glitter and feelings (rayden 14)

Je m’efforce de ne pas compter les jours, mais les semaines se sont enchaînées, formant rapidement des mois. Je n’ai plus revu Rayan, j’ai fait en sorte de ne jamais la croiser, envoyer les documents qui la concernaient directement chez elle. C’est difficile, j’y pense presque tous les jours, je fais du mieux que je peux mais elle hante mes pensées, c’est plus fort que moi. Evidemment, je n’ai pris aucun jour de repos, j’ai simplement tenté de remettre mes idées en place pour être à nouveau efficace au boulot, et ça a fonctionné. Ça m’empêche de trop penser. Disons que le fait que le tournage de Rayan soit terminé m’aide pas mal, je me dis qu’elle n’est pas dans les studios, elle n’a plus qu’à attendre la promotion de la sortie du film.

Et nous sommes arrivées au moment le plus stressant, le partage avec le public. Aujourd’hui a lieu l’avant-première du film dans lequel joue Rayan, tout le monde est sous pression, mais je suis confiante concernant le film, il a fallu que je le vois, plusieurs fois pour donner mes dernières directives concernant des détails liés au son ou à la musique. Evidemment ça n’a pas été facile de la voir jouer, mais elle est douée, je suis sûre qu’une grande carrière l’attend, je lui souhaite. Ce soir, nous allons nous revoir, la dernière fois remonte à très loin, cette nuit que nous avons partagé me donne encore des frissons en y repensant. J’enfile une robe divine d’un grand couturier, que j’ai reçue hier soir. Cora passe dans la chambre pendant que je finis de me préparer. « Dommage que je puisse pas être là ce soir pour te soutenir, ça va aller ? » Un sourire tendre étire mes lèvres et ces dernières retrouvent celle de ma compagne pour un baiser doux et sincère. « Evidemment. » La voiture qui m’amène jusqu’au plus grand Cinema de Los Angeles m’attend devant la maison, c’est Cora qui me fait par de l’information. Une grande inspiration et m voilà partir. Mon coeur ne semble pas vouloir se calmer, j’appréhende plus mes retrouvailles avec Rayan que les retours du public. Une foi sur place, je fais quelques signes de mains aux photographes qui sont là pour couvrir l’évènement, et je rejoins l’équipe du film à l’intérieur, pour le moment dans une salle à l’abris du public. Rayan est là, mais elle n’est pas seule. Elle est accompagné d’un homme, plutôt très séduisant, avec qui elle semble complice. Je déteste la sensation qui s’invite en moi. Je salue l’équipe, une personne à la fois, de manière personnelle et chaleureuse - comme je peux l’être quand je l’ai décidé - et j’en arrive à Rayan. « Bonsoir… » Je lui offre un léger sourire, retenant la jalousie que je peux ressentir. « Alors, tu es prête ? » Faire bonne figure, voilà ce que je dois faire.

Les semaines s’enchainent, avec le tournage désormais terminé mon rythme est un peu moins soutenu, j’ai un peu plus de temps pour moi. J’ai reçu quelques scénarios, sélectionnés par mon agent, mais pour le moment les choses sont assez calmes. Je ne m’en plains pas, ces derniers mois ont été intenses et je dois me préparer à un nouveau défi : l’avant-première. Si une partie du casting ira présenter le film dans d’autres ville, c’est par Los Angeles que nous commençons. S’il s’agit d’une toute première présentation à une partie du public et de la presse, c’est aussi une première pour moi qui suis nouvelle dans ce milieu. Une nouvelle pression à gérer et les jours passant le stress monte un peu. Heureusement Leah a accepté de m’accompagner, on s’est d’avantage revu depuis quelques temps, comme amis, profitant de quelques bénéfices parfois mais je crois que l’un comme l’autre avons surtout besoin de quelqu’un avec qui les choses sont simples. Tout le contraire de cette relation indéfinissable que j’avais avec Eden. J’appréhende un peu de la revoir, je m’en suis tenue à n’avoir plus aucun contact avec elle, pas en personne en tout cas et rien qui ne sorte du cadre professionnel. Ce n’est pas forcément simple, il m’arrive de repenser aux moments que nous avons partagés, à ce qu’elle a réveillé en moi, et si une part de moi serais tentée de vouloir retrouver ça, l’autre s’empresse de me rappeler que j’ai aussi souffert.
Jour J. Le tension monte encore d’un cran alors que mon agent m’aide à choisir la tenue que je vais porter. Ça y est, tout ça devient on ne peut plus concret et j’ai l’impression, malgré la vitesse folle à laquelle est passé le temps, qu’elle est loin cette époque où je donnais des cours de théâtre pour remplacer une amie. C’est l’heure, j’ai la sensation de ne pas être prête, mais en quoi pourrais-je l’être d’avantage ? Leah arrive, pile dans les temps et j’admets que sa présence me rassure. Nous discutons pendant le trajet, je crois qu’il est un peu tendu lui aussi mais fait tout pour que je me sente à l’aise. C’est vraiment un mec bien, un ami précieux. Nous arrivons sur place, à l’extérieur des photographes sont là, évidemment, de quoi me mettre encore un peu plus dans l’ambiance. Je suis ravie de retrouver l’équipe du film, nous ne nous sommes pas revus depuis la fin du tournage et les voir contribue à me détendre d’avantage. Et puis elle arrive, elle, la productrice, Eden et forcément sa présence irradie la pièce où nous nous trouvons. Je ne laisse rien paraître, il le faut, mais Leah n’est pas dupe, nous avons assez discuté tous les deux pour qu’il reconnaisse directement la splendide blonde qui vient d’arriver sans même l’avoir jamais rencontré. Il me glisse discrètement comprendre parfaitement en quoi elle a su me troubler, au moins il parvient à me faire rire. Elle a l’air d’aller bien, mieux qu’il y a quelques mois. La productrice salue tout le monde, délaissant sa froideur habituelle pour une attitude plus avenante. Elle se rapproche, je lui souris, croiser son regard est toujours comme recevoir une décharge électrique « Bonsoir. » répondis-je plus décontractée que je ne m’en pensais capable. Je hoche la tête sans me défaire de mon sourire « Je suis prête. Et toi ? » c’est un exercice différent depuis sa fonction que la mienne, mais elle a misé beaucoup sur ce film, je sais que ça compte pour elle. « J’ai hâte de voir le résultat final. » avoué-je simplement avec ce naturel qu’elle me connaît bien. Je vois son regard bifurquer brièvement sur mon “rencard“ pour la soirée, des présentations sont de circonstances « Je te présente Leah. » je n’ajoute rien, elle conclura ce qu’elle voudra. On nous informe qu’il est bientôt temps d’entrer dans la salle, le public est presque totalement installé. Les accompagnants sont d’ailleurs invités à aller rejoindre leur place, je dépose un baiser appuyé sur la joue de Leah, accompagné d’un sourire complice avant qu’il ne quitte la pièce.

J’ai montré ma jalousie une fois envers elle, et ça m’a mené droit dans le mur. J’ai fait face à une Rayan loin d’être coopérative, et je l’avais bien cherché. Et même si je la trouvais d’autant plus sexy en colère, je ne voudrais pas retrouver ces sensations désagréables face à elle. Pourtant, la jalousie est bien là, je la sens au creux de mon ventre alors que je ne l’avais jamais ressentie avant de rencontrer la jeune actrice. Elle est avec un homme, un charmant jeune homme avec qui elle va très bien, et c’est sans doute ça le pire. Je ne sais pas si c’est juste un ami ou plus que ça, mais ça me retourne le ventre. Une fois près d’eux, je salue Rayan d’un regard plus appuyé, accompagné d’un léger sourire, tout ce que je peux malgré les regrets de ce qu’aurait pu être notre histoire si je n’y avais pas mis un terme. D’un signe de tête je salue également son accompagnateur - appelons-le comme ça - et lui demande si elle se sent prête. « Je suis prête. Et toi ? » Nouveau hochement de tête. Je suis prête, de l’équipe présente, je suis la seule à avoir vu le film. « J’ai hâte de voir le résultat final. » Je tente un sourire. « J’espère que ça te plaira. » Inutile de dire que je l’ai trouvée magnifique sur les images, plus encore qu’elle n’est talentueuse. « Je te présente Leah. » Leah. C’est un nom pour un mec ça franchement ? Je tends ma main dans sa direction, main qu’il serre sans tarder. « Leah. Bienvenue. » Enchantée n’était pas le terme, j’ai dû trouver autre chose. Il est temps de monter sur scène pour un petit speech avant la projection presse. Il y aura une autre projection plus tard dans la soirée avec les premiers spectateurs. Rayan dépose un baiser sur la joue du métisse et je me dois de détourner les yeux si je ne veux pas vomir. Je m’avance vers l’organisatrice de la soirée qui nous rassemble pour nous laisser monter sur scène avec un micro chacun. C’est parmi pour les démonstrations. Je me place volontairement à côté de Rayan, son ‘boy’ en ligne de mire. Quelques questions sont posées, la présentation du film en quelques mots, quelques ressentis, et nous allons nous asseoir pour assister à la projection. Assise un rang derrière Rayan, je suis plus concentrée sur elle et son ‘Leah’, plutôt que sur le film, que j’ai déjà vu. Chaque fois qu’il s’approche d’elle, je me crispe, c’est plus fort que moi. La projection terminée, nous quittons la salle sous les applaudissements pour rejoindre une salle de cocktail. Je passe par les toilettes pour souffler un peu, mais me retrouve rapidement rejointe par Rayan. Hasard ou coïncidence, je l’ignore. « Alors ? Ça t’a plu ? Comment ton mec t’a trouvée ? » Merde. C’est pas comme ça que ça devait sortir. Tant pis.

Notre échange avant de monter sur scène est très bref, quelques banalités, des sourires polis. Le moment de monter sur scène avant la projection arrive, juste le temps de quelques questions. Eden prend place juste à côté de moi, ce qui n’est pas pour me mettre à l’aise. Le plus loin elle est le mieux je me porte. Enfin ce n’est pas tout à fait vrai, au contraire, mais étant donné les circonstances c’est beaucoup plus facile de me tenir éloignée d’elle que d’en être trop proche et lutter contre ce que je peux ressentir en sa présence. J’ai fait des progrès mais je ne suis pas totalement “guérie“, elle n’a rien perdu de son charisme et pour ne rien arranger elle est vraiment magnifique ce soir. Tout passe à une vitesse folle, je me sens comme spectatrice de ce moment, pourtant j’ai ma place au milieu des autres acteurs. C’est le moment de la projection, nous rejoignons nos sièges, je prends place à côté de Leah qui m’assure aussitôt que je me suis très bien débrouillée pour ce nouvel exercice. Le film commence, lorsque j’apparais à l’écran c’est une sensation étrange, déroutante. Dernière scène, générique de fin, des applaudissements s’élèvent alors que nous nous levons, prêts à quitter la salle après quelques gestes de remerciements pour l’accueil fait au film. Direction une salle adjacente pour un cocktail d’après avant-première. Je rejoins Leah et l’interroge sur ce qu’il a pensé du film, et alors que nous nous dirigeons vers le buffet je lui demande de m’excuser, il faut que je passe aux toilettes. Je pousse la porte, je ne suis pas seule, ça encore ce n’est pas grave, mais l’autre personne en présence n’est autre que la productrice. J’esquisse un léger sourire avec l’intention de m’engouffrer dans une cabine mais elle me demande aussitôt mon avis sur le film, le mien et celui de Leah, désigné comme “mon mec“. Je me stoppe dans mon intention et lui réponds « Se voir à l’écran est quelque chose de particulier. » que je ne suis pas sûre d’apprécier à vrai dire « J’ai aimé le film et lui aussi, il a trouvé ça très bien. ». Je ne prends même pas la peine de rectifier quoi que ce soit sur le statut attribué à mon accompagnateur, elle pense bien ce qu’elle veut ça ne me concerne plus. En fait j’espère bien expédier cette conversation au plus vite, mais je ne peux pas être trop expéditive non plus, ou plutôt ne parviens pas à l’être. « Et toi ? Je suppose que tu ne l’as pas découvert ce soir mais tu es satisfaite du résultat ? » j’arque légèrement un sourcil, une pointe de malice dans le regard « Pas de regret au niveau du casting ? » bien sûr c’est de moi dont je parle, indirectement. Je ne sais même pas pourquoi je lui pose cette question, encore moins de cette façon.

Je ne m’attendais pas à la voir pousser la porte des toilettes. Je doute très fortement qu’elle l’ait fait exprès, vu la situation tendue entre nous depuis la dernière nuit que nous avons passée ensemble, ça m’étonnerait qu’elle choisisse volontairement de me rejoindre dans les toilettes. J’aurai pu l’ignorer, lui faire un sourire courtois et quitter la pièce, mais c’est plus fort que moi, il faut que je parte au front, piquante, comme à mon habitude. « Se voir à l’écran est quelque chose de particulier. J’ai aimé le film et lui aussi, il a trouvé ça très bien. » Je suis obligée de serrer les mâchoires pour encaisser. J’aurai préféré qu’elle me dise que non, ce n’était pas son mec, mais ce n’est pas ce qu’elle fait. Alors je prends sur moi, me contentant d’un petit hochement de tête, le regard toujours aussi distant, alors que mon coeur lui, batifole dans ma poitrine chaque fois qu’elle est dans les parages. « Et toi ? Je suppose que tu ne l’as pas découvert ce soir mais tu es satisfaite du résultat ? » Je hoche un peu la tête, incapable de lui sourire comme elle le fait. « Je ne l’aurai pas laissé sortir si ça n’avait pas été le cas. » Un glacier. « Pas de regret au niveau du casting ? » demande-t-elle finalement avec un petit air malicieux qui me vrille les entrailles. « Pas au niveau du casting non. » Aie. Je ne sais pas si je ne vais pas regretter ces mots à un moment donné, mais je suis comme un animal blessé, et cette foutue jalousie qui me ronge… « Il est au courant, monsieur Leah, que dès demain il sera en photo partout sur les magazines people ? » J’ignore pourquoi je lui dis ça, pourquoi je suis si amère, pourquoi je lui montre que ça me touche, que ça me blesse. Je ne devrais pas me comporter comme ça avec elle, je le sais, mais je n’arrive pas à faire semblant. « Je pensais pas que tu viendrais accompagnée, pas pour ta première sortie officielle. C’est un pari osé. » Je secoue légèrement la tête, cherchant à me résigner, même si c’est difficile. « Enfin. Tu as un agent maintenant, vous avez dans doute dû parler de ton image, je ne t’apprends rien… » Je fais un signe de main comme si je m’en foutais, même si ce n’est pas le cas et qu’elle est bien placée pour le savoir…

J’aurais préféré qu’il n’y ai personne dans les toilettes, ou plus exactement ne pas tomber sur Eden, la seule que je cherche à éviter. Opération délicate étant donné notre lien professionnel, que j’aimerai d’ailleurs gardé le plus sain possible. Si j’allais me contenter d’un sourire poli avant d’aller vider ma vessie, la productrice m’interroge sur ce que j’ai pensé du film et surtout ce que Leah en a pensé. Je la connais, cette question n’est pas totalement anodine et je choisis de n’apporter aucune correction à la manière dont elle a désigné le jeune homme. Ce n’est pas mon mec, mais je le lui laisse croire, un peu par fierté. A mon tour je la questionne sur le film, si elle est satisfaite du résultat, froide, sèche elle réplique que dans le cas contraire il ne serait pas sur les écrans. Je ne me formalise pas du ton employé, je sais ce qu’il cache, je ne veux pas l’alimenter mais les mots m’échappent, je la questionne sur le casting sourire aux lèvres. Peut-être le prend elle comme une provocation, sa réponse est plus glaciale encore. Un froid est jeté sur mes minces efforts, je sais très bien à quoi elle fait allusion et ça fait mal. La mine impassible, j’acquiesce d’un hochement de tête silencieux, j’ai bien compris le message. Je ne dois pas répondre ce serait prendre le risque d’envenimer les choses. Ma main commence à peine à pousser la porte d’une des cabines qu’Eden revient à la charge. Amère, elle m’interroge de nouveau sur Leah ou plus exactement s’il connaît les enjeux d’être en ma compagnie ce soir. Je reconnais ce ton, cette attitude, elle est jalouse. Ce constat éveille en moi des sentiments contradictoires, sa réaction prouve qu’elle n’a pas tourné la page, mais j’ai besoin de me préserver. « Il sait. Et il a eu tout le loisir de pleinement en prendre conscience à peine descendu de la voiture. » je hausse les épaules « Il n’a pas renoncé pour autant. » je ne doute pas qu’elle perçoive la petite pique dans ma remarque. Elle enchaine, s’étonnant que je sois venue accompagnée, prétextant que ce soit un pari osé, pour mon image. Je la vois tenter de paraître détachée, mais elle ne peut pas me berner aussi facilement, plus maintenant, pas après ce que l’on a partagé. Elle est bonne actrice mais ça ne suffit plus, je sens toute son amertume. « Qu’est-ce que ça change ? » demandé-je « Je crois au contraire que c’est plutôt bien pour mon image. » nous formons un beau “couple“ Leah et moi, non ? Je me tourne vers Eden, fait même un pas dans sa direction pour gagner son attention et soutenir son regard « Tu as bien dit que tu serais toujours là pour m’aider et me conseiller, n’est-ce pas ? » ce sont ses mots, je n’invente rien. « Alors dis moi… » je hausse les épaules « Selon toi j’aurais dû venir ici, seule. Le stress me nouant l’estomac sans avoir personne pour me soutenir ? » j’échappe un petit rire nerveux « C’est vrai que ça aurait été beaucoup mieux pour mon image. » dis-je sans masquer mon ironie. « Ou alors tu attendais que je te demande la permission ? Ton avis ? » je soupire « Tu n’es plus mon agent par intérim. ». Et au delà de ça j’aimerai qu’elle ne soit plus rien pour moi, mais c’est totalement illusoire. Elle est et restera celle qui m’a fait réaliser un rêve, et qui a changé ma vie sur bien des aspects.

« Il sait. Et il a eu tout le loisir de pleinement en prendre conscience à peine descendu de la voiture. Il n’a pas renoncé pour autant. » Aie. Celle là je la prends pour moi personnellement, et elle me blesse plus encore que l’idée que ce beau gosse puisse réellement être son petit ami. Si tel est le cas, leur couple n’est pas bien vieux, et potentiellement pas très solide. Pourquoi je pense à ça moi ? Je suis juste surprise qu’elle l’ait amené là, qu’elle s’exhibe avec lui, pour se donner bonne conscience ou pour me rendre jalouse, je l’ignore. Mais si c’est la seconde possibilité, c’est réussi. Je me ‘défends’ en lui disant que je trouve ce pari osé, que de s’afficher dès sa première sortie officielle avec quelqu’un. Qui plus est si elle n’est plus avec lui d’ici quelques semaines ou quelques mois, elle se colle déjà une étiquette de catin. Génial. « Qu’est-ce que ça change ? Je crois au contraire que c’est plutôt bien pour mon image. » « Si tu le dis ! C’est vrai que tu es dans le métier depuis assez longtemps pour avoir ce genre de certitude, après tout. » Je suis acerbe et je le déplore. Non. Je ne déplore rien du tout. Je suis blessée et je blesse à mon tour. Tant pis. De toute manière j’ai plus rien à perdre, je l’ai déjà perdue. Je lui rétorque que de toute manière elle a un agent pour l’aider dans ce genre de décisions, après tout. « Tu as bien dit que tu serais toujours là pour m’aider et me conseiller, n’est-ce pas ? Alors dis moi… Selon toi j’aurais dû venir ici, seule. Le stress me nouant l’estomac sans avoir personne pour me soutenir ? C’est vrai que ça aurait été beaucoup mieux pour mon image. Ou alors tu attendais que je te demande la permission ? Ton avis ? » Je sens l’amertume dans son discours, la manière de me piquer comme elle le peut alors que ce n’est pas vraiment dans son tempérament. Mais j’imagine qu’une fois blessée, elle aussi sait piquer comme il se doit. Et elle le fait à merveille. « La permission de quoi ? Tu es assez grande pour savoir ce que tu veux. » Moi aussi d’ailleurs. Je ferai bien de m’écouter parler parfois. « Tu n’es plus mon agent par intérim. » Qu’est-ce qu’elle est en train de me dire là ? Qu’elle ne veut plus de l’aide que je lui avais proposée ? La douleur dans ma poitrine est si vive que je ne retiens plus me mots, mes pensées, ni même le ton de ma voix. « Très bien. Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, c’est le moment d’aller voler de tes propres ailes ! Bien joué. Mais ne crois pas que la route sera facile pour autant. » Oui je suis menaçante, je pourrai lui couper tout espoir de conquérir un jour hollywood. Ce film ne lui suffira pas, même s’il est un bon tremplin. Mais comprendre qu’elle a peut-être simplement joué avec moi me rend d’autant plus irascible. Peut-être que la plus manipulatrice de nous deux n’est pas celle qu’on croit…

Une confrontation avec Eden, ce que je voulais à tout prix éviter. Au moins je ne suis pas celle qui a ouvert les hostilités, ou peut-être que si, en venant avec Leah. Pourtant à l’origine ma démarche n’était pas de rendre la productrice jalouse, seulement de ne pas être seule pour affronter mon stress et la pression. Ce rôle de soutien le jeune homme l’a parfaitement endossé, peu importe ce que cela implique et je ne manque pas de le glisser dans la conversation. Il ne s’est pas défilé, il n’a pas renoncé. Pas comme elle. C’est peut-être un peu bas cette insinuation, mais la quadra ne m’épargne pas en se montrant aussi froide qu’intrusive. Elle a un avis bien tranché sur le fait que je sois venue accompagnée, et si je sais parfaitement pourquoi ça la dérange je reste dans le registre professionnel, espérant occulté les aspects plus personnels. Je suis naïve de penser m’en sortir comme ça, elle trouve la moindre opportunité de m’attaquer, me piquer. Tout est un bon prétexte pour me rembarrer, surtout mon inexpérience dans le milieu. Je déteste quand Eden agit de cette façon, elle le sait, j’encaisse jusqu’au moment où je finirai par exploser. Pour le moment je m’en tiens à l’ironie, la piquant à mon tour, remettant les choses dans leur contexte. Puisqu’elle a tant à m’apprendre je suis tout ouïe, prête à écouter ses conseils constructifs. Mais elle n’en a pas, tout ce dont elle est capable c’est me cracher son venin, attaquer parce que je suis venue accompagner et que la jalousie la ronge. Si la première crise avait fini par nous rapprocher, je ne suis pas certaine qu’il en soit de même cette fois. Suis-je sous son autorité ? Ai-je à lui réclamer une quelconque permission pour mes faits et gestes ? Je ne sais même pas pourquoi je gaspille de l’énergie à lui répondre, j’aurais probablement juste dû lui dire qu’elle a raison et mettre fin à cette discussion inutile. Sauf que mon tempérament n’est pas de me laisser écraser, même par elle, malgré son charisme, sa fonction, je ne peux pas tolérée qu’elle tente d’imposer son emprise sur moi. Le pire c’est qu’elle prétend le contraire, voilà que maintenant je suis assez grande pour assumer mes choix, un petit rire amer s’échappe d’entre mes lèvres « Ravie de te l’entendre dire. » qu’elle le garde bien en tête maintenant, ça sera un progrès de plus. J’ajoute que son droit de regard s’est arrêté au moment où elle a cessé d’être mon agent par intérim. Simple constat, une clarification de son rôle pour que nous puissions continuer à exister en bonne intelligence. C’est sans compter sur le caractère de merde de la blonde. Mes mots passent mal, elle les interprète comme une marque d’ingratitude de ma part, ce n’est pas la première fois. Que je la repousse, la maintienne à distance lui déplait, la blesse et elle contre-attaque durement. J’ai mal d’entendre ses mots, cette menace. Elle me semble si méconnaissable quand elle met ce masque, qu’elle est ce dragon que tout le monde craint. Je soutiens son regard, le mien reflétant toute ma déception, ma douleur, contenue depuis ce moment où elle a fait le choix de tout arrêter. « C’est une menace ? » je sens la colère monter, c’est inutile, je dois me calmer. Je secoue la tête, soupire « Tu sais quoi ? Fais le, grille moi. » je hausse les épaules « T’en as le pouvoir après tout. Et je le mérite apparemment. Cependant j’aimerais quand même comprendre… » je marque un temps d’arrêt pour trouver mes mots « C’est quoi le truc ? Si tu ne peux pas m’avoir alors personne ne le peut ? Est-ce que je dois envisager de vivre dans un couvent entre deux tournages ? » j’échappe un rire nerveux « Non, je suis bête, y’aura plus de tournage. Pas une fois que tu auras fait en sorte que tout s’arrête. ». J’ai mal qu’on en soit là, cette discussion me consume plus que je ne le montre, mais je ne veux pas afficher de faiblesse, je l’ai déjà trop fait face à elle « Je redeviendrai juste prof de sport, je retournerai dans mon petit théâtre. C’est pas grave. » qui suis-je pour lutter après tout ? Personne, elle me l’a bien dit. « Mais quoi que tu en penses je n’oublie pas que c’est toi qui m’a permis de vivre ça. » et plus encore. Je ne suis pas et ne serais jamais l’ingrate pour laquelle elle veut me faire passer.

« C’est une menace ? » « Une constatation. » que je lui réponds du tac au tac. Je ne vais pas avouer la menacer, ce n’est pas vraiment le cas en soi. C’est vrai que j’aurai le pouvoir de pourrir sa carrière en un claquement de doigt. Mais en suis-je réellement capable pour autant ? Pas pour elle. Ce serait plus simple si je n’avais pas ces sentiments enfouis là au fond de moi. « Tu sais quoi ? Fais le, grille moi. T’en as le pouvoir après tout. Et je le mérite apparemment. Cependant j’aimerais quand même comprendre… » Je ne la lâche pas des yeux, je ne lui ferai pas ce plaisir. Elle continue d’appuyer où ça fait mal, je fais en sorte de ne pas montrer mes faiblesses même si elle les a déjà bien assez vues, plus encore que d’autres avant elle. « Non, je suis bête, y’aura plus de tournage. Pas une fois que tu auras fait en sorte que tout s’arrête. » Je ne nie pas, je pourrai simplement lui dire que je ne suis pas aussi mauvaise qu’elle me pense être. Mais au final, ne vaut-il pas mieux qu’elle le pense ? Je l’ignore. « Je redeviendrai juste prof de sport, je retournerai dans mon petit théâtre. C’est pas grave. » « Non c’est pas grave… Tu es juste en train de me montrer que tu n’as pas les épaules pour faire partie de ce monde. » Je ne vais pas m’arrête en si bon chemin. De toute manière, tout est déjà foutu, je l’ai trop blessée. Mais je me dis aussi que c’est ce qui la rendra un peu plus forte, un peu plus apte à encaisser les coups qu’elle aura à recevoir en faisant partie de ce métier de requins. « Mais quoi que tu en penses je n’oublie pas que c’est toi qui m’a permis de vivre ça. » Bam. Nouvelle pointe au coeur. Je sens mon corps qui devient plus rigide, je manque d’air, mais je fais tout pour ne rien y laisser paraitre. Seul mon regard devient légèrement plus brillant, à peine. « Je ne compte pas mettre un frein à ta carrière, si c’est ce que tu voulais entendre. » Je fais un signe de main pour lui montrer qu’elle peut prendre congé, revenir à ses occupations, aller aux toilettes comme il était prévu qu’elle fasse à la base. Quant à moi, j’ai besoin d’air. Je quitte les toilettes et sors de l’établissement pour trouver un peu d’air frais, juste de quoi essayer de calmer cette nouvelle crise qui me menace, me pointe du doigt, comme pour me punir de mon attitude. Rayan n’a rien demandé, elle n’a rien fait de mal, et moi, blessée, je continue de la traîner dans la poussière. Je suis un monstre, un monstre qui souffre, mais un monstre quand même. Je sens mon téléphone qui vibre, ils doivent me chercher, mais pour la première fois depuis longtemps, j’en ai rien à foutre. Adossée contre un mur dans la ruelle attenante au cinéma, je prends le temps de respirer pour ne pas laisser mon coeur foutre encore plus le bordel. Je sais que c’est un appel à l’aide pour que je prenne soin de lui, mais la seule manière de le satisfaire, serait de remonter le temps et ne pas rencontrer Rayan…

Si c’est ainsi qu’Eden l’a décidé, alors qu’elle le fasse… Me griller dans le métier lui sera facile, puisqu’au contraire de moi et ma maigre expérience dans le milieu, elle nage parmi les requins avec aisance. Je ne peux rivaliser, je n’en ai même pas envie à vrai dire parce que je suis plus blessée de voir où nous en sommes que décidée à me battre coûte que coûte pour une carrière naissante. Pourtant j’ai une âme de compétitrice, mais à cet instant je suis juste lasse de ce jeu dont elle seule connaît les règles, et encore. La productrice m’enfonce un peu plus, disant que je n’ai tout simplement pas les épaules pour me faire une place dans ce milieu, je le lui prouve encore un peu plus à cet instant. J’échappe un rire ironique et réponds, un peu amère « Parce que je ne veux pas me battre avec toi ? C’est un peu maigre comme élément pour tirer une conclusion. » elle veut juste être blessante, ça fonctionne. Cette discussion est un vrai crève cœur. Elle a renoncé, m’a tourné le dos pour des raisons légitimes, mais la douleur n’en était pas moins réelle, mais pourquoi en rajouter encore ce soir ? De simples échanges cordiaux auraient suffit. Et si elle ne peut s’empêcher de monter au créneau pour m’attaquer, moi je ne peux me résoudre à la laisser croire que je me suis juste servie d’elle. Je suis quelqu’un de droit, de loyal et je tiens à le rester, premiers pas dans le cinéma ou non. Ces quelques mots semblent la toucher, je le vois à son regard surtout, puis cet aveu. Elle ne s’en prendra pas à ma carrière, dans le fond je le savais, cependant j’avais peur de me tromper, d’être trop naïve et de m’être faite avoir par ses talents de manipulatrice. Mais je ne peux pas occulter ce qu’on a partagé, ce que j’ai vu, ces failles derrière le masque, des facettes d’elle auxquelles je n’accéderai plus. Pourquoi faut-il que je sois toujours partagée, tiraillée dès qu’il s’agit d’Eden ? Je suis sur le point de lui dire qu’il y a bien d’autres choses que j’aimerai entendre, mais la discussion prend fin. Elle l’a décidé et je ne m’y oppose pas, entrant dans l’une des cabines pour faire ce pourquoi j’étais venue jusque là en première intention. Je retourne ensuite dans la salle, rejoignant Leah en m’excusant platement d’avoir mis autant de temps. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que j’ai croisé la seule personne que j’aurais souhaité éviter un maximum. Je regarde autour de nous, persuadée qu’elle doit être en train de nous regarder parler, essayant de savoir si oui ou non nous sommes ensemble, mais je ne la vois nulle part. Je prends un verre, et me rattrape auprès du jeune homme pour être une meilleure compagnie et pas un fantôme qui le laisse seul. Nous discutons avec des membres de l’équipe du film, quand la réalisatrice nous demande si nous avons vu Eden. Apparemment elle est aux abonnées absentes, personne ne l’ayant revu depuis la sortie de la salle de projection… Sauf moi, mais je me garde bien de le dire. Les hypothèses vont bon train, Leah m’interroge du regard, il perçoit ce léger changement dans mon attitude. Seuls au buffet je lui explique discrètement la conversation que nous avons eu la quadra et moi, dans les toilettes. Je sors mon portable et envoie un message à la productrice, à priori elle ne répond à personne mais je tente ma chance malgré tout “J’ignore si tu as quitté totalement les lieux, mais tout le monde te cherche… Ils risquent de bientôt lancer la procédure d’alerte enlèvement.“ j’écris à la suite un second message “Où es-tu Eden ?“. Pas de réponse, je suis tentée de la chercher mais ça voudrait dire lâcher Leah alors qu’il a gentiment accepté de m’accompagner. J’ai de la chance d’avoir un ami comme lui, il me pousse à m’éclipser, proposant même de me couvrir avant de s’en aller, prétextant que je me suis sentie mal ou quelque chose de ce genre. Clairement je lui en devrais une ! Il choisira son mode de paiement… Je quitte la salle, retourne en direction des toilettes, cherchant un endroit où elle aurait pu aller en sortant tout à l’heure. Je trouve un couloir, un panneau indique une sortie de secours je m’avance et au bout de celui-ci se trouve une porte donnant sur la rue à l’arrière du cinéma, au calme. Coup d’œil vers la gauche, personne, vers la droite, j’aperçois la silhouette de la blonde, adossée au mur. Je la rejoins « C’est donc là que tu te caches. », elle n’a pas l’air dans son assiette « Est-ce que ça va ? » demandé-je, inquiète.

Je sais que j’aurai dû écouter mon cardiologue, me détacher un peu du boulot, apprendre à lâcher du leste. Tu parles, j’en suis bien incapable. De toute manière, je crois pas que je mourrai de vieillesse ou dans un accident de la route. Même le cancer aura pas ma peau, je suis sûre que c’est mon coeur qui finira par lâcher à force de trop bosser. Et le pire ? J’ai rien envie de changer. Qu’est-ce que je peux être conne. J’ai une fille, mais elle a déjà réussi à vivre des années loin de moi, sans moi, elle s’en remettra. Je tente de calmer ma respiration pour apaiser mon coeur, en prenant de grandes inspirations, les yeux fermés, la main sur mon coeur pour espérer le sentir se calmer. J’ai l’impression que c’est plus fort que moi, il faut toujours que j’aille chercher la petite bête, que j’instaure le conflit. J’aurai juste pu garder cette animosité pour moi, l’intérioriser, ne pas regarder dans sa direction, fricoter avec ce beau mec. Ok. Ne pas penser à ça, mon coeur s’emballe à nouveau, et moi je m’énerve. Sentir mon téléphone qui n’arrête pas de vibrer c’est pire encore. Je dois me calmer, sinon c’est la crise assurée. Les minutes défilent, je cherche des solutions pour calmer mon pouls qui joue les montagnes russes en fonction de mes pensées. J’entends des talons qui se rapprochent, et l’odeur qui arrive avec, celle de Rayan. « Est-ce que ça va ? » Je peux sentir l’inquiétude dans sa voix, au fond, ça me rassure un peu. « Non. » Rayan est la seule au courant de mes problèmes de santé, Cora l’est aussi, mais Cora n’est pas là ce soir. Je devrais sûrement prendre un taxi direction les urgences les plus proches, ou simplement remonter pour aller chercher une gélule du traitement que m’a prescrit mon cardiologue pour calmer mon coeur dans ce genre de situation particulièrement éprouvante. Je porte ma main jusqu’à ma poitrine pour appuyer dessus, parce que ça fait mal putain. « J’ai besoin de mon traitement. Dans mon sac à main, la petite boîte orange, et de l’eau, s’il te plait. » Plus d’animosité, c’est presque une question de vie ou de mort. Rayan n’hésite pas un instant, elle repart aussi vite qu’elle est arrivée si ce n’est plus. En attendant, je dois tenir le coup, pas question de flancher. Les minutes s’écoulent, je ferme les yeux, toujours appuyée contre le mur, j’attends que ça passe mais c’est difficile. Et puis Rayan revient et je m’empresse d’avaler le cachet. En général l’effet est assez rapide. Je la remercie, ose à peine la regarder. Je m’en veux d’avoir agi de cette manière, mais c’est trop tard pour regretter, le mal est fait. « Tu peux rejoindre les autres, dis leur que j’arrive, dis leur que… j’en sais rien, j’ai eu un appel perso important. Merci. » Ça suffira, elle trouvera je n’en doute pas, elle est actrice après tout…

Non ça ne va pas. Au moins ça a le mérite d’être clair, et je préfère ça plutôt qu’Eden me mente. Elle tombe le masque, incapable de faire semblant, ce geste, appuyer sur sa poitrine je sais ce qu’il traduit. Avant même que je lui demande si je peux faire quelque chose, la productrice m’explique avoir besoin de son traitement, lequel se trouve à l’intérieur, dans son sac dont elle m’indique où il est. « Ok. Je reviens. » dis-je en posant furtivement ma main sur son bras en geste de réconfort, avant de tourner les talons. Je marche vite, je suis à la limite de courir, même avec mes talons. Je reprends une démarche plus naturelle en retournant dans la salle. Je cherche le sac de la productrice le plus discrètement possible, et lorsque je le trouve, j’en sors la boite orange contenant ses cachets. Je récupère une petite bouteille d’eau et parviens à m’éclipser comme je suis venue. Enfin du moins je le pensais, je suis interceptée par une des actrices dont j’arrive à facilement me défaire en m’excusant auprès d’elle d’être prise dans une urgence menstruelle. C’est un argument imparable. Je retourne à l’extérieur, Eden est toujours dans la ruelle, contre ce mur, semblant souffrir encore d’avantage. Je lui tends la boite et la bouteille d’eau, elle avale un cachet sans attendre sous mon regard toujours inquiet. J’espère que ce truc agit vite, dans le cas contraire j’ai déjà prévu d’appeler les secours si nécessaire. Le conflit n’a plus sa place, preuve supplémentaire qu’il est inutile, surfait, ridicule… La situation dépasse nos différends. L’ambiance n’en est pas moins tendue pour autant, il règne comme un léger malaise et la blonde fini par me congédier, me chargeant au passage de trouver une excuse la concernant. Je la regarde comme si elle venait de dire la plus grosse connerie possible « Et te laisser seule ici en pleine crise de je ne sais même pas quoi ? » je souris en secouant la tête « Oui évidemment, je vais faire ça. » qu’elle y croit. Tant pis si je ne suis pas la personne qu’elle voulait voir, je suis là, je ne compte pas bouger, pas tant qu’elle n’ira pas mieux. « S’il t’arrive quelque chose ma conscience ne le supportera pas. » je soupire « Pas plus que mon cœur. » ok, c’était pas censé passer la barrière de mes lèvres ça, je l’ai pas dit fort j’espère qu’elle n’a pas entendu. Le propre d’une pensée c’est d’être dans la tête Rayan. Je m’appuie contre le mur, à côté d’elle « Tu devrais lever le pied Eden. » je tourne la tête dans sa direction, espérant capter son regard mais elle me le refuse. Je quitte mon appui, me place face à elle, ma main se posant sur son bras « T’es en train d’y laisser ta santé. Je sais que tu adores ton boulot, mais tout ce stress que tu t’imposes, ton corps dit stop. Ecoute toi pour une fois. » je souris et hausse les épaules, cette discussion a un air de déjà vu « Ça ne fera pas de toi une lâche. On a tous nos limites. » je la sais obstinée, parce que c’est une battante, mais penser à soi n’est pas aveu de faiblesse, au contraire il faut de la force pour le faire. « Et puis tu pourras toujours tyranniser tes employés à distance si besoin. » je ressers légèrement la pression de ma main sur mon bras « Dis moi que tu vas y réfléchir. » parce qu’en plus de devoir être loin d’elle, si je la sais au bord du précipice, je crois que moi aussi je vais finir par me ronger la santé. Ma santé mentale surtout.

Je remercie Rayan d’avoir accompli la mission d’aller chercher mon traitement sans éveiller le moindre soupçon. Ils sont encore en train de me chercher là haut, je n’en doute pas, la conférence de presse sans la productrice ça fait désordre. Tant pis. J’avale la pilule et laisse la possibilité à Rayan de repartir, je n’ai plus besoin d’elle ici après tout. Ça va passer tout seul. « Et te laisser seule ici en pleine crise de je ne sais même pas quoi ? Oui évidemment, je vais faire ça. » Je sens le cynisme dans sa voix, je sens aussi qu’elle n’a aucune envie de me laisser seule ici, et d’un côté, ça me rassure. Même si me sentir vulnérable est loin d’être la chose la plus agréable que je puisse ressentir. Mais avec elle c’est différent. Tout a toujours été différent. « S’il t’arrive quelque chose ma conscience ne le supportera pas. Pas plus que mon cœur. » Je relève les yeux vers elle en entendant sa dernière phrase, surprise de l’entendre d’ailleurs. Elle a vraiment dit ça ? Je laisse mon regard dévier, le pose au hasard sur des points qui n’ont aucun intérêt. Elle me demande de lever le pied, et je soupire. Je sais que c’est ce que je devrais faire mais j’en suis incapable, et ça aussi elle le sait. On en a déjà parlé, cette discussion fait redite. Elle se positionne en face de moi, m’empêchant de fuir son regard une nouvelle fois. Le contact de sa main sur mon bras m’électrise autant qu’il me calme. « T’es en train d’y laisser ta santé. Je sais que tu adores ton boulot, mais tout ce stress que tu t’imposes, ton corps dit stop. Ecoute toi pour une fois. Ça ne fera pas de toi une lâche. On a tous nos limites. » Je secoue la tête, sentant les larmes me monter aux yeux, je ne veux pas la regarder, je ne veux pas lâcher prise. Elle me demande d’y réfléchir et je baisse les yeux sur sa main, pressée sur mon avant-bras. J’ai envie de pleurer, ça fait très longtemps que ça ne m’était pas arrivé. « C’est pas le boulot le problème Rayan… » Je relève finalement les yeux vers elle, mes yeux presque noyés par les larmes que je continue de vouloir retenir, mais c’est ma voix qui ne trouve bien moins assurée. « Si je me raccroche à mon boulot c’est parce que c’est la seule chose qui me permet de ne penser à rien. Et c’est pas une coïncidence si je bosse encore plus depuis que j’te connais. » Je me racle un peu la gorge pour éclaircir ma voix et essuie le coin de mes yeux en espérant que mon maquillage n’ait pas coulé. « Je dis pas ça pour que tu culpabilises, tu n’y es pour rien. C’est la vie c’est comme ça. J’ai jamais eu le droit à une histoire d’amour facile. Ça doit être mon karma pourri. Je m’y suis faite. » Je tente un demi-sourire. Oui, j’ai utilisé le terme ‘amour’, parce que c’est ce que je ressens, même si ça fait mal de l’avouer. « On devrait remonter. »

Ça a toujours été les montagnes russes entre Eden et moi. Nos interactions pourraient nous faire passer pour schizophrènes tant le fond et la forme changent aux grés de nos émotions. Une heure plus tôt c’était la guerre froide, je me protégeais, elle me piquait et maintenant je lui témoigne mon soutien alors qu’elle se montre vulnérable. Je sais que la productrice ne montre pas ses failles si facilement, ni à n’importe qui. J’aime me sentir un peu spéciale pour elle, je crois. Parce qu’elle l’est pour moi, de biens des manières… Impensable donc que je la laisse là, seule et qui plus est en pleine crise. Une pensée fugueuse se fraie un chemin entre mes lèvres, j’espère qu’Eden ne l’a pas entendu. Quand bien même, tant pis, c’est la vérité. Elle s’évertue à éviter mon regard, fixant le vide, je viens lui faire face, captant son attention, lui redonnant ces mêmes conseils qu’il y a quelques mois. Aussi passionnée qu’elle est têtue, évidemment qu’elle n’a pas levé le pied et moi je ne peux m’empêcher de m’inquiéter malgré tout mes efforts pour me détacher d’elle. A quoi bon être crainte si elle ne peut pas lâcher du leste quand elle a envie ou besoin, et ce sans avoir de compte à rendre à personne. Je lui dis ces mots qu’elle n’a peut-être pas envie d’entendre, tente de la convaincre que ça ne fera pas d’elle une lâche, ni quelqu’un de faible. Personne ne se risquera à le dire, ni à le penser, j’en suis convaincue. Pas elle, si j’en crois ce geste négatif de sa part. Non. Je me trompe, le problème est ailleurs, pas dans le boulot. Sa fille ? Une ado n’est-elle pas censée passer vite à autre chose ? Eden relève le regard captant le mien, ses yeux brillants de larmes qu’elle refuse de laisser couler. Au travers du boulot elle cherche simplement à ne plus penser à rien, et il n’y a pas de hasard si elle s’y est plongée encore d’avantage depuis notre rencontre. Mon cœur se serre puis accélère, dans un mélange d’émotions ambivalentes. Elle rompt le contact de ma main sur son bras, s’essuyant le coin des yeux. Je continue de la regarder, étourdie par cet aveu. Je savais cette situation pesante pour nous deux, mais j’avais sûrement minimisé sa part, aveuglée par son masque de femme forte, froide. J’ai pourtant vu ses failles, mais peut-être n’osais-je me donner tant d’importance à ses yeux, cherchant sans répit l’équilibre dans ces hauts et ses bas que nous traversions. Comme si Eden avait ce pouvoir de lire dans mes pensées, à peine la culpabilité s’invite dans mon esprit qu’elle tente de m’en soulager. Fataliste, elle met tout ça sur le dos de la vie, tout simplement. Laquelle lui a toujours interdit une histoire d’amour facile. Wait. What ? Une histoire d’a-quoi ? - poney - cette fois mon cœur fait un bond dans ma poitrine, c’est moi qui vais bientôt avoir besoin d’un petit cachet pour le calmer. Je suis comme paralysée, je vois son léger sourire, entends ses mots mais reste figée. C’est Bagdad dans ma tête, parce qu’avec quelques mots Eden vient de faire exploser un truc, une barrière, un cadenas, j’en sais rien, mais je sais pas bien comment le gérer. L’envie me gueule de l’embrasser là maintenant comme si ma vie en dépendait, la raison me réclame de garder la tête froide de penser combien la situation reste compliquée, une pointe de colère voudrait que je lui crache qu’elle aurait dû y penser avant de foutre le bordel dans ma vie et la sienne, et la petite voix de la tristesse je n’entends même pas ce qu’elle murmure mais je crois que ça me donnerait presque envie de pleurer. Je reconnecte un peu. Remonter ? Là, maintenant ? Dans cet état ? Mécaniquement je hoche la tête, arrive à souffler « Peut-être. ». Je m’écarte d’un pas pour la laisser passer puis la stopper l’instant d’après, refermant doucement ma main sur son poignet. Elle pose sur moi un regard perplexe, et je n’ai aucune foutue idée de si c’est une bonne idée ou non, mais je viens poser mes lèvres contre les siennes un bref instant « Au lieu de t’épuiser à cause de moi… Prends soin de toi, pour moi. S’il te plait. ». Je n’ai sans doute aucun légitimité à lui demander ça, mais j’espère qu’elle le prenne au moins un peu en compte. Relâchant ma prise « Vas y… J'arrive. Je te rejoins. » j’esquisse un sourire « Mieux vaut qu’on nous voit pas réapparaitre ensemble. » et je vais avoir besoin de souffler juste encore un peu. Remettre à mon tour mon masque, heureusement que je suis actrice.

Et dire qu’il y a encore quelques dizaines de minutes nous étions en train de nous blesser mutuellement dans une guerre puérile. Je n’arrive pas à passer à autre chose, je n’arrive pas à ne plus penser à elle, je n’arrive pas à la regarder déambuler au bras d’un charmant jeune homme. Et mon coeur me le fait comprendre, tout ça c’est trop d’émotions, c’est trop difficile. Mais lever le pied comme elle me demande, c’est au-dessus de mes forces. Rester chez moi, ou prendre des vacances loin d’ici, ça ne m’aiderait en rien, parce que je sais que les pensées seraient encore plus présentes que lorsque je travaille. En soi, ce n’est pas le travail qui est en cause, c’est la dose que je m’inflige simplement pour arrêter de penser à Rayan et à ce manque d’elle qui me ronge. Je choisis mes mots, et oui je parle d’amour, parce que c’est ce que je ressens. Je pense qu’elle ne s’y attendait pas, je ne pensais pas non plus être capable de lui dire une chose pareille, mais c’est fait maintenant, il n’est plus question de faire machine arrière. Je lui propose de remonter, je sens bien qu’elle a été perturbée par ce morceau de conversation, j’aurai peut-être dû ne rien dire, mais au moins, ça a un peu expliqué mon comportement amer de tout à l’heure. Je prends une grande inspiration, sentant mon coeur légèrement plus calme grâce au cachet que j’ai pris un peu plus tôt. Je fais un pas en direction de la porte qui me mènerai à l’intérieur du bâtiment, mais c’est sans compter Rayan qui me rattrape, ses doigts se refermant sur mon poignet. Un geste qui m’électrise immédiatement. Je me retourne pour la regarder, et elle s’approche pour venir déposer un baiser sur mes lèvres. Je ferme les yeux pour accueillir ce geste, même s’il ressemble à un baiser d’adieu. « Au lieu de t’épuiser à cause de moi… Prends soin de toi, pour moi. S’il te plait. » Mon regard oscille entre ses pupilles, ce regard criant de vérité qui me retourne les entrailles à chaque fois. Pourquoi est-elle si belle ? Elle finit par lâcher mon poignet et me propose de retourner à l’intérieur en premier, elle suivra, pour éviter qu’on ne nous voit revenir ensemble. Sage décision. Je me contente d’un hochement de tête, frôlant son bras nu du bout de mes doigts avant de rejoindre le bâtiment comme prévu à l’initiale. Retour de mon masque, je rejoins l’équipe à l’étage. On m’a cherché partout, oh vraiment ? Je prétexte un appel urgent avec ma fille, qui est désormais réglé. Je ne sais pas pourquoi je me justifie, je suis la patronne après tout, et c’est d’ailleurs pour cette raison que tout le monde m’a attendue, créant un retard dans le planning. Je croise le regard de l’ami de Rayan, petit ami, je l’ignore, je le trouve de toute manière beaucoup trop charmant et trop chanceux pour m’attarder sur lui. On me demande si j’ai croisé Miss McHalway. Réponse négative. Nouveau regard en direction de Leah. Lui a compris, je le sens. Ou il est au courant, je l’ignore, mais il me regarde bizarrement, et je n’aime pas ça. Rayan fait son apparition et nous pouvons commencer la conférence de presse. Je tente d’être présente mais mon esprit divague, j’ai du mal à comprendre le baiser qu’elle m’a offert avant de remonter, est-ce qu’il avait une réelle signification, en dehors du fait qu’elle s’inquiète pour moi ? Mon regard reste parfois un peu trop insistant sur elle, surtout quand elle répond aux questions avec cette humilité et ce charme qui la caractérisent. La journée touche à sa fin, les acteurs vont faire un bain de foule pour signer des autographes, et moi je rentre chez moi, épuisée par cette journée. J’ignore ce que l’avenir me réserve, mais j’ai du mal à imaginer les mois qui vont suivre sans savoir que Rayan sera à quelques centaines de mètres tout au plus, dans mes studios…