come on, i know bad acting when i hear it (rayden #19)

Je brûle d’impatience. Je sens en moi cette multitude de sentiments, mais l’excitation est sans doute celle qui surplombe le reste. Mon coeur bat plus vite qu’à l’accoutumée, mais je sais pourquoi, et j’arrive à le gérer. C’est toujours la même chose quand je sais que je vais retrouver Rayan, et c’est d’autant plus le cas aujourd’hui, puisque cela fait quasiment deux mois que nous ne nous sommes pas vues. Son départ pour le tournage au Canada a été un réel déchirement, surtout que nous avons vécu beaucoup de choses récemment.
Elle n’est pas au courant de ma visite, je lui avais dit que je viendrai probablement la voir, mais je n’avais pas précisé quand. Je pense que la surprise en vaudra la peine. Je dépose ma valise dans la suite que j’ai réservée il y a quelques jours. Il m’a fallu un peu de temps pour réussir à boucler tout mes dossiers urgents, pour pouvoir prendre quelques jours et enfin quitter Los Angeles. Je n’ai pas souvenir d’avoir quitté plusieurs jours ce bureau depuis que je m’y suis installée, c’est pour dire.
Une douche brûlante pour me défaire de cette pellicule invisible accumulée pendant le trajet, et j’enfile un tailleur avant de glisser mes escarpins le long de mes pieds, comme un prolongement de ces derniers. Raccord maquillage, j’attrape finalement mon sac à main et quitte la chambre d’hôtel pour rejoindre la rue, emmitouflée dans mon long manteau griffé. Mes talons claquent sur le marbre du hall, et je m’engouffre sans attendre dans la voiture du chauffeur commandé une dizaine de minutes plus tôt. Direction le plateau de tournage où se trouve Rayan. Je n’ai pas son emploi du temps, j’espère juste qu’elle tourne aujourd’hui. Ça me semblerait logique puisqu’elle a obtenu le premier rôle. Après avoir quitté l’habitacle de la berline, je marche d’un pas décidé pour rejoindre le studio où se tournent la plupart des scènes en intérieur. Je salue d’un simple geste de la tête quelques techniciens que je reconnais vaguement, et d’autres personnes de l’équipe. « Miss Lewis, quel honneur de vous voir ici, vous avez besoin que je vous guide quelque part ? » « Je cherche Rayan McHalway. » « Elle est en pause elle ne tourne à nouveau que dans une heure environ, vous la trouverez probablement près de sa loge, un peu plus loin sur la droite. » D’un hochement de tête entendu, je remercie le jeune homme et me dirige vers l’endroit indiqué, un léger sourire au coin des lèvres et l’impatience qui grandit en moi. Mais je tombe des nues en arrivant dans la salle de repos commune, trouvant assises sur un canapé Rayan et une actrice qu’on ne présent plus. Rose Galea-Kane. La main de cette dernière vient de se poser sur la jambe de Rayan, en même temps qu’elle lâche un rire qui m’irrite au plus haut point. Elles ne m’ont pas entendue arriver, mais je n’ai pas l’intention de faire demi-tour, ni même de les laisser continuer de flirter sous mes yeux. Quelques pas me rapprochant d’elles, et elles se tournent dans ma direction en entendant le bruit de mes escarpins. « Bonjour… » Etrangement ou non, je crois que je me suis légèrement refroidie…

Il y a deux mois j’arrivais au Canada pour le tournage de ce film dont j’ai obtenu le premier rôle. A ce moment là j’étais partagée entre l’excitation liée à ce projet et l’inquiétude de partir alors qu’Eden avait eu un contrecoup niveau santé. Et si par le passé nous nous étions plusieurs fois éloignées l’une de l’autre, cette fois est différent. Paradoxalement, pour ne pas trop penser à elle, j’ai adopté sa méthode : me concentrer à fond sur mon travail. Ça n’a pas été difficile, le scénario est dense, le tournage assez intensif et je n’ai pas le temps de m’ennuyer. C’est aussi très enrichissant, j’apprends beaucoup. Notamment auprès d’acteurs et d’actrices chevronnés, la plupart sont de passages pour seulement quelques jours faisant un apparition assez brève, les rôles principaux étant tenus par des nouveaux visages dans le milieu. Un choix audacieux fait par la réalisatrice et validé par la production. Parmi ces quelques grands noms à qui j’ai le privilège de donner la réplique, il y a Rose Galea-Kane. J’ai toujours beaucoup aimé cette actrice, son apparente facilité à pouvoir tout jouer ou presque et ses choix de rôles parfois totalement inattendus. C’est son seul jour sur le tournage, il nous reste seulement quelques scènes et nous avons une heure à tuer. La discussion s’engage assez naturellement et je n’en attendais pas tant mais le feeling passe plutôt bien depuis le début de la journée, ce qui nous vaut une conversation passionnante. Elle n’est pas avare de conseils, ni d’anecdotes et étonnamment elle a aussi un bon sens de l’humour. Happée par notre discussion je n’ai pas remarqué que quelqu’un vient d’entrer et poursuis mon récit sur une anecdote amusante n’ayant rien à voir avec le cinéma. Rose et moi rions, c’est plaisant de pouvoir se libérer un peu, jusqu’ici j’ai tellement eu la tête dans le guidon. Nos rires s’apaisent, j’entends alors le claquement réguliers de talons sur le sol de la salle de repos. Je me tourne vers la provenance du bruit, Eden est là et je suis obligée de lutter pour ne pas laisser ma surprise me trahir. Je souris, dans la retenue, il faut que nous soyons discrètes même si ça devient de plus en plus difficile. Si je m’écoutais je me lèverais d’un bond pour aller l’embrasser, mais je ne peux pas me le permettre et c’est une torture. Alors je me lève calmement pour la saluer avec le respect dû à sa posture de productrice « Miss Lewis, ravie de vous voir. » je ne me formalise pas du ton formel presque froid avec lequel elle nous a salué, elle joue son rôle. Et puis je suis sans doute un peu aveuglée par mon euphorie, laquelle doit restée totalement contenue et maitrisée. « J’ignorais que vous deviez venir aujourd’hui, personne n’en a parlé. » parce qu’elle n’a rien dit, je le sais. Pour me surprendre moi particulièrement ? J’aime à le penser.

Mon regard alterne entre leurs deux visages. Rose a retiré sa main en m’entendant approcher, elle est presque un peu mal à l’aise. Ce n’est pas dans son tempérament. Je ne la connais que très peu, pour ainsi dire pas, puisque nous ne nous sommes croisées que quelques fois dans des soirées liées à notre boulot respectif. « Miss Lewis, ravie de vous voir. » lâche Rayan après s’être levée pour me saluer. Je la regarde un instant. Rose ne prend pas cette peine, elle. Je reste le plus neutre possible, même si je me sais froide à cet instant. « J’ignorais que vous deviez venir aujourd’hui, personne n’en a parlé. » Je la regarde, me sentant perdue dans tout ce que je peux ressentir de contradictoire à cet instant précis. J’étais si heureuse de la voir, mais ce flirt avec une autre actrice est loin de me ravir. Je suis jalouse, j’ai appris à mes dépens que je pouvais l’être depuis que je connais Rayan. Mais l’attitude de l’actrice grecque ne ment pas. Les rumeurs dans le métier vont bon train à son sujet depuis le film qu’elle a tourné avec une autre actrice, celle-ci militante pour la cause LGBT. « Personne n’était au courant. » dis-je en claquant presque ma langue contre mes dents sur un ton plutôt sec. Je vois dans son regard qu’elle est heureuse de me voir, mais tout un scenario se forme dans ma tête. Est-ce qu’elle s’amuse a flirter avec tout le monde comme ça depuis qu’elle est partie ? Est-ce qu’elle m’a simplement utilisée pour en arriver là, et maintenant qu’elle est arrivée à ses fins, elle se comporte comme tous les autres. Ma colère m’aveugle, j’aurai préféré que ce ne soit pas le cas. « Rose, tournage dans cinq minutes, on va faire un raccord maquillage. » La brune se lève, non sans me toiser légèrement, chose qui m’irrite au plus haut point. Pour qui se prend-elle au juste ? Je la laisse passer près de moi, et elle adresse un sourire à Rayan « A tout à l’heure ! » Mon poing se ferme, blanchissant les jointures de mes articulations. Sans un mot, je fais quelques pas en sens inverse de la direction du tournage. J’emprunte le couloir qui dessert les loges, et entre dans celle où est inscrit en lettres noires le nom de Rayan. Elle me suit et une fois à l’intérieur, je referme la porte derrière nous. « Ça se passe bien je vois. » Je suis amère, elle sait que je peux l’être. Et non, je ne jouais pas la femme froide un peu plus tôt. Ce n’était pas de la comédie, et je vois qu’elle comprend vite, perdant son petit sourire. « Je sais pas à quoi je m’attendais… » Je m’exaspère toute seule d’avoir imaginé que j’allais pouvoir la retrouver, comme dans mes rêves. Au lieu de ça je la surprends en train de flirter avec une autre actrice. Quelle conne.

Les battements de mon cœur ont accélérés dès l’instant où j’ai vu Eden. Je ne dois rien laisser paraître, c’est le plus difficile tant j’ai envie de l’embrasser, la serrer dans mes bras. Deux mois à seulement entendre le son de sa voix dans les rares moments libres que nous avons réussis à synchronisés, c’est trop peu et le manque est bien réel. Elle n’a parlé à personne de sa visite sur le tournage, assurant son effet de surprise. Son ton est particulièrement sec, un peu trop étant donné les circonstances mais cette façade qu’elle s’applique à afficher me dépasse parfois un peu. L’échange, très bref, est interrompu par l’arrivée d’un technicien signalant à Rose qu’elle reprend dans quelques minutes. L’actrice renommée prend congé, je la salue d’un léger hochement de tête et d’un sourire. Eden reste froide, impassible puis sans un mot se dirige vers les loges, la mienne pour être plus précise, ses talons claquant sur le sol à un rythme trahissant son agacement. Malgré l’euphorie je sens clairement le vent tourner, je lui connais cette attitude, j’y ai été confronté plusieurs fois par le passé. Mais pourquoi la blonde réagit-elle comme ça ? J’imagine que je ne vais pas tarder à le savoir. J’entre à sa suite, elle referme la porte de la loge et sa voix claque à nouveau à mes oreilles. Sèche, amère, à quoi joue t-elle ? Mon sourire s’efface, mes sourcils se froncent légèrement et je soutiens son regard, elle enchaine restant néanmoins très vague. Elle ne sait pas à quoi elle s’attendait. C’est donc qu’elle est déçue ? Par quoi ? Par qui ? Moi, de toute évidence mais j’en ignore encore la raison. Un sentiment communicatif, je suis déçue à mon tour, ma joie retombe comme un soufflé qui aurait trop attendu en sortant du four. « Tu m’as manqué… » soufflé-je pour tenter d’apaiser les choses, tendant ma main vers la sienne, qu’elle recule. Ok. « Vraiment ? » je soupire, déjà lasse de la tempête qui se profile et vexée par son geste « Deux mois qu’on ne s’est pas vue et c’est la reine des glaces qui me fait l’honneur de sa visite. » je hausse les épaules « Pourquoi es-tu si amère Eden ? Là, ça m’échappe totalement. » est-ce que c’est un jeu tordu auquel elle a envie de jouer ? Parce que clairement ça ne m’excite pas du tout, si jamais c’était son but. « Qu’est-ce que j’ai fait ? Ou pas fait d’ailleurs ! » demandé-je, cherchant à comprendre ce qui me vaut la transformation d’une bonne surprise en discussion houleuse.

Lorsque je me retourne sur elle, une fois seules dans sa loge, je vois à l’expression sur son visage qu’elle a compris que je ne joue pas. « Tu m’as manqué… » Ces quelques mots font serrer mon coeur à l’intérieur de ma poitrine. Moi aussi, elle m’a manqué, mais je ne compte pas lui dire. Parce que je suis déçue de son attitude. Après tout, qu’est-ce que j’imaginais ? Elle s’approche mais je fuis son geste de tendresse, je n’ai pas envie de la laisser faire, me laisser amadouer. Je suis remontée. J’étais pourtant de bonne humeur en arrivant, mais ça, c’était avant de la voir en train de flirter avec une actrice. « Vraiment ? Deux mois qu’on ne s’est pas vue et c’est la reine des glaces qui me fait l’honneur de sa visite. » Je la foudroie du regard. Et elle ne trouve pas ça logique, en réponse à son comportement ? Je m’agace d’autant plus, la voyant hausser les épaules. Alors quoi ? Elle aurai voulu faire sa vie ici, voir qui elle voulait sans que je n’en sache rien, et reprendre avec moi comme si de rien n’était ? Je ne suis pas prête à accepter ça, même si j’ai bien conscience que c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité vu que je suis encore avec Cora. « Pourquoi es-tu si amère Eden ? Là, ça m’échappe totalement. Qu’est-ce que j’ai fait ? Ou pas fait d’ailleurs ! » Je lâche un rire amer. Elle ose me demander ce qu’elle a fait, ou n’a pas fait. « Tu te fous de moi ? » Visiblement non, elle n’a pas l’air de voir où se trouve le problème. « J’arrive pour te faire une surprise et je tombe sur une scène lunaire, d’une actrice encore il y a peu homophobe qui te drague ouvertement et à qui tu sembles tout à fait réceptive. » Je plisse un peu les yeux, comme si je cherchais à sonder ses réactions. « Je dois dire que je ne m’attendais pas à un tel accueil. » Je soupire et la dépasse pour me diriger vers la table un peu plus loin, et me servir un verre d’eau, restant dos à elle. Je sais que j’avais promis de faire attention à ma jalousie, mais c’en est trop, la déception est trop importante pour que je n’essaie de faire semblant. Et avec elle, je ne sais pas faire semblant, je n’essaie même pas. « J’ai bien fait de ne pas te prévenir de ma visite. Au moins, je sais à quoi m’en tenir. » Cette fois, je me retourne vers elle, appuyant mes fesses contre la table, mon verre d’eau à la main, que je porte à mes lèvres sans lâcher la brune du regard. Je déteste ce sentiment de lui en vouloir, parce que ça m’empêche de la serrer contre moi, l’embrasser, la caresser, sentir son odeur, son coeur battre contre moi. Mais l’amertume m’empêcherait de pleinement en profiter, je le sais, je me connais. « Elle te plait ? » Quoi ? Je me renseigne.

Cette bonne surprise est en train de prendre une tournure aussi inattendue que non désirée. J’esquisse un geste vers Eden pour tenter de dissiper son agacement et son mouvement de recul me vexe. Mon incompréhension et ma frustration sont proportionnelles à la joie que j’avais de la voir, intenses. Pourquoi ce comportement, cette froideur ? Son regard est presque assassin, ses iris claires braquées sur moi, prêtes à faire feu. Totalement perdue face à son attitude, je lui en demande les raisons. Qu’ai-je fais ou non pour mériter son agacement plutôt que sa douceur ? Son rire ironique, m’irrite. Ma propre bonne humeur est en train de s’évaporer elle aussi. Je hausse les sourcils, définitivement décontenancée par sa question. Me foutre d’elle ? La machine est lancée, même pas besoin d’y mettre une pièce pour qu’elle enchaine sur des explications, ça a au moins cet avantage là. Je tombe un peu plus des nues. Rose ? Me draguer ? Eden ne s’attendait pas à cet accueil, évidemment puisqu’elle est la seule ici à se faire des films. La productrice me passe à côté, agacée. C’est contagieux. « Le voyage t’a fatigué je crois. » répliqué-je avec lassitude. Je l’observe se servir un verre d’eau, si distante et froide, je déteste quand elle est comme ça. Eden se retourne, me portant l’estocade fatale. Ça fait mal. Sa jalousie me blesse. Elle n’a aucune confiance en moi et s’est douloureux d’en faire le constat une fois de plus, surtout dans un moment comme celui-ci. Se sent-elle vraiment fière de croire m’avoir piégé ? Si elle est déçue, alors nous sommes deux. Je la fixe, mon estomac noué, ma gorge un peu serrée « Tu le penses ? » demandé-je sur le ton le plus posé possible. La quadra enchaine, me demandant si Rose me plait. Putain, elle m’énerve ! Cette fois mes mâchoires se serrent un peu avant de répliquer « Les brunes c’est plutôt ton truc à toi. ». Je penche légèrement la tête, esquissant un léger sourire aussi ironique que son rire un peu plus tôt « Comment va Cora ? ». Puisque visiblement nos retrouvailles sont gâchées, autant y aller à fond et aborder les sujets qui fâchent, non ? « C’est gonflé de ta part de me faire un procès d’intention dans ta position Eden. » dis-je calmement, pourtant je sens que les larmes ne sont plus très loin tant je suis blessée et déçue par ses accusations. « Je me sens idiote d’avoir cru qu’on avait dépassé ça. Je pensais avoir ta confiance. » je secoue la tête et détourne le regard « Ça me fait mal de m’être trompée. Apparemment moi aussi je sais à quoi m’en tenir. » dis-je en tendant la main vers la porte, je ne vais pas tarder à devoir retourner sur le tournage « Le pire dans tout ça, c’est que je vais encore devoir faire semblant que tout va bien. Ne rien montrer. » j’en ai marre de me cacher.

Je suis remontée comme un coucou suisse. Cette scène à mon arrivée sur le plateau de tournage ne m’a vraiment pas donné envie de sourire et d’être agréable. Malheureusement, ça tombe sur la personne la plus concernée. Rayan. Je me sens bouillir, j’ai envie de hurler, de la secouer, de lui demander pourquoi elle s’évertue à me faire autant de mal. Je sais, c’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité, mais qu’est-ce que j’y peux ? « Le voyage t’a fatigué je crois. » Je déteste quand elle use d’ironie de cette manière, ou plutôt d’une certaine forme de provocation. Il est évident que le voyage m’a fatiguée, mais ce n’est pas pour cette raison que je comporte de cette manière. Certainement pas. Je plante mon regard dans le sien pour lui expliquer vraiment ce qui me met dans ‘cet état’, même si je ne vois même pas pourquoi je fais l’effort de me justifier. Après tout, c’est elle qui était en plein plan drague il y a quelques minutes. Si je n’avais pas été là pour interrompre ce moment, qui sait ce qui aurait pu se passer par la suite. Je n’ose même pas y penser, ça me rend dingue et fait monter la rage en moi. Au moins, je sais à quoi m’en tenir, et je lui dis ouvertement. Je vois bien qu’elle est blessée, peut-être un peu déçue que j’ai pu assister à ça, ou que je l’en ai même empêché, qui sait. « Tu le penses ? » Je ne réponds rien, me contentant de croiser mes bras sur ma poitrine sans jamais la lâcher du regard. « Les brunes c’est plutôt ton truc à toi. »[/color] Je serre les mâchoires face à son impertinence. Elle me pousse à bout, je déteste ça. Et elle ne s’arrête même pas là. « Comment va Cora ? » Cette fois, je suis abasourdie par son attitude. Et pourtant, je comprends peut-être un peu ce qui l’anime. Elle n’a donc toujours pas encaissé cette histoire avec ma compagne. Est-ce que je dois culpabiliser pour ça ? Je me poserai la question plus tard, quand la colère aura quitté mon corps. « C’est gonflé de ta part de me faire un procès d’intention dans ta position Eden. Je me sens idiote d’avoir cru qu’on avait dépassé ça. Je pensais avoir ta confiance. Ça me fait mal de m’être trompée. Apparemment moi aussi je sais à quoi m’en tenir. » Je plisse un peu les yeux. Qu’est-ce qu’elle insinue exactement ? Est-elle vraiment en train d’essayer de retourner la situation à son avantage ? « Le pire dans tout ça, c’est que je vais encore devoir faire semblant que tout va bien. Ne rien montrer. » Je lève les yeux au ciel en soupirant d’exaspération. « Pitié, épargne-moi ton discours à la Calimero… » Je suis dure, mais je n’en ai pas conscience. Pas encore. « Je croyais avoir confiance figure-toi. Mais mets toi à ma place une seconde ! J’arrive pour te faire la surprise, passer du temps avec toi, j’ai pris des jours de congé, ce que je ne fais jamais, juste pour venir te voir, et voilà à quoi j’assiste ? » Je lâche un rire cynique. Parce que c’est ce que je fais encore de mieux quand je suis blessée. « Si tu me fais payer de t’avoir caché mon histoire avec Cora, je trouve ça vraiment puéril. Je t’ai expliqué que c’était compliqué, et ça l’est toujours. Je croyais que tu avais compris, qu’on avait passé cette étape. » Je pensais pouvoir mettre ça de côté, mais de toute évidence, je ne peux pas.

Comment peut-elle sérieusement croire que je puisse me laisser séduire par Rose ou la draguer ? Je ne comprends même pas sur quoi elle se base pour en être venue à cette conclusion digne d’une vraie paranoïaque. Parce que nous riions ? Elle croit m’avoir piégé, s’être rendue service en se pointant à l’improviste pour découvrir ma trahison. La blonde fabule, le pire c’est qu’elle y croit dur comme fer. J’ai essayé de tempérer les choses, l’amertume et la froideur ont été sa réponse. Piquée au vif je finis par riposter, lasse d’en prendre pour mon grade alors qu’elle est bien loin d’être une blanche et innocente colombe. J’évoque Cora, nous venons de passer un cap dans la discorde, à ce rythme tous les coups seront bientôt permis. Au moins les choses sont claires, elle ne me fait pas confiance, ce constant me blesse profondément. Lasse, déçue, moi aussi je sais désormais à quoi m’en tenir. Ma joie de la voir a été si vite balayée, je n’en peux plus de ces montagnes russes. C’est le coup de sang de trop.
Je m’en serais bien passé, surtout en plein tournage, alors même que je vais devoir y retourner. Donner le change, faire comme si tout allait bien, rester concentrée. J’ignore si je vais y arriver et pourtant je le dois. Eden ne fait preuve d’aucune compréhension et encore moins de compassion. Calimero ? Je peine à croire que j’ai bien entendu. Je renonce à sortir, lui faisant à nouveau face. Elle soutient mon regard pour me balancer une nouvelle salve de venin. Qui est Calimero maintenant ? Evidemment, elle me rejette la faute, alimente son délire, encore. Puis finalement elle interprète mon comportement comme une vengeance à son égard. Si j’étais prête à exploser il y a une minute, la colère laisse place à un profond sentiment de peine. Mon cœur se comprime dans ma poitrine les larmes me montent aux yeux, je veux les retenir à tout prix. « A ta place ? Non je n’ai pas envie d’y être à ta place si c’est pour être aussi bornée et aveugle. » je secoue la tête « Assister à quoi Eden ? A une discussion banale, à deux éclats de rire. Est-ce que tu as au moins vu mon sourire  quand j’ai vu que tu étais là ? Senti à quel point j’avais envie de t’embrasser, de te serrer contre moi tout ça sans pouvoir le faire parce que “c’est compliqué“ ? Non… Tu t’es fermée et tu ne m’as laissé aucune chance. » je soupire, j’en ai marre de me battre dans le vent « Tu te fais payer toute seule ton histoire avec Cora. Et si tu penses tant que je vais aller voir ailleurs c’est peut-être parce que t’as l’impression que c’est la juste punition. » je m’expose à recevoir une nouvelle vague de paroles blessantes de sa part, suis-je encore à ça près ? Je sens une larme qui m’échappe. Et merde, ça va être encore plus difficile de faire passer cela inaperçu. Je l’essuie d’un revers de main « Je ne peux plus faire ça Eden. Avoir ces moments merveilleux avec toi et me retrouver plus bas que terre ensuite. Je… » deux coups sont frappés à la porte de ma loge me faisant légèrement sursauter « Rayan, ils t’attendent au maquillage avant de reprendre. » « D’accord. J’arrive. ». Cette fois il faut que j’y aille « Je ne sais pas ce que tu vas décider de faire… Quoi qu’il en soit, moi aussi j’aurais préféré que les choses soient différentes. » j’ai l’impression qu'un gouffre s’est ouvert en moi.

Tout prend toujours beaucoup d’ampleur quand il s’agit de mes sentiments. Qu’ils soient négatifs ou positifs. Je connais assez peu l’entre deux. Quand je suis en colère, je ne le suis pas à moitié, et c’est la même chose quand je suis amoureuse, même si j’en paie parfois les frais. Aujourd’hui, tout se mélange, et je suis peut-être un peu aveuglée par ma jalousie. Je ne sais pas la gérer, je ne sais pas si j’en serai capable un jour. Et je n’en ai même pas conscience. Pour moi en ce moment même, je suis sûre que Rayan flirtait avec cette actrice, et j’ai toutes les raisons d’être hors de moi. Je me sens trahie, abusée, et j’ai mal. Alors comme un animal blessé, je me défends en blessant à mon tour, tout ça très inconsciemment. « A ta place ? Non je n’ai pas envie d’y être à ta place si c’est pour être aussi bornée et aveugle. » Je ne suis pas sûre de mériter un tel traitement. Je serre les mâchoires pour encaisser. Après tout, elle a reçu tout ce que j’avais à dire, à moi de recevoir le retour de bâton. Ses mots me serrent le coeur davantage. Parce que non, je n’ai pas vu son sourire ou son envie de m’embrasser. Je ne voyais que leur complicité et leur attitude, ou au moins celle de Rose. « Tu te fais payer toute seule ton histoire avec Cora. Et si tu penses tant que je vais aller voir ailleurs c’est peut-être parce que t’as l’impression que c’est la juste punition. » Je sais qu’elle n’a pas tort sur ce point, mais je n’irai pas jusqu’à l’admettre à voix haute. Mais surtout, je sens que la colère et l’amertume ont encore trop de poids dans la course de mes émotions. Je continue de l’asséner de nouveaux coups, j’aurai tout le temps de regretter plus tard. Pour le moment, la colère est maîtresse et je suis incontrôlable. Voilà qu’elle pleure. Une larme coule le long de sa joue, et mon coeur se serre. Je prends conscience de ma connerie, au moins un peu. « Je ne peux plus faire ça Eden. Avoir ces moments merveilleux avec toi et me retrouver plus bas que terre ensuite. Je… » Elle ne peut pas terminer sa phrase que déjà nous sommes interrompus. Elle doit partir. Pas maintenant, pas maintenant !! « Je ne sais pas ce que tu vas décider de faire… Quoi qu’il en soit, moi aussi j’aurais préféré que les choses soient différentes. » Pourquoi cette phrase sonne comme un adieu. Comme si nous avions besoin de ça. Depuis le début de notre histoire - ou ce qui s’en rapproche - nous avons eu une succession de montagnes russes concernant nos émotions. Je suis fatiguée, lasse. Mais je sais qu’au plus profond de moi, je ne suis pas prête à tirer un trait sur les sentiments que j’éprouve pour elle. « Rayan… » Elle fait demi-tour et s’apprête à quitter la pièce. Le coeur lourd, je n’ai même pas la force de la retenir. Une fois seule, je m’effondre. Je profite de n’avoir aucun regard braqué sur moi pour lâcher tout ce que je retiens depuis longtemps. Trop longtemps. Je ne sais plus où j’en suis, je me sens complètement perdue. Et pourtant s’il y avait une seule chose que je voudrais sauver, c’est la préciosité de ce que je peux partager de plus beau avec Rayan. Je crois que j’ai encore tout foutu en l’air, comme si j’étais vraiment la meilleure pour se faire. Me pardonnera-t-elle un jour ? J’ai de plus en plus de mal à espérer qu’elle me supporte plus longtemps.