Posté devant la porte du petit théâtre, Daniel regarda sa montre avec une moue penaude sur les lèvres. Qui avait encore une montre, en 2018 ? Sans doute seulement Daniel, qui craignait son téléphone bien plus qu’il ne l’appréciait. Ce dernier était éteint à l’heure actuelle, plongé dans son sac, et c’était bien le dernier objet qu’il avait envie de toucher en cet instant. Non, il y avait plus important. Il y avait une pièce, ce soir, ici même, dans ce théâtre où il se rendait environ tous les mois pour voir cette même compagnie jouer, encore et encore, des pièces différentes. Il était tombé sur eux un jour complètement par hasard, sept ou huit mois en arrière, et avait éprouvé de la curiosité pour leurs prestations. Il se sentait à l’aise, étrangement, dans cette salle de petite taille, avec un public restreint. Les bains de foule, bien peu pour lui. Ce soir, c’était Le songe d’une nuit d’été qui était joué, sans doute une des plus grande pièce de Shakespeare. Daniel était donc excité à l’idée de voir comment cette compagnie allait s’en sortir. Enfin, excité était un grand mot. Il avait surtout hâte qu’on lui ouvre la porte.
Il était bien entendu en avance, très en avance, comme toujours. Il ne supportait pas arriver au milieu des gens, il voulait pouvoir choisir sa place sans être dérangé et surtout, il pouvait observer l’équipe technique mettre en place la scène. Pour une raison qui n’appartenait qu’à lui, Daniel aimait voir le décors, les lumières, tout ce qui faisait l’âme d’une pièce s’installer, avant que les comédiens ne prennent place. Il s’asseyait alors dans l’obscurité, et regardait tout cela se faire, d’un oeil attentif, silencieux. Il prenait parfois des notes, il avait prit quelques photos une fois. Il sursauta lorsque la grille s’ouvrit, le laissant enfin pénétrer l’antre. Il se faufila jusqu’à la salle de représentation, et s’installa sur un des sièges, ni trop au fond, ni trop devant. Juste au milieu, là où il pourrait voir l’ensemble de la scène sans manquer le moindre bout. Il espérait que personne de grand ne vienne s’asseoir devant lui, c’était ce qu’il détestait le plus. Le petit manège des techniciens - peu nombreux il fallait le reconnaître - avait déjà commencé. Daniel plissa les yeux, et les observa soigneusement.
Il reconnu bien vite celui qui semblait faire le plus de chose, et qu’il voyait inévitablement à chaque fois. Il ignorait son nom, mais depuis quelques représentations, il lui souriait en le voyant. Sans doute avait-il prit l’habitude de le voir, lui le garçon solitaire assis dans les gradins alors que la pièce ne commençait que dans une heure. Peut-être le prenait-il pour un espèce de névrosé, mais en tous cas il lui souriait. Alors, lorsqu’il passa à proximité, Daniel ouvrit la bouche et laissa échapper un mot, un seul, de sa voix à peine plus forte qu’un souffle :
- Bonsoir.
Il accompagna ce mot d’un sourire. Après des mois à se croiser, c’était la première fois qu’il lui parlait. Pourquoi l’avait-il fait ? Pourquoi ce soir ? Daniel n’était pas vraiment sûr, mais sa propre audace le surprenait.
FRIMELDA
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Let the show begin / Pv Romeo
Ven 31 Aoû - 1:08
« Qui a touché à mes réglages ?! » Il n'avait pourtant pas l'habitude de s'énerver. Il n'aimait pas crier et ne le faisait pratiquement jamais. Mais là, Romeo avait une bonne raison de péter un câble. Tout le monde, dans la troupe, savait qu'on ne touchait pas à ses jouets sans s'en prendre une en retour. Pas de coups, pas de violence. La colère des silencieux et timides fait partie des plus redoutables. Il se mit à descendre les marches quatre par quatre, pour arriver plus vite aux coulisses où il croisa les bras, face à des acteurs aux visages innocents. Bien évidemment, personne n'était au courant de rien. Pour changer... L'une des actrices - la plus agréable - fit remarquer qu'il serait l'heure d'ouvrir dans quelques minutes. La personne qui s'en chargeait habituellement étant malade, qui devait s'y coller ? Exactement. Romeo s'avança en soupirant vers les portes de la salle. A quoi bon les ouvrir ? Peu de gens, voir personne, ne venait à une heure pareille. La représentation ne commencerait que plus tard, mais un des habitués était là. Comme d'habitude. Le brun ne connaissait pas son nom. Il ne se souvenait même pas s'il avait, ne serait-ce qu'une fois, entendu le son de sa voix. Mais cet homme était pourtant toujours là, à choisir sa place avant que les autres n'arrivent. A observer le décor être mis en place. Ca ne semblait déranger personne, alors on le laissait faire. Ce jour-là, pourtant, l'homme ouvrit la bouche et laissa à Romeo la joie d'entendre sa voix, échangeant un bonjour avec le français. Avec son grand sourire habituel et sincère, Romeo lui répondit « Bonjour, monsieur » Il le laissa s'installer, trouvant un moyen de laisser les portes ouvertes avant de courir vers ses précieuses consoles qu'il allait devoir s'amuser à régler de nouveau. Et dire qu'il avait trouvé la parfaite luminosité pour cette pièce... Il fallait l'avouer, il était quelque peu dégoûté par la situation. Et malheureusement, ces derniers temps, ce genre d'erreurs arrivaient souvent. Il appela la petite nouvelle de la troupe, qui lui avait parlé quelques minutes avant. « Mina, tu peux te mettre au milieu de la scène ? » La jeune femme répondit simplement qu'elle était occupée, comme tous les autres acteurs à qui il demanda. Une paire de gros bras se dépêchait déjà de mettre en place le décor. Après avoir tenté de régler approximativement, de mémoire, les éclairages et le son, il descendit et se mit à froncer les sourcils. Il manquait l'acteur principal. Où pouvait-il être ? On lui dit qu'il était coincé par la mauvaise circulation. Retard. Gros retard. La doublure se tenait prête à agir. Mais ça ne changeait rien au fait qu'il avait extrêmement envie de faire la morale à l'acteur dès qu'il ferait son apparition. Il finit par se poser, aux côtés de l'inconnu habitué. Il soupira avant de s'étirer un peu. Il croisait les doigts pour que la représentation ne se finisse pas en fiasco total... Il se tourna vers l'homme. Il ne faisait pas très vieux la trentaine, peut-être moins ? Il décida que lancer une conversation avec cet inconnu pourrait lui enlever ce goût amer que lui laissait ces préparatifs désastreux. Ce pendant, Romeo, en grand timide, ne savait pas bien commencer les conversations. Alors il sortit la première chose qui lui traversa l'esprit. « Désolé que vous ayez à assister à ça toutes les fois où vous venez. Mais au moins, ça doit vous divertir avant le vrai spectacle, pas vrai ? »
Le sourire du garçon rassura Daniel dans sa démarche. Il avait craint un instant de s’être montré trop familier, ou d’avoir dérangé le technicien. Une petite voix agacée souffla dans sa tête qu’il avait simplement dit bonjour, qu’il n’y avait rien de grave à ça, que personne n’allait se moquer de lui ou quoi que ce soit du genre. Cette voix était supposée être rassurante, mais elle lui rappelait surtout ce qu’il était. Un freak.
- Bonjour, monsieur.
Monsieur ? Ah oui, il avait 30 ans maintenant. Il devait sans doute paraître moins, avec son visage enfantin et son air timide, mais il faisait plus âgé que son interlocuteur, cela ne faisait aucun doute.
Le manège de la mise en place avait repris, et Daniel sortit de son sac son carnet de note. Il réfléchissait, depuis plusieurs mois, à travailler sur une nouvelle thèse. Depuis qu’il avait terminé la précédente, il avait éprouvé un vif sentiment de satisfaction mais qui l’avait quitté assez rapidement. Il n’était en vérité pleinement heureux que lorsque ses recherches l’absorbaient pleinement, ne laissant aucun espace vide à son cerveau pour s’égarer. Certes, il y avait eu des choses intéressantes ces temps. Il revenait par exemple d’un excitant voyage en Bolivie où il avait pu récupérer un objet extrêmement précieux : un couteau de sacrifice en or, orné d’une statuette représentant Mama Kilya, la déesse de la lune. Ce bien avait plusieurs centaines d’années et avait été parfaitement conservé. Il ne demandait à présent plus qu’à être méticuleusement étudié.
Recentrant ses pensée sur son idée première, Daniel git glisser son crayon sur la page vierge. Une nouvelle thèse, donc. Sur quel sujet, cette fois ? Les civilisations précolombiennes, bien évidemment, il s’agissait de son sujet d’étude principal. Mais sous quel angle l’aborder cette fois ? Sa réflexion fut assez vite interrompue, par l’agitation qui régnait. Il leva la tête de son carnet, curieux, et remarqua que le garçon à qui il avait dit bonjour semblait particulièrement agacé. Il capta quelques mots d’une des conversations, croyant comprendre que l’un des acteurs était en retard. Daniel regarda sa montre, espérant que sa pièce ne serait pas gâchée pour autant. Il fut assez surpris de voir le fameux technicien s’asseoir à son côté, tout en soupirant.
- Désolé que vous ayez à assister à ça toutes les fois où vous venez. Mais au moins, ça doit vous divertir avant le vrai spectacle, pas vrai ?
Pris de court, Daniel sentit la panique habituelle monter. La boule dans le ventre, les mots qui s’emmêlaient dans sa bouche, le cœur qui s’affolait, la totale. Il tâcha de ne pas avoir l’air trop ahuri, de reprendre contenance. Ce garçon voulait simplement se montrer aimable, ce n’était pas une agression. Tout allait bien. Merci petite voix.
- Oh euh non ne vous inquiétez pas, ce n’est rien. Je suis navré si ma présence vous embarrasse, d’une manière ou d’une autre. Il fit une pause, le regard fuyant. Je ne voulais pas donner l’impression que vous me divertissiez.
Mais n’était-ce pas un peu le cas ? Il aimait bien regarder l’installation après tout, c’était comme un pré-spectacle pour lui. Il esquissa un petit sourire, et reprit, en tentant d’avoir l’air plus assuré.
- Vous faites un travail fascinant. Sans vous, sans vos efforts, il n’y a pas de spectacle. Pas de décors, pas de lumière, pas de musique. Je trouve ça vraiment intéressant à regarder.
Il n’avait à présent plus qu’à espérer qu’il ne le prenne pas pour un type bizarre ou un espèce de stalker. Génial.
FRIMELDA
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Let the show begin / Pv Romeo
Mer 12 Sep - 22:31
L'inconnu semblait être pris par surprise par la tentative de discussion de Romeo. Il fallait avouer que, lui aussi était surpris d'avoir engagé la conversation. Pourquoi n'était-il pas juste resté silencieux ? Aucune idée. Le brun tenta de ne pas trop dévisager l'homme à côté de lui, mais c'était plus dur que ce qu'on aurait pu penser. Il répondit et Romeo sentit que quelque chose n'allait pas. Est-ce que sa prise de parole l'avait dérangée ? Il espérait que non, mais ne risquait pas de le savoir. Les gens étaient assez menteurs, sur ce genre de sujets. Pour ne pas blesser leurs interlocuteurs. Il lui dit de ne pas s'inquiéter et s'excusa presque d'être là. Cela fit froncer Romeo des sourcils. Pourquoi s'excusait-il ? Il n'avait rien fait de mal, pourtant. Si la troupe et le personnel ne voulait pas se faire observer, elle n'ouvrirait pas les portes aussi tôt, tout simplement. Puis, c'était étrange qu'il ne trouve pas cet avant goût de spectacle des plus divertissants. Romeo, dans son siège depuis seulement quelques minutes, s'amusait de voir les autres se démener autant, sans lui. Il devrait faire ça plus souvent. Une pause. Les regarder faire au lieu de jouer à Monsieur Muscles, ce qu'il n'était pas. Il se contenta de rire légèrement, s'étirant une nouvelle fois. « Vous devriez, pourtant. Maintenant qu je vois tout ça d'ici, je dois admettre que c'est assez amusant. » Plus amusant que là-bas, en tout cas, il se retint d'ajouter. Il croisa les bras et regarda une nouvelle fois vers la scène. On pouvait y voir Mina, se démenant avec la malle pleine d'accessoires, pendant que les autres jouaient aux observateurs. Faisant à peine semblant de se remaquiller ou d'ajuster leurs costumes pour la soirée. Le brun commença à sourire. L'idée d'aller aider la jeune fille germa à un moment, dans sa petite tête, mais... Non. Il était occupé, lui aussi, à divertir le public. A chacun son heure de gloire. L'inconnu le couvrait d'ailleurs de compliments. Et, Romeo restant Romeo, il se contenta de baisser la tête, les joues devenant rouges de gêne. « Je... Je suis pas le plus important non plus... Ils n'avaient pas tout ce matériel, à l'époque. Non, on devrait surtout remercier les acteurs de... de... » Ce qui devait arriver arriva et Mina trébucha, se retrouvant au dessus de la grosse malle. Et c'est en soupirant que Romeo finit sa phrase, changeant totalement ce qu'il s'apprêtait à dire. « D'être d'aussi gros boulets... J'ai sérieusement l'impression qu'ils sont mon talon d'Achille, certaines fois... » Il se pinça l'arrête du nez. Il n'avait même pas besoin de regarder. Il savait déjà que Mina tentait de se relever seule, car aucun des autres n'était venu lui tendre la main. Ils étaient tous beaucoup trop occupés à se rouler par terre en riant. Les imbéciles...
Le technicien désormais assis à son côté contemplait la scène, une expression visiblement amusée sur les lèvres. Daniel n’osait pas esquisser de mouvement, ne s’étant jamais retrouvé dans cette situation. La plupart des gens l’ignorait une fois qu’ils avaient réalisa sa timidité, il avait prit l’habitude d’être invisible. Sans le garçon, le reste de la troupe semblait en tous cas parfaitement perdu. L’historien avait l’impression de contempler un petit groupe de fourmis sur lequel il aurait placé une branche. Les insectes étaient alors complètement incapable de retrouver leur piste, et se dispersaient en s’agitant, cédant à la panique. Un phénomène tout à fait fascinant.
- Vous devriez, pourtant. Maintenant que je vois tout ça d'ici, je dois admettre que c'est assez amusant.
Dan esquissa un petit sourire et se sentit se détendre très légèrement. Son interlocuteur n’avait pas l’air de lui en vouloir pour sa présence, et il ne semblait pas prêt de partir du siège sur lequel il était installé. N’avait-il pas du travail pourtant ? La pièce était-elle prête à débuter ? Il restait encore du temps avant le début de la représentation, selon la montre du jeune homme, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Probablement. Dan se força à rester tranquille, malgré la situation très inhabituelle. Lorsque les joues du garçon virèrent au rose, il se demanda s’il avait dit quelque chose de déplacé ou d’inapproprié. Ca n’aurait pas été la première fois qu’il mettait les pieds dans le plat.
- Je... Je suis pas le plus important non plus... Ils n'avaient pas tout ce matériel, à l'époque. Non, on devrait surtout remercier les acteurs de... de...
Il semblait embarrassé, ce qui embarrassa également Daniel. Superbe concours de circonstance, une fois encore. Le regard de l’historien fut attiré vers la scène lorsqu’un bruit sourd manqua de le faire sursauter. L’une des jeunes femmes, une actrice qu’il avait déjà vu à plusieurs reprises, venait de s’étaler par terre de tout son long en essayant de déplacer une malle trop lourde pour elle. Dan se figea, espérant qu’elle ne s’était pas fait.
- D'être d'aussi gros boulets... J'ai sérieusement l'impression qu'ils sont mon talon d'Achille, certaines fois...
Le technicien avait l’air agacé, cette fois, et plus vraiment amusé. Le reste de la troupe semblait, quant à eux, trouver la situation désopilante. En entendant leur rire, Daniel se rappela avec nervosité les moqueries qu’il subissait, lorsque sa propre maladresse le rendait ridicule. S’il avait été plus courageux, il se serait levé et serait aller aider la demoiselle, mais il était incapable de bouger.
- Attention à ne pas rencontrer votre Pâris, murmura-t-il sans le regarder.
Pâris, celui qui avait tué Achille d’une flèche dans son unique point faible. En regardant de nouveau les acteurs sur la scène, Daniel revit les fourmis auxquelles il avait pensé toute à l’heure. Ils étaient sans doute plus proche des cigales, en vérité, s’il fallait se référer à la fable. L’historien, prit d’une soudaine révélation – il fallait remercier La Fontaine pour cela – se tourna vers son interlocuteur, une lueur soudain plus vive dans le regard.
- Et si c’était vous, leur talon d’Achille ? Sans vous, ils seraient bien incapables de mener les pièces à leurs termes, après tout. Il hésita un peu et poursuivit : Pourquoi… Pourquoi ne pas leur donner une leçon ?
Daniel n’encourageait que rarement la vengeance, mais dans cette situation cela pourrait être tout à fait pédagogique. Apprendre aux acteurs à respecter le travail des techniciens. Il pointa du doigt les projecteurs, et fit mine de débrancher un câble, dans un mime relativement compréhensible.
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Mer 29 Aoû - 18:21
FRIMELDA