arrête juste devant l’immeuble du Lieutenant Black, il a l’air plutôt pressé de repartir et je ne peux pas lui en vouloir. Je lui donne un billet en lui indiquant de m’attendre. Il accepte, j’espère qu’il ne va pas me faire faux bond, de toute façon j’ai noté sa plaque. Je raccompagne Joey jusque chez elle, l’aide à ouvrir la porte et l’accompagne jusqu’à l’entrée de sa chambre vérifiant qu’elle s’affale bien sagement sur son lit. J’allais lui souhaiter bonne nuit, c’est inutile, elle poursuit sa nuit commencée dans le taxi. Je suis crevée aussi, et une fois chez moi c’est mon tour de m’affaler dans mon lit, après avoir bu un grand verre d’eau en prévision du réveil difficile.