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Cette fois, je ne suis pas en train de jouer. Ce qu'il se passe là, tout de suite, est bel et bien réel. Je suis sincère avec elle et j'ai envie de lui prouver. Pour ça, les actes valent encore mieux que des mots. Et c'est ce que je décide de faire en venant l'embrasser. Elle a plus ou moins donner son accord en acceptant de vouloir réellement savoir. Même si, au fond de moi, j'ai toujours peur qu'elle puisse me repousser. Heureusement pour moi, ce n'est pas le cas. Au contraire, je la sens prendre part à ce baiser et forcément, c'est agréable. Je retrouve la flamme et les sensations que j'ai pu ressentir lors de nos premiers baisers dans les vestiaires. Elle est là, au plus profond de mon être. Cette étincelle même qui aurait pu me faire peur. Mais ce soir, je mourrais d'envie de pouvoir y regoûter. En réalité cette envie est présente depuis le tout début de la soirée. Lorsque mon regard a croisé le sien, dans les escaliers de l'appartement. Au premier coup d'oeil. Quand mon coeur a raté un battement de la voir aussi belle dans cette combinaison noire. Mais après... il y a eu Sacha. Puis Dylan, et enfin bref. On se passera des détails. Le plus important, c'est maintenant. L'instant présent, mes lèvres scellées aux siennes. Le baiser se termine, et Yumi prend l'initiative de recommencer. Plus sensuellement encore. Je crois que mon coeur est sur le point d'exploser. Je n'ai jamais ressenti quelque chose d'aussi fort jusqu'à présent. Nos langues s'apprivoisent et se découvrent pour la première fois, et l'effet de ce contact sur mon corps tout entier est immédiat. Je le sens au fond de mes tripes, au creux de mon ventre, jusqu'à cette petite bouffée de chaleur qui s'immisce inconsciemment en moi. Je profite de cet instant comme s'il s'agissait là d'un trésor précieux. Jusqu'à ce que nous reprenions malgré nous nos distances. « On devrait peut-être retourner avec les autres. Ce serait dommage qu’ils se perdent en nous cherchant. Je ne pense pas être la seule à avoir bu ce soir, alors il n’y aurait rien d’étonnant à ce que cela arrive. » Je ris un peu tout en hochant la tête. « Ça peut rester entre nous tout ça ? » Je me doutais qu'elle me demanderait de ne pas en parler. Et en même temps, je ne comptais pas le crier sur tous les toits non plus. « Ça sera notre petit secret. » D'ailleurs, je ne sais moi-même pas ce que tout ça signifie réellement. Et à vrai dire, je m'en fous. J'ai juste pas envie de réfléchir ni de me prendre la tête. Nous refaisons alors notre apparition dans la maison, et Luke se précipite vers nous. « Vous voilà ! On vous cherchait. » Heureusement qu'ils ne sont pas sortis dehors un peu plus tôt. « On craignait de retrouver le corps de l’une ou de l’autre. » Je lève un peu les yeux au ciel en rigolant. C'est vrai que l'option aurait pu être possible. Mais non, la guerre est terminée. Pour le moment. « Allez, venez vous asseoir. Aria veut faire un blind test. » Ils sont déjà au taquet, et nous suivons le mouvement pour s'installer dans le salon. Les chansons s'enchainent et nous nous battons presque à balles réelles pour donner la réponse en premier. Quand il y a compétition, je suis obligée d'être sur le devant de la scène. Yumi est plus discrète, et ce n'est pas étonnant. Pourtant c'est elle qui est la plus vive sur une chanson en particulier. « Katy Perry. I kissed a girl. » Ironie de la situation. Ça me fait rire mais je me contiens, préférant murmurer quelques mots à l'oreille de Yumi, discrètement. « And you liked it. » Je lui fais un petit sourire en coin, alors que je sens sa main venir frôler la mienne à la dérobée. La soirée poursuit son cours, et notre complicité s'accroit dans des jeux de regard et des gestes dissimulés. Finalement, nous finissons tous par dormir sur place, pour rentrer toutes les deux au petit matin chez ses parents.

Effectivement, elle a raison, je ne la connais pas. Pas en profondeur en tout cas. Je connais que ce qu'elle laisse entrevoir d'elle aux autres, de l'extérieur. Mais nous n'avons jamais vraiment eu l'occasion de se confier l'une à l'autre. Pourtant, je reste convaincue que si je lui avais dit toute la vérité ce soir-là, elle aurait pu prendre peur. C'était peut-être la solution de facilité, c'est vrai, mais c'est ce que j'ai jugé le mieux à faire. Yumi me fuyait déjà, et je ne voulais pas que la situation empire. Alors oui, j'ai préféré faire comme si de rien n'était. Comme si ces baisers ne signifiaient rien à mes yeux. Et par la même occasion, essayer de me convaincre que c'était le cas. Parce qu'il y a ça aussi. Je ne pouvais tout simplement pas lui avouer que je ne cessais de penser à elle, et à ses lèvres. Non, impossible. Et pourtant, voilà où nous en sommes. Qu'elle soit honnête avec moi par rapport à Sacha change forcément un peu la donne. Même si j'avais des doutes sur leur couple, c'est toujours mieux d'en avoir le cœur net. Malgré que je ne comprenne pas exactement l'intérêt de jouer les faux couples. Est-ce qu'elle peut m'expliquer ? « On n'est pas tous comme toi Lou. » Je fronce légèrement les sourcils sans trop comprendre à quoi elle fait référence. « Pour toi, ça semble facile. Tout. Tu t'en fiches de ce que les gens pensent. » Ça, c'est vrai, je me fous complètement de l'avis des autres. « Pas moi. » Mais pourquoi ? Je ne cherche pas à lui poser plus de questions pour le moment, je vois bien que ce sujet est en train de la mettre mal à l'aise. Pourtant, je trouve ça dommage. Elle s'empêche d'être réellement elle-même en s'inventant une vie de couple avec Sacha. Et à quoi ça lui sert exactement ? A part être comme toutes les autres filles qui cherchent à tout prix à se caser avec le premier venu. Pour se donner bonne figure et augmenter leur côte de popularité. C'est bidon. « Tu aurais dit quoi ? Si ce n'était pas ce que je voulais entendre. » Elle fait référence à notre confrontation en plein milieu de la nuit de la dernière fois. « Tu vois ce que je veux dire. » Je hoche un peu la tête avant de répondre. « Tu veux vraiment savoir ? » Je la défie un peu du regard, comme pour lui demander son autorisation sur ce que je m'apprête à faire. Elle acquiesce d'un hochement de tête, et je me lève pour venir jusqu'à elle en laissant ma main se loger sur sa joue. Je lui laisse encore quelques secondes pour me repousser si c'est réellement ce qu'elle veut, mais j'espère évidemment qu'elle ne le fera pas. Finalement, je viens réduire la distance qui nous sépare pour déposer mes lèvres sur les siennes. Ma main initialement sur sa joue vient alors glisser dans son cou, alors que l'autre s'aventure naturellement dans son dos. Ce baiser n'a rien à voir avec les précédents, il est plus appuyé et plus intense encore. J'hésite à l'intensifier plus, mais je ne veux pas la faire fuir non plus. Je me contente de reculer d'un pas, plantant mon regard dans le sien. « Voilà ce que j'aurais fait. » Les actes valent souvent mieux que les mots. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas, et qu'elle ne prendra pas peur non plus. C'est pas du tout ce que je recherche. Et en même temps, elle n'a rien à craindre. Nous sommes dehors rien que toutes les deux, et surtout à l'abri des regards.

Là, je ne comprends plus rien. En réalité je ne sais plus quoi penser de tout ça. Tout à l'heure, Yumi s'énervait contre moi parce que je me fichais de tout et de tout le monde. Comme si rien ne comptait à mes yeux. C'est exactement ce qu'elle m'a balancé à la gueule. Selon elle, être capable de coucher avec une fille juste pour gagner un pari faisait de moi la pire des connasses. Mais maintenant que je lui avoue la vérité, c'est pas mieux. J'ai l'impression qu'elle m'en veut toujours autant. Est-ce que j'ai loupé un truc ? Ok, je lui ai menti, c'est vrai. Mais en même temps c'est elle qui a commencé à me chercher. Jouer avec moi, c'est prendre le risque de perdre. Vu ce qu'elle pense de moi... ça ne change pas grand chose que ce soit vrai ou pas. Ouais ça me fait chier en fait. On en serait surement pas arrivées là si nous avions été honnêtes l'une avec l'autre depuis le début. A force de trop jouer, on finit par se brûler les ailes. Game over. Et pourtant, cette fois, j'ai envie d'être sincère avec elle. De lui avouer réellement ce qui m'a poussé à mentir. Je fais un premier pas vers elle, quitte à en dévoiler un peu trop. Peut-être que je m'en mordrais les doigts dès demain matin, mais au point où j'en suis. Et puis j'en ai déjà trop dit. « J’ai pas couché avec Sacha. Enfin, "couché". » Elle mime le mot avec des guillemets. « Tu étais jalouse ? » Je hausse les épaules comme si ça n'avait aucune importance. Pas besoin de le confirmer à voix haute, je crois que c'est plutôt évident. Malheureusement pour moi. « Et toi tu l'étais ? » Je préfère esquiver en lui retournant sa question. « Pourquoi ? Je ne comprends pas. L’autre soir, quand on a discuté.. Tu as dis que ce n’était rien, que tu n’y pensais même plus. » C'est vrai, mais en même temps elle me fuyait comme la peste. « Parce que c'est exactement ce que tu voulais entendre... » Qu'elle puisse avoir peur, je peux le comprendre. Et si c'était ce que je devais dire pour la rassurer, alors oui, c'est ce que j'ai fait. Mais... ça ne voulait pas dire que je le pensais réellement. « Je ne suis pas avec Sacha. » Ses mots viennent finalement confirmer les doutes que j'avais au sujet de leur couple. Mais qu'elle me l'avoue vraiment, depuis le temps, est un grand pas en avant. « Mais finalement, ce n’est pas tant une surprise que ça, non ? » Je secoue un peu la tête. « Effectivement. » Je commençais sérieusement à me poser des questions quand même. « Enfin je t'avoue que je ne comprends pas trop votre délire... » Je lui ai menti pour Dylan, mais c'est encore différent. Elle, elle ment depuis déjà quelques temps. Et avec Sacha, ils se font passer pour un couple devant tout le lycée. Pas seulement devant moi. « C'est quoi l'intérêt ? » A part essayer de me rendre jalouse, évidemment. Même si du coup, cette explication ne tient pas la route puisqu'ils étaient "en couple" bien avant que je débarque dans le tableau. Il y a forcément autre chose derrière tout ça. « Non parce que j'arrive plus trop à suivre là. » J'arrive pas à savoir ce qu'il se passe dans sa tête. Elle m'embrasse une première fois dans les vestiaires, elle me fuit et me précise alors qu'elle est en couple même si ce n'est pas vrai. Finalement, elle me provoque, tente de me rendre jalouse, et elle m'embrasse encore. Que dois-je exactement en conclure ?

A la base, je ne voulais pas forcément lui dire la vérité. Pour garder en quelques sortes l'avantage de la situation. Mais finalement, ça ne sert à rien. J'ai inventé cette histoire de toutes pièces pour essayer de la rendre jalouse. Je crois que de ce côté-là, j'ai réussi mon coup. Elle ne m'aurait pas fait la scène qu'elle m'a fait tout à l'heure si ça n'avait pas été le cas n'est-ce-pas ? Même si elle ne l'avouera certainement pas. Inutile de continuer à jouer la comédie. Surtout que son baiser de minuit a plus ou moins redistribué les cartes. Encore. Je décide donc d'être totalement honnête avec elle. De lui dire qu'il ne s'est absolument rien passé avec cette Dylan. Pas ce soir, ni jamais en fait. Il ne se passera jamais rien. Ce n'est pas une fille qui m'intéresse. « Ah. Super. » Cache ta joie. Ok, ce n'était pas vraiment la réaction à laquelle je m'attendais. Pour être honnête, je crois que je suis même un peu déçue. Limite je préférais encore quand elle m'envoyait sur les roses tout à l'heure. « Pourquoi mentir ? » Pour la piquer, tout simplement. Comme elle a essayé de le faire plus tôt avec Sacha. C'est elle qui a commencé à me provoquer. Dois-je vraiment lui rappeler ? « Vu l'estime que tu as de moi, un peu plus ou un peu moins tu sais... » Bah ouais. Elle pense que je suis une coureuse de jupons et que je peux coucher avec n'importe quelle fille juste en claquant des doigts. Que ce soit pour une histoire de pari, ou pour tout autre chose d'ailleurs. « En fait, tu sais quoi, je m'en fiche. Tu fais et dis ce que tu veux. » J'ai l'impression de retourner à la case départ. Comme un air de déjà vu. « Je vais aller me resservir, ce verre se vide bien trop vite. » Et voilà qu'elle recommence à fuir, on va jamais s'en sortir. Je la laisse quelques secondes croire que je vais la laisser tranquille, mais arrive finalement très vite dans la cuisine à sa suite. « Je te conseille de ne pas trop faire de mélange. » Si elle ne veut pas avoir la gueule de bois demain ou finir sa soirée la tête dans les toilettes. « A moins que tu veuilles vraiment tout faire pour oublier cette soirée ? » C'est une nouvelle question détournée, par rapport à ce qu'il s'est passé entre nous ce soir. Cette crise de jalousie, ce baiser... tout ça quoi. Parce que moi, j'ai pas envie d'oublier. « Viens, on va plutôt prendre un peu l'air. » Je ne veux pas qu'elle tombe dans l'excès de l'alcool non plus. Ça sert à rien de finir la tête à l'envers pour des conneries. Je l'invite à sortir pour se rendre à l'arrière de la maison, m'installant sur l'une des deux balançoires dans le jardin. Un léger silence s'immisce entre nous, et je me décide finalement à le briser, tournant la tête vers elle. « Ok, c'était peut-être débile de ma part. » De mentir à propos de ma coucherie avec Dylan. « Mais quand je t'ai vu avec Sacha sur la piste de danse... ouais, ça m'a fait chier. » Je commence doucement à rendre les armes. « C'était bien ce que tu voulais non ? » Me provoquer. Le regard qu'elle m'a lancé à ce moment-là n'était pas anodin.

C'est plus fort que moi, il faut que je fasse tout ce qui est en mon pouvoir pour la retenir. Je n'ai pas envie qu'elle parte, pas sans moi en tout cas. Nous sommes arrivées ensemble au lycée. Et nous repartirons ensemble également de cet after. C'est à prendre ou à laisser. J'utilise l'excuse de l'alcool pour me justifier, et masquer mes véritables envies. Parce que je ne peux pas simplement lui dire ce que j'ai sur le coeur. Ça pourrait lui faire peur. Et me faire fuir aussi. Mes propres sentiments sont difficiles à accepter. Et à gérer pour moi, parce que c'est nouveau ce que je ressens pour elle. Inattendu aussi mais bel et bien réel. J'ose lui demander ce qui se passe réellement avec Sacha. Cette question me brûle les lèvres depuis tout à l'heure. Je ne comprends pas comment c'est possible qu'il abandonne sa petite-amie à une soirée comme celle-là. Il doit pas avoir la lumière à tous les étages. Ou ça confirme simplement ce que je pense depuis un moment déjà, leur couple n'est peut-être pas si idéal qu'ils essayent de le faire croire. Ça m'arrangerait bien. « Parce que maintenant, tu vas me dire que tu y crois ? Je pensais que notre couple ne tenait pas la route. » Je hoche un peu la tête. Oui, c'est ce que je pensais et c'est ce que je pense toujours d'ailleurs. « Bah justement, je me pose des questions. » Il y a trop de trucs qui ne collent pas. Si j'étais heureuse dans mon couple, je n'embrasserais pas quelqu'un d'autre dès que j'en ai l'occasion. Deux fois, ça commence à faire un peu beaucoup non ? Même si c'est loin de me déplaire. « Ce qui se passe entre Sacha et moi ne regarde que nous. » Je lève les yeux au ciel. « Comme toi avec Dylan. » Est-ce qu'elle essaye elle aussi de se renseigner indirectement ? « Finalement, je crois que je ne suis pas vraiment surprise de ce qu’il s’est passé entre vous ce soir. Je suis sûre qu’en clignant simplement des yeux, tu peux avoir toutes les filles que tu veux. » Je secoue la tête dans un réflexe. « C'est pas aussi facile. » Si c'était aussi simple, ça se saurait. Et puis... les autres filles ne m'intéressent pas tellement. Je peux essayer de cligner des yeux pour espérer l'avoir elle, mais je ne suis pas certaine que ça fonctionnerait. « Elle est plutôt jolie. » Je soupire un peu avant de répliquer. « En réalité, c'est pas trop mon style. » Je n'en dis pas plus pour le moment. Je ne veux pas dévoiler mes cartes trop vite. Même si finalement, elle est bien loin de la vérité. « C'était rien avec elle. » Je suis honnête, du moins en partie. Parce que je continue de la laisse penser que j'ai couché avec elle quand même alors que ce n'est pas vrai. Juste encore un peu. Mais finalement mon regard se plante dans le sien, et les mots se délient de mes lèvres sans que je puisse réellement les contrôler. « D'ailleurs il ne s'est absolument rien passé entre nous. » Yumi a l'air perplexe et j'enchaine. « Pour ton information, je n'ai pas couché avec elle. » Elle en fait ce qu'elle en veut maintenant.

Je suis contente que Yumi ait accepté de venir à cet after avec moi. Vu ce qu'il s'est passé entre nous tout à l'heure, notre confrontation, les reproches qu'elle a pu me faire par rapport à Dylan ou ce qui s'en rapprochait... et ce baiser. Ouais cette soirée est un peu spéciale. Pour autant, je n'ai pas envie qu'elle s'arrête. Comme je l'ai dit, le Nouvel An est un évènement particulier et quelque chose me pousse à vouloir le passer avec elle. Une force extérieure que je n'arrive pas à contrôler. J'ose lui demander si elle regrette d'être venue ici avec moi, et peut-être plus encore laissant planer le doute sur un éventuel sous-entendu. « Quoi ? Ce n’est que le début de la soirée, de cette deuxième soirée, je peux encore partir. » Je secoue instinctivement la tête de gauche à droite. « Par contre, si ça arrive, je ne rentrerais peut-être pas tout de suite. Si mes parents sont encore réveillés, ils vont me poser tellement de questions et ils vont être inquiets de ne pas te voir. » Il ne faut surtout pas que ses parents s'inquiètent pour moi. Même si pour le coup, ça m'arrange bien d'être une sorte de prétexte. Parce qu'en attendant elle est toujours là, et elle n'est pas encore rentrée. « Je suis sûre que je sens l’alcool dès que je parle, il est préférable que je rentre une fois qu’ils seront couchés. » Un léger rire amusé s'échappe d'entre mes lèvres. C'est vrai que je ne l'avais encore jamais vu comme ça. La Yumi un peu ivre n'est pas si déplaisante, au contraire. Elle fait bien de se lâcher de temps en temps. « Je pourrais toujours airer dans la ville, on sait toutes les deux que je connais certains endroits très sympas. Et puis, en rentrant, demain, je leur dirais que j’ai dormi chez Sacha. » Je lève les yeux au ciel comme par réflexe. Elle le fait exprès de toujours ramener le sujet sur lui ou comment ça se passe ? En attendant, c'est bien lui qui l'a lâchement abandonné comme une vielle chaussette avant minuit. Super gentleman tout ça. « Ou tu peux simplement rester avec moi. » Répliquais-je sans réfléchir à ce que mes mots peuvent inconsciemment avouer. « Tu as un peu trop bu, ça ne serait pas prudent de te laisser repartir toute seule. » C'est une bonne excuse, mais c'est aussi la vérité. Hors de question qu'elle ne s'échappe de mon champ de vision, ni maintenant ni plus tard dans la soirée. J'ai plus l'habitude de boire qu'elle, et je n'ai pas forcément envie qu'il lui arrive quelque chose dans mon dos. « Ouais en fait c'est non négociable. » En disant ça, je viens poser ma main sur son bras, comme pour marquer une certaine emprise sur elle. Elle restera avec moi ce soir. « Est-ce que je peux te demander quelque chose ? » Je plante alors mon regard dans le sien. Je crois que c'est bien la première fois que je lui demande la permission pour faire ou dire quelque chose. Comme quoi, tout arrive. Elle a l'air un peu perplexe mais je tente quand même. « Tout va bien avec Sacha ? » C'est une réelle question sur son couple pour essayer de comprendre. Pourquoi est-il parti tout à l'heure ? Et sans doute pour tout autre chose aussi...

Un after chez Luke pour finir la soirée avec quelques autres élèves sans se faire chaperonner par les profs du lycée. Franchement moi, ça me va. En même temps la soirée ici était loin d'être grandiose. Pire que ça même, c'était nul. Mais avec ce qu'il vient de se passer, j'ai un petit espoir que la soirée se termine mieux. A une seule condition ; que Yumi soit de la partie elle aussi sinon rien. Il est hors de question que j'y aille sans elle. Mais la jeune fille n'a pas l'air partante. Pourtant nous n'en avons pas fini toutes les deux. « Allez Yumi ! Juste quelques minutes et après, tu vois si tu veux partir ou pas. » Mon regard se veut insistant pour essayer de la faire changer d'avis, et finalement ça fonctionne. « Bon.. d’accord. » Un petit sourire discret se dessine au coin de mes lèvres alors que nous suivons le groupe jusqu'à chez Luke. Nous restons plus ou moins à distance l'une de l'autre pendant le trajet, mais ça ne m'empêche pas de lui lancer quelques regards par-ci par-là, tout en veillant à la garder dans mon champ de vision. En réalité je n'arrête pas de repenser à son baiser de tout à l'heure et j'espère secrètement avoir une ouverture pendant le reste de la soirée pour aller lui parler. A peine arrivés, les garçons se chauffent rapidement sur un bière pong. Les filles se regroupent de leur côté, discutant de tout et de rien sur le canapé du salon. Les ragots de filles, très peu pour moi. C'est donc naturellement que je me joins à Luke et les autres garçons pour les défier. Quant à Yumi, je l'aperçois avec une fille de notre équipe de natation un peu plus loin. Les garçons ne se doutaient pas des mes talents cachés, mais finalement ils sont tous aussi mauvais les uns que les autres et je les fais boire plus souvent qu'ils ne le font pour moi. D'ailleurs je m'impose rapidement une trêve pour ne pas trop les ridiculiser quand même. Mais surtout parce que Yumi arrive vers moi. « Tu en veux ? » Je la regarde en souriant avant de fixer son verre. « C'est une technique pour me faire boire ? » J'accepte son verre volontiers avant d'ajouter. « Bon ok, je suis faible comme fille. » Je ris un peu. Que ce soit avec l'alcool ou elle - surtout elle d'ailleurs. « En tout cas merci d'avoir accepté de venir avec moi. » Avec moi et tous les autres quoi... ouais enfin bref, on a compris. « J'sais que c'est pas trop ton truc d'habitude mais c'est le Nouvel An, c'est exceptionnel. Ça n'arrive qu'une seule fois dans l'année. » Ça, c'est de l'argument. Bien vu Sherlock. « Tu regrettes pas ? » Je parle de sa venue ici. Mais ma question pourrait également parler de tout autre chose aussi. Notamment de nos lèvres scellées ensemble tout à l'heure pendant les douze coups de minuit. C'est une question détournée, pour essayer de savoir ce qu'il en est exactement. A noter que c'est elle qui m'a embrassé cette fois encore. Après l'épisode des vestiaires, ça commence à faire beaucoup. Sacha va finir par avoir des cornes plus grosses que lui si ça continue. Mais ce n'est pas vraiment pour me déplaire, loin de là.

Elle est énervée, et sa colère n'est pas réellement justifiée en soit. J'ai le droit de coucher avec qui je veux, comme elle le dit elle-même. Contrairement à elle, moi, je suis célibataire et je n'ai de compte à rendre à personne. Alors où est le problème ? J'ai quand même l'impression que sa réaction ressemble étrangement à de la jalousie. Et pourtant, elle est en couple avec Sacha. Elle ne s'est pas gênée pour me le rappeler tout à l'heure. Alors oui, j'ai un peu de mal à la comprendre sur le coup. Ce n'est peut-être pas le moment idéal pour avoir une explication, mais pour moi, c'est maintenant ou jamais. Je n'ai pas envie qu'elle recommence à m'ignorer ou me fuir comme elle a déjà pu le faire après l'épisode des vestiaires. Et même si nous avions plus ou moins mis les choses au clair toutes les deux pour ça, cette espèce d’ambiguïté n'a jamais réellement disparue. Et apparemment, je ne suis pas la seule à la ressentir. Sinon elle ne réagirait pas comme ça n'est-ce-pas ? « Elle en a de la chance. » Elle se fout littéralement de ma gueule, ce qui me pousse à en faire encore un peu plus. Tant pis si je vais trop loin ou si mes paroles sont déplacées, mais je ne vais pas encaisser ses attaques sans rien faire. Elle me cherche, elle me trouve. Même si pour ça, je dois lui faire du mal. Appuyer là où ça fait mal. « Tu fais chier Lou. Laisse-moi tranquille. » Comme on dit, c'est la vérité qui blesse. Si elle veut que je la détende, je peux. Il suffit qu'elle le dise. Bon ok, c'est peut-être pas le moment de lui dire ça. Nous entendons finalement le décompte commencer à l'intérieur, il ne reste plus que quelques secondes avant minuit. « Si tu veux pas finir l'année avec moi, c'est le moment ou jamais de partir... il te reste encore 5 secondes. » Pour rebondir sur ce qu'elle a si bien dit tout à l'heure. Parce que moi, je ne compte pas bouger d'un poil. Mais au lieu de ça, Yumi reste immobile - ou presque. A zéro, contre toute attente, elle vient alors se saisir de mes lèvres. Mon cœur s'emballe, encore, et si l'envie de mettre plus d'intensité dans ce baiser est bien présente, je me contente juste de profiter de ces quelques secondes sans la repousser. Je ne veux surtout pas prendre le risque que ça s'arrête. Mais du bruit se fait entendre, et Yumi me repousse brusquement. Des élèves qui sortent en criant bonne année, surexcités, ou sans doute déjà bien bourrés. Je me mêle à leur euphorie, et on s'enlace comme si on se connaissait depuis des années. En réalité ça va, il y a en quand même que je connais dans le lot. Dans l'élan, je viens murmurer quelques mots à l'oreille de Yumi, discrètement. « Bonne année à toi aussi ! » Comme si c'était une réponse indirecte à son baiser. Je lui souris et viens déposer un baiser sur sa joue, à la limite de ses lèvres. Nous ne sommes pas seules, et pourtant, c'est comme s'il n'y avait qu'elle à mes yeux. Luke, un des garçons présents, lance alors l'idée de quitter le lycée pour faire un after chez lui. Ses parents sont chez des amis ce soir, et nous avons le champ libre. Il vient alors s'adresser à nous pour nous demander. « After improvisé chez moi, ça vous tente ? » Après ce qu'il vient de se passer entre nous, je ne suis pas certaine que Yumi ait envie d'y aller. Mais moi ça me tente bien. « Je viens seulement si Yumi vient aussi. » Je la sonde alors du regard, venant frôler sa main du bout de mes doigts l'air de rien. On aura bien l'occasion de se retrouver seules à nouveau.

C'est plus possible là, il faut que je la confronte une bonne fois pour toute pour lui demander des explications. Elle ne va pas s'en tirer en fuyant lâchement comme elle a déjà pu le faire. Avec moi, ça ne marche pas. « Mon problème ? » Elle plante son regard dans le mien, et je reste pendue à ses lèvres. Il y a un moment de flottement, un espoir que les mots qui suivront seront de ceux que j'attends secrètement. Mais non. « Je n'ai pas de problème, tout va bien. Tu te tapes qui tu veux, non ? » Ça a pourtant l'air de la déranger de savoir que j'ai couché avec Dylan. « Au moins sur ça, on est d'accord. » Comme quoi, les miracles existent. « Il n'y a rien qui compte pour toi, non ? » Elle essaye de me piquer, alors qu'elle est à mille lieux de savoir ce qu'il s'est réellement passé. « Tu peux coucher avec quelqu'un juste pour un pari ? Elle le sait au moins ? Que tu t'en fiches d'elle, que c'était une fille comme une autre pour toi. Car finalement, c'est ça, tu te fiches de tout. D'elle, de moi, de tout ! » Je bugue pendant quelques secondes sur un mot précis. Le reste n'a que très peu d'importance à côté de ça. « De toi ? » Je fronce les sourcils légèrement perplexe. Pourquoi ramène-t-elle le sujet sur elle ? Est-ce qu'elle est en train de me faire une scène de jalousie ? En réalité j'aimerais bien que ça soit le cas. « Je me fous pas de toi. » Bon d'accord, je suis peut-être ultra relou avec elle depuis le début, mais c'est pas méchant. Qui aime bien châtie bien comme on dit ? Même si c'est encore au dessus de ça pour le coup. Et puis... pour le reste, non clairement, je m'en fous pas. Mais encore faut-il qu'elle le sache. « Et pour ton information, j'ai été honnête avec elle. » Je sous-entends que j'ai été sincère avec Dylan sur l'histoire de ce pari, et le fait que coucher avec elle ne voulait absolument rien dire pour moi. Bon ok, c'est pas totalement vrai mais c'est pas totalement faux non plus. J'ai vraiment été honnête avec elle puisque justement je n'ai pas voulu jouer avec elle. « Et surtout je ne l'ai pas forcé. Elle en avait autant envie que moi, j'ai rien fait de mal. » J'enfonce encore un peu le clou tout en haussant les épaules d'un air innocent. Je n'ai pas envie de lui avouer la vérité tout de suite. Parce que, oui, ça me fait du bien de la voir potentiellement en colère parce que j'ai couché avec une autre. Je joue avec le feu, mais c'est plaisant. Finalement j'ai juste envie qu'elle balance tout ce qu'elle a sur le coeur, qu'elle me dise réellement les choses. « Tu devrais vraiment penser à te détendre un peu toi aussi, ça ne te ferait pas de mal. » Ça, c'est peut-être pousser le bouchon un peu loin mais en même temps, c'est elle qui a commencé à me piquer. Et puis, c'est vrai, je la trouve un peu trop tendue pour une fille qui est censée avoir passé la soirée avec son mec. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez elle ?

Quand je reviens à l'intérieur, Sacha n'est plus dans les parages. Et finalement, ce n'est pas plus mal. Même si c'est quand même bizarre qu'il laisse sa dulcinée toute seule pour la nouvelle année. Petit ami parfait vous aviez dit ? Ouais, ou pas. Mais sur le coup, ça m'arrange. Peut-être que sans lui nous pourrons enfin avoir une discussion. Avant ça, je continue de jouer ma petite comédie jusqu'au bout. Je ne peux pas m'arrêter aussi près du but. « Toutes mes félicitations ? C’est ça que je suis censée te dire, non ? » Je hausse un peu les épaules comme si ça n'avait pas réellement d'importance. En réalité, ce n'est pas ses félicitations que j'aimerais entendre. Il s'est passé un truc entre nous, la dernière fois dans sa chambre, et lors de nos baisers surtout. Je suis pas folle, et je pense qu'elle a ressenti exactement la même chose que moi. Alors pourquoi ? Pourquoi me pousset-elle à aller avec une autre ? « En tout cas, tu ne perds pas de temps, c’est bien. » C'est moi ou elle l'a quand même un peu de travers ? Bon, c'est déjà une bonne chose. Qu'elle soit potentiellement en colère contre moi prouve qu'elle tient quand même un minimum à moi. C'est bien. Mon plan de vengeance fonctionne à merveille, même si j'aurais peut-être préféré ne pas en arriver jusque là. « Pourquoi en perdre quand on peut avoir tout, tout de suite ? » Répliquais-je dans un petit sourire. J'étais pas obligée d'en rajouter une couche, c'est vrai, mais c'est sorti tout seul. Pour enfoncer encore un peu le couteau dans la plaie. Plus c'est gros, plus ça passe non ? Alors oui, j'en fais peut-être des caisses mais c'est pour éviter que mon mensonge ne soit pas totalement crédible. Et pour tester Yumi aussi, selon ses réactions. En tout cas, je crois qu'elle ne se doute pas une seule seconde de la supercherie. Si je peux en profiter pour la pousser dans ses retranchements, c'est là que ça devient intéressant. « D’ailleurs, tu l’as déjà laissée ? Tu devrais peut-être aller la retrouver, je ne compte pas finir l’année avec toi. » Et voilà qu'elle me repousse dans les bras de Dylan. Est-ce qu'elle veut vraiment que je la prenne au mot ? Non parce que quitte à ce que la soirée soit ruinée, on peut très bien continuer de s'enfoncer. Elle finit son verre d'une traite avant de tourner les talons pour me fuir. Mais si elle croit que je vais la laisser partir comme ça, c'est mal me connaitre. Je la rattrape par le bras et la force à faire volte-face pour me confronter. « J'peux savoir à quoi tu joues exactement ? » Je garde mon emprise sur son bras, tout en plantant sévèrement mon regard dans le sien. « C'est quoi ton putain de problème ? » Elle s'est amusée à me balancer à la figure son amour avec Sacha tout à l'heure, et voilà maintenant qu'elle s'en prend à moi. Faut savoir.

Il fallait impérativement que je m'en aille. La voir agir comme ça avec Sacha, c'était trop pour moi. Et puis... j'ai un défi à relever quand même. Coucher avec Dylan avant minuit pour remporter mon challenge. Ou plutôt leur faire croire que je l'ai fait, ça marche aussi. En réalité, je n'ai aucune envie de me la faire. J'ai encore un minimum de dignité pour moi-même, et je ne vais pas coucher avec une fille juste histoire de coucher avec elle. Bon ok, ça m'est déjà arrivé de le faire. Mais les fois précédentes, j'en avais envie. Là, non. C'est pas possible. Peut-être parce que c'est à une autre fille que je pense. C'est pas elle que je veux ce soir. Quand je me suis éclipsée avec Dylan, nous sommes volontairement passées juste à côté de Yumi et Sacha. J'ai même fait exprès de lui prendre la main juste sous leurs yeux pour que la scène soit crédible, non sans lancer un petit clin d'œil provocateur à Sacha... et indirectement à Yumi d'ailleurs. C'est elle qui m'a poussé dans les bras de cette fille, il ne faut pas l'oublier ! Mais une fois rien que toutes les deux, isolées du reste de la soirée, il ne s'est absolument rien passé. On a beaucoup discuté, jusqu'à ce qu'elle tente d'aller plus loin. Mais je l'ai stoppé dans son élan et j'ai été honnête avec elle. Je crois qu'elle n'a pas très bien apprécié mais en même temps, vaut mieux ça que de la prendre pour une conne non ? Ouais c'est bien moi qui pense comme ça. Est-ce que 2021 serait une année synonyme d'évolution ? Ne nous enflammons pas trop vite quand même. Je jette un œil à l'heure sur mon téléphone portable, me rendant compte qu'il ne reste plus beaucoup de temps avant les douze coups de minuit. Il faut que je retourne à l'intérieur pour ne pas louper le décompte. Je cherche Yumi du regard, ou Sacha, mais rien. Dites moi pas qu'ils sont partis batifoler eux aussi parce que là ça me ferait moins rire. Après quelques minutes, mon regard croise finalement celui de la jeune femme, assisse seule au fond de la salle. « Tu t'es débarrassée de Sacha ? » Demandais-je en m'asseyant à côté d'elle. « Dommage pour lui, je venais spécialement lui annoncer que je ne serais pas témoin à votre mariage. » Un large sourire victorieux vient illuminer mon visage, jouant le jeu à fond pour qu'elle pense qu'effectivement j'ai bien couché avec Dylan. Je profite un peu de la situation pour la blesser, volontairement. C'est bien ce qu'elle s'est amusée à faire tout à l'heure en embrassant son mec en me cherchant du regard. Faut assumer maintenant. Et en même temps, en lui faisant vent de ma petite coucherie, j'espère secrètement voir une quelconque réaction de sa part. C'est peut-être con, mais c'est plus fort que moi. « A quelques minutes près en plus. » Ouais parce qu'il est déjà 23h55 là.

Cette jeune femme est particulière. Depuis la toute première fois où je l'ai vu rentrer dans cette caserne. Où mon regard a croisé le sien. Elle a un truc que je n'arrive pas à expliquer. Et là encore ce soir, elle me touche en plein coeur. Son histoire avec son père me ramène à mes propres souvenirs et je ne peux pas y rester indifférente. J'essaye d'être là pour elle, et de me montrer rassurante. Si elle veut se confier à moi, je veux qu'elle sache qu'elle n'a pas à avoir peur de le faire. Je suis là pour elle, comme elle a été là pour moi plus tôt dans la soirée. Mais Nate ne semble pas avoir envie d'en parler. Et je peux tout à fait le comprendre. J'ai été à sa place, et je sais combien il est difficile de mettre des mots sur ce genre de détresse. Sa main vient se poser sur la mienne, et mon coeur rate un battement. Elle s'approche, son visage maintenant tout près du mien. Son souffle butant à la commissure de mes lèvres. Mon coeur est sur le point d'imploser, et je suis foutrement incapable de la repousser. Peut-être que si nous n'avions pas bu les choses auraient été plus simples. Ou peut-être pas d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, je ne recule pas et la laisse venir s'emparer de mes lèvres. Les sensations sont décuplées, encore plus puissantes et profondes que la première fois. Je ne savais même pas que c'était humainement possible. Je cède à la tentation, répondant à son baiser et même plus encore. Je n'ai plus les idées claires, complètement subjuguée par le goût sucré de ses lèvres. Là, tout de suite, il n'y a plus rien d'autre qui compte. Juste elle, moi, nous. Ici et maintenant. Que cette parenthèse puisse encore durer une éternité. Ma langue s'invite à la danse, sans que je puisse réellement la contrôler, et le baiser monte encore d'un cran. Pourtant une petite voie dans mon fort intérieur ne cesse de me hurler dessus. Ce n'est pas une bonne idée. Si je n'ai plus de scrupules à avoir envers Jackson, je n'ai pourtant pas eu l'occasion d'avoir une discussion avec lui. Je ne devrais pas agir sur le coup de la colère. Et Nate a une copine merde. Ok, stop. Un élan de lucidité me pousse à mettre fin à ce baiser, un peu à contre coeur. Mais c'est mieux comme ça. Au risque que les choses finissent par aller trop loin, et qu'on se retrouve à le regretter. Je la regarde dans une moue un peu désolée, sans trop savoir quoi lui dire. Je jette un œil à ma montre avant de m'engouffrer dans la brèche. « Il est tard, je crois que je ferais mieux de rentrer. » Oui, c'est ça. Bonne idée. Je n'aurais même pas dû monter chez elle du départ. « Merci pour le verre. » Je souris faisant référence à plusieurs choses ; à l'unique verre que j'avais initialement accepté de prendre dans ce bar, ou à ce foutu verre d'eau qui vient clôturer cette soirée d'une manière totalement inattendue. Enfin peut-être pas tant que ça en fin de compte. « Et encore félicitations pour ta titularisation. » Elle est officiellement pompier maintenant, ce n'est plus qu'une simple stagiaire. Même si à mes yeux ça ne l'a jamais été... dans tous les domaines. Je m'éclipse, et finit par rentrer chez moi le coeur encore battant.

Parler de patinage avec elle me replonge tout droit dans les souvenirs de notre soirée passée ensemble la dernière fois à la patinoire. Cette fameuse soirée où nous avons échangé un baiser. Rien que d'y repenser je me sens toute bizarre. Et pourquoi ça me donne envie de recommencer au juste ? C'est surement à cause de l'alcool, je n'ai pas vraiment les idées claires. Pourtant il y a comme une tension palpable dans nos regards, et notre proximité sur ce canapé n'est pas là pour arranger les choses. C'est fou comme sa simple présence me met dans tous mes états. Au plus profond de moi-même, je sais que ce n'est pas qu'à cause de l'alcool. Je n'avais d'ailleurs pas bu la dernière fois. Mais je tente de me raccrocher à tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas laisser mes pensées envahir mon esprit. Est-ce qu'elle vient de loucher sur mes lèvres ou c'est mon cerveau qui est encore en train de divaguer ? Putain merde. Ça va mal finir. « J’sais pas si y’a trop de dossiers là dedans, tu peux feuilleter. Les dossiers sont chez ma mère je pense. » Je me concentre sur l'album photo, évitant à tout prix de croiser à nouveau son regard. Je suis sûre qu'il y a d'autres photos toutes aussi mignonnes les unes que les autres à voir là-dedans. Et si ça peut me permettre de continuer à apprendre à mieux la connaitre, je ne dis pas non. Je feuillette les différentes pages de l'album et nous partageons toutes les deux un bon moment jusqu'à ce que son sourire se fane sur une photo en particulier. Une photo d'elle avec un homme. Il s'agit sans doute de son père, ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Les mêmes traits de visage, les mêmes expressions. « J’étais super complice avec mon père. On était super proches. Ma mère m’a dit récemment qu’elle était même un peu jalouse parfois. » Je comprends que son père n'est plus là, alors que Nate tourne rapidement la page comme pour passer à autre chose. Mon coeur se serre dans ma poitrine, parce que j'ai l'impression de me revoir à l'époque où j'ai perdu mes parents. J'avais presque le même âge qu'elle à quelques années près, et ça me touche de la voir comme ça. « Tu lui ressembles énormément. » J'essaye de capter son regard, même s'il se veut fuyant, alors que ma main vient inconsciemment se poser sur sa cuisse. Un geste ambigu auquel je ne réfléchis pas. Elle ne m'a encore jamais parlé de son père, je ne sais pas si ça fait longtemps qu'il n'est plus là, ce qu'il s'est passé, mais je veux lui montrer mon soutien. « Il peut être très fière de toi tu sais. » Je peux en être certaine, parce que je suis une mère aussi, et que si Nate était ma fille je ne pourrais qu'être fière de la femme qu'elle est. Comme je suis fière de Cleo. Ça me fait bizarre de penser à Cleo, là, tout de suite. Elles ne sont pas si éloignées que ça en âge et c'est assez... perturbant. Ouais c'est le mot. Je n'insiste pas sur le sujet, parce que je ne veux pas être trop intrusive. Si elle veut m'en parler, elle peut le faire. C'est elle qui choisit.

La situation est étrange, peut-être un brin tendancieuse aussi. Je ne sais pas exactement ce qui m'a pris d'accepter sa proposition de monter dans son appartement. Mais je me sens bien, et je n'ai pas envie de trop réfléchir non plus. Même si ça pourrait en soit paraitre bizarre ou sonner plus ou moins comme une invitation ambiguë. Nous ne sommes pas dans le cadre du travail, et il n'est pas question de hiérarchie ou quoi que ce soit d'autre entre nous ce soir. Alors pourquoi se prendre la tête ? Et puis... c'est pas comme si ça voulait dire quelque chose. C'est juste comme ça, dans l'euphorie du moment pour clôturer cette soirée ensemble. Quoi d'autre ? Je suis curieuse, et je me surprends à lui demander si elle vit toute seule ici. Juste pour savoir, et pour me renseigner peut-être un peu aussi. Sans arrière pensée aucune. Ouais bien sur. « Oui, je mets assez de bordel pour deux. Ou trois. » Un petit sourire se dessine alors sur mes lèvres. Ok, je note ; elles ne vivent toujours pas ensemble. Même si ça m'intrigue forcément un peu aussi. Parce qu'elles sont ensemble depuis déjà un petit bout de temps quand même si j'ai bien suivi. Peut-être ne sont-elles pas encore prêtes à vivre ensemble. Et pourquoi ça m'intéresse d'ailleurs ? « Bon, maintenant que t’es là, je t’offre un verre ? Un café ? Un grand verre d’eau ? » Je ris un peu, consciente d'avoir déjà bien assez bu. « Oh oui je veux bien de l'eau, merci. » Ça fait bien longtemps que ça ne m'était pas arrivée de me sentir aussi "guillerette". Je vous rassure, j'ai encore un semblant de lucidité et de contrôle sur moi-même, et heureusement. J'ose même pas imaginer si ce n'était plus le cas. Elle revient avec mon verre d'eau, et nous nous installons dans le canapé. « Hum tiens, j’ai pensé à toi l’autre jour, j’me suis dit que je devais absolument te montrer ça. » Alors là, elle attise ma curiosité. Je me demande bien de quoi il s'agit. Entre nous, c'est flatteur de savoir qu'elle a pu penser à moi. Elle revient sur le canapé, un album photo dans les mains pour me montrer plusieurs photos d'elle enfant en train de jouer au hockey avec tout l'équipement des pieds à la tête. « Ah oui, ça rigole pas là. » Sur l'une d'entre elles, j'arrive plus facilement à distinguer les traits de son visage et la jeune femme n'a pas véritablement changé. « La détermination dans le regard et l'attitude de warrior, je suis fan. » Je ne peux m'empêcher de relever les yeux des photos pour croiser son regard dans un petit sourire. « Et ma meilleure amie à l’époque faisait du patinage artistique. On était vraiment différentes. Tu m’as même pas dit, t’as commencé jeune ? » Effectivement, bien que ça soit sur la glace, ce sont deux sports diamétralement différents. « Je devais avoir quatre ou cinq ans même pas. On était en vacances avec mes parents quand je suis montée la première fois sur des patins. » Je m'en souviens pas réellement, mais c'est une anecdote que mes parents adoraient raconter. « Il parait que mon père voulait à tout prix que j'utilise un stabilisateur pour m'aider à tenir debout mais j'en ai jamais voulu. Je voulais y arriver par moi-même. A croire que c'était beaucoup plus drôle de me casser la gueule. » Esprit de cascadeuse bonjour. Je rigole un peu avant d'enchainer. « Tu as d'autres photos ? » Je m'intéresse à elle, pour continuer d'apprendre à mieux la connaitre. Il y a sans doute d'autres photos de son enfance dans cet album et je suis curieuse d'en voir un peu plus. « Je suis sûre qu'il y a d'autres pépites de toi à me montrer dans cet album. » Elle doit être trop mignonne en plus. « Promis, ça restera entre nous. » Je lui souris d'un air innocent. Tout ce qui se passe ici reste ici.

Je ne me reconnais pas, et pourtant, lâcher prise me fait un bien fou. C'est comme si je redevenais la Sawyer d'il y a quelques années - beaucoup trop d'années d'ailleurs - jeune et insouciante qui n'a pas envie de se prendre la tête. Je sais pas si c'est l'alcool, Nate ou un mélange des deux mais la sensation retrouvée est grisante. Je n'ai pas ressenti ça depuis longtemps. Enfin... à part la dernière fois à la patinoire justement. Finalement, c'est peut-être pas que l'alcool. Nate y est probablement pour quelque chose aussi. Beaucoup même ? Bref. Je propose une autre tournée, dans l'unique but de prolonger ce moment avec elle encore plus longtemps. Je n'ai pas envie de rentrer, ni de la quitter. Je sais qu'une fois chez moi, les choses redeviendront aussi tristes et déprimantes qu'elles le sont depuis hier. En sachant que Jackson est censé rentrer de son "déplacement" demain dans la matinée, ça donne encore moins envie. Je ne sais même pas comment je compte m'y prendre pour le confronter. Ouais non, j'ai pas envie d'y penser. « C’est pas raisonnable, mais qui a dit qu’on devait être raisonnable ? » Je hausse les épaules en laissant échapper un léger rire. « Pour une fois, pas moi. » Même si j'aurais pu le dire dans n'importe quelle autre situation, c'est vrai. La nana coincée et reloue par excellence. Mais pas ce soir, surtout pas. La soirée se poursuit sur la même dynamique jusqu'à ce que le bar ferme ses portes. Je n'ai pas vu le temps passer, c'est dingue. Et dire que j'étais venue juste pour un seul verre à la base. Comme prévu je commande le taxi, et pendant que nous l'attendons, il y a comme un moment de flottement. Nate plonge son regard dans le mien, et... c'est à ce moment-là que notre taxi arrive. C'est pas plus mal. Alors pourquoi j'ai l'impression d'avoir loupé quelque chose ? Comme un vulgaire goût d'inachevé. Le trajet n'est pas long et nous arrivons rapidement en bas de son immeuble. « Tu… tu veux que j'te fasse visiter ? » Mon coeur s'emballe, et je ne réfléchis pas vraiment avant de répondre un peu du tac au tac. Comme si c'était secrètement ce que j'attendais qu'elle me propose. « Si tu veux oui. » C'est tentant, et je me laisse justement tenter sans penser à rien d'autre qu'à l'instant présent. Et à cette soirée à laquelle je n'ai pas envie de mettre fin. Mais nous avons toutes les deux beaucoup bu, et je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée. Pourtant, je n'ai plus les idées claires et je suis incapable de faire preuve de discernement. Oh et puis merde... Je la suis jusqu'à son appartement, essayant de ne pas penser au moment étrange de tout à l'heure. Même si en réalité je crois que je ne pense qu'à ça. Mais chut. La pièce à vivre de son appartement est jolie, et je sais pas trop pourquoi mais je l'imagine vraiment bien vivre ici. Enfin je la reconnais bien dans cet univers quoi. « Tu vis toute seule ici ? » Pourquoi je demande ça moi au juste ? Je sais qu'elle a une copine, et c'est une manière comme une autre de savoir si elles vivent déjà ensemble ou pas. J'imagine que ce n'est pas le cas, ou que du moins elle n'est pas là ce soir, Nate ne m'aurait sans doute pas fait monter chez elle en plein milieu de la nuit si sa copine était en train de dormir. Enfin j'espère. Bonjour la gênance.