keep things quiet for a while [rayden 7]

Mon week end avec Cora m’a fait prendre conscience de beaucoup de chose, enfin, je crois. J’aime cette femme plus que je n’ai jamais aimé, et je ne voudrais pas la perdre à cause d’une nouvelle connerie. Je sais que le fantôme de Selena plane au-dessus de nos tête, tout comme celui de Rayan, même si pour ce qui en est de la belle brune, Cora n’est pas exactement au courant de ce que j’ai pu partager avec elle. Maintenant que Rayan a été prise dans un film que je produis, nous allons devoir nous voir plus souvent, et ça n’était pas pour me déplaire jusqu’à ce que je me rende compte que je jouais à un jeu dangereux. Pourtant, je sais bien que chaque fois que je pense à elle, tout mon corps est en émoi, mes sens se brouillent et mon sang bouillonne. Elle me rend dingue, et ce depuis le jour où j’ai posé les yeux sur elle. Avec Cora, c’est différent, malgré le temps qui est passé, la passion est toujours présente, et les sentiments restent malgré les hauts et les bas de notre couple. Je sais que j’ai de la chance d’avoir ce que nous avons, de l’avoir elle, et je ne suis définitivement pas prête à tirer un trait là dessus. Alors la raison a fini par l’emporter, et j’ai décidé de mettre une certaine distance avec Rayan. Je ne suis pas certaine d’y arriver totalement, mais je me dois d’essayer. Si j’ai de une emprise évidente sur la jeune femme, il se trouve que la réciproque est tout aussi vrai, même si je le laisse sans doute moins transparaître. J’ai également appris récemment que ma propre fille nourrissait des sentiments pour sa professeur de sport et de théâtre, ce qui me met dans des états pas possibles à chaque fois que j’y repense.

Ce matin, je dois passer au centre d’entraînement physique pour discuter avec un des instructeurs, et je sais que c’est lui qui entraîne Rayan pour le film pour lequel elle a été prise. Le tournage commence dans quelques jours et elle doit être prête. Savoir que je vais la voir, la croiser, me met déjà dans tous mes états, et je suis obligée de prendre de longues inspirations avant de franchir la porte de l’immense hangar, celui-là même où j’avais fais passer son premier essai à la jeune femme. J’entre, me laisse guider par les bruits que j’entends, et ces râles d’efforts si représentatifs. Rayan est là, sur le ring, en train d’apprendre une chorégraphie ficelée au millimètre près. Ils s’interrompent à la fin et je leur adresse un sourire. « Bonjour, tout se passe bien ? » Je suis agréable, mais pas trop non plus, faudrait pas exagérer. Je m’adresse à l’intéressé et lui annonce qu’il doit passer voir mon assistante au plus vite pour signer son contrat qui a été rectifié ce matin même, je l’ai déjà signé, il ne manque que lui. Il m’explique que la séance est bientôt terminée et qu’il passera juste après. Je hoche la tête et m’écarte pour les laisser travailler. Je reste quelques instants à les regarder et finis par m’éclipser, faisant un détour par les vestiaires où je sais Rayan finira par passer une fois son entraînement terminé. Ni une ni deux, la porte s’ouvre, je suis appuyée contre le mur attenant à cette dernière. « Salut… » Impossible d’avoir une voix ‘normale’, j’ai beau vouloir mettre de la distance, mon ton s’est retrouvé immédiatement chaud et charmeur. Merde Eden, reprend-toi !

Avec le recul je me suis rendue un peu plus compte à quel point ce qu’il s’est passé avec Eden est une folie. Où avais-je la tête ? A priori pas vraiment sur mes épaules, ou alors j’ai vraiment fondu un plomb en même temps que l’ascenseur. Un peu malgré moi je me suis remémoré nos échanges, me demandant à chaque fois un peu plus que la précédente comment j’ai pu me laisser embarquer ainsi. Je dois être folle, agitée du bocal, tracassée du bulbe… A quel moment j’ai pensé que c’était une bonne idée de laisser s’exprimer mes envies les plus enfouies à l’égard de cette femme ? C’est pas comme si c’était la productrice du film dans lequel je vais jouer, donc ma patronne en quelque sorte, puisqu’elle est en partie celle qui aligne la monnaie. Je me dis que tout n’est pas perdu, après tout elle ne m’a pas appelé malgré mon invitation à le faire. Quelle mouche m’avait piqué d’ailleurs ? Le point positif c’est que j’ai pu me rendre compte de ma connerie, il est encore temps de tempérer la situation. Je veux mieux m’y prendre que la première fois où j’ai cherché à mettre de la distance entre nous, éviter à tout prix qu’Eden ne redevienne la reine des glaces sans pour autant lui laisser jouer le rôle du diable. Je sais d’avance que ça me demandera des efforts, j’ai ouvert la cage de mes envies, se sont des années de fantasmes qui ont été remis en liberté et je vais devoir apprendre à les gérer. Pourquoi faut-il qu’elle soit si belle aussi ? C’est débile comme concept. Me trouver des excuses est inutile, je dois simplement penser à nouveau de manière raisonné et me forcer à garder cette ligne de conduite peu importe ce que pourra dire ou faire la productrice.
J’ai de la chance, durant toute cette semaine de préparation je n’ai pas vu Eden. J’appréhendais un peu les deux premiers jours et finalement une fois totalement concentrée dans le boulot je me suis rendue compte que le reste n’avait plus d’importance. C’est ça la bonne solution, me mettre à fond dans ce que je fais, dans ce rôle, ce que l’on attend de moi et m’y tenir sans me laisser déconcentrer. C’est d’autant plus facile les jours d’entrainements physique, le sport a toujours été un réel échappatoire pour moi, un besoin quasi vital. Si je ne bouge pas je deviens dingue, on peut appeler ça une addiction, pour ma part je pense que c’est simplement nécessaire à mon équilibre. Ce que l’on fait durant ces séances est passionnant, je me découvre un réel intérêt dans cet exercice d’apprentissage minutieux d’une chorégraphie de combat, ou d’une cascade. Certaines sont trop dangereuses pour que je les fasse moi-même mais j’ai exprimé ma volonté d’en faire un maximum. C’est beaucoup de travail, mais c’est tant mieux, j’ai besoin de m’y perdre pour éloigner tout le reste. La séance est bientôt terminée, j’ai le sentiment que nous avons fait du bon boulot et je suis plutôt contente de moi. Heureusement, parce qu’on dirait bien que le premier test de ma nouvelle de conduite vient de pointer le bout de son nez en la personne d’Eden. Elle vient voir où nous en sommes de la préparation, c’est légitime. Je lui adresse un petit signe de la tête pour la saluer et profite de la brève discussion entre elle et mon partenaire pour m’hydrater. Je suis dans ma bulle, je dois le rester, je m’y efforce durant toute la fin de l’entrainement et je n’ai même pas remarqué que la jolie blonde n’était plus là.
Je me dirige vers les vestiaires, j’ai bien mérité une douche. J’entre et sursaute en remarquant Eden laquelle vient de me saluer bien plus chaleureusement que tout à l’heure. Non, ça va pas déjà recommencer, si ? « Bordel, tu m’as fait peur. » soufflé-je en lui adressant un sourire malgré tout. Je défais les bandes autour de mes mains « Je ne m’attendais pas à te voir ici, j’ai cru que tu étais repartie. » dis-je pour meubler ce silence dont je sais très bien qu’il pourrait devenir dangereux. En fait tout peut-être dangereux quand il s’agit d’elle et c’est bien ça le problème. « Tu avais un truc à me dire ? » demandé-je tout simplement, reprenant cette même attitude que j’ai toujours eu avec elle auparavant. Plus de vagues Rayan, c’est mieux pour tout le monde… même si ça risque d’être difficile.

Je m’étais promis, je me suis efforcée de garder mes distances au maximum depuis la dernière réunion, depuis l’incident d’ascenseur, depuis notre rapprochement. Je refoule tous mes instincts les plus enfouis, mes envies les plus sauvages, et c’est loin d’être chose aisée. Alors forcément, quand je la vois là, transpirante, peu vêtue, à s’entraîner pour le tournage du film, c’est comme si toutes mes barrières étaient en train de trembler, prêtes à céder. Je ne peux me résoudre à quitter l’endroit sans la saluer, échanger avec elle quelques mots, c’est plus fort que moi. Alors je l’attends dans les vestiaires, elle ne tarde pas à entrer. « Bordel, tu m’as fait peur. » Elle m’adresse pourtant un sourire auquel je réponds volontiers. « Je suis désolée, c’était pas mon but. » Menteuse. Quoi que, lui faire peur sans doute pas, la surprendre oui un peu. Je la regarde défaire les bandages autour de ses mains et ses poignets, même ce geste est divinement sexy. « Je ne m’attendais pas à te voir ici, j’ai cru que tu étais repartie. » Je hoche un peu la tête sans la lâcher des yeux. « C’était ce qui était prévu oui… » Je dois rester concentrée pour garder mes distances. Parce que présentement, j’ai juste envie de la déshabiller et aller prendre une douche avec elle. Pitié, non, ne plus penser à une douche avec elle. Vite. On retire les images. Je sens pourtant que mon corps a gagné quelques degrés en si peu de temps. « Tu avais un truc à me dire ? » Je sens qu’elle aussi ne sait pas vraiment comment se comporter. J’ignore les réflexions qu’elle a pu avoir avec elle-même me concernant, nous concernant. Enfin, si toutefois ce ‘nous’ a une quelconque importance d’ailleurs. « Pas particulièrement non, je voulais juste prendre de tes nouvelles, savoir comment tes répétitions se passent… » C’est plus ou moins la vérité, j’avais surtout envie et besoin de la voir, poser sur elle mon regard gourmand. Comme devenue une drogue pour mon cerveau. J’aurai pu l’appeler pour prendre des nouvelles, lui envoyer un message, qu’importe. Mais j’ai eu besoin de voir ce visage, ce sourire, ce.. corps… On se calme Eden, je vais essayer de tenir mes engagement envers moi même, et envers ma compagne aussi. Voilà. Pensons à Cora, c’est une bonne idée. « En tout cas, j’ai de très bons retours à ton propos. Tu es une bosseuse, c’est une bonne chose. » J’essaie de ne pas me laisser aller dans une attitude charmeuse comme j’en ai toujours eu l’habitude avec elle. Ce n’est pas facile, c’est aller contre ce que je suis, mais je m’y efforce, en espérant que mes efforts soient payants.

Voir Eden là dans le vestiaire me fait instantanément mesurer à quel point je peux être partagée à son égard. Une part de moi aurait préféré qu’elle soit repartie par crainte de voir les choses se compliquer malgré mes bonnes résolutions et ma raison retrouvée, mais un autre part avait l’espoir de la croiser, l’envie de la voir. Je dois garder la tête froide, mettre de côté notre dérapage et le jeu qui en a résulter, ce que j’ai ressenti à ce moment là et ce à quoi j’étais prête, comme ensorcelée par la productrice. Je note qu’elle ne se montre pas si prédatrice qu’elle a pu déjà l’être, un peu sur la retenue elle aussi et dans un sens ça me soulage. Pourtant ce regard qu’elle pose sur moi n’a rien de totalement neutre, je le sais, je le sens et je l’apprécie. Voilà, il est là tout le nœud du problème. Je perçois de la distance entre nous, comme si nous nous étions implicitement entendues sur le fait de choisir la raison plutôt que cette puissante attraction qui a fait voler en éclat bien des barrières. Je veux me donner l’illusion que ce sera plus simple, de partager ainsi cet accord, tout en sachant dans le fond combien ça va être difficile. Pour m’aider je sais que je dois me raccrocher au travail, à mon rôle, au film. Alors j’interroge Eden avec une certaine neutralité, en me concentrant sur l’aspect professionnel de nos interactions. Elle doit être là pour me parler du film, peut-être du tournage qui commencera tout bientôt. Nos regards se croisent, assez brièvement parce que je m’empresse de reposer le mien sur la bande que je suis en train d’enrouler sur elle-même tandis que la blonde m’affirme que c’est un visite de courtoisie, pour savoir comment je me sens dans ce nouvel univers. Je hoche la tête « Bien. Ça se passe bien. J’aime beaucoup l’ambiance qu’il y a ici et les séances de travail sont toutes intéressantes. » je lui adresse un nouveau sourire pour appuyer mes propos, je suis sincère, je me sens dans mon élément.
Eden m’indique avoir eu de bons retours me concernant, notamment sur le fait que je sois une bosseuse. Si elle savait que c’est en partie à elle que je le dois… car même si c’est un de mes traits de caractère je me mets encore plus à fond dans ce que je fais simplement pour ne pas penser à elle, à… nous ? C’est une pensée encore étrange pour moi, parce que je lutte encore un peu contre mais je sens qu’il me sera désormais impossible d’occulter cette partie de moi que j’ai fait taire durant si longtemps. « Contente d’entendre que je ne les ai pas payé pour rien. » dis-je sur le ton de la plaisanterie « Je suis surprise que tu aies marché. » ajouté-je avec complicité, un peu malgré moi. On doit garder nos distances mais ça ne veut pas dire faire une croix sur toute sympathie, non ? Je hausse les épaules redevenant plus sérieuse « J’ai à cœur d’honorer la chance qui m’est donnée. » et elle sait combien je lui suis reconnaissante pour le rôle qu’elle a joué là dedans, enfin je crois « Merci encore. » dis-je avant d’échapper un petit rire. La situation est quand même un peu étrange, faut que je trouve un truc à dire, j’enchaine « Comment va Maé ? Ça se passe bien avec sa nouvelle prof de théâtre ? » voilà ça c’est bien comme sujet, pas d’ambiguïté possible.

Je vois bien que Rayan fuit mon regard comme elle peut, je crois que nous avons fait le même chemin dans nos têtes, cette attirance est allée trop vite, trop loin - même si en soi, on a fait que jouer, et s’embrasser quelques fois, ce n’est pas si loin quand on y réfléchit. « Bien. Ça se passe bien. J’aime beaucoup l’ambiance qu’il y a ici et les séances de travail sont toutes intéressantes. » Je n’aurai pas imaginé une autre réponse. Rayan aime ce qu’elle fait, et quand c’est le cas, elle le fait avec passion, je l’ai bien remarqué. C’est sans doute ce qui la poussera au plus haut, si elle n’est pas freinée par certains aléas de la célébrité qui vrillent le cerveau de certains. Mais elle est équilibrée et ne cherche pas la célébrité avant tout, c’est sa force, je crois. Ou du moins, une de ses forces. Je lui avoue avoir eu de très bon retours la concernant, je pense que c’est important qu’elle le sache. « Contente d’entendre que je ne les ai pas payé pour rien. Je suis surprise que tu aies marché. » J’aime sa manière de prendre certaines choses à la dérision, les compliments d’ailleurs en grande partie, comme si elle ne les assumait pas totalement. C’en est touchant, et ça ne fait que renforcer l’image et l’estime que j’ai d’elle. Je ris avec elle en secouant la tête, amusée. « Il faut croire que j’ai des faiblesse moi aussi, comme tout le monde… » Et elle fait partie de mes faiblesses du moment, j’en ai conscience, et c’est pour cette raison que je travaille dessus d’ailleurs. « J’ai à cœur d’honorer la chance qui m’est donnée. Merci encore. » Son regard me fait vriller le cerveau et accélérer mon palpitant de manière considérable. Elle est ma faiblesse, c’est désormais une certitude. « Tu vas pas me remercier toute ta vie. Si tu en es là c’est en grande partie grâce à toi, je n’ai fait que te mettre le pied à l’étrier. » Je lui souris à nouveau avant de baisser les yeux. Moi. Eden Lewis je baisse les yeux, sans doute en guise de protection. « Comment va Maé ? Ça se passe bien avec sa nouvelle prof de théâtre ? » Je relève le regard vers la jolie brune qui cherche à changer de sujet. C’est une bonne chose, je crois. « Ça va, je crois. Elle m’en parle pas trop, elle ne jurait que par toi… » Surtout vu ce que j’ai appris récemment. « Tu savais que… » J’hésite à lui en parler, quand même, il s’agit de la vie privée de ma fille. Mais c’est amusant au final, ce n’est qu’une enfant. Je souris plus largement et laisse tomber la nouvelle. « Je crois que Maé est amoureuse de toi. » Je ris cette fois, sous le regard médusé de la jeune actrice. « Je la comprends en même temps… » Qu’est-ce que je dis là ? Mon regard coule sur son corps parfaitement sculpté avant de replonger dans son regard. « Enfin j’veux dire, ça semble logique, une gamine en pleine puberté, une prof plutôt pas mal, j’imagine qu’elle doit pas être la seule de tes élèves à marquer ton prénom sur un coin de page avec des petits coeurs autour… » Je m’en amuse, c’est vrai, mais il n’y a rien de méchant là dedans.

Je suis toute nouvelle dans le milieu et le tournage n’a même pas encore débuté, cependant je me sens déjà dans mon élément. Je suis à l’aise, autant avec les membres de l’équipe de tournage que les autres acteurs. J’aime ce boulot, encore d’avantage que ce que je m’étais donné le droit d’imaginer en me projetant en tant qu’actrice. Je partage mon enthousiasme avec Eden, elle en est en bonne partie à l’origine, c’est un peu le point de départ de notre lien. A son tour elle me communique les bons échos qui circulent à mon égard, compliment indirect que j’accueille avec humour. Ça me fait plaisir de l’entendre, évidemment, mais je ne suis jamais pleinement à l’aise. J’apprendrai avec le temps, j’essayerai en tout cas. Je plaisante sur une éventuelle crédulité de la part de la productrice, nous rions, c’est plaisant de voir que malgré notre évidente prise de distance nous arrivons à rester complices. « Encore une preuve supplémentaire que tu n’es pas une machine. J’en prends note. » dis-je avec ce même ton amusé avant de reprendre avec plus de sérieux pour remercier une énième fois la blonde. Je suis là grâce à elle, c’est un fait et je veux lui montrer que je ne l’oublie pas. Probablement un peu par culpabilité de l’avoir blessé la première fois où j’ai voulu mettre de la distance entre nous. Serait-elle gênée à son tour par ma reconnaissance ? Non, peut-être pas mais elle m’indique que je ne vais pas la remercier à vie. Tout dépend de quoi l’avenir sera fait, de ce que deviendra cette carrière que j’espère naissante… mais peut-être le ferais-je. Chose inhabituelle de sa part, la productrice baisse les yeux, de la même manière dont j’ai essayé d’esquiver son regard cette discussion est malgré nous une petite mise à l’épreuve. Ça aussi c’est une nouveauté pour moi, devoir gérer une telle attraction , vis à vis d’une autre femme mais surtout après avoir goûté à ses lèvres.
Changement de sujet, je demande des nouvelles de sa fille, autre part de notre lien. Je souris en entendant la quadra dire que Maé ne jurait que par moi. J’ai été comme ça aussi, à la différence qu’il s’agissait de mon entraîneur de volley ball. La blonde enchaine, mais se coupe, me laissant en suspend. Mon regard intrigué l’encourage à poursuivre, ce qu’elle fait et je suis plutôt surprise par la révélation qui m’est faite. Nous avions déjà vaguement abordé le sujet, mais entendre de la bouche de sa mère qu’une de mes élèves ressent sans doute des sentiments pour moi… c’est étrange. D’autant plus étrange en sachant ce qu’il s’est passé avec Eden. Je devrais être flattée, mais je suis d’avantage déroutée. Bien sûr l’adolescente a toujours été particulièrement assidue pendant mes cours, très volontaire et exemplaire, mais je ne m’imaginais pas ce que ça pouvait cacher. La productrice n’est pas étonnée, elle comprend sa fille. A ces mots je la regarde à nouveau, curieuse de savoir à quoi elle fait référence, le cœur battant sensiblement plus vite sous l’effet de son regard. Suit une explication logique, celle d’une mère analysant ce que traverse sa fille en plein début d’adolescence. Je hoche la tête, esquissant un sourire « Ce n’est pas la seule. Même si ce sont plutôt les garçons habituellement qui montrent leur intérêt à mon égard. » parfois les termes employés ne sont pas les plus flatteurs qui soient dans la forme mais les hormones en ébullition ne doivent pas aider. « Tu l’as fait toi aussi ? » demandé-je à propos de ce truc de griffonner le prénom de quelqu’un dans le coin d’une feuille. Il est infime et très subtil le double sens de cette question, mais il est présent et au regard d’Eden je sais que nous avons pensé la même chose « Tomber sous le charme d’un ou d’une prof ? » précisé-je l’air de rien. « Je ne crois pas que ça me soit arrivée. Pas pour un prof en tout cas… plutôt mon entraîneur à une époque. » je hausse les épaules « Et une coéquipière. » chose que je me suis empressée d’enfermer à double tour, elle le sait. Je me dirige vers mes affaires « Ça lui passera vite. Tout va toujours vite à cet âge. » dis-je en en revenant à Maé. Je ne suis plus une adolescente depuis longtemps et pourtant en présence d’Eden j’ai parfois l’impression de revenir en arrière, me sentant aussi perdue qu’à l’époque mais pas moins grisée par les émotions dont elle est la cause.

Le sujet bifurque sur Maé, ce n’est pas plus mal. Il fallait dévier un peu cette discussion pour éviter que je ne me risque à briser mes bonnes résolutions. C’est déjà bien assez difficile de me retrouver face à elle sans avoir le loisir et le plaisir de me délecter de ses lèvres. Je réponds donc à sa question, m’amusant quelque peu des derniers aveux de ma fille concernant Rayan, et je lui en fais d’ailleurs part. J’ignore pourquoi j’ajoute cette prase, lui dire que je la comprends, n’importe quoi. « Ce n’est pas la seule. Même si ce sont plutôt les garçons habituellement qui montrent leur intérêt à mon égard. » Je hoche la tête en souriant. Oui, ça ne m’étonne pas du tout, les garçons à cet âge sont démangés par pas grand chose, alors avoir Rayan face à eux, je vois ce qui peut bien se passer dans leur tête. Enfin, là où ailleurs. « Tu l’as fait toi aussi ? » me demande-t-elle, me faisant plisser les yeux sans que je n’arrive à comprendre exactement sa question. Parle-t-elle d’un prénom griffoné sur une feuille ? « Tomber sous le charme d’un ou d’une prof ? » Je lève les yeux pour lui signifier que je saisis enfin le sens de sa question, et la voilà qui poursuit. « Je ne crois pas que ça me soit arrivée. Pas pour un prof en tout cas… plutôt mon entraîneur à une époque. Et une coéquipière. » J’arque un sourcil en souriant à la fin de son aveu. « La fameuse… » J’ai bien cru comprendre qu’elle avait enfermé cette attirance pour les femmes avant que je ne fasse sauter le verrou. « Ça m’est arrivé plus d’une fois oui, mon prof de français en seconde et ma prof de commerce à la fac. A cette époque je les aimais plus vieux. Ça a changé depuis. » Je laisse échapper un léger rire amusé, ne la lâchant pas des yeux lorsqu’elle se déplace vers ses affaires alors que je reste là, contre le mur, les mains dans mon dos. « Ça lui passera vite. Tout va toujours vite à cet âge. » Je hoche doucement la tête. « Espérons oui. Manquerait plus que tu lui brises le coeur… » je dis ça en plaisantant, mais le regard qu’elle m’offre, légèrement dubitatif, me pousse à le préciser. « Je plaisante. Tu ne seras pas sa première déception amoureuse, et encore moins la dernière. » Je suis incapable de bouger de là alors que je sais qu’elle devrait partir à la douche, ou au moins se changer. C’est plus ou moins inconscient, et pourtant je devrais partir. Vite. « Au fait, je voulais te prévenir, j’ai booké un shooting pour toi, dans deux jours, à quinze heures. Il nous faut des photos pro pour remplir les listings des acteurs. Il va falloir te trouver un agent aussi. J’ai quelques pistes. Tu as des exigences ? » Elle peut en avoir, je les écouterai.

Nous parlons de Mae, essayant d’avoir une conversation qui ne nous ramène pas vers notre attirance mutuelle. Autant parler de la pluie et du beau temps, parce que tout semble fait pour offrir la possibilité de sous-entendus, de remarques implicites sur ce lien aussi inattendu qu’inopportun que nous avons développé. Eden me parle des émois adolescents de sa fille, laquelle semble éprouver de l’affection pour moi au point de griffonner mon prénom dans les pages de son journal intime. Cette simple petite information suffit à nous ramener vers une pente glissante, mais c’est de ma faute, avec mes questions qui portent à double interprétations je tends le bâton pour me faire battre. Ce n’est pas une nouveauté la productrice à le don de me perturber, de provoquer ce truc en moi… ce même truc que je cherche à fuir, devant la situation compliquée dans laquelle tout ça pourrait nous mettre et le bordel qui règne dans ma tête depuis quelques temps. Mais à la fois je tiens à notre complicité, j’aime nos discussions, voir derrière le masque de femme froide et inaccessible que porte Eden. J’évoque mes crush interdits, celui pour mon entraineur mais également cette attirance ressentie pour l’une de mes coéquipières. Sentiment perturbant que j’ai très vite refoulé au plus profond de mon être. C’est la première fois que je parle à quelqu’un de ce secret, la réaction d’Eden me fait sourire à mon tour et je hoche doucement la tête sans pour autant la regarder. Elle sait bien tout ce que cela remue en moi, ce dont elle est la cause. La jolie blonde évoque à son tour son expérience, avouant avoir été elle aussi attirer par des professeurs, notant au passage que son goût a changé en faveur de la jeunesse plutôt que la maturité. Je lui accorde un regard en coin, amusé, avant de me reconcentrer sur la sortie de mes affaires tout en concluant sur l’état de sa fille. C’est passager, comme bien des choses à cet âge là.
J’ai presque un sursaut en entendant Eden enchainer, je ne m’étais jamais posée cette question en étant prof. Celle de potentiellement briser le cœur d’élèves qui se seraient épris de moi. Ce n’est pas le genre de chose auxquelles on pense spontanément, et bien heureusement. Je souris et hausse les épaules alors qu’elle réajuste son propos « Non sans doute pas. Mais c’est juste que je n’avais jamais pensé à ça. ». Dans mon rituel d’après entraînement je retire mes baskets ainsi que mes chaussette puis machinalement mon t-shirt, me retrouvant en brassière de sport sans même prêter attention à la présence de la productrice, l’habitude des vestiaires, pendant qu’Eden revient sur un sujet plus professionnel, un shooting. Je hoche la tête « Ok. C'est noté. » elle enchaine, il va me falloir un agent. J’arque un sourcil, et le mouvement s’accentue quand elle me demande si j’ai des exigences. « Un agent… des exigences ? J’en suis pas là. » je marque un temps d’arrêt, apparemment si, en tout cas la productrice estime qu’il est opportun de s’en soucier « J’en sais rien. » je secoue la tête en riant « Je sais même pas ce que peuvent impliquer ces exigences en question. J’y connais rien Eden. » avoué-je, dépassée par tout ce qui m’arrive en ce moment. Ce rôle que j’ai eu, le début du tournage imminent, elle… ça fait beaucoup tout ça. Je lui souris « J’ai le droit de demander un truc du genre “eau minérale à 14°c“ ? » plaisanté-je. Je reprends ensuite mon sérieux « Si je me suis lancée, osé y croire et travailler pour réussir, c’est en grande partie parce que tu as su me donner la confiance nécessaire. Tu as dit que tu voulais bien m’aider ensuite, me guider… ça tient toujours ? » il en va de mon avenir dans le métier j’en ai conscience et ça compte pour moi.

Nouveau changement de sujet, ça semble devenir une habitude. Mais cette fois c’est pour une bonne raison, une vraie raison. Elle doit être au courant de ce shooting que j’ai booké pour elle, et j’avais besoin de lui poser une question, par rapport à un potentiel agent. « Un agent… des exigences ? J’en suis pas là. » J’arque un sourcil en guise de réponse. Si. Elle en est là. Elle va avoir un second rôle au cinéma, devoir répondre à des interview, elle a besoin d’un agent. « J’en sais rien. Je sais même pas ce que peuvent impliquer ces exigences en question. J’y connais rien Eden. » Je la sens un peu paumée, elle est touchante. Si d’habitude elle aime montrer qu’elle ne flanche pas, qu’elle garde un certain contrôle, là elle avoue être un peu perdue, et je crois que ça me fait craquer encore plus. « Tu vas t’en sortir, beaucoup sont passés par là aussi avant toi… » J’ai confiance, elle est équilibrée, je sais qu’elle ne sombrera pas, et je me suis promis d’y veiller. « J’ai le droit de demander un truc du genre “eau minérale à 14°c“ ? » Je ris avec elle et hausse les épaules. « Tout dépend de l’image que tu veux renvoyer, ça, c’est avec toi-même que tu dois voir ça. » Mais ce n’est pas son genre, je le sais presque aussi bien qu’elle. « Si je me suis lancée, osé y croire et travailler pour réussir, c’est en grande partie parce que tu as su me donner la confiance nécessaire. Tu as dit que tu voulais bien m’aider ensuite, me guider… ça tient toujours ? » J’ai le droit de craquer là où je dois attendre encore un peu ? Non. Cora. Pense à Cora. je me pince un peu les lèvres, avant de sourire légèrement. « Bien sûr que ça tient toujours, et que je t’aiderai. » Mais il y a un mais. Il y a toujours un mais. « Ça ira quelque temps, je veux bien être là au début, mais je ne suis pas agent, et je n’ai pas le temps de l’être malheureusement, même si ça me ferait plaisir de t’accompagner partout. » Ça, j’aurai peut-être pas dû le dire à voix haute. « Un agent bosse à plein temps pour booster ta carrière, et ça, je pourrai pas le faire, ça risque d’aller vite et avec la charge de travail que j’ai déjà, ça va être compliqué. Mais je te promets de t’accompagner quand tu auras besoin. Et te trouver quelqu’un à la hauteur pour s’occuper de toi. » Je sonde son regard, pour vérifier qu’elle n’est pas trop déçue. Je n’ai pas envie de la décevoir. « Je serai là pour le shooting déjà. » Je sais pas vraiment si c’est rassurant pour elle. « Tu vas finir par en avoir marre de m’avoir dans les pattes ! » finis-je par dire en riant légèrement. Avec tout ça, j’avais même pas vraiment pris conscience qu’elle se trouvait en brassière, le ventre luisant, mais le coup de chaud qui m’envahit en est témoin, lui.

Je me rends compte combien les choses sont allées vites ces derniers mois. Je n’ai rien vu passer, tout s’est enchainé et maintenant Eden me parle shooting photo, agent, exigence… carrière. Ça devient on ne peut plus concret et je me m’avoue dépassée par tout ça. Après tout c’est en grande partie à la productrice que j’en suis là, nous le savons toutes deux, je me dois d’être honnête avec elle quant à mon ressentit sur ce tournant que prend ma vie professionnelle. Et pas que, mais ce n’est pas le sujet, surtout pas. La quadra a confiance en moi, en ma capacité à gérer ce changement et m’y adapter. Je plaisante un peu sur d’éventuels caprices de diva que je pourrai formuler, mais nous le savons aussi bien l’une que l’autre ce n’est pas vraiment mon genre. Non, mon truc à moi c’est plutôt de trouver ça prématuré d’avoir recours à un agent alors que je n’ai même pas encore tourné officiellement une seule scène de ce film. Ce milieu est encore l’inconnu et j’ai besoin d’une guide. Eden me l’a dit, glissé dans son jeu de séduction, elle ne me laissera pas tomber. Je pense que le moment est venu de sollicité son aide, au moins au début, puisqu’elle est la seule personne que je connaisse suffisamment pour lui accorder ma confiance. La jolie blonde tiendra sa parole, elle me l’assure, mais pose directement les limites à l’aide apportée. Je suis consciente qu’elle a un boulot monstre, et je ne lui demande pas de me tenir la main à chaque pas, juste de m’accompagner dans mes débuts et me conseiller. Je souris légèrement quand elle admet ne pas être contre de me suivre un peu partout, mais ça ne devrait pas me réjouir d’entendre ce genre de chose. T’as pas déjà oublié le côté compliquée de la situation Rayan, n’est-ce pas ? Non bien sûr que non… mais ça peut aussi très bien se passer, cette collaboration.
Je hoche la tête et lui adresse un sourire, elle sera présente au shooting ça au moins c’est sûr. « Merci Eden. » dis-je avec sincérité « Je le sais que ça n’est pas ton boulot et que tu as des tonnes de trucs à faire. En fait, c’est surtout pour trouver quelqu’un de confiance et qui soit à la hauteur que je vais avoir besoin de tes conseils et de ton réseau. » je mesure pleinement ma chance qu’elle accepte de faire ça pour moi. J’attrape mon gel douche, ma serviette et mes affaires de rechange « Tu vas temporairement faire un peu de Rayansitting. Et peut-être bien que tu vas en avoir marre avant moi. » déclaré-je en riant. Je me dirige vers les douches « Donc on se voit dans deux jours. Tu m’enverras l’adresse et les horaires par message ? » je hausse les épaules « Faute d’agent, ça sera à l’ancienne. ». Je lui adresse un dernier sourire « Bonne journée. » et file dans une des cabines de douche, termine de me déshabiller puis allume l’eau. Mon cœur s’accélère légèrement quand malgré moi je pense au fait que je sois là totalement nue et qu’il y a quelques secondes Eden était juste à côté… pour que tout se passe bien, déjà il va falloir éliminer ce genre de pensée