what about us? (fred)

Je me suis réveillée en plein milieu de la nuit, presque en sursaut, alors que se dessinaient quelques ombres sur les murs de la chambre de Fred. Je soupire légèrement, rassurée de voir que les rideaux n’ont pas été tirés. Je n’ai jamais vraiment aimé l’obscurité, me sentant oppressée chaque fois que le noir semblait m’engloutir toute entière. Dans un geste naturel et spontané, je tends le bras à côté, comme pour y chercher le réconfort, comme pour y trouver une masse endormie contre laquelle me pelotonner. C’était toujours rassurant de me serrer contre Fred, pendant la nuit. Sa chaleur avait quelque chose d’apaisant. Mais c’est presque sans surprise que mes doigts se referment dans le vide, sur une place froide et sans vie. Encore une fois, elle n’était pas venue se coucher dans son lit. C’était presque devenu une habitude ces derniers temps – une habitude qui ne me plaisait pas du tout. Une habitude qui semblait creuse comme un trou à l’intérieur de mon ventre. Je me rappelle alors de tout ce travail qu’elle devait abattre avant une certaine échéance, je me rappelle de son visage un peu fatigué aussi. Je me rappelle de toutes ces autres fois où je l’ai retrouvée endormie sur le canapé. Et toutes ces fois où je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas pourquoi elle préférait dormir sur son canapé alors que son lit n’attendait qu’elle. Alors que je n’attendais qu’elle. C’était perturbant. Je n’aimais pas qu’elle dorme là-bas. Je n’aimais pas qu’elle dorme loin de moi quand j’étais là. Je sens une petite moue sur mes lèvres et je décide alors de repousser le drap avant de me lever.

En tee-shirt et culotte, j’attrape la couette dans mes bras et me dirige jusqu’au salon où la télévision est encore allumée sur une émission de pêche sur une île très loin. La voix des marins n’est qu’un léger fond sonore et il me faudrait me concentrer pour pouvoir distinguer leur conversation. Je ne regarde que les images, le dessin des paysages inconnus qui me font très envie. C’est si beau toute cette nature. J’aurais aimé pouvoir respirer de nouvelles odeurs, découvrir de nouveaux territoires. Il y a soudainement comme un petit nœud dans ma gorge – il me faudrait simplement me satisfaire de peindre ces décors d’ailleurs. Quand je tourne légèrement la tête, j’observe Fred, toute endormie sur son canapé. Cette vision amène automatiquement un sourire sur mes lèvres parce que ma meilleure amie est mignonne ainsi. Plongée dans la vulnérabilité du sommeil. Je dépose délicatement la couverture sur elle avant de me faire une place sur le canapé, tout contre elle. C’est très inconfortable et la moitié de mon corps se trouve dans le vide mais je n’y fais même pas attention – parce qu’il n’y a pas d’autre endroit où j’ai envie d’être en ce moment. Ça fait bien trop longtemps que je n’ai pas dormi contre Fred et ça me manque. Je n’aime pas ça. Je n’aime pas que son travail la tienne loin de moi. « Bonne nuit, je souffle tandis que je la sens remuer contre moi avant de fermer les yeux comme pour me rendormir. » Maintenant que Fred était là, je pouvais rêver tranquillement. Sans avoir peur de la nuit ou des monstres effrayants.

Je n'y arrive pas. Ou plutôt je n'y arrive plus. Avant elle n'était que fiancée. Et encore avant juste en couple. Et encore, encore avant, elle était célibataire. C'était bien à ce moment là. Oui c'était bien. On était proches, on rigolait ensemble, on dormait à deux, on partageait un quotidien qui n'appartenait qu'à nous deux. Puis nous trois parfois avec Flore. Oui, c'était bien. Puis après elle est tombée sur lui. Et ils se sont fiancés. Et il y a peu ils se sont mariés. Tout a changé. Absolument tout. Jusque là, ce n'était qu'un type de passage, un mec qui pouvait disparaître. Mais maintenant il y avait cette bague à l'annulaire que j'ai fixé une bonne partie de la soirée alors que je disais être plongée dans mes dossiers. Je m'y fais pas et je m'y ferai probablement jamais. Elle s'obstine à venir, à passer la nuit ici, à faire comme si rien ne s'était passé, qu'elle n'était pas mariée. Arg foutu mot. Je ne comprends pas pourquoi elle fait ça. Enfin si, on est amies non ? Ouais, c'est ça. Dans un énième soupir, accusant les lignes que je venais de lire, je lui souris pour la rassurer. Non, il ne se passe rien. Non, je ne pense pas à elle encore à ce moment là. Ce n'est pas vrai. Evidemment pas. Alors quand elle me dit qu'elle va se coucher, je la laisse faire, lui assurant que je ne tarderais pas. Piètre mensonge. Je ne la rejoindrai pas. Je ne supporte plus de dormir à côté d'elle en sachant que son corps est à un autre. Et puis je dois travailler. Oui, je dois travailler. Et dans un dernier élan d'énergie, au bout de quelques heures, je dépose mon ordinateur sur la table avant de m'endormir sur le canapé. La nuit est comme d'habitude, calme, reposante. Surtout vers la fin. Je ne savais pas pourquoi, jusqu'à ce que j'ouvre les yeux. Il fait encore nuit mais je peux distinguer assez facilement la masse de cheveux collée à moi ainsi que le corps qui va avec. Mon bras l'enserre et je grogne doucement en me rendant compte de ça. Elle est venue dormir ici, avec moi. Doucement je tente de m'extirper mais mon habilité est réduite. Je la sens qui se réveille alors tant pis, je me redresse plus rapidement et m'assois sur le canapé. " Qu'est ce que tu fais ici ? " Qui sort dans un bâillement peu élégant d'ailleurs. J'attrape mon téléphone et regarde l'heure. 4h49. Un peu tôt pour se lever. " Tu veux pas aller te recoucher dans la chambre ? " La question n'est que pour elle, moi je compte bien finir ma nuit ici.

Je me sens apaisée de retrouver l’odeur de Fred contre moi. Ça me manquait de ne pas l’avoir contre moi. Je ne comprenais pas comment j’avais fait pour m’endormir sans elle dans le lit – j’étais certainement tombée de fatigue, à force de l’avoir attendue. Sa chaleur se diffuse lentement jusqu’à moi et lorsque je ferme les yeux pour me rendormir, c’est comme si j’étais à ma place dans le monde. Ce genre de paix intérieure n’arrivait qu’au contact de Fred et je ne m’étais pas rendue compte que ça me manquait autant avant maintenant. Comme si une petite pièce de mon puzzle avait été enlevée ou perdue et que je venais enfin de mettre la main dessus. Alors je plonge volontiers dans cet océan calme, dans cette mer bleue comme les caraïbes. Je n’en voulais pas à Fred d’avoir oublié de venir se coucher dans le lit, elle travaillait tellement dur qu’elle avait simplement dû s’endormir sur son canapé sans en avoir conscience. Je crois que je m’endors ou bien je ne fais que somnoler, bercée par la respiration calme et régulière de ma meilleure amie. Je sens ses bouclettes qui me chatouillent un peu le nez et ça me fait sourire. Mais tout se passe dans une sorte de brouillard tout chaud, si bien que je n’ai pas le courage de rouvrir les yeux ou bien même d’écarter ses cheveux. Je préférais avoir l’odeur de son shampoing plein les narines, c’était agréable et fruité. Ça sentait un peu les îles et les vacances au soleil, comme sa peau lorsqu’elle s’enduit le corps de crème solaire. Si elle était éveillée, je lui dirais qu’elle sent vraiment bon – mais elle est endormie comme une jolie princesse alors je reste silencieuse et continue de la tenir contre moi comme si j’avais peur qu’elle s’envole à nouveau.

Je ne sais pas si je me suis réellement endormie mais ma tête est un peu lourde lorsque je sens ma meilleure amie bouger contre moi. Son bras autour de ma taille laisse comme une impression de vide lorsqu’elle l’enlève et je manque de faire une moue d’enfant pour lui signifier que la sensation me déplaît. Néanmoins, c’est en grognant de mécontentement que je réagis lorsque Fred se redresse sur le canapé, laissant comme un gros trou vide à côté de moi. Sa voix est un peu enrouée lorsqu’elle se met à parler, j’ai envie de rire en l’entendant. « Ben je suis venue te rejoindre puisque tu t’es endormie sur le canapé, je rétorque comme si la réponse à sa question était une évidence. Je pensais que tu serais venue une fois ton travail terminé mais quand je me suis réveillée, tu n’étais pas dans le lit. Je suppose que tu étais si fatiguée que tu ne t’es pas rendue compte que tu t’endormais. » Je laisse échapper un petit rire amusé, comme si je rigolais de la maladresse d’un enfant de trois ans. Sans savoir pourquoi, je trouvais ça mignon que ma meilleure amie ait été si absorbée par son travail qu’elle en avait oublié de venir se coucher dans le lit. « C’est certain que ton lit est beaucoup plus confortable mais dans ce cas-là, tu viens avec moi, j’assure avec une sorte de hochement de tête. Tu ne vas pas dormir sur ton canapé, sinon tu vas te bousiller le dos. » Et puis, Fred et moi avions l’habitude de dormir ensemble lorsque nous étions toutes les deux, je ne voyais pas pourquoi ce soir serait une exception. J’aimais cette habitude. C’était rassurant. J’avais l’impression que monde tournait un peu plus rond quand il y avait tous ces petits moments qui faisaient que mon univers était complet. Et Fred en faisait partie. Fred faisait partie de mon univers.

Je ne sais même pas pourquoi je lui pose la question. Pourquoi je lui demande ce qu’elle fait ici. C’est évident qu’elle est venue me rejoindre parce que moi, je n’étais pas allée la rejoindre dans le lit. Donc forcément, elle était venue. Forcément, elle avait décidé de dormir contre moi. Et je dois reconnaître pour mon plus grand malheur que je dors bien mieux quand elle est collée à moi. C’est quand même sacrément pénible et handicapant d’être dépendante à ce point de quelqu’un, d’un corps qui n’est pas libre, qui ne le sera jamais pour moi. ” Ben je suis venue te rejoindre puisque tu t’es endormie sur le canapé. Je pensais que tu serais venue une fois ton travail terminé mais quand je me suis réveillée, tu n’étais pas dans le lit. Je suppose que tu étais si fatiguée que tu ne t’es pas rendue compte que tu t’endormais. “ Je souris et hoche la tête. ” Oui voilà… “ J’aime pas lui mentir mais je suis devenue maître en la matière. Parce que c’est plus facile ainsi. Parce que ça permet de ne pas laisser des sentiments sortir, des sentiments que je dois tuer, atomiser et surtout faire en sorte qu’ils ne reviennent jamais. Vaste entreprise vouée à l’échec. Je lui dis de retourner se coucher dans le lit avec la ferme intention de rester sur ce fichu canapé. Pourtant je sais, je le sais au moment où je le lui dis, qu’elle ne me laissera pas faire. ” C’est certain que ton lit est beaucoup plus confortable mais dans ce cas-là, tu viens avec moi. Tu ne vas pas dormir sur ton canapé, sinon tu vas te bousiller le dos. “ J’ai pas la force de résister, je suis fatiguée moi aussi et la perspective de pouvoir m’étirer dans mon lit est vraiment alléchante. Je souffle, de ce genre de souffle qui montre qu’on rend les armes et qu’on est prêt à capituler. ” Bien… Allez bouge tes fesses. “ Je récupère la couverture que je plis et dépose sur le canapé avant de prendre le chemin de ma chambre. Je la laisse s’installer mais avant de la rejoindre, je me déshabille pour enfiler mon pyjama. Je n’ai pas de honte à me foutre à poil devant elle, elle m’a déjà vu nue et puis franchement, c’est pas comme si ça l’intéressait. Mon short et mon haut enfilés, je la rejoins sous la couette et m’attend forcément à ce qu’elle vienne à nouveau se blottir contre moi. Il y a plus d’espace ici que sur le canapé et pourtant je sais que c’est qu’en sentant sa chaleur se fondre avec la mienne que je serai le mieux. Je caresse distraitement ses cheveux en sentant la fatigue me rattraper. ” Bonne nuit. “ Nuit, fin de nuit, matinée, bref, dodo dans tous les cas. D’un sommeil qui même s’il ne sera pas bien long sur la durée, sera réparateur.

Je me sens rassurée et soulagée que Fred accepte finalement de revenir dans son lit avec moi. Au moins, elle ne se lèverait pas demain – tout à l’heure – avec un mal de dos carabiné qui la poursuivrait toute la journée ensuite. Chaque instant partagé avec ma Fred était toujours un merveilleux moment. Et depuis mon mariage avec Vincent, j’avais l’impression qu’on ne se voyait plus autant, que l’on était toutes les deux occupées par nos vies respectives, nos emplois aussi et cette pensée me rendait triste. Alors je voulais profiter au maximum de sa présence – une présence que je n’avais pas à partager ce soir. Alors je sautille presque sur le chemin jusqu’à sa chambre, comme une enfant se réveillant le matin de Noël. Installée à nouveau sous les couvertures, entourée par le parfum de ma meilleure amie, je la laisse se changer et enfiler des vêtements plus confortables avant qu’elle ne me rejoigne à son tour. Je n’attends d’ailleurs pas bien longtemps pour venir me coller à elle, enfouissant ma tête dans le creux de son épaule comme une vieille habitude. Son parfum chatouille mes narines, doux et sucré. Ses cheveux me chatouillent le front. Et je me sens comme à ma place dans le monde, à ses côtés. Comme si j’avais trouvé le meilleur endroit.

Alors je ne comprends pas pourquoi tout à coup, j’ai comme un nœud à l’estomac. Comme un souffle d’angoisse dans ma poitrine. C’est un peu comme si je réalisais soudainement de ce fossé qui me sépare de Fred. Comme si je réalisais soudainement que ma meilleure amie s’éloignait. Et je n’en comprenais pas les raisons. Je ne savais pas pourquoi. Est-ce que j’avais fait quelque chose de mal ? Est-ce qu’on s’était disputées toutes les deux et que je ne m’en souvenais pas ? Habituellement, je ne remarquais pas ce genre de choses ou je me disais tout simplement que ce n’était pas grave parce que tout finirait par s’arranger un jour. « Fred ? je demande dans un murmure, presque comme si j’espérais qu’elle dorme déjà pour ne pas avoir à lui poser la question. Est-ce que tu es fâchée contre moi ? » J’étais effrayée à l’idée de savoir que ma meilleure amie m’en voulait. Ce serait terrible si c’était le cas. La culpabilité était un sentiment acide comme un poison qui brûlait les veines tout doucement. Et j’allais le sentir qui me grignoterait de l’intérieur si je voyais Fred me tourner le dos. « J’ai l’impression que tu m’en veux de quelque chose… je déplore. Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? » Peut-être que si je comprenais enfin pourquoi ce sentiment si glacé me sautait à la gorge, alors je pourrais me sentir mieux. Alors je pourrais retrouver ma Fred. La seule pensée de la perdre était quelque chose de terrible pour moi.

Je ne sais pas comment je fais pour encore tenir. Comment je peux supporter la proximité avec elle alors que ça fait des années que je souhaite autre chose. C'est peut être ça en fait. Je me suis résignée tout simplement. Je me suis habituée à n'être que la bonne copine et rien de plus. Oui, c'est certainement ça. C'est pas cool mais bon tant pis. Je fais avec. Allongée dans le lit, elle ne met pas longtemps à venir me rejoindre, à se coller à moi. Je l'accepte sans aucun soucis, c'est naturel, c'est habituel. Tout comme ce léger pincement au coeur. J'ose espérer qu'un jour il ne sera plus là. Je ne perds pas confiance. Et sur cette pensée, je m'endors. Enfin, je croyais que j'allais dormir. Parce qu'alors que mes neurones commencent à se déconnecter, j'entends une petite voix venir à moi. " Fred ? " Juste mon prénom. Pour s'assurer que je ne dorme pas je suppose. " Hum ? " Histoire de lui signifier que malgré tout, je suis toujours là. A moitié endormie, mais toujours là. " Est-ce que tu es fâchée contre moi ? " Alors là pour le coup ça me réveille instantanément. J'ouvre les yeux, tente de distinguer la forme de son corps malgré l'obscurité de la pièce. De toute façon vu la disposition de nos corps, je peux sentir précisément chaque partie d'elle. Pas de surprise ou quoi. Je sais où placer mon regard pour viser plus ou moins ses yeux. Même si je ne distingue pas très son visage. " Qu'est ce que tu racontes ? " Parce qu'en effet, j'ai du mal à comprendre tout ça. Il ne me semble pas avoir changé vis à vis d'elle. Au contraire. Enfin je crois. " J’ai l’impression que tu m’en veux de quelque chose… Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? " Je me mords la lèvre inférieure, consciente qu'il va encore falloir que je lui mente. ou que je lui cache la vérité. Je ne sais pas trop. Mais je ne peux pas lui dire que ce que je déplore, c'est qu'elle se soit mariée avec un mec. Enfin si, je pourrai. Mais c'est compliqué. " Non rien rien. Désolée si t'as cette impression. Je suppose que c'est parce que j'ai beaucoup de boulot en ce moment. " Je bouge légèrement, comme pour hausser les épaules même si dans cette position c'est compliqué. " Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça... Tu penses à quoi ? " Que je sache à quel moment je ne mens pas suffisamment bien. A quel moment ça pêche.

Fred et moi avions toujours été très proches, comme je l’étais de Flore. Depuis toutes ces années, nous étions trois inséparables amies et je m’étais toujours imaginé les voir vieillir à mes côtés. Le dimanche, on prendrait notre brunch ensemble ; le samedi, ce serait barbecue à la maison. En semaine, on sortirait prendre un verre pour nous raconter nos journées. J’avais déjà tout prévu, dans ma tête. J’avais déjà tout planifié. Et pourtant je sentais notre lien qui s’étiolait pour une raison que j’ignorais. Je ne savais pas si c’était juste mon imagination ; je ne savais pas si j’avais raison de m’inquiéter. Mais je sentais Fred qui, peu à peu, m’échappait. Je la voyais s’éloigner, m’abandonnant sur un coin de route alors que j’ai dû m’arrêter. Et rien que de penser à l’éventualité qu’un jour elle en ait marre de moi, de notre amitié, je me sentais suffoquer. Pourtant ses mots sont rassurants lorsque je lui pose la question. Elle paraît même véritablement étonnée que je puisse penser ça et, au son de sa voix, je sens que j’ai été idiote d’avoir peur comme ça. « Oui, tu as sûrement raison, j’acquiesce. C’est sûrement parce que tu as beaucoup de travail en ce moment. »

Rassurée, juste assez pour ne plus y penser véritablement pour l’instant, je me tourne pour être positionnée face à elle et enroule un bras autour de sa taille. Nos deux corps emboîtés l’un contre l’autre, je mêle mes jambes aux siennes avant de nicher ma tête au creux de son cou. Son parfum, sa chaleur et sa proximité apaisent les dernières inquiétudes fantasques et je me sens sourire, rassurée. « Je ne veux jamais te perdre, tu sais ? Jamais, soufflé-je. Je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi ou Flore. » Mes deux meilleures amies remplissaient ma vie à tel point qu’il n’y avait parfois que peu de place pour le reste. Pour d’autres personnes. Parce que j’avais souvent l’impression de les trahir si j’aimais alors d’autres gens qu’elles. Parce que j’avais souvent l’impression que je pourrais me contenter de leur amitié pour vivre. « Je t’aime beaucoup trop fort pour ça… » Ma main semble se resserrer sur son dos, comme dans un élan de possessivité ou bien d’un besoin soudain de me raccrocher à elle. De me prouver qu’elle était bien là, avec moi. « J’espère que tu sais et que tu ne l’oublieras pas. » Et même si la brune venait à l’oublier, je serais là pour le lui rappeler. Lui rappeler qu’elle et moi et Flore, c’était pour toujours et à jamais. Un peu comme les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas – mais en version femmes du vingt-et-unième siècle.