Take care of the past (Rayden#22)

Comme avant chaque démarrage d’un nouveau projet mes journées sont chargées. Le temps file à toute vitesse, je tente de tout concilier sur le plan professionnel et privé. C’est une sorte de numéro de funambule, mais je ne m’en sors pas trop mal, je crois. Avec Eden nous avons trouvé un certain équilibre, jonglant avec nos emplois du temps pour avoir des moments à deux. Nous ne nous cachons plus vraiment, sans pour autant nous afficher, trouvant là aussi un équilibre entre le secret et la discrétion. Le seul à être officiellement au courant de notre relation c’est Oliver, qui par la force des choses a eu sans effort confirmation de ce dont il se doutait déjà depuis un certain temps. C’est assez agréable de ne pas avoir à jouer de faux semblant en sa présence. La productrice a toute confiance en lui et moi aussi.
En revanche je me méfie des bruits de couloirs, ça ne manque pas dans une boite de production. Il faut dire que le terrain est fertile, ce milieu est particulier et dès que la notoriété est approchée, les rumeurs redoublent d’intensité. Il y a forcément un attrait particulier pour la moindre petite info qui pourrait être croustillante. Si je ne participe pas à leur diffusion et me contente de les écouter avec beaucoup de recule lorsqu’il s’agit d’acteurs et actrices plus ou moins connus, mes oreilles sont tout de suite beaucoup plus attentives lorsqu’il est question d’Eden. En ma présence c’est de plus en plus rare que les langues se délient à son sujet, normal, on me sait proche d’elle. Pas à quel point, mais les gens ne sont pas stupides. Cependant aujourd’hui il n’y a aucune retenue. Quoique la productrice n’est pas exactement le centre de l’attention, c’est un autre nom qui revient sans cesse : Sara Chamberlain. La sonorité ne m’est pas totalement inconnue, c’est une femme d’affaire me semble-t-il. Future investisseuse ? Peut-être. Quoi qu’il en soit sa présence entre les murs de la boite durant la matinée fait beaucoup parler. Curieuse, c’est à la principale concernée que je poserai des questions quant à cette réunion d’affaire. Pourquoi ne pas le faire au déjeuner ? Je prends la direction de son bureau pour l’inviter à manger ensemble. Lorsque j’arrive Oliver est sur le point de prendre sa propre pause. «Bonjour Oliver, Eden est là ? » il répond à la négative par un mouvement de tête, et je remarque qu’il se force à ne pas afficher sa gêne « Elle est déjà partie. » répond-il en réalignant les fournitures sur son bureau « Oh… Pour déjeuner ? Dans un des restaurants habituels ? » demandé-je intriguée, il hoche la tête et je m’engouffre à nouveau dans l’ascenseur « Ok, merci Oliver, bon appétit. » je lui adresse un petit signe de la main avant que les portes ne se referment, il me dit quelque chose mais je ne l’entends pas.
La connaissant, Eden a sûrement prévue de prendre son repas à emporter pour pouvoir retourner bosser. C’est ce qu’elle fait la plupart du temps quand elle n’a pas de repas d’affaire ou que nous ne mangeons pas ensemble. Comme je ne devais pas être libre ce midi elle ne me l’a pas proposé, mais mon planning ayant été modifié, nous pouvons peut-être en profiter. Il n’y a pas trente six possibilités et mon intuition me mène vers l’un des restaurants où la productrice a ses habitudes, moi aussi par extension. La réceptionniste me reconnaît « Bonjour Miss McHalway, Miss Lewis n’avait pas précisé une table pour trois, je vais faire rajouter un couvert. Je vous en prie, elle est à la table habituelle. » elle s’éclipse pour aller donner l’information à la responsable de salle. Comment ça trois couverts ? Je jette un œil en direction de la dite table que l’on peut vaguement apercevoir, voyant Eden face à une brune magnifique. Sympa le dîner d’affaire, en tout cas elles ont l’air de bien rire. La réceptionniste réapparait, je lui souris en me recomposant une attitude détachée « Ne vous embêtez pas pour le couvert supplémentaire, je suis seulement de passage. » elle paraît surprise « Ah… ». C’est quoi ce picotement là ? De la jalousie ? Ça ne me ressemble pas, je devrais repartir. Mais ce n’est pas ce que je choisis de faire, me dirigeant vers la table où est installée Eden et cette femme avec qui elle semble avoir un feeling bien établi pour une rencontre professionnelle. Ce que je suis en train de faire est plus fort que moi.

 « Miss Lewis, j’ai reçu un appel pour vous, pendant votre rendez-vous mais… c’est assez particulier. » Je dois dire que mon jeune assistant pique ma curiosité, et il sait que ça fonctionne. Pour autant, je sais que ce n’est pas le genre d’Oliver de garder des secrets, ou de me faire languir pour quoi que ce soit. « Je t’écoute. » Il se doute bien qu’avec ce qu’il vient de me servir, je ne vais pas le laisser repartir comme il est arrivé. Penchant légèrement la tête sur le côté, je lui fais comprendre que je ne compte pas le supplier, et que j’ai autre chose à faire de ma journée que d’attendre qu’il daigne me donner davantage d’informations. « Quelqu’un a souhaité un rendez-vous. Mais je ne peux pas dire qui. » Un rire nerveux franchir la barrière de mes lèvres. « Oliver… » Je vois qu’il n’est pas très à l’aise, visiblement partagé entre trahir une demande, pour me trahir moi, qui suis sa patronne. « Quelqu’un que je connais ? » Autant entrer dans son jeu, qui n’a pourtant pas l’air de lui plaire tant que ça. « Oui, visiblement. » « Que j’ai vu récemment ? » Je pense à une surprise de la part de Rayan, mais la manière qu’a Oliver de secouer la tête ne m’aide pas. « Tu ne comptes vraiment pas me dire qui c’est, n’est-ce pas ? » Le voilà qui se pince les lèvres. Je le connais assez bien pour savoir qu’il en meut d’envie. Je pourrai le torturer ou le menacer pour qu’il cède, il ne tiendrait pas longtemps. Mais je suis joueuse. « Alors que cette personne masse me voir ici mercredi matin. Je verrai ce que j’en ferai. » Il hoche la tête et s’en retourne à son bureau, alors que je quitte le bâtiment pour rejoindre ma villa, et ma fille qui doit m’y attendre. Depuis que je ne suis plus en couple avec Cora, Mae passe plus de temps à la maison, et ce n’est pas pour me déplaire.

Le mercredi en question, j’hésite à demander à Oliver qu’il crache le morceau avant la visite de mon invité.e mystère, mais je garde mon sang froid, et une certaine patience que je ne me connais que trop peu. Et puis, quand vient l’heure à mon assistant d’annoncer l’arrivée de mon rendez-vous, je sens une petite boule de stress m’envahir. Je me lève et réajuste ma jupe crayon pour rejoindre la porte, alors qu’une brune s’approche. Il ne me faut qu’un quart de seconde pour la reconnaître. Sara. Mon coeur s’emballe si rapidement que j’ai du mal à croire ce que je suis en train de voir. « Mon dieu mais qu’est-ce que tu fais ici ? » Mon premier amour, et pas des moindre. A cette époque ou j’avais tendance à enchaîner les petits amis, elle est arrivée comme une fleur et m’a fait changer toute ma vision des choses. J’ai aimé cette femme éperdument, malgré nos différences et nos différends. Elle a été la première femme à froisser mes draps, et elle a quelque peu froissé mon coeur, aussi. Pourtant, je ne lui en veux pas, nous étions jeunes et le temps a passé. Naturellement, je viens la serrer contre moi. Pendant deux bonnes heures, nous parlons de tout et de rien, de nos vies, du passé, du présent, de l’avenir. Et quand l’heure de ma réunion arrive, je dois mettre un terme à cet échange, à contre coeur. C’est donc tout naturellement que je lui propose de partager un déjeuner toutes les deux, le sur-lendemain.

Je ressens toujours cette petite adrénaline, cette petite pointe au coeur chaque fois que mon regard se pose sur elle. Le coeur de la Eden d’aujourd’hui a beau être épris, il reste toujours un petit quelque chose au fond de moi, pour cette femme qui avait animé une flamme très importante alors que j’avais à peine vingt ans. Notre complicité est évidente, et peut-être que le pétillement dans mon regard l’est tout autant. C’est une vieille amie, qui a connu une ancienne version de moi-même. Et d’un côté comme de l’autre, nous nous rendons compte à quel point nous avons changé.
Mais d’un moment à l’autre, je ressens comme quelque chose d’inattendu. Une gêne, une présence qui me pousse à tourner la tête sur le côté. C’est alors que je remarque la silhouette de la femme que j’aime, à quelques dizaines de mètres de ma table. Elle s’approche, et Sara comprend très vite à mon changement d’attitude que quelque chose cloche. J’adresse un sourire à Rayan lorsqu’elle s’avant, et me lève même pour la saluer. Une fois à mon niveau, je fais un pas vers elle, glissant une main dans le bas de son dos avant de déposer un baiser su coin de ses lèvres. « Rayan, je te présente Sara. Une vieille amie. Sara, voici Rayan. » Je ne précise pas, parce que je ne saurai pas exactement quel terme choisir pour décrire ce qui me lie à la jeune actrice…

J’avance vers la table d’Eden et la brune inconnue. Mon cœur s’est accéléré, je crois que mes mains tremblent légèrement, je suis à la fois fébrile et comme poussée par une force invisible. Ce n’est pas mon genre, mais je me sens obligée d’aller confronter la productrice, m’immiscer dans cette discussion dont je ne peux me résoudre à croire qu’elle est juste professionnelle. A vrai dire je suis convaincue que ça n’a même rien de professionnel du tout ! Par intuition ou sensation d’être observée, Eden tourne la tête dans ma direction. C’est subtil mais son attitude change, j’ignore si c’est une bonne chose… Je ne crois pas. Elle se lève pour me saluer, n’hésitant pas à initier un contact affectueux, ça c’est déjà plus positif. Elle fait les présentations, Sara donc, est une vieille amie. Seulement une amie ? Merde ! Rayan, c’est pas toi ça ! Depuis quand je suis jalouse ? C’est une nouveauté. Je m’en passerai bien, et à la fois, comment ne pas céder aux affres de cette émotion quand on se retrouve face à une femme pareille ? Cette Sara Chamberlain a un charisme fou, du charme à revendre, des yeux incroyable et une classe naturelle à peine réelle. C’est simple, en la voyant là j’ai la même impression qu’en voyant Eden pour la toute première fois. Et ce parallèle est troublant, ces deux là jouent dans la même cour. De part leur âge, leur statut et sans doute tout un tas d’autres raisons qui les rapprochent et me font sentir à la marge. Sentiment renforcé par la manière d’Eden de me présenter. Rayan, juste Rayan. C’est débile, ce n’est qu’un détail et je ne devrais pas y prêter importance. C’est de l’égo pur et simple, mais ça me touche, je n’y peux rien. « Enchantée. » dis-je finalement en affichant un beau sourire totalement de façade mais qui fait parfaite illusion, merci le métier d’actrice. « Désolée de vous interrompre pendant votre déjeuner, ce n’était pas mon intention première. » expliqué-je en gardant cette même attitude détachée et souriante. Mon regard se pose sur Eden « Oliver m’a dit que tu étais sortie manger, je pensais que tu allais prendre à emporter et comme j’étais libre finalement… » je fais un geste de la main pour signifier que tout cela n’a plus d’importance « Bref, je ne vous dérange pas plus longtemps. Vous avez sûrement milles choses à vous raconter. » et des tas de rires à échanger, de regards complices et… Stop ! « Je vous laisse. Bon appétit à toutes les deux. » j’adresse un nouveau sourire à la brune « Ravie de vous avoir rencontré Sara, au plaisir. » tu parles ! Je prends la main d’Eden et la serre dans la mienne avec une certaine tendresse « On se voit plus tard ? » je dépose un baiser sur sa joue et tourne les talons. J’ai l’estomac noué, l’après-midi risque bien d’être longue…

Je vois bien dans l’attitude de Rayan que quelque chose ne va pas. Elle a beau user de son sourire parfait d’actrice, je commence à bien la connaître, et je sais voir dans son regard que quelque chose cloche. Je dois dire qu’à sa place, j’aurai déjà fait un remue-ménage dans mon cerveau. Sara est une femme magnifique, et je me sais complice avec elle. Alors d’un regard extérieur, il y aurait des questions à se poser. Je connais déjà les bruits de couloirs, même s’ils s’amenuisent lors de mes passages au sein des bureaux de la production.
Pour éviter que la femme que j’aime ne pense à mal, je choisis d’être suffisamment tactile avec elle pour lui éviter tout soupçon malencontreux. Je choisis de ne rien ajouter après avoir présenté Rayan à mon amour de jeunesse. Je pense que Sara est bien assez perspicace pour comprendre le lien qui m’unit à la jeune actrice. Je ne me comporterai de cette manière avec personne d’autre qu’elle. « Désolée de vous interrompre pendant votre déjeuner, ce n’était pas mon intention première. Oliver m’a dit que tu étais sortie manger, je pensais que tu allais prendre à emporter et comme j’étais libre finalement…» Mon regard fusionne avec le sien le temps de ses explications. Je la sens tendue, son attitude est sur la retenue malgré ses efforts pour se rendre souriante. « Bref, je ne vous dérange pas plus longtemps. Vous avez sûrement milles choses à vous raconter. Je vous laisse. Bon appétit à toutes les deux. » Son discours sent l’amertume à plein nez, et si elle compte berner Sara, ce n’est pas mon cas. Elle salue d’ailleurs mon premier amour avant de glisser sa main dans la mienne, plongeant son regard profond dans le mien. « On se voit plus tard ? » Je hoche la tête en lui adressant un sourire tendre. « Je t’appelle quand je serai de retour au bureau. » Elle dépose un baiser sur ma joue et nos mains se délient, alors que je la regarde s’éloigner.
Je m’assieds à nouveau à table, légèrement perturbée par ce moment pour le moins étrange. J’ai senti le mal-être de Rayan, c’est la première fois que je le ressens de cette manière. « Peut-être que tu devrais… » Sara ne termine pas sa phrase, je sais ce que je devrais. Je lève mon index pour la couper et lui adresse quelques mots « Tu m’excuses quelques minutes ? Je reviens. »  Sans attendre une quelconque réponse de la part de mon amie, je hâte le pas en direction de la sortie pour rejoindre Rayan. Elle se trouve devant l’ascenseur, et je l’appelle avant qu’elle ne s’y engouffre. Je réduis la distance entre nous, et profite que nous soyons au calme pour être plus franche avec elle. « Ça va ? J’ai senti que quelque chose n’allait pas… Je voulais pas te laisser partir comme ça. »

Le sourire tendre offert par Eden devrait faire envoler mes craintes, mais il ne m’apaise que manière éphémère et superficielle. Je ne lui prête aucune mauvaise intention avec ce dîner en compagnie de sa “vieille amie“, c’est plus profond, plus insidieux que ça. J’ai senti leur connexion, la complicité dans leurs rires et leurs regards et cela me ramène à d’anciennes blessures. Le sentiment inconfortable de ne pas être assez et qu’à tout moment elle s’en rendra compte. Je ne trouve pas d’autre moyen pour le gérer que de prendre la fuite. J’ai donné le change durant cette brève conversation, néanmoins je me sais incapable de tenir la distance. C’est idiot comme réaction, j’en ai conscience mais c’est comme plus fort que moi. La jalousie tel un poison se distille lentement dans mon être, ça ne me ressemble pas. Je ne veux pas faire d’esclandre.
Je prends congé, la productrice m’appellera de retour à son bureau et nous pourrons discuter de cela. C’est ce qu’il faut, communiquer, ne pas garder les choses pour soi et encore moins ce genre de sentiment désagréable. Je quitte le restaurant, me dirigeant vers l’ascenseur qui me permettra de sortir de l’immeuble et d’aller prendre l’air, j’en ai besoin. Les doigts crispés sur mon smartphone je soupire en regardant l’heure, par pure nervosité car je n’ai pas d’impératif avant deux petites heures. J’aurais voulu les passer avec Eden, que nous déjeunions ensemble et profitions de ce moment, parce que je sais que dans les prochaines semaines chaque heure, voire chaque minute comptera dans nos emplois du temps chargés. Les portes s’ouvrent enfin, mais avant que je n’ai pu faire un pas une voix familière m’interpelle. Mon cœur accélère, qu’est-ce qu’elle fait ? Je me retourne, ne masquant pas ma surprise que la quadra ai faussé compagnie à son invité. Ça devrait me rassurer, non ? Oui, évidemment. C’est le cas, je crois. Je lui adresse un regard interloqué, elle s’enquiert alors de mon état. Elle a senti que quelque chose clochait, elle me connaît bien maintenant et mon jeu d’actrice ne la dupe plus. Si la jalousie me grignote toujours l’estomac, sa démarche me touche malgré tout, de même que son attention qui n’avait rien de feinte, elle me le prouve à l’instant.
« Oui, ça va. » dis-je avec un petit sourire « Je ne voulais pas te déranger, c’est tout ». Ça sonne sans doute un peu faux à ses oreilles, pourtant j’essaie d’être convaincante. A tort peut-être ? Mais ce n’est ni l’endroit ni le moment pour avoir cette discussion, me semble-t-il. « J’ai juste été un peu surprise que tu sois accompagnée, qui plus est avec cette femme dont la présence fait parler depuis plusieurs jours. » j’échappe un léger rire nerveux « C’est une vraie star et pourtant à ma connaissance elle n’a joué dans aucun film. » je tente de m’en sortir avec une pointe d’humour, pas sûre que j’y parvienne. « Merci, de t’inquiéter de moi. » dis-je finalement, la couvant d’un regard tendre et sincère, car son attention me touche véritablement. Cependant tout est un peu gâché par cette petite amertume qui perdure, la jalousie, cette connasse. « Ne fais pas trop attendre ton amie. On ne fait pas attendre les célébrités, tu le sais mieux que moi. » ajouté-je dans un sourire « J’ai un peu l’impression d’être arrivée comme un cheveux sur la soupe et de vous avoir coupé dans vos retrouvailles et souvenirs. » conclue-je posant un court instant ma main sur le bras d’Eden pour renforcer le poids de mes mots, donner du crédit à mon attitude presque détachée. Je ne sais même pas si je préfère qu’elle la plante là, sa “vieille amie“ canon, ou qu’elle retourne à son déjeuner. Je suis indécise, mal à l’aise avec ma propre réaction.

« Oui, ça va. » répond-elle presque un peu sèchement. Je la connais assez depuis le temps, pour savoir que quelque chose cloche. Ma première pensée serait de la croire jalouse, même si je ne lui en ai pas donné l’occasion. Je ne l'ai jamais vue avoir un tel comportement à vrai dire. Les seules fois où elle m’a fui, c’était par colère, principalement parce que j’ai été idiote à plusieurs reprises. « Je ne voulais pas te déranger, c’est tout » Non, ce n'est pas tout, et je le comprends aisément dans son comportement. Rien de son langage non verbal n’est en accord avec ses mots, il y a dissonance, et j’espère simplement qu’elle saura être sincère avec moi. Finalement, elle m’explique la surprise de m’avoir vue accompagnée. J’ignorais que la présence de Sara pouvait faire parler dans les couloirs de la production, mais il faut croire qu’il y a encore beaucoup de choses desquelles je ne suis pas au courant. « C’est une vraie star et pourtant à ma connaissance elle n’a joué dans aucun film. » Certes. Je ne sais pas ce qu’elle attend de moi à cet instant précis. Voudrait-elle que je lui avoue qui a été Sara pour moi ? Je n’ai pas menti, c’est une vielle amie, même si elle a été plus que ça, aujourd’hui il n’y a plus rien. « Merci, de t’inquiéter de moi. » J’ai la sensation de la retrouver un court instant, ce regard que je lui connais, et que j’adore. « Ne fais pas trop attendre ton amie. On ne fait pas attendre les célébrités, tu le sais mieux que moi. » Elle en rajoute une couche sur cette prétendue célébrité, alors qu’elle sait elle-même qu’il n’en est rien. De mon côté, je reste silencieuse, tentant d'analyser le comportement de la jeune femme, ainsi que les mots qu’elle veut bien m’offrir. « J’ai un peu l’impression d’être arrivée comme un cheveux sur la soupe et de vous avoir coupé dans vos retrouvailles et souvenirs. » Je secoue la tête pour la rassurer avant d’ouvrir la bouche. « Nos retrouvailles ne datent pas d’aujourd’hui. » En avouant cela, je me rends compte que ça puisse être compris de la mauvaise façon. « Sara est venue me voir au bureau avant-hier, il est possible qu’on travaille ensemble sur des projets à venir. Mais je te raconterai quand on aura un peu plus de temps toi et moi, d’accord ? » Je ne lui laisse pas vraiment le choix, c’est plutôt une question rhétorique. « Tu as raison, je ne vais pas la faire attendre plus longtemps. » J’ai l’impression de sentir une certaine déception dans son regard, mais j’ignore si elle est bien réelle ou si je l’interprète. Est-ce que j’ai quelque chose à me reprocher ? Je ne pense pas, et pour autant, j’ai la sensation désagréable que quelque chose ne va pas, sans arriver à mettre le doigt dessus. « Si tu es dispo ce soir, réserve-moi ta soirée. Sinon, on trouvera un moment quand tu voudras. » Mon emploi du temps est toujours chargé bien que j’arrive à me soulager parfois, pour avoir le privilège de passer du temps avec elle, entre autre.