desperate woman (rayden 15)

On ne peut pas dire que la soirée se soit bien passé. Moi qui pensait que ces quelques jours à New York me feraient le plus grand bien, il a fallu que Rayan soit de la partie aussi, qu’on se retrouve au même endroit et qu’elle rencontre Cora. C’est tout ce que j’appréhendais, et c’est arrivé. Je croyais ne pas m’en être trop mal tirée, mais c’est sans compter la tornade qui partage ma vie depuis sept ans, qui m’a remis dans les dents une fois seules dans notre suite, que j’aurai dû lui proposer de bosser avec Rayan. Pour le bien de sa carrière. De leurs carrières. J’éclate, j’ai besoin de sortir, de prendre l’air. Je laisse Cora seule dans notre suite et me change, enfilant un simple jean basique, un pull en cachemire et mon trench par dessus. Les rues de New York sont toujours animées, même en pleine nuit. J’aime tellement cette ville. J’ignore combien de temps j’ai marché, je n’ai même pas mon portable, c’est si rare. Lorsque je suis de retour à l’hôtel, ce n’est clairement pas dans ma suite que j’ai envie d’aller. A la réception, je demande le numéro de la chambre de Rayan, je ne suis plus à ça près de toute manière. Elle va très probablement m’envoyer balader, mais je n’ai plus rien à perdre. Après une légère lutte avec la personne de la réception qui ne comptait pas me donner le numéro de sa chambre par soucis de confidentialité, je réussis tout de même à l’obtenir, et monte à l’étage donné. Les couloirs me semblent interminables et mon coeur bat si fort dans ma poitrine que ça en est presque douloureux. Une fois devant sa porte, je souffle un coup avant de frapper. Elle dort sans doute, je sais pas ce que j’imagine, il doit être tard, je n’ai aucune conscience de l’heure qu’il peut bien être. J’entends pourtant un bruit de fond, la télé j’imagine. Je frappe à nouveau. « Rayan c’est moi, enfin c’est Eden. Ouvre s’il te plait, j’aimerai qu’on discute. » Toujours rien, je laisse tomber mon front contre la porte en soupirant et tente une dernière fois, avant de rebrousser chemin. « Rayan… » Je crois que je suis un peu désespérée. Et je n’ai bu que deux coupes de champagne, on ne peut pas dire que je sois sous le joug de l’alcool…

J’ai besoin de dormir, mais cette soirée tourne en boucle dans ma tête. Eden, sa compagne à son bras, notre discussion et ce sentiment désagréable d’être vraiment la dernière des idiotes. Comment j’ai pu passer à côté de ça ? Une relation de sept ans ce n’est pas rien, c’est quelque chose de stable, j’aurais forcément dû en entendre parler. Ça aurait changé la donne… A condition de l’apprendre assez tôt. Mais ce qui est fait est fait, il n’y a pas de retour en arrière possible, seulement aller de l’avant. J’aimerais que ça commence par une nuit de sommeil. Je regarde j’entame un deuxième film, il n’est pas passionnant, je n’aurais aucun regret si j’arrive enfin à m’endormir. Au milieu des dialogues j’entends frapper à la porte de la chambre. Je n’ai pas fait appel au room service pourtant. Nouveaux coups, et cette fois la voix d’Eden me parvient. Discuter. A t’ont vraiment quelque chose à se dire ? Je soupire, me lève et me dirige vers la porte sans ouvrir pour autant, je suis tiraillée entre l’envie de laisser porte close et celle d’entendre malgré tout ce qu’elle a à dire, quitte à me faire du mal une nouvelle fois, risquer une nouvelle discussion houleuse. Elle m’interpelle à nouveau à travers la porte, j’hésite encore quelques secondes et fini par ouvrir. La productrice venait apparemment de tourner les talons « Il est trois heure du matin… De quoi tu veux discuter ? » lâche-je un peu blasée. « Je crois que tout est dit. Enfin, façon de parler. C’est un problème chez toi, de dire les choses. Autant sur le fond que la forme. ». Je m’écarte et ouvre la porte un peu plus grand pour lui permettre d’entrer, je n’ai pas franchement envie que tout l’étage entende notre discussion. Je referme derrière elle, croise les bras sur ma poitrine, traduisant bien ce que peut m’inspirer sa présence, je suis sur la défensive. « Pour quelqu’un qui craignait que des rumeurs courent très vite à notre sujet, tu es plutôt douée pour garder ta vie privée discrète. » je ne voulais pas attaquer la première mais c’est sortit tout seul, j’ai ruminé ça toute la soirée. Je soupire « Je t’écoute, à une condition, ne commence surtout pas par me dire que tu es désolée. » ces mots sortant de sa bouche ont perdus de la valeur à mes yeux.

C’est un cas de force majeure, un acte désespéré. Je sais qu’elle pourrait ne pas ouvrir, je sais aussi qu’elle doit être en train de se poser un milliard de questions, ce qui est légitime. Je tente une dernière fois, son simple prénom lâché entre mes lèvres. Rien. Je m’apprête à faire demi-tour quand j’entends le cliquetis de la serrure. « Il est trois heure du matin… De quoi tu veux discuter ? Je crois que tout est dit. Enfin, façon de parler. C’est un problème chez toi, de dire les choses. Autant sur le fond que la forme. » Je me pince les lèvres. Elle est en colère, elle a toutes les raisons de l’être. Mon coeur bat sans doute un peu trop fort pour ma propre santé, mais peu importe. Je sais que c’est ce que je dois faire. Lui parler. Lui expliquer. Même si ça ne changera rien à l’issue de cette histoire. Rayan se décale pour me laisser la place d’entrer dans sa chambre. J’hésite une fraction de seconde et me décide à entrer. J’ai l’impression de ne plus avoir de salive, je suis très rarement dans un état de nerfs et d’angoisse pareil. Mais pourquoi ? Je me retourne pour la regarder, elle a fermé la porte, et s’est barricadée derrière son croisement de bras. J’enfourne mes mains dans les poches de mon trench en soupirant. « Pour quelqu’un qui craignait que des rumeurs courent très vite à notre sujet, tu es plutôt douée pour garder ta vie privée discrète. Je t’écoute, à une condition, ne commence surtout pas par me dire que tu es désolée. » « Pourtant je le suis. » Je soupire et glisse une main dans mes cheveux pour les rabattre un peu en arrière, cherchant dans ce geste un répit d’encore une seconde ou deux avant de pouvoir parler. Lui parler. Je me racle un peu la gorge, j’ai presque du mal à la regarder. « Elle est au courant. Pour nous. Enfin une partie. Je lui ai dit dès qu’elle est rentrée de Paris y’a trois semaines. » J’ai eu beau répéter ces phrases, ces explications mille fois dans ma tête, rien ne sort comme je le voudrais. « C’est un accord entre nous, depuis le début. Avec nos carrières, nos voyages… On s’est laissé le droit d’avoir des aventures en dehors de nos couples quand l’une ou l’autre partait longtemps pour le boulot. Ça a été le cas, on s’est rencontrées toi et moi quand Cora est partie en Europe, et tout est allé très vite. » Je n’avais clairement pas prévu de tomber amoureuse de la prof de ma fille. Sûrement pas. « J’avais aucune envie de t’en parler, parce que je savais que ça aurait changé les choses. On aurait pas pu vivre ce qu’on a vécu. Et je regrette rien. » Si c’était à refaire, je referai sans doute la même chose, dans les moindres détails. « J’aurai voulu que tu l’apprennes autrement que comme ça c’est vrai, j’aurai pu te le dire moi même quand on a décidé de tout arrêter. J’ai pas réussi. » Je ne la lâche pas des yeux, ma voix n’est pas aussi assurée qu’elle l’est en général, et mon regard trahit mes sentiments pour elle.

Evidemment Eden est désolée, je lui interdis pourtant de prononcer ces quelques mots. Ils ne changeront rien. Mon regard braqué sur elle, j’attends simplement d’entendre ce qu’elle a à dire. Pas pour sa défense, ce n’est pas un procès, je veux juste des explications pour sortir du flou de cette situation inconfortable. J’en ai besoin pour passer à autre chose, faire taire ces milliers de questions dans ma tête. La productrice n’a plus autant d’aplomb que plus tôt dans la soirée, les moments où j’ai aperçu ses failles, sa vulnérabilité tendent à se multiplier. Après ce que je viens d’apprendre je pourrais aisément croire qu’il ne s’agit que d’une mascarade, d’un rôle… Mais son regard, qu’elle se refuse à me donner, ne ment pas. Ce serait sans doute plus blessant si c’était le cas, mais paradoxalement moins compliqué, je n’aurais plus cette sensation d’être toujours en train de marcher sur un fil lorsqu’il s’agit de la productrice, de ce qui a pu nous lier. Les premiers mots sortent d’entre ses lèvres, sa compagne sait, elle lui a avoué ce qu’il s’est passé entre nous. Je le sentais, les allusions de la brune n’avaient rien d’hasardeux. Cependant une nuance dans sa phrase retient mon attention. En partie ? Je ne la coupe pas, elle enchaine, m’expliquant que tout ça fait partie d’un arrangement dans leur couple, elles s’autorisent à avoir des aventures lorsqu’elles sont loin l’une de l’autre. Ce qui fait de moi… Un passe-temps ? Je fronce les sourcils, pas que je ne comprenne pas la démarche, c’est plutôt son absence d’honnêteté sur laquelle je m’interroge. La réponse m’arrive rapidement, sans que je n’ai à la réclamer. Bien sûr, ne rien me dire était totalement délibéré de sa part, car ça aurait changé les choses. Sa démarche a été purement égoïste, me dissimulant la vérité pour “vivre ce que l’on a vécu“ et Eden ne le regrette pas. Son seul regret c’est que je l’apprenne ainsi. J’ignore comment définir ce que je ressens à cet instant, c’est un mélange trop complexe d’émotions pour poser des mots dessus. « Ton jouet. C’est ce que j’étais finalement. » je hausse les épaules « Et tu as tout fait pour que je le reste… Aller jusqu’au bout de tes envies sans jamais que j’ai toutes les cartes en main et puisse décider de ce que moi j’étais capable d’accepter. » je suis déçue, voilà un mot qui correspond à mon état. En colère un peu, aussi. « Le pire dans tout ça c’est que je t’en veux pour ne pas m’avoir dit la vérité, mais je m’en veux surtout à moi pour avoir été si conne. » je soupire, secoue la tête, dépassée par tout ça « Tu n’as pas réussi à me le dire quand ça s’est arrêté. Est-ce que ce n’était pas juste au cas où ? Pour te laisser une brèche si l’envie te prenais de refaire irruption dans ma vie et tout chambouler, encore. ». Je soutiens son regard, je pense qu’elle peut aisément y lire la peine que je ressens, cette sensation d’avoir été dupé « A chaque doute de ma part tu t’es braquée, criant à l’injustice que je puisse penser que tu sois une manipulatrice. Et ce n’était pas le cas. Mais là, maintenant que tu m’as dit tout ça, peut-être que finalement je me suis complètement trompée. » mon ton de voix est calme, j’essaie au maximum de maitriser mes émotions, c’est de plus en plus difficile. Je sens ma gorge se serrer, les larmes monter progressivement, je les retiens, il le faut. « Cela dit je comprends mieux tes mots de la dernière fois… Je me sens juste stupide d’avoir cru que… » je secoue la tête, c’est inutile de m’enfoncer d’avantage « Laisse tomber. Ça n’a plus d’importance. ».

A cet instant, je ne réfléchis pas vraiment à la manière dont pourraient être perçues mes paroles. Je me contente de lui dire ce qui est, ce pourquoi je suis là. La vérité en somme, même si elle arrive un peu tard. Je le déplore. « Ton jouet. C’est ce que j’étais finalement. » Je soupire en secouant la tête. « Tu fais les mauvais raccourcis Rayan. » Ce n’est absolument pas comme ça que je l’ai vécu. Mais je peux comprendre qu’elle le perçoive de cette manière, après ce que je viens de lui dire. Ce n’était pas du tout mon intention. « Et tu as tout fait pour que je le reste… Aller jusqu’au bout de tes envies sans jamais que j’ai toutes les cartes en main et puisse décider de ce que moi j’étais capable d’accepter. » Je baisse le regard. Tout ça, ce n’était pas intentionnel. C’est seulement ma manière d’être avec tout et tout le monde, garder le contrôle, toujours. Et quand je sais que je ne peux pas l’avoir en totalité, alors je cherche un moyen détourné, comme ce deal avec Cora, de pouvoir voir d’autres personnes quand on est séparées. Je sais que je devrais consulter pour ça, preuve en est, je peux en arriver à blesser des gens, des gens que j’apprécie, et plus encore. MA fille d’abord, maintenant Rayan, et bientôt Cora. Ma compagne est lui d’être idiote, elle me connaît mieux que je ne voudrais que ce soit le cas. Elle a du voir le malaise, sentir que quelque chose clochait. On a déjà rencontré certaines de mes conquêtes, elle n’a jamais agi comme ce soir. Rayan enchaîne, elle m’en veut de ne pas lui avoir dit la vérité, mais elle s’en veut d’autant plus d’avoir été si conne. Ce sont ses termes. Je déteste qu’elle puisse se sentir comme ça, à cause de moi qui plus est. « Tu n’as pas réussi à me le dire quand ça s’est arrêté. Est-ce que ce n’était pas juste au cas où ? Pour te laisser une brèche si l’envie te prenais de refaire irruption dans ma vie et tout chambouler, encore. » C’est comme un coup de poignard en plein coeur. C’est donc vraiment comme ça qu’elle me voit. Comme cette reine des glaces manipulatrice à la soit de pouvoir et de contrôle. Je pensais qu’elle avait réussi à voir au-delà du masque. Peut-être pas, finalement. Une boule dans la gorge, et ce regard voilé que je lui offre pourtant. Encore. J’aurai pu me contenter de la fuir, ne pas être sincère avec elle aujourd’hui. J’aurai peut-être dû, pour elle comme pour moi d’ailleurs. Elle appuie sur le couteau qu’elle a déjà enfoncé bien loin, je le mérite sûrement, la douleur est de plus en plus vive. Elle me voit vraiment comme une manipulatrice. Peut-être que je le suis, finalement. Est-ce que j’ai joué avec elle ? Mes sentiments sont pourtant sincères, je le sens, là, en moi. « Cela dit je comprends mieux tes mots de la dernière fois… Je me sens juste stupide d’avoir cru que…Laisse tomber. Ça n’a plus d’importance. » Deux choix. Quitter sa chambre sans un mot de plus, ou lui dire. Lui dire toute la vérité. « J’ai essayé de tout contrôler, c’est vrai, je suis comme ça. Mais j’ai pas réussi. » Tout comme je ne parviens pas à gérer cette voix que je connais si peu, étouffée dans ma gorge. « La seule règle c’était de ne jamais avoir de sentiments pour quelqu’un d’autre. Et j’ai essayé de m’éloigner de toi quand j’ai senti que… c’était le cas. » Je soupire et baisse les yeux, j’ignore si lui dire tout ça est une bonne chose ou pas. « J’ai jamais voulu jouer avec toi Rayan, j’me suis juste perdue avec tout ce que j’ai pu ressentir de nouveau avec toi, pour toi. » Je secoue la tête, je sens les larmes pointer le bout de leur nez. « Tu as raison, ça n’a plus d’importance de toute façon. Bonne nuit. » Je n’aurai vraiment pas dû venir ici pour lui dire tout ça, lui ouvrir mon coeur. A quoi bon. Il est malade depuis trop longtemps de toute manière.

Je fais les mauvais raccourcis car j’opte pour la facilité, celle de l’accabler, la faire passer pour la vraie méchante de l’histoire alors que c’est en réalité bien plus compliqué que ça. Bien sûr une part de moi est totalement perdue, déboussolée par son discours et ce qu’elle m’a donné l’occasion de voir durant ces quelques mois. Mais le plus simple c’est de trouver des bonnes raisons de la détester pour m’éloigner d’elle, de ce que l’on a vécu et de ce que je ressens, bien malgré moi. La déception et la colère parlent pour moi, et j’ai beau voir que je la blesse je ne fais pas machine arrière. Elle aussi m’a blessé, plusieurs fois, à cause de mon incapacité à lui résister. Je ne peux plus me le permettre, mes forces s’étiolent, il est temps de prendre du recul, tirer un trait sur mes illusions. Parce qu’une fois encore la dernière fois que nous nous sommes vues j’ai laissé ses mots se frayer un chemin dans mon esprit et surtout jusqu’à mon cœur. Une erreur de plus, cette foutue histoire d’amour dont elle parlait c’était celle avec Cora. Voilà pourquoi je me sens si conne, d’avoir espérer, encore une fois être suffisante alors qu’il n’en était rien. Les choses sont dites, la situation mise au clair, il n’y a dont plus rien à ajouter. Eden semble du même avis, cependant son attitude n’a rien de fière ou assurée, au contraire je la sens hésitante, presque fébrile et ça ne lui ressemble pas. Je m’attendant à ce qu’elle sorte, ça me paraît être sa décision, mais c’est comme si elle se ravisait. La voix étouffée, mal assurée, elle plaide coupable de son besoin de contrôle, un échec selon elle. Pourtant de mon point de vu elle a plutôt bien réussi sa manœuvre, j’attends la suite. Leur arrangement de s’autoriser à fréquenter d’autres personnes hors de leur couple ne connaît qu’une règle, l’absence de sentiment dans ces relations éphémères. Et son échec se situe précisément là, quand elle a commencé à avoir des sentiments à mon égard. Je pourrais penser à une manipulation, mais je la sais sincère, je le sens, elle ne ment pas, c’est comme si elle se mettait à nue. Ce n’est pas seulement ce que l’on a vécu auquel elle tenait, mais ce qu’elle a ressenti. Elle s’est perdue, nous sommes deux au moins. Mon cœur ne cesse d’accélérer à mesure que les mots franchissent ses lèvres, ses battements arrivant à leur apogée quand Eden en vient à la même conclusion que moi, ça n’a plus d’importance. Elle se trompe, bien sûr que ça en a. Malheureusement. « Pourquoi me dire tout ça maintenant ? » soufflé-je « Pour soulager ta conscience ? » je n’ai pas envie d’être amère, mais c’est plus fort que moi. Je secoue la tête, prise de remord « Excuses moi. » on s’est déjà assez blessée comme ça, il faut que ça cesse. « Je ne sais plus quoi faire Eden. Tu t’es perdue, mais tu m’as perdue aussi. Ces derniers mois ont été fous, positivement comme négativement parfois. Et je dois me protéger, il faut que ça s’arrête. » j’aurais voulu l’éviter mais je sens une larme m’échapper, je l’essuie aussitôt d’un revers de main « Pour moi mais aussi pour toi. ».

Je crois que je n’ai jamais été aussi sincère. Avec personne avant elle. Quelle ironie quand on sait que je lui ai menti avant ça, que je l’ai dupée, tout ça pour avoir ce que je voulais : davantage de moments avec elle. Je sais que j’aurai pu tout perdre bien plus tôt si je n’avais pas joué. Et j’ai perdu, au final. Prise à mon propre jeu. Mais je ne regrette rien, même si j’ai bien conscience que ça puisse être horrible pour elle de l’entendre. Parce qu’au moins j’ai vécu, j’ai ressenti, j’ai aimé, même. Et ça, ça n’a pas de prix. « Pourquoi me dire tout ça maintenant ? Pour soulager ta conscience ? » Peut-être oui, un peu. Mais surtout pour qu’elle comprenne que je n’ai pas agi comme ça simplement pour la manipuler. Il y avait de vrais sentiments derrière mes actes. Ça n’enlève rien au fait qu’elle ait pu se sentir abusée, et je peux le comprendre. Je n’ai rien à répondre à ça, elle se fera sa propre idée après tout, elle n’a pas besoin de moi pour ça. Voilà qu’elle s’excuse, c’est le monde à l’envers. « Je ne sais plus quoi faire Eden. Tu t’es perdue, mais tu m’as perdue aussi. Ces derniers mois ont été fous, positivement comme négativement parfois. Et je dois me protéger, il faut que ça s’arrête. » Je hoche la tête, peinant à la regarder dans les yeux. Je déteste les au-revoir, les adieux. J’en ai trop souffert étant jeune. « Tu as raison. » De toute manière, c’est déjà fini. « Pour moi mais aussi pour toi. » Elle ne peut pas savoir ce qui est bon pour moi. Mais elle peut savoir ce qui est bon pour elle, et je ne lui retirerai pas ça. Je lui ai fait trop de mal, il est temps que je m’en aille. Je plonge mon regard humide dans le sien, hésitante une dernière seconde. Je tends délicatement ma main vers son visage, caressant sa joue du bout de mes doigts, comme pour avoir la chance de la toucher une dernière fois. « Prend soin de toi Rayan. » Son regard me fait vriller les entrailles. Mon index dérive, vient frôler ses lèvres, ses lèvres que j’ai tant aimé embrasser, et que j’ai envie de cueillir une dernière fois. Elle saura me repousser si elle n’en a pas envie, je lui fais confiance pour ça. Je ne suis plus à ça près de toute manière. C’est juste un baiser d’adieu. Alors je m’approche et doucement viens déposer un baiser sur ses lèvres. Un baiser appuyé, mais sans rien attendre de plus. Juste un baiser d’adieu. Et je recule, lui adressant un dernier regard avant de quitter la chambre, et de fondre en larmes sur le chemin qui me guidera jusqu’au bar de l’hôtel…