Le passé. C’est cette chose qui se tient souvent devant toi, sans particulièrement te gêner. Enfin. Ca dépend. C’est compliqué. C’étaient des ennemis de l’Etat. N’est-ce pas ? Sauf que… Sauf que toi, t’as vu qui ils étaient. Ceux que tu as descendus. Il n’y avait pas toujours le patriotisme. Il n’y avait pas toujours la nécessité. T’aurais pu… Vous auriez pu les aider. Certains n’avaient pas envie de jouer le rôle du méchant. Ils avaient peur, parfois. Il ne comprenait pas, parfois. Mais à chaque fois, c’était une balle dans la tête. Quand tu les revois, tu t’excuses. Ils ne restent jamais bien longtemps, mais ta conscience se joue de toi, si bien qu’une fois la nuit tombée, tes rêves s’enveniment de ces cauchemars, et plusieurs fois, tu te réveilles en hurlant. Josie s’occupe aussitôt de toi. Quelle déesse cette femme. Mais franchement. Conscience de merde. Vie de merde. Heureusement que tu n’as plus aucun lien avec ton passé. Tu l’acceptes, mais tu en es débarrassée. Les tatouages recouvrent ton corps et tes cicatrices. La vie de pilote, la vie avec Josie et sa sœur, tout est là pour te pousser à apprécier à nouveau ce que le monde a à t’offrir. Il reste juste… Juste cette conscience. Juste ces rêves. Juste ce passé. C’est chiant. Très chiant. Trop. Sauf dans un seul cas. Un seul, qui s’appelle Reed. Elle est en ville. Tu le sais. Elle a eu un accident. Enfin. Une balle. Perdue. Dans son genou. Elle ne peut plus se battre. Tu sais qu’elle ne doit pas apprécier. Mais tu sais aussi que depuis, elle bosse au Planet. Et aujourd’hui, c’est sa soirée. T’es sa sœur. D’armes. T’es son amie. Une grande amie. Tu sais ce qu’elle a vécu. Elle sait ce que t’a vécu. Vous avez des souvenirs en commun. Bien loin du lit et de l’amour, il s’agit d’entrainement, de batailles, et de situations cocasses comme le moment où, sans faire gaffe, à la sortie dela douche, avec juste une serviette sur toi, t’es entrée dans le vestiaire des mecs. Quelle rigolade. Ouais. Bon. Toi t’as eu honte sur le moment. Mais ca reste un bon souvenir. Logique. Les mauvais sont les tueries. Les pertes. Combien de frères ? Combien de sœurs ? Combien de personnes avez-vous perdu ? Ouais… Quand il ne s’agit pas de cela. C’est généralement un bon souvenir.
Pour l’occasion, t’as ta veste rouge, en cuir, un top noir, qui laisse voir ton nombril et tes tatouages. T’as un pantalon déchiré. Figure de mode. T’as des beaux talons ouverts. Parce que même tes pieds sont tatoués. Et t’as ta moto garée. A la sortie du Planet. T’as plus qu’a rentrer, et payer un verre à la barmaid. Elle devrait finir son service, normalement. Non ? C’est pas ce qu’elle t’a dit ? Tu sais plus. Tu verras bien.
Tu t’approches bien rapidement du bar, où tu poses tes jolies petites fesses. Non sans un regard aux alentours. T’es maquée et fidèle, complètement et indubitablement amoureuse, mais t’aimes bien regarder les femmes dans ce bar. Parce que tu sais que rien qu’avec ta peau tatouée, t’attires. Et t’aimes bien jauger l’apparence des femmes. Toutes ne sont jamais aussi belles que ta Josie. Tu ne sais pas si c’est l’amour qui parle. Si t’es vraiment objective. Mais t’as toujours ce sourire en coin. Elles n’ont aucune chance face à ta Gallagher. Ca, c’est sûr. Tu jettes un regard aux barmaids, et tu ne vois pas Reed. Bon. Peut-être qu’elle a bien fini son service ? Tu prends ton téléphone, t’apprêtant à lui envoyer un message, quand tu sens quelqu’un te toucher l’épaule. Tu te retournes vivement, tes réflexes de l’armée toujours présents, pour te rassurant en voyant le visage de ta sœur. D’arme. Bon sang, tu m’as fait peur ! Ca va ? Tu la prends dans tes bras. Pour lui dire bonjour. Enfin. Vu l’heure. C’est plus bonsoir. Et pour lui témoigner ton affection. Par rapport à sa jambe. Puis lorsque tu la lâches et la laisses s’asseoir, tu lui demandes, un sourire aux lèvres : Bon, alors… Que puis-je t’offrir à boire ? Clin d’œil. La barmaid servie. Ca te fait rire. De toutes façons, avec Reed, le rire est toujours au rendez vous. Toujours.
Il n’y a pas tant de monde que ça, qui peut se vanter, ou se larmoyer, d’avoir connu ce que t’as connu. Surtout dans cette ville. Los Angeles accueille bien plus les stars que les guerriers, et si t’avais pas Reed à tes côtés, t’aurais du mal. Tu ne peux décemment pas décrire les horreurs que t’as connues à la femme de ta vie. Josie est trop pure pour que tu la tâches du sang de ton passé, de tes victimes. De tes pertes. Non. T’as personne à part Reed. Peut-être Riley, mais t’évites. La pauvre a déjà eu assez de souffrances comme ça. Et vu que c’est tendu entre Reed et sa sœur, vaut mieux pas trop mentionner Reed à ses côtés. Pas pour l’instant. T’attendras qu’elles aillent mieux. Enfin bref. Alors que cette main, que Reed, te fait sursauter, et que tu te retournes, tu as cette mauvaise pensée, cette mauvaise image. Tu n’aimes pas ça, mais c’est malheureusement bien commun aux ex militaires. T’as cette constante impression que ta vie est menacée. Le moindre bruit. Le moindre choc. Ca t’est même arrivée pendant une course, lors d’un accident. T’as tout stoppé. T’étais plus toi-même. T’es plus jamais toi-même, lorsque la guerrière réapparait. Et ça partira jamais. Que ce soit Reed, toi, ou un autre, il y aura toujours cette réaction démesurée. La réaction d’un survivant. Mais Reed s’excuse. Et puis, tu ne peux pas lui en vouloir. Elle n’a pas fait exprès de te faire peur. Elle ne le ferait jamais. Elle doit ne connaitre que trop bien cette horrible sensation. Elle ne la provoquerait jamais volontairement. Et quand elle s’excuse, tu soupires doucement C’est rien t’inquiètes. Ca va, merci. Ca reste toujours assez dur, la nuit, par exemple. Mais ça va. Elle sait de quoi tu parles. C’est sûr. Moi aussi, je suis contente de te voir. Ca fait du bien de te retrouver. J’ai appris pour toi. J’espère que tu récupères bien. Tu souris, doucement, tout en commandant le whisky pour ta sœur d’armes. Tu prends une bière, toi. Tas pas besoin de plus. La bière fait toujours son effet. C’était ta boisson alcoolisée préférée lorsque vous étiez en service, aussi. Après une mission rondement menée. Il n’y avait rien de tel que le goût de ce breuvage pour faire passer le goût amer de la mort, qu’elle soit dans votre camp ou non.
Aussi informée que toi, Reed parle alors de ton nouveau métier. Tu souris, tout en répondant à sa question. Ben déjà, je devais absolument mettre une barrière entre mon passé et moi. Je ne supportais plus d’avoir l’esprit toujours en guerre. Alors j’ai commencé par les tatouages… Tu retires ta veste, pour lui montrer. T’as ton top sans manche, ça te permet de montrer divers tatouages, recouvrant, ou non, des cicatrices. Reed les connait peut-être pas toutes, mais celle de ton avant bras gauche, elle devrait s’en souvenir. Ca m’a permis d’oublier les traces de nos missions. Je n’avais plus les souvenirs qui remontaient lorsque je me regardais dans le miroir. Mais fallait que je m’occupe. Tu sais ce que c’est… L’esprit occupé permet de moins y penser. Alors j’ai cherché. Mais je devais faire quelque chose qui me défoulait. Je peux pas… J’ai jamais pu rester immobile sans rien faire. A part quand je sortais mon arme. Mais je ne voulais rien qui me rappelle les SEALs. Alors pas de métier d’armes. Pas de métier de combat. Quelque chose qui fasse adrénaline, sans m’emmerder. Et puis, ben j’ai toujours fait de la moto. Alors je me suis lancée dans la course motocycliste. Et j’aime beaucoup. Me concentrer sur le circuit, sentir le vent contre moi, et sentir l’adrénaline dont j’ai besoin… Voilà… Tu souris. T’adores ton nouveau métier, ça c’est sûr. Et toi ? pourquoi t’as choisi barmaid ? En tout cas, t’as bien choisi le bar… Tu dois rencontrer pas mal de belles jeunes femmes, non ? Tu souris encore. Elle, elle sait que t’as quelqu’un. Mais aux dernières nouvelles, Reed reste un électron libre avec un sourire charmeur et un regard doué. C’était comme ça que vous vous étiez rapprochées, d’ailleurs. Tu l’avais surprise en train de te mater. Ton regard se fait taquin. J’suis sûre que lorsque tu leur sors que t’es une ancienne guerrière, que tu leur montres tes cicatrices, elles fondent pour toi. J’ai raison ? T’éclates de rire, et tu trinques. Et tu bois.