i'm not perfect, but i'm me... in my own way (falloane #8)

Merde putain, c'est la Saint-Valentin. Comment ai-je pu oublier que le quatorze février tombait cette semaine-là ? Ça fait des semaines qu'on en parle à l'institut, qu'on prépare même nos promotions spéciales pour cette journée et que la décoration y est entièrement dédiée. Et je trouve le moyen de proposer à Jihane de faire un truc avec elle spécifiquement ce soir-là. Non mais franchement... y'a vraiment quelque chose qui tourne pas rond chez moi. Je vous jure que sur le coup je me sens vraiment conne. Je crois que ça me fait sentir encore plus mal par rapport à elle que je ne l'étais déjà auparavant. Parce que mon invitation peut porter à confusion alors qu'à la base ce n'était pas du tout le but recherché. Je vous jure que je n'ai pas fait exprès. Faut dire que je n'ai jamais eu l'occasion de fêter ce jour particulier, j'ai toujours été à mille lieux de tout ça. Est-ce qu'il vaudrait pas mieux tout annuler pendant qu'il en est encore temps ? Non, impossible, je ne ferais que la décevoir une fois de plus... et ça, je ne peux pas me le permettre. Depuis la dernière soirée, j'ai bon espoir de réussir à me faire pardonner. Pour sauver le peu qu'il reste de ce "nous" qui semble encore nous lier. Je n'ai pas le droit de merder une troisième fois. Mais je reste confrontée à un putain de dilemme. Si je fais comme si de rien n'était, ça pourrait aussi avoir l'air déplacé. Surtout si dans sa tête elle pense que l'invitation était calculée. Et on sait tous à quel point je ne suis pas réputée pour être la plus grande romantique qui soit... ouais c'est la merde là. Bon ok, respire un grand coup. Reste naturelle - enfin pas trop non plus, et tout va bien se passer. Pourtant je ne peux m'empêcher d'avoir cette foutue boule au ventre toute la journée rien qu'en pensant à cette soirée. Je me mets peut-être un peu trop de pression, mais ça représente beaucoup pour moi. J'ai envie de faire les choses bien avec elle, pour une fois dans ma putain de vie. Encore faut-il que j'en sois réellement capable ? Pour Jihane, je suis prête à tout. Quitte à changer mes habitudes, et à tout faire pour devenir une meilleure personne. Et ça, c'est déjà un énorme pas en avant. C'est bien la première fois de ma vie que je me retrouve à acheter une rose chez le fleuriste pour la Saint-Valentin. C'est monstrueusement cliché, mais ça reste tout de même un classique qui devrait faire son effet. C'est peut-être là pour moi la bonne occasion de réussir à lui parler, et pourquoi pas de tenter de lui ouvrir un peu mon cœur. Tout est prêt pour notre fameux rituel du vendredi comme nous avions l'habitude de faire par le passé ; soirée télé et mal bouffe à volonté. Sur ce point-là, c'est tout sauf romantique. Mais c'est nous, et c'est ce qui nous ressemble. Comme avant. Elle frappe à la porte, et mon cœur se serre dans ma poitrine. « Je suis contente que tu sois là. » Je reste dans un premier temps un peu distante sans trop savoir comment je dois me comporter, avant de me lancer pour venir la prendre timidement dans mes bras. C'est compliqué d'éviter une quelconque ambiguïté quand on sait quel virage notre relation a pris depuis nos retrouvailles justement. « Ça, c'est pour toi. » Je lui tends la rose entre mes mains dans un petit sourire. Sans en faire trop non plus, parce que je ne veux pas la mettre mal à l'aise. C'est un cadeau comme ça, juste pour marquer le coup. Sans aucune arrière pensée - ou presque.

Cette proposition de soirée, j'avais toutes les raisons du monde pour la refuser : le fait que ce soit le soir de la Saint-Valentin, notre tentative ratée d'être amie de nouveau, notre nuit ensemble et plus récemment, ce baiser dans le taxi. Et pourtant, je suis là, à me préparer pour y aller. J'ignore les intentions de Fallon avec cette proposition, mais en réalité, je ne suis même pas sûre de vouloir les connaître. Ce baiser l'autre soir, ça m'a un peu perturbé. Depuis qu'elle était partie au petit matin et que je l'avais retrouvé quelques jours plus tard avec un homme, je pensais qu'elle en avait fini avec moi, encore. Mais là, ça remet tout en question. Pourquoi a-t-elle fait ça ? Pourquoi semblait-elle si honnête dans ce taxi, alors qu'elle me repousse depuis plus de cinq ans maintenant ? Je n'ai aucune réponse à toutes ses questions, ce qui devrait me laisser perplexe, mais comme toujours avec elle, je fonce la tête baissée. J'aimerais me guérir d'elle, arrêter d'être aussi dépendante. Cependant, à en voir mon comportement, ce sera pour un autre jour. Après de longues minutes de préparation, peut-être même trop longues pour une simple soirée entre amies, je quitte la maison familiale, un sac de sport à la main. Je ne compte pas revenir à l'appartement, pas encore, alors je dois récupérer quelques affaires pour les ramener chez mes parents. Je prends ensuite le métro, en direction de l'appartement de Fallon, de notre appartement. Je me fais inviter chez moi, c'est dingue un peu, non ? Il ne me faut pas longtemps pour arriver devant notre immeuble. Je débloque la porte d'entrée, puis monte les étages. Arrivée devant la porte, je m'arrête. Ne serait-il pas préférable de faire demi tour ? Sûrement, mais ça ne me ressemble pas. Je lève la main et cogne à la porte. De plus en plus étrange cette situation, mais je ne me voyais pas entrer comme ça, malgré le fait que ce soit chez moi aussi. Peu de temps après, la blonde vient ouvrir et machinalement, un sourire se dessine sur mon visage. « Je suis contente que tu sois là. » Après un court silence, presque gênant, elle s'approche de moi et m'enlace. Un geste amical, purement amical. C'est ce que je me répète, pour éviter que mon cœur s'emballe, encore. Je ne sais pas si les choses arriveront à redevenir vraiment comme avant, quand il n'y avait aucune ambiguïté entre nous. Je ne sais même pas si c'est ce que je veux. Je suis perdue, complètement perdue, face à mes sentiments. J'ai envie de tirer un trait sur elle, de me dire que je ne ressens finalement rien pour elle, mais c'est trop compliqué. « Ça, c'est pour toi. » Une rose. Ce n'est pas anodin comme cadeau et elle doit le savoir. Mais.. cela remet beaucoup de choses en question, cette soirée pour commencer. « Merci. » Dis-je, timidement. Alors que sans le contrôler, mes joues commencent légèrement à rougir. « J'ai ça moi aussi. » Je lui tends une boîte de chocolat, en forme de cœur. Ce n'est pas un achat de ma part, je l'ai eu en cadeau au boulot. Un cadeau au top pour me rappeler que je suis toujours seule. Je me suis dit que je pouvais l'amener, pour les chocolats, car dans nos précédentes soirées du genre, c'était exactement ça que l'on mangeait, ce type de nourriture. « Tu as prévu quoi ? Comme film ? » Sourire. Paraître normale. Toutes ces petites choses pour éviter de lui poser une question qui pourrait me blesser, encore.

C'est dingue à quel point je me sens toute bizarre. J'ai l'impression de revenir des années en arrière, comme une adolescente de quinze ans lors de son premier rendez-vous galant. Ouais mais non, c'est pas vraiment un rencard à proprement parlé. Enfin... en y réfléchissant bien, je ne sais plus vraiment comment doit-on prendre cette soirée ? C'est juste une soirée entre amies comme avant, rien de plus. Alors pourquoi dans mon cœur ça sonne comme tout autre chose ? « Merci. » Je la sens rougir, et mon cœur manque un battement. Elle me tend alors une boite de chocolat à son tour, en forme de cœur. « J'ai ça moi aussi. » Le chocolat avec moi, c'est facile, c'est une valeur sûre. « Tu sais exactement comment me séduire toi. » Je me rends compte de l’ambiguïté de ma phrase au fur et à mesure que les mots se délient de mes lèvres. Merde, c'était pas vraiment comme ça que je voulais le dire. Ça commence mal. « Tu as prévu quoi ? Comme film ? » Ouais, vaut mieux passer directement à autre chose. Faire comme si de rien n'était, comme si tout était parfaitement normal entre nous. « Je n'ai encore rien choisi, je t'attendais pour ça. » Un large sourire s'installe sur mes lèvres alors que je ne peux m'empêcher de repenser à de vieux souvenirs de notre passé. L'époque où notre relation n'était pas encore aussi compliquée. J'aimerais tellement être capable de pouvoir remonter le temps, et effacer tout le mal et les erreurs que j'ai pu faire. Si seulement c'était aussi simple. « Mais on peut peut-être tenter d'innover un peu ce soir en laissant le hasard décider pour nous. » Fermer les yeux et laisser les boutons de la télécommande décider à notre place. Le choix du hasard, du destin même peut-être, qui sait ? En réalité ce n'est pas réellement le film qui m'intéresse ce soir. Ça peut être un film d'horreur, un film d'action ou encore un film à l'eau rose que ça n'aurait pas vraiment d'importance. Enfin peut-être qu'on pourrait quand même éviter les films un peu trop romantiques... ça serait mieux. « Parce que sinon on risque d'être encore là demain. » Je rigole légèrement en faisant référence à nos soirées de l'époque. C'était à chaque fois la même histoire. On passait plus de temps à chercher et surtout à se mettre d'accord sur le film qu'à le regarder. Si par chance on ne s'endormait pas comme des merdes devant parce qu'il était déjà trop tard. Ça, c'était nous dans toute notre splendeur. Et finalement, c'est une sensation vraiment agréable que de se replonger dans ce genre de souvenirs. Ça me fait du bien, et je sens mon cœur inconsciemment plus léger. Nous prenons place sur le canapé du salon, la nourriture étant déjà à notre disposition sur la table basse. Que des cochonneries comme on les aime, passant de l'apéro salé aux gourmandises sucrées. « Honneur aux "invités". » Je mime les guillemets dans un éclat de rire avant de lui tendre la télécommande. « Alors comme ça tu n'avais rien de mieux à faire pour cette soirée ? » C'est un moyen comme un autre d'essayer de savoir si elle aurait pu avoir quelque chose d'autre de prévu pour la Saint-Valentin. Parce que concrètement j'ai besoin de savoir. Est-ce que le fait qu'elle ait accepté de la passer en ma compagnie représente quelque chose à ses yeux ? Pour ma part, même si ce n'était pas volontaire à la base, je suis finalement heureuse de me retrouver avec elle pour cette occasion.

Une rose. Un paquet de chocolat en forme de cœur. N’importe qui pourrait facilement croire que nous faisons vraiment la Saint-Valentin, la version amoureuse. Mais c’est loin d’être le cas. Comme l’a dit Fallon, il ne s’agit que d’une soirée entre amies. Même si pendant un certain temps, depuis son invitation pour être exacte, mon cerveau n’a pas arrêté de s’imaginer des scénarios, aussi farfelus les uns que les autres. « Tu sais exactement comment me séduire toi. » Je baisse légèrement la tête, pinçant ma lèvre inférieure entre mes dents. Si seulement c’était aussi facile, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Ne voulant pas rester sur ces paroles, sur cette déception du passé, je décide de changer de sujet, de me renseigner sur ce qu’elle a prévu pour nous. À l’époque, nous nous retrouvions tous les  vendredis pour regarder des films et pour manger des cochonneries. Je n’ai donc pas de surprises là-dessus, mais il reste encore le film. « Je n'ai encore rien choisi, je t'attendais pour ça. » Par réflexe, je hoche la tête. C’est peut-être mieux ainsi, qu’on choisisse ensemble. Ça évitera que l’une de nous s’arrête sur un film qui ne plaît pas à l’autre. « Mais on peut peut-être tenter d'innover un peu ce soir en laissant le hasard décider pour nous. » En effet, nous pouvons faire cela aussi. En nous laissant un droit de veto si jamais le choix nous répugne au plus haut point. Si ce n’est pas le cas, le hasard peut aussi nous apporter de belles surprises : des films auxquels on ne pensait pas ou que nous ne connaissions pas. « Parce que sinon on risque d'être encore là demain. » Elle marque un point. Mais comme nous sommes chez nous, ce n’est pas tant un drame que ça. Dans le pire des cas, je pourrais même dormir ici ce soir. « Honneur aux "invités". » Invités. C’est un grand mot en effet, car de nous deux, je suis la locataire la plus ancienne. « Alors comme ça tu n'avais rien de mieux à faire pour cette soirée ? » Je lève doucement la tête vers la jeune femme et plante mon regard dans le sien. « Je ne suis pas très "Saint-Valentin". Ce n’est qu’une fête commerciale. » La phrase clichée de ceux qui ne la fête jamais. Il faut dire que depuis ma dernière relation, j’ai essayé de fuir ce jour comme la peste : ça n’avait plus vraiment de sens. « Visiblement, toi non plus. » Mais pour la blonde, c’est presque prévisible finalement. Elle n’a jamais été en couple et cela ne l’intéresse pas, elle me l’a déjà dit. Or, cette fête est principalement faite pour les personnes en relation avec quelqu’un d’autre. Alors pour elle, la Saint-Valentin, ça doit être un jour comme les autres. D’où son invitation. Je n’avais aucune raison de me faire des films. En parlant de film, je décide enfin de me lancer et de faire jouer le hasard. Nous arrivons sur une chaîne de télévision dont j’ignorais l’existence. Par contre, le film qui est en train de passer, je le connais, je l’ai déjà vu. « Désobéissance. » Je grimace légèrement avant de regarder Fallon. « Tu ne pourras que t’en prendre au hasard. » Ou au destin. Vu les derniers événements, c’est même plus à lui qu’on doit dire merci. Un film avec une relation entre deux femmes pour quelqu’un qui se dit homophobe, c’est un peu un comble. « Tu peux toujours changer, si jamais ça ne te plaît pas. » Je n’ai pas envie que la soirée soit gâchée pour ce genre de détails. Néanmoins, à en voir le visage de Fallon, je comprends très vite qu’elle ne connaît pas ce film et donc, pourquoi je suis autant sur la défensive. « Il y a une histoire entre deux femmes dedans. Entre deux meilleures amies. » Qui plus est. Ce n’est pas exactement comme nous, nous avons la tromperie en moins, mais il y a tout de même des points communs.

Je ne sais pas pourquoi je pose cette question. C'est moi qui l'ai invité le jour même de la Saint-Valentin à ce que je sache, pas elle. Mais alors pourquoi j'ai envie que ça puisse signifier quelque chose à ses yeux ? Franchement y'a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ma tête. Je me fais des films, et le pire c'est que c'est un truc que je ne contrôle pas. Je crois que c'est souvent comme ça avec elle. Je n'arrive rien à contrôler, et c'est justement là tout le problème. « Je ne suis pas très "Saint-Valentin". Ce n’est qu’une fête commerciale. » Ouais... au moins comme ça c'est clair. Ça ne veut rien dire pour elle. Pour moi non plus d'ailleurs. Et c'est très bien comme ça. Enfin... quoique. « Visiblement, toi non plus. » Je hausse un peu les épaules pour tenter de paraître naturelle. « T'as tout compris. » C'est évident non ? Je n'ai jamais fêté la Saint-Valentin de ma vie, ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer. C'est un jour comme un autre pour moi, et ça l'a toujours été. Pourquoi ça changerait quoi que ce soit d'être là aujourd'hui avec elle ? Jihane se lance, et s'arrête comme convenu sur une chaîne complètement au hasard. On verra bien ce que le destin va nous réserver. Personnellement, ça m'est un peu égal. Je n'avais pas envie de regarder un film en particulier. « Désobéissance. » Moi, je ne connais pas. Ce nom de film ne me dit absolument rien. « Tu ne pourras que t’en prendre au hasard. » Comment ça ? Je ne comprends pas tout de suite pourquoi elle dit ça. « Tu peux toujours changer, si jamais ça ne te plaît pas. » Je sais que j'ai tendance à être un peu chiante sur mes goûts en matière de cinéma mais quand même. « Pourquoi il ne me plairait pas ? » Je reste un peu perplexe ne sachant pas réellement là où elle veut en venir. « Il y a une histoire entre deux femmes dedans. Entre deux meilleures amies. » Ah oui d'accord, bizarrement je comprends mieux. Je grimace légèrement avant de laisser échapper du bout des lèvres, malgré moi. « Ah. » Saint-Valentin, film d'amour, deux femmes. Ça commence à faire beaucoup là... c'est moi ou le destin a envie de foutre le bordel ? A croire que c'est un signe pour m'inciter à prendre mon courage à deux mains pour lui parler. C'est peut-être le soir ou jamais finalement. « Ça va, c'est qu'un film. » Après tout, ça ne veut rien dire. Comme cette soirée ne veut absolument rien dire non plus. Qu'est-ce que ça change ? J'essaye de faire comme si de rien n'était, mais bizarrement ça me fout un peu mal à l'aise de regarder ça avec elle. Juste à ses côtés, à quelques centimètres d'elle. Y'a que moi qui trouve ça étrange ? Et pourtant au fil des minutes, je m'installe plus confortablement dans le canapé, me rapprochant inconsciemment un peu plus d'elle. Je ne peux m'empêcher de penser à nous en voyant certaines scènes du film. Franchement il y a pas mal de similitudes... et ça me fout encore plus le cœur en vrac. J'ai l'impression d'être encore plus perdue qu'avant. Mais je me laisse aller, et vient poser ma main au plus près de la sienne, venant frôler doucement ses doigts. Ce film est en train de me retourner le cerveau. Encore. « J'ai l'impression de nous voir... » Je romps finalement le silence, prenant le risque de m'aventurer sur un sujet dangereux. Jihane tourne la tête dans ma direction, nos regards se croisent et mon cœur rate un battement. Ce n'était peut-être pas très intelligent de ma part de dire ça... mais c'est trop tard maintenant.

« T'as tout compris. » Aucune surprise là-dedans, mais je n’arrive pas à savoir si c’est une bonne chose ou si c’est triste. J’ignore ce qui la pousse à ne pas vouloir s’attacher, mais c’est quand même agréable d’avoir quelqu’un, de pouvoir éprouver quelque chose de fort pour une personne. Quoiqu’il en soit, cela ne me regarde pas vraiment, alors je ne cherche pas à en savoir plus sur ce sujet. Elle propose de faire jouer le hasard pour une fois. Cette idée me plaît, mais quand je vois le film affiché à l’écran, j’ai finalement un doute. « Pourquoi il ne me plairait pas ? » Ce film, c’est finalement tout ce qu’elle pourrait détester. Deux femmes, deux amies. Ça ne peut que lui rappeler qu’une chose : ce que j’éprouve pour elle, ce que j’ai ouvertement avoué l’autre soir. « Ah. Ça va, c'est qu'un film. » C’est complètement bête, mais cette phrase, même si elle n’a pas but à être méchante, elle me blesse. Car oui, pour Fallon, une telle histoire ne peut arriver que dans un film. Jamais cela ne se produira dans sa vie. À mon plus grand regret. Mais à force, autant dire, que j’ai commencé à me faire à cette idée. Enfin non, ça c’est ce que j’essaye de me dire chaque jour. La vérité est tout autre. Elle a beau me blesser, me montrer qu’elle ne veut pas de moi, pas comme je le voudrais, je ne cesse de me dire que ce n’est pas la vérité, qu’elle ment pour se protéger. Comme quoi, il y a bien une chose de vraie : l’espoir est ce qui meurt en dernier. Nous nous installons toutes les deux dans le canapé, les sucreries et en-cas à proximité. Au moins, ils sont là, eux. Je risque d’en avoir besoin pour le soutien émotionnel. Surtout qu’en ayant déjà vu le film une fois, j’appréhende chaque minute qui passe. J’anticipe chacune des scènes et je crains le pire pour plus tard. Il est certain qu’avec ce qu’elle va voir, elle ne voudra plus jamais regarder de films avec moi. À mesure que le film avance, un rapprochement se fait, sans que je ne comprenne trop pourquoi. Au contact de ses doigts contre les miens, mon cœur rate un battement. Désobéissance n’a désormais plus aucune importance pour moi, je suis bloquée sur ce geste. Ce geste qui n’est peut-être rien. « J'ai l'impression de nous voir... » Plus ça va et moins je sais. Je tourne légèrement la tête vers elle, ignorant complètement le film. À travers son regard, j’essaye de comprendre où nous en sommes, ce qui est en train de se passer entre nous. Mais c’est trop compliqué d’avoir des réponses ainsi. Et même si je lui demandais clairement, je ne suis même pas sûre que j’arriverais à apprendre quelque chose de nouveau. Alors autant ne pas perturber notre soirée, autant se remettre doucement dans le film, en espérant qu’il se termine vite et qu’on en finisse avec tout cela. Arrive le moment de la scène intime et là, je suffoque. Je me sens gênée, encore plus que quand je regardais des films avec mes deux pères et qu’il y avait une scène dans le genre, c’est pour dire. Je pense que c’est lié à ce que nous avons vécu, à cette nuit que nous avons partagé. C’est même une certitude, j’ai les souvenirs qui reviennent en masse. « Je suis désolée, je dois aller aux toilettes. Continue sans moi. » Ne surtout pas lui laisser l’occasion de mettre pause, le moment en sera tout autant gênant après. Je me lève, rompant brutalement le contact créé un peu plus tôt. Arrivée dans la petite pièce, je peux enfin respirer. Je retrouve doucement mes esprits. Cette situation entre nous n’est plus possible. Malgré tous les efforts que nous pouvons faire, chacune de notre côté, rien ne sera jamais plus comme avant, c’est impossible. Après plusieurs minutes seule, je reviens dans le salon et retrouve ma place, comme si de rien était. La scène que j’ai essayé d’éviter est terminée, au moins une bonne chose. La fin du film se déroule sans encombre, il faut dire que j’ai commencé à taper dans la nourriture. C’est comme si cela m’avait fait oublier le reste. Mais une fois le générique passé, je suis obligée de me rendre à l’évidence : sans une bonne discussion et sans prise de décision, nous ne pourrons pas avancer. Alors, subitement, je lâche une bombe. « Je pense que l’une de nous deux devrait déménager. C’est devenu trop compliqué. »

Je suis profondément perdue. Mais si je suis sûre au moins d'une chose ; ce n'est pas pour rien si ce film me bouleverse autant. Il y a plusieurs raisons qui pourraient l'expliquer. Certaines scènes me poussent à me confronter à notre propre réalité ; nous. Notre relation lorsque nous étions meilleures amies. Cette ambiguïté qui a toujours été là, sous-jacente. Et la relation qui nous lie désormais aujourd'hui. Ce qu'il s'est passé cette nuit là entre nous après le jeu d'action ou vérité. Toutes ces sensations nouvelles que je me suis surprise à ressentir à son contact, mon corps s'unissant au sien. Je sais que tout ça représente forcément quelque chose. Parce qu'on ne peut pas contrôler nos envies les plus profondes. Ce plaisir qui m'a transporté dans un autre monde alors que j'étais justement dans ses bras. Même si j'ai encore du mal à l'assumer. Mais je crois que je progresse un peu de ce côté-là. Il y a encore pas mal de chemin à faire, beaucoup même, mais c'est déjà ça. Je ne l'aurais pas invité ce soir si ça n'avait pas été le cas. Et je n'aurais encore moins tenter ce nouveau rapprochement... je crois que j'en ai besoin. Plus que tout au monde. J'ai besoin de la sentir près de moi, de garder toujours un semblant de contact. Et la sentir qu'à quelques centimètres de moi, nos mains se frôlant à plusieurs reprises, c'est juste une sensation dont je ne peux plus me passer. Aucune de ces pensées n'est en adéquation avec ce que j'ai toujours voulu refouler. Mais ai-je encore la force de lutter contre moi-même et ce que je ressens vraiment ? C'est là que je me perds encore un peu plus. Le film se poursuit, et mon esprit essaye de se concentrer uniquement sur l'écran. Mais c'est peut-être la chose la plus difficile que j'ai eu à faire. Sans parler de la scène intime qui est justement en train de se jouer sous nos yeux. Mon dieu... les souvenirs refont surface, les sensations aussi, et je n'arrive pas à rester totalement indifférente. Je n'ose même plus bouger, ni même respirer, c'est vraiment trop bizarre. « Je suis désolée, je dois aller aux toilettes. Continue sans moi. » Je hoche un peu la tête, profitant de ce moment de répit pour souffler un peu. De toute évidence je ne suis pas la seule à être dans tous mes états. A croire que c'est vraiment trop difficile pour nous d'être confronté à notre propre histoire. Je ne sais plus quoi penser de tout ça, de cette idée à vouloir être amies pour faire comme si de rien n'était. Jihane revient après quelques minutes d'absence et nous restons étrangement silencieuses jusqu'au générique final. Jusqu'à ce que la brune vienne me sortir de mes foutues pensées. « Je pense que l’une de nous deux devrait déménager. C’est devenu trop compliqué. » Et bim, le coup fatal. Je ne m'attendais pas du tout à ça, et reste complètement abasourdie. Je n'ai pas envie de la perdre. Et je la sens pourtant déjà me filer entre les doigts... « Jihane... » Oui, c'est compliqué. Trop compliqué. Mais je ne peux pas me résoudre à tirer un trait sur elle, sur nous. J'ai déjà essayé, et ça n'a pas fonctionné. « Je suis désolée, je sais que tout ça c'est de ma faute. » Je plonge mon regard dans le sien, cherchant à trouver les bons mots. Je crois que c'est le moment ou jamais de me battre pour elle. « Mais... ce n'est pas ce que je veux. » Je ne veux pas déménager, encore moins que ça soit elle qui le fasse. Je suis incapable de rester loin d'elle trop longtemps. « Je n'ai pas envie de te perdre, j'ai besoin de toi. » Pas une seconde fois, ça serait beaucoup trop douloureux. « Je suis perdue, Jihane. Je ressens des trucs que je n'ai jamais ressenti auparavant... je... » J'ai des sentiments pour elle, c'est une certitude maintenant. Mais c'est nouveau pour moi, et je crois que j'ai encore besoin de temps pour arriver à l'assumer. J'essaye en tout cas de faire au mieux pour tenter de m'ouvrir à elle, de lui ouvrir un peu mon coeur. Si seulement elle pouvait se rendre compte à quel point c'est un énorme pas pour moi de lui dire tout ça...

Je ne peux plus. J’implose de l’intérieur. Malgré tous les efforts que j’essaye de faire, je ne peux plus rester de marbre face à elle. Et forcément, cette information met en péril l’amitié que Fallon semble vouloir retrouver. Ça ne peut pas redevenir comme avant. Car avant, ce n’était déjà pas très clair entre nous. Revenir à cette période ne ferait que compliquer les choses, encore plus. De mon côté en tout cas, car à en croire ce qu’elle a toujours dit, elle, elle n’a jamais rien éprouvé pour moi. Alors forcément, pour elle, c’est facile de vouloir revenir en arrière. Pour moi, ce n’est plus possible. Depuis cette nuit dans sa chambre, je sais qu’il n’y a plus de marche-arrière possible. « Jihane... » À l’évocation de mon prénom, je baisse doucement la tête. J’ai lâché cette bombe, mais je n’ai aucune idée de comment aborder la suite. Un possible déménagement me semblait être une évidence, mais à mesure que les secondes passent, je pense qu’il va falloir que nous allions plus loin. « Je suis désolée, je sais que tout ça c'est de ma faute. » Sur ce point, nous sommes d’accord. Je relève le visage et automatiquement, mon regard retrouve le sien. « Mais... ce n'est pas ce que je veux. » Alors, qu’est-ce qu’elle veut ? Elle peut y aller, elle peut parler, j’attends. J’ai besoin de ça, de ses mots pour enfin savoir ce qu’il se passe entre nous. Parce que je ne sais plus, je n’arrive plus à savoir. « Je n'ai pas envie de te perdre, j'ai besoin de toi. » Je commence à devenir émotive et ce n’est pas une bonne chose. Face à elle, je me suis toujours promis de ne pas craquer. Alors je viens pincer l’une de mes lèvres entre mes dents pour ne pas laisser les larmes couler le long de mes joues. « Je suis perdue, Jihane. Je ressens des trucs que je n'ai jamais ressenti auparavant... je... » Le voilà, le sujet que j’attendais. Je l’attendais secrètement, car en arrivant ici, jamais je ne pensais que la soirée prendrait une telle tournure. Tout cela à cause d’un satané film. Ou, grâce à ce satané film. « Tu ressens quoi ? » C’est plus fort que moi, je me dois de demander. Après tout, ça me concerne, non ? « Il va falloir que tu commences à être honnête avec moi, sinon je vais devenir folle. » Je me demande même si ce n’est pas déjà le cas. Avant elle, avant cette nuit ensemble et cette nouvelle déception, jamais je n’aurais été risquer ma vie dans les bras d’un inconnu. « Si ce n’est pas déjà le cas.. » Finis-je par lâcher, dans un murmure, à espérer finalement que je sois la seule à avoir entendu ces mots. Dans ma tête, les mots se mélangent. Les questions aussi. J’ai Fallon en face de moi, une Fallon qui semble vouloir se livrer un peu, alors je dois en profiter. Néanmoins, je ne dois pas non plus la brusquer. Quoique. C’est peut-être un risque à prendre pour que les choses avancent enfin et qu’on arrête avec les non-dits. « Ça remonte à bien avant cette nuit-là, soit honnête avec toi-même. » Je ne suis pas folle. Je ne l’ai jamais été, j’espère. Mais à l’époque, avant l’enterrement de sa mère, si c’était ambiguë entre nous, ce n’était pas qu’à cause de moi, elle y jouait un rôle aussi. « Et le taxi.. » Cet événement plus récent, qui passe en boucle dans ma tête depuis la dernière fois. Tout ce que je lui dis là ne sort pas sur un air de règlement de compte, je reste calme, en attendant des réponses. Je n’ai plus la force de me battre, plus la force de m’énerver contre elle. En espérant qu’elle ne me la donne pas cette force. « Ça fait partie des choses dont je me souviens. Pourtant, j’aimerais oublier. Au moins, je ne me poserais pas douze mille questions sur ce qui s’est passé et pourquoi ça s’est passé. » Je soupire légèrement et passe l’une de mes mains dans mes cheveux. « Parle-moi Fallon. S’il te plaît. » Une supplication, presque un appel à l’aide.

Je ne m'attendais pas à ce que la soirée prenne ce genre de tournure. Mais peut-être qu'encore une fois je me voilais la face sans vouloir me rendre à l'évidence. Peut-être que c'était prévisible finalement... le fait que ça soit la Saint-Valentin, et que le hasard nous choisisse spécifiquement ce film-là. Avec le recul, c'était peut-être ce qui devait se produire. Et c'est probablement ce que nous aurions dû faire depuis longtemps. Avoir une vraie discussion, mettre des mots sur notre relation et sur ce qui s'est passé entre nous - et ce qui se passe encore d'ailleurs. Essayer de s'ouvrir l'une à l'autre, de se confier sur nos sentiments respectifs. Même si c'est justement ça qui me terrifie le plus en fin de compte. J'ai peur. Peur de ces sentiments nouveaux qu'il m'est impossible de contrôler. Peur de cet attachement profond que je peux ressentir pour elle. Dans ma tête, s'attacher à quelqu'un c'est prendre le risque de souffrir. Pire même ; c'est prendre le risque de perdre cette personne. Comme j'ai déjà perdu ma mère. Mais de toute évidence je suis peut-être déjà en train de la perdre. Définitivement. Si elle veut que l'une de nous deux déménage, ça veut tout dire. Je ne peux pas rester sans rien faire. Alors même si c'est extrêmement dur pour moi, j'essaye doucement de lui ouvrir mon coeur. C'est déjà un premier aveu lorsque je lui avoue ressentir des choses que je n'ai encore jamais ressenti jusqu'à présent. « Tu ressens quoi ? » Mais ce n'est pas suffisant. Jihane me pousse à en dire encore plus. « Il va falloir que tu commences à être honnête avec moi, sinon je vais devenir folle. » Je soupire un peu, passant frénétiquement mes mains sur mon visage. Je me dois d'être honnête avec elle, comme je dois être honnête avec moi-même déjà. Avec la personne que je suis réellement. « Ça remonte à bien avant cette nuit-là, soit honnête avec toi-même. » Elle a sans doute raison. Je crois que ça a toujours été là au fond de moi, depuis l'époque où nous étions simplement meilleures amies. A cette époque-là même où l’ambiguïté a commencé à voir le jour dans notre amitié. « Oui, peut-être. » Que je laisse échapper du bout des lèvres. « Et le taxi.. » Apparemment elle s'en souvient. Et le fait que ça fasse partie de ce qu'elle aimerait oublier me fait de la peine. Je prends conscience de tout le mal que j'ai pu lui faire pour qu'elle en arrive là, et je m'en veux terriblement. « Parle-moi Fallon. S’il te plaît. » Je secoue un peu la tête, essayant de trouver les bons mots. « Je sais pas Jihane, je sais pas exactement ce que je ressens. » Mais j'ai moi-même du mal à le comprendre alors de là à réussir à l'exprimer correctement, il y a encore un monde. « Mais je tiens énormément à toi, et je ne peux définitivement pas vivre sans toi. » Est-ce que c'est à ça que ressemble de réels sentiments ? Parce que de toute évidence ce n'est plus de simples sentiments amicaux dont il s'agit à présent. « J'ai toujours envie d'être avec toi, de te voir, de te parler. Et quand on est ensemble, je sais pas, c'est plus fort que moi, mais j'ai besoin qu'on soit proches... » Je plonge mon regard dans le sien, avant de venir lier mes doigts entre les siens, caressant délicatement sa main avec mon pouce. « ...pas comme des amies quoi. » Oui, c'est ça le détail le plus important. « Enfin, je crois pas que ça soit normal d'avoir toujours envie d'embrasser l'une de ses amies... » Et bien plus encore... mes envies ne s'arrêtent pas là. Mes paroles sont peut-être maladroites, un peu décousues, mais elle avait envie que je lui parle et je crois que je ne peux pas faire mieux. « Tout ça c'est nouveau pour moi, et je crois que j'ai du mal à assumer » Ça bizarrement, ce n'est pas un scoop. Tout le monde aurait pu le deviner. « J'ai besoin de temps... » Je sais que j'ai déjà mis suffisamment de temps pour en arriver là, mais je suis consciente aussi que le chemin risque d'être encore long.

Cette discussion ne peut que nous faire du bien. Même s’il s’avère que l’une de nous deux se retrouve obligée de quitter l’appartement, nous aurons le cœur plus léger et peut-être des réponses à nos questions laissées en suspens. « Oui, peut-être. » Trois petits mots et pourtant, je me sens soulagée déjà. Soulagée de ne pas avoir tout imaginé, de ne pas être folle aussi. Lors de l’enterrement de sa mère, c’est ce que j’ai pensé. Comment une personne saine d’esprit pouvait s’imaginer ce genre de choses ? Alors ce jour-là, je n’ai rien dit et j’ai enfouie mes sentiments au plus profond. Mais aujourd’hui, je ne peux plus les cacher, je ne le veux plus. J’ai envie d’être heureuse, j’y ai le droit. « Je sais pas Jihane, je sais pas exactement ce que je ressens. » La jeune femme commence à se confier à moi, sur ses sentiments. Elle commence enfin à faire ce que j’attends depuis des années. Je sais que pour cela, elle doit prendre sur elle, sur sa fierté, mais j’aimerais tellement plus. « Mais je tiens énormément à toi, et je ne peux définitivement pas vivre sans toi. » Des grandes paroles ou une réelle déclaration ? Je ne sais pas trop. J’aimerais m’emballer et la croire, considérer cela comme un réel aveu. Mais je sais aussi qu’avec elle, je dois rester prudente. Il y a plusieurs semaines, je pensais que cette nuit ensemble avait fait changer quelque chose et pourtant, quelques jours après, je la retrouvais au lit avec un homme. « J'ai toujours envie d'être avec toi, de te voir, de te parler. Et quand on est ensemble, je sais pas, c'est plus fort que moi, mais j'ai besoin qu'on soit proches... » Pour accompagner ses mots, Fallon entrelace ses doigts avec les miens. Comme si tout cela n’était qu’un rêve, je suis incapable de bouger, paralysée par un trop plein d’émotions. « ...pas comme des amies quoi. Enfin, je crois pas que ça soit normal d'avoir toujours envie d'embrasser l'une de ses amies... » Je rigole légèrement. Sur le coup, je crois que c’est nerveux. La jeune femme est en train de dire tout ce que j’ai toujours rêvé et c’est finalement bizarre à entendre. Je pense que j’avais commencé à me résoudre, à me dire que ça n’arriverait jamais. « Tout ça c'est nouveau pour moi, et je crois que j'ai du mal à assumer » « À assumer ? » Ma voix se casse doucement alors que je prononce ces mots. C’est difficile à entendre. Évident, mais difficile. Il m’a fallu du temps à moi aussi, alors pourquoi pas elle ? « J'ai besoin de temps... » Comme une évidence, j’avais prédit cette phrase, alors je hoche la tête, un timide sourire sur mes lèvres. « Ce que tu es en train de faire, c’est la partie la plus difficile. » Je me veux rassurante, car je suis déjà passé par là moi aussi. Je sais à quel point c’est difficile. Et pourtant, avec deux pères comme parents, j’ai eu l’occasion de connaître ces regards qui jugent bien avant que je fasse mon coming-out. « Je peux attendre. Je l’ai bien fait pendant plus de cinq ans. » Mon sourire s’élargit doucement. L’espoir, encore et toujours. L’espoir de la voir revenir dans ma vie, l’espoir de vivre quelque chose avec elle. Là, face à elle, face à ce qu’elle me dit, j’oublie presque toute la peine que j’ai pu ressentir avec cette histoire. « Mais tu vas devoir faire un choix Fallon. » Je suis passée par là, c’est vrai, mais je ne veux pas le faire une nouvelle fois. Je n’ai plus envie de me cacher, de devoir garder mes sentiments pour moi. Ce genre de choses devrait se vivre pleinement et non renfermées dans un appartement. « Ce n’est pas un crime. Je n’ai jamais été en prison pour cela. Ton père non plus d’ailleurs. » C’est peut-être risqué de parler de lui. Mais si elle se découvre enfin, c’est peut-être l’occasion de se réconcilier avec lui, en partie au moins. Je sais que cela ne ramènera pas sa mère, mais elle pourrait au moins accepter le fait qu’aujourd’hui, il vit avec un homme. « Tu dois juste apprendre à vivre avec les autres, sans avoir peur de ce qu’ils pourraient dire. » Fallon n’est pas du genre à avoir peur aux yeux, à se rabaisser devant quelqu’un. Mais là, ce détail la touche personnellement. Alors forcément, c’est plus difficile de faire abstraction. « Si tu as besoin de moi, je serais là. » Je porte doucement ma main libre vers sa joue et du bout des doigts, je viens la caresser.

C'est un grand pas pour moi que de réussir à lui ouvrir mon cœur. Je suis enfin honnête avec elle sur mes sentiments, même si ce n'est pas totalement clair encore. Mais au moins je suis sincère avec elle - comme je ne l'ai encore jamais été auparavant. Et c'est vrai ; c'est peut-être la partie la plus difficile à faire. Jihane se veut rassurante, et ça me fait du bien. Elle arrive à trouver les bons mots pour apaiser mes peurs. Et de savoir qu'elle est prête à me laisser du temps est un énorme soulagement pour moi. Je suis consciente que je lui en demande peut-être beaucoup, mais si on veut pouvoir mettre de côté notre passé et repartir sur de bonnes bases ensemble, il ne faut pas précipiter les choses. « Mais tu vas devoir faire un choix Fallon. » Ça, je sais. Je ne pourrais pas la faire attendre éternellement. « Ce n’est pas un crime. Je n’ai jamais été en prison pour cela. Ton père non plus d’ailleurs. » Je hoche un peu la tête, baissant légèrement les yeux en direction du sol. J'ai longtemps détesté mon père pour la personne qu'il était. Mais finalement... je suis peut-être la plus mal placée pour le juger sur ça. Ça ne fera pas revenir ma mère, ça ne changera sans doute pas la situation, mais il est peut-être maintenant temps de changer ma vision des choses. « Tu dois juste apprendre à vivre avec les autres, sans avoir peur de ce qu’ils pourraient dire. Si tu as besoin de moi, je serais là. » Je viens poser ma main sur la sienne en signe de reconnaissance, avant de réfugier ma tête dans son cou. Ma main gauche vient alors se loger dans le creux de son dos, et je reste là quelques longues secondes pour profiter de cette étreinte. Je relève finalement la tête dans sa direction. « C'est de moi-même dont j'ai le plus peur... » Le regard des autres, c'est une chose. Et c'est vrai que je ne me sens pas tout à fait prête à me confronter à eux pour le moment. Mais j'ose espérer que ça ira mieux avec le temps. C'est peut-être normal en soit dans ce genre de processus. Pour autant, sur le long terme, ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus. « Je finis toujours par tout détruire. » Ça a toujours été comme ça avec moi. Comme si j'étais formatée depuis gamine a tout gâcher. Le pire, c'est que c'est totalement inconscient. C'est quelque chose que je n'arrive absolument pas à contrôler. Et c'est encore pire depuis le drame de la mort de ma mère. Comme si je m'interdisais d'être heureuse pour ne surtout pas avoir à souffrir. C'est ça qui me fait le plus peur. J'ai déjà brisé le cœur de Jihane deux fois, et je ne peux pas lui promettre que ça n'arrivera plus... c'est justement ça le problème. « J'aimerais tellement pouvoir te rassurer et te dire que tout ira bien... sauf que j'en suis incapable. » Je marque un arrêt, secouant un peu la tête à la négative. Je ne veux plus avoir à lui mentir. Et sur ce coup-là, je ne peux pas être plus honnête que je ne le suis à cet instant avec elle. Je ne peux pas lui promettre monts et merveilles si je ne sais même pas de quoi demain sera fait. « Mais je tiens énormément à toi, Jihane. Et je suis prête à me battre pour que les choses changent. » Je veux tout faire pour réussir à changer. « Je sais qu'il n'y a qu'avec toi que je pourrais y arriver. » Elle est importante pour moi, et l'impact qu'elle a sur ma vie le prouve facilement. C'est elle dont j'ai besoin, et personne d'autre. Ça, j'en suis convaincue maintenant. Il n'y a qu'elle qui pourra m'aider à changer, pour me faire devenir une meilleure personne. Mais si elle préfère garder ses distances, je pourrais le comprendre. « Si tu penses quand même qu'il faut que l'une de nous deux déménage, si c'est ce que tu veux vraiment, alors je partirais. » Je ne peux que respecter son choix, et faire de mon mieux pour lui prouver que je suis prête à tout pour elle.

Fallon m'ouvre son cœur, au moment où je m'y attendais le moins. Au moment où j'étais enfin prête à tirer un trait sur elle. Mais là, assise à l'écouter, j'oublie tout. Toute cette rancœur que j'ai longtemps eu pour elle. À la voir ainsi, je me revois moi. Il y a quelques années, lorsque je comprenais enfin que j'aimais autant les femmes que les hommes. Ça n'a pas été facile, surtout de comprendre l'évidence. Pour moi, je devais répondre à une norme, je devais aimer les hommes. Mais mes sentiments pour Fallon, je ne pouvais pas les contrôler, ils étaient bien trop forts pour les cacher. La jeune femme blottit sa tête dans mon cou et naturellement, je viens passer ma main sur ses cheveux. Ce moment de tendresse est de courte durée. La jeune femme se relève et répond à ce que je lui ai dit. « C'est de moi-même dont j'ai le plus peur... » À ces mots, je fronce légèrement les sourcils. J'ignore ce qu'elle sous-entend par là. Ce peut-être assez large. Et même si je suis prête à être là pour elle, à la soutenir, je ne peux pas le faire si au fond d'elle, elle n'en a pas envie. « Je finis toujours par tout détruire. » Je sens mon cœur se serrer lorsqu'elle prononce cette phrase. Les souvenirs de notre amitié, brisée en une journée, remonte doucement à la surface. Les mots qu'elle a utilisés pour me faire mal aussi. Tout cela, c'était volontaire. Mais je ne le comprends vraiment qu'aujourd'hui. Elle ne voulait pas de moi à l'époque, pas comme là, alors elle a tout fait pour que je prenne la fuite, quitte à me blesser. « J'aimerais tellement pouvoir te rassurer et te dire que tout ira bien... sauf que j'en suis incapable. » Je grimace légèrement. C'est bien cela qui me fait peur. Si la jeune femme ne sait pas ce qu'elle veut et qu'elle finit par se rétracter, une nouvelle fois, je suis celle qui sera affectée et qui restera seule. À force, je ne sais plus si je serai capable de me relever. « Mais je tiens énormément à toi, Jihane. Et je suis prête à me battre pour que les choses changent. Je sais qu'il n'y a qu'avec toi que je pourrais y arriver. » J’ai envie de la croire, de me laisser enivrer par ses paroles, mais je ne sais pas, c’est plus compliqué que cela. Fallon est en train de m’ouvrir son coeur, c’est vrai, en quelques sortes, mais il lui reste encore beaucoup d’étape et même si l’idée d’être avec elle me plaît, je ne sais pas si j’aurais la patience nécessaire. « Si tu penses quand même qu'il faut que l'une de nous deux déménage, si c'est ce que tu veux vraiment, alors je partirais. » Cette révélation complique un peu les choses et forcément, cette affirmation que j’ai faite tout à l’heure est remise en question. Ce serait idiot de lui demander de partir, non ? Si je me pensais courageuse face à elle, je me trompais. Voilà qu’elle me dit qu’elle éprouve quelque chose pour moi et je remets tout en question. Je me désespère. « Pour l’instant, on peut rester comme ça. Je vais continuer à dormir à la maison familiale et on avisera avec le temps. » C’est un juste milieu. Je crois. Cela permettra à la blonde de voir plus clair, à moi aussi, sans prendre de décision définitive trop vite. « Pourquoi maintenant ? » Même si Fallon répond à l’une de mes questions qui me ronge depuis plusieurs années, il m’en reste encore beaucoup en esprit. Celle-ci notamment. « Je veux dire.. tu as eu de nombreuses occasions pour me dire cela. Pourquoi attendre que je décide de nous mettre au pied du mur ? » Contraintes de prendre une décision sur la suite, sur nous. Elle aurait pu faire cela à de nombreuses reprises, m’envoyer une lettre pendant ces cinq ans aussi. Pourquoi là, pourquoi ce soir ? « Et pourquoi.. pourquoi avoir couché avec ce gars ? » Pourquoi vouloir me blesser à ce point ? C’est plutôt cette question que j’aurais dû lui poser. Mais celle-ci, jamais elle ne serait sortie de ma bouche. C’est peut-être cru comme question. C’est peut-être quelque chose qu’elle préférerait garder pour elle, mais j’ai besoin de savoir. Savoir si elle en avait vraiment envie finalement.

Je ne sais pas si mes aveux changeront quelque chose pour elle. En soit, ce ne sont que des mots et je suis consciente qu’elle peut continuer de vouloir se méfier. On dit toujours que les actes sont beaucoup plus importants que les paroles. Parce que c’est le seul moyen de prouver concrètement les choses. Alors je suis prête à lui montrer qu’elle peut réellement avoir confiance en moi. J’ai des sentiments pour elle, ce n’est pas du vent. Même si j’ai encore besoin de temps pour savoir comment les interpréter de la meilleure des manières. Il n’y a pas que le fait que ça soit une femme qui soit nouveau pour moi. C’est tout le principe même de sentiments et d’attachement en général que je dois apprendre à gérer. Je n’ai jamais été en couple. Je n’ai même jamais été amoureuse tout court. Enfin... mes sentiments pour Jihane remettent bizarrement tout en question. Et si j’étais tombée amoureuse d’elle depuis le tout début sans même en avoir conscience ? Ça serait mentir que de dire que c’est désormais clair dans ma tête. Il y a encore pas mal d’ombres au tableau, mais je sais que je n’ai jamais ressenti de sentiments aussi forts pour personne d’autre. Et je ne veux pas qu’à cause de mes erreurs passées, notre histoire me file entre les doigts. Pas une deuxième fois. « Pour l’instant, on peut rester comme ça. Je vais continuer à dormir à la maison familiale et on avisera avec le temps. » J’esquisse un petit sourire, sentant mon cœur se soulager d’un poids. Ce n’est pas encore la solution rêvée, mais c’est déjà ça. « D’accord. » Évidemment je préférerais que Jihane réintègre officiellement la colocation, mais je dois lui laisser du temps et de l’espace aussi. Au moins on ne parle plus de déménagement, et ça, c’est le plus important. « Pourquoi maintenant ? » Je la regarde d’un air un peu perplexe sans comprendre immédiatement le réel sens de sa question. « Je veux dire.. tu as eu de nombreuses occasions pour me dire cela. Pourquoi attendre que je décide de nous mettre au pied du mur ? » Depuis nos retrouvailles, je dois avouer que je suis passée par toutes les émotions possibles. C’était le bordel dans ma tête, et dans mon cœur aussi surtout. C'est un peu toujours le cas d'ailleurs. « Et pourquoi.. pourquoi avoir couché avec ce gars ? » Je baisse inconsciemment les yeux, honteuse. Je ne suis pas vraiment fière de ça. C'était une connerie, une grosse connerie même. « Parce que… j’ai été conne. » Voilà, c'est un fait. Il n'y a pas de meilleures explications. « Et que j'ai eu peur aussi... » Peur de ce qu'il s'était passé entre nous la nuit d'avant, et de ce que tout ça représentait. « Je ne savais plus où j'en étais. Notre nuit ensemble m'a beaucoup chamboulée - dans tous les sens du terme, je crois que tu n'imagines même pas à quel point... » Je démens indirectement ce que j'ai pu lui dire la dernière fois lorsque je prétextais n'avoir rien ressenti du tout. « Mais c'était complètement stupide, j'en avais pas du tout envie en plus. » Depuis ce jour-là, je n'ai d'ailleurs pas recouché avec quelqu'un. C'est depuis que Jihane est partie que tout a changé. Comme si c'était l'électrochoc dont j'avais besoin depuis tout ce temps. « Enfin voilà... mais depuis que tu es partie, j'ai compris. Je sais maintenant que mes sentiments pour toi sont bien réels. » C'est même devenu comme une évidence. « J'étais juste trop aveugle pour m'en rendre compte avant. » Voilà pourquoi ce n'est qu'aujourd'hui que j'arrive finalement à lui ouvrir mon coeur. Avant ça, avant d'être au pied du mur justement, je n'avais pas conscience de toutes ces choses-là. « J'espère juste que tu seras un jour capable de me pardonner... » Me pardonner vraiment. Oublier à tout jamais cette douleur et cette rancune qu'elle peut avoir à mon égard. Recommencer à zéro pour reconstruire notre histoire.

Malgré tout ce que la jeune femme me dit, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi toutes ces révélations arrivent maintenant. Même si en y pensant bien, elle avait déjà commencé l'autre soir, dans le taxi. Mais prise par l'alcool et par la peur qu'elle me fasse du mal encore, j'avais mis rapidement écourté cela. « Parce que… j'ai été conne. » Elle ne mâche pas ses mots, mais en même temps, je ne peux pas trop la contredire. Pas d'où je suis. Elle a été bête de faire cela et elle m'a blessé par la même occasion. « Et que j'ai eu peur aussi... » Pour ça, je ne peux pas lui en vouloir. C'était la première fois pour elle, cela a dû la chambouler. Cependant, cela ne justifie pas son geste. Elle pouvait en parler, se renseigner aussi, mais pas coucher avec quelqu'un juste pour apaiser sa conscience. « Je ne savais plus où j'en étais. Notre nuit ensemble m'a beaucoup chamboulée - dans tous les sens du terme, je crois que tu n'imagines même pas à quel point... » Un sourire se dessine sur mon visage, alors que j'arque un sourcil. J'éprouve un minimum de fierté. Surtout que la dernière fois que nous en avons parlé, la jeune femme m'a assuré l'inverse de ce qu'elle me dit là. « Mais c'était complètement stupide, j'en avais pas du tout envie en plus. » À ces mots, mon sourire s'élargit un peu plus. À croire que savoir cela est important. Ou alors, c'est juste parce que je tire des conclusions un peu rapidement. Elle n'avait pas envie avec lui, mais avec moi, oui. « Enfin voilà... mais depuis que tu es partie, j'ai compris. Je sais maintenant que mes sentiments pour toi sont bien réels. » Plus elle me parle et plus j'ai envie de la croire, plus je la crois. Elle n'a jamais été ainsi, elle n'a jamais été autant honnête et je dois en tenir compte. « J'étais juste trop aveugle pour m'en rendre compte avant. » Je repose l'une de mes mains sur la sienne et doucement, je viens la caresser. « J'espère juste que tu seras un jour capable de me pardonner... » Je hoche timidement la tête, alors que je monte ma deuxième main dans son cou, puis sur sa joue. Je réduis doucement la distance qui nous sépare et je viens tendrement déposer mes lèvres contre les siennes. Un geste tendre, rien de plus. Aucune arrière pensée derrière ce geste. D'ailleurs, je reprends rapidement mes distances. « J'ai toujours ressenti un petit quelque chose pour toi. » Petit, c'est mentir et je le sais bien. Mais je ne veux pas l'effrayer, pas après tout ce qu'elle m'a dit. « On devrait peut-être les attaquer un peu, elles vont finir par s'abîmer. » Dis-je, en indiquant de la tête la nourriture placée sur la table basse, face à nous. « Et puis.. on pourrait remettre un film ? Ou une série ? Quelque chose sans prise de tête. » Et s'il vous plaît, sans scène intime. Après toutes ces émotions, il est préférable que nous continuons cette soirée calmement. « Je te laisse choisir. » Pendant ce temps, je me penche en avant pour récupérer l'un des plats, celui qui contient du pop-corn. Alors que notre nouveau programme se lance, je m'installe confortablement, toujours au plus près de Fallon. Les minutes passent et doucement, je me fais rattraper par mon réveil matinal. Je commence à fatiguer et même si j'essaye de lutter au maximum, je finis par céder, plusieurs dizaines de minutes après le début, presque une heure. Ma tête trouve naturellement sa place sur l'épaule de la blonde. Un bruit sourd provenant de la télévision me réveille en sursaut. Je passe l'une de mes mains sur mon visage. « Je crois que je vais rester ici ce soir. Et je vais aller me coucher, je ne suis même plus ce qu'il se passe. » Je pense que ça, ma meilleure amie l'avait remarqué. Je repose le plat sur la table et me tourne vers la jeune femme. Je viens déposer un baiser sur sa joue. « Passes une bonne nuit. » Je lui souris et me lève pour aller rejoindre la salle de bain, puis ma chambre.

Ce soir, c'est comme si je découvrais une nouvelle facette de ma personnalité. Un côté de moi-même que je n'avais encore jamais eu l'occasion d'explorer. J'en suis la première surprise, mais c'est quelque chose qui ne me déplait pas pour autant. Parce qu'être totalement sincère avec elle me procure un sentiment de plénitude et de bien-être qui me fait me sentir plus légère. Libérée de toutes ces frustrations engendrées pendant toutes ces années. Je me sens véritablement moi-même pour la première fois. Simplement entière, vivante. Alors que je me demande si Jihane sera un jour capable de me pardonner, cette dernière vient m'offrir un tendre baiser sur les lèvres. Je ferme les yeux quelques secondes pour profiter au maximum de cet instant, ne pouvant m'empêcher de m'en sentir chanceuse. C'est déjà un bon début sur le chemin du pardon. Et le fait qu'elle m'avoue avoir toujours ressenti quelque chose pour moi ne me laisse forcément pas indifférente. Même si je le savais déjà, c'est toujours agréable de l'entendre. Jihane propose de remettre un film pour prolonger la soirée, et je m'exécute. Cette fois-ci je ne laisse pas le hasard choisir et sélectionne un film d'action, tout ce qu'il y a de plus classique. A la moitié du film, peut-être un peu plus, elle finit par s'endormir la tête posée sur mon épaule. Je ne peux m'empêcher de laisser glisser mes doigts dans ses cheveux, enroulant mon bras autour de son corps pour qu'elle soit plus confortablement installée. De mon côté, bien que la fatigue se fasse ressentir, j'arrive tout de même à rester éveillée. Les émotions de la soirée restent dans un coin de ma tête, et mes pensées en sont pas mal chamboulées. Un bruit sourd du film la fait sursauter, et un petit rire amusé s'échappe d'entre mes lèvres. « Je crois que je vais rester ici ce soir. Et je vais aller me coucher, je ne suis même plus ce qu'il se passe. » Un sourire vient inconsciemment illuminer les traits de mon visage. Je suis contente qu'elle reste, au moins pour ce soir. Parce que cette histoire de déménagement reste quand même bloquée dans un coin de ma tête. J'espère qu'après la soirée que nous venons de passer ensemble, nous n'arriverons plus jamais à cet extrême. « Passes une bonne nuit. » Elle est ici chez elle, et je m'en veux déjà suffisamment qu'elle ne s'y sente plus aussi à l'aise ces dernières semaines. « Bonne nuit Jihane. » Je reste dans le salon pour regarder la fin du film, avant de tout remettre en place et de ranger la nourriture dans la cuisine. Je passe alors dans la salle de bains et rejoins finalement ma chambre un long moment après. Mais les minutes défilent, et je n'arrive pas à trouver le sommeil. Je crois que je pense un peu trop à Jihane, et à notre discussion à coeur ouvert de tout à l'heure. En réalité je meurs d'envie d'aller la rejoindre dans sa chambre... de me glisser dans son lit, dans ses bras. Mais je ne sais pas si c'est une bonne idée. Peut-être est-il encore trop tôt pour ça ? Oh et puis merde... on a bien dormi ensemble la dernière fois après la soirée en boite de nuit. C'est même elle qui m'avait demandé de rester avec elle. Cette fois, c'est de mon initiative. Chacune son tour. Je rentre finalement dans sa chambre sans faire de bruit, et viens me glisser sous ses draps sans vouloir la réveiller. Mais la jeune femme finit par bouger, sans doute réveillée par ma présence. « Je suis désolée, j'arrivais pas à dormir... » Et c'est un fait, je dors beaucoup mieux quand je suis avec elle. « Tu m'autorises ? » Bon, en soit, je suis déjà là. Mais si elle ne veut pas que je reste, elle peut encore le dire. Je ne veux pas non plus m'imposer sans son autorisation. « Promis, je serai sage. » Enfin, à moins qu'elle ne veuille pas que je le sois...