Cache-Cache | Belle-Maman

Elle s’est promis de ne jamais revenir dans ce bar mais sa volonté est faible en ce moment, et puis elle ne sait pas où aller, c’est un peu son repère par ici, elle ne peut l’abandonner aussi facilement. Elle porte son verre à ses lèvres et savoure sa gorgée de Cosmo pour penser à autre chose qu’aux remords. Son regard balaie la foule et les souvenirs reviennent à la pelle sans qu’elle ne puisse rien faire. Elle revoit la silhouette de Casey et elle se mord la lèvre, cette fameuse soirée où elles ont manqué de franchir le cap. Elle secoue vivement la tête et boit son verre d’une traite, se prenant la tête dans les mains dans un grognement. Elles sont amies désormais, elle n’a plus le droit de penser à elle de cette manière, elle se l’est jurée, Casey a le droit à son affection et à sa tendresse, et non pas à sa folie passionnée. D’un signe de main, la française indique à la serveuse qu’elle souhaite un nouveau verre. « Eh il est plutôt sympa cet endroit, c’est qui la patronne ? » Sans grand intérêt, Lou se met à espionner ses deux voisines de droite semblant toutes les deux prises dans une grande discussion. Elles ne sont pas moches mais pas au goût de Lou. « Loan Kelley, une bombe. » Son sang se glace dans ses veines et ses yeux s’écarquillent. La mère de Casey dirige l’endroit, bordel, la mère qui doit sûrement avoir des envies de meurtre. Sans réfléchir une seconde de plus, elle attrape son verre et quitte le bar pour prendre la fuite, hélas pour elle, elle a une réputation parmi la clientèle du bar et une main s’abat sur son épaule. « Lou Mercier ! T’es pas morte au final. »

J’ai l’étrange sensation de m’être faite aspirer par un tourbillon récemment. Tout est allé si vite, mes retrouvailles avec Stella, celles avec Casey, ma dispute avec Rylee rapport à Marley, Stella qui a forcément appris la nouvelle, tout s’est enchaîné tellement vite. L’accident de Stella et Rylee n’est pas anodin, et il serait mentir de dire que je ne culpabilise pas. J’y pense jour et nuit, je peine même à dormir et depuis quelques jours, je prends des somnifères pour arriver à fermer l’oeil. C’est l’enfer. Le Planet est le seul endroit où j’arrive à peu près à déconnecter, mais je sens bien que mes employées en ont marre de m’avoir sur le dos. Je ne suis pas méchante avec elles, peut-être un peu plus sur leur dos, un peu plus chiante. Je n’y peux rien, mon bar semble être la dernière chose qui a l’air de tenir sans vouloir se casser la gueule. Enfin, si on exclut cette putain d’avocate qui commence à me taper sur le système à venir mettre son nez dans mes affaires.

Bref, ce soir, je fais le tour des filles pour les saluer, j’en fais de même avec quelques clientes habituées, et passe par le bureau pour régler quelques papiers rapidement, avant de sortir pour aller me servir un verre, je crois que là, j’en ai besoin. Ce soir, c’est Ava qui est derrière le bar, et je lui demande discrètement un gin bien frappé, que j’avale d’une traite avant de soupirer. Et alors que j’allais faire le tour de la réserve pour compter la commande de demain, mon regard accroche une petite brunette, habitée des lieux. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai un mauvais pressentiment. Je m’avance vers elle et entends une demoiselle prononcer son nom. Bingo. Je dégage calmement la demoiselle qui était venue parler à loi et empoigne le bras de cette dernière. « Viens avec moi toi. » Elle n’a pas envie, tant pis. Je la tire jusque dans un coin reculé et plus calme, la lâche et plonge mon regard remonté dans le sien. « Alors c’est toi ! Et tu oses mettre encore les pieds ici, t’as pas honte ? » Je suis sûre qu’elle sait très bien de quoi je veux parler, elle est loin d’avoir l’air idiote.

Décidément, la chance n’est pas avec elle ces derniers jours et surtout pas ce soir. Il suffit que l’inconnue qu’elle a raccompagnée un soir ouvre sa bouche pour que le grand méchant loup fasse son entrée, tout croc sorti. Elle lui ordonne de la suivre mais la française n’est pas du genre à se laisser faire, elle proteste avec véhémence mais la blonde n’abandonne pas pour autant. Sans qu’elle ne puisse agir, on la traîne jusque dans un coin tranquille. Lou sait qu’elle va passer un mauvais quart d’heure mais elle garde son sang froid et ne laisse rien paraître. Les regards s’affrontent et Lou croise les bras, prête à faire demi-tour mais sa phrase la fige et manque de la mettre hors d’elle. « Honte ? Pardon mais je te retourne la question, madame je couche avec le crush de ma fille hm ? » En tant que confidente, l’artiste est au courant des problèmes qui troublent le petit paradis de la famille et peut s’en servir comme arme contre cette femme qui ne sait pas que Casey lui a pardonné sa bavure. Elle aussi sort les crocs et les griffes, bien décidée à sortir gagnante de la bataille.

Je sens la colère qui monte en moi sans que je ne puisse rien faire. Depuis l’accident de Rylee et Stella, je ne suis plus du tout en mesure de réguler mes humeurs comme j’arrivais à le faire avant. Je crois que j’ai niqué mon régulateur, et dans ce genre de situation, je pète rapidement un plomb. Manque de bol, aujourd’hui, c’est tombé sur elle. Je l’attire dans un coin calme, la gamine ne semble pas coopérative, tant pis pour elle. « Honte ? Pardon mais je te retourne la question, madame je couche avec le crush de ma fille hm ? » Oh mon dieu elle ne sait pas à qui elle a à faire je crois. Je lève instinctivement la main, prête à lui écraser sur la joue, mais je me ravise au dernier moment, refermant mon poing avant de le laisser retomber. N’en viens pas aux mains Loan, c’est une très mauvaise idée. « Je ne me justifierai pas, ça ne te regarde pas de toute manière. Par contre la manière dont tu traites ma fille, ça ça me regarde. C’est moi qui la retrouve à la petite cuillère après que tu aies fait la conne avec elle. C’est quoi ton problème au juste ? » Dans mon regard, on peut sentir tout la haine que je peux ressentir à son égard. J’ai vraiment envie de lui en coller une, mais je me retiens, parce que j’ai bien trop peur que ça se retourne contre moi, ce qui serait forcément le cas puisque je suis la propriétaire de cet établissement.

Lou voit sa main se lever et bande ses muscles, prête à recevoir un coup mais la raison semble frapper la mère qui se fige dans son mouvement, ce qui ne lui empêche pas de voir la colère au fond de ses pupilles. Elle a envie de la tuer, Lou le sait bien et en joue un maximum parce qu’elle aime jouer avec les gens, les attirer jusqu’à leurs limites pour les dépasser. Surtout cette femme qui semble également blesser Casey, sa Déesse, son amie, sa Muse, son obsession. « Ne te justifie pas, vas-y joue les mères fières de ce qu’elles sont devenues. » ricane-t-elle, se reculant comme prête à lui tourner autour. Mais au lieu de cela, elle vient poser un doigt sur son buste, un doigt accusateur alors qu’elle crache son venin. « J’ai merdé, c’est vrai, je me suis excusée, je me suis rattrapée. » continue-t-elle. Elle n’est pas fière de sa connerie Lou et même si cela ravie ses rêves de revoir Casey se cambrer de plaisir au creux de ses bras, elle préfère être douce avec elle, la protéger. « Mon problème ? » Ca y est, elle s’énerve Lou parce qu’elle en a marre de recevoir parfois des messages désespérés de la jeune femme, des messages qui lui demandent de venir pour l’aider à dormir. « Mon problème c’est que je la fais passer avant toute autre chose et que j’en souffre. Parce que si j’étais une vraie pétasse, je m’amuserais à la détruire tous les soirs. Mais je prends le temps, je l’écoute, je la console, je la protège ! Et toi tu fais quoi pour elle exactement ? »

La jeune femme est dans la provocation, je comprends vite qu’elle n’attend qu’une seule chose : que je sorte de mes gonds, mais je ne lui donnerai pas cette chance. « J’ai merdé, c’est vrai, je me suis excusée, je me suis rattrapée. » Cette fois, c’est moi qui ricane. « Oui enfin, s’excuser ça fait pas tout, quand on fait du mal à quelqu’un, la blessure reste pendant un moment crois-moi. » Je le sais parce que je suis passée par là, moi aussi j’ai blessé des gens, et j’ai sans aucun doute beaucoup plus d’expérience qu’elle en la matière. Il est vrai que je ne devrais pas être du genre à donner des leçons, mais il s’agit de ma fille, et il est important pour moi de la protéger du mieux que je peux. « Mon problème c’est que je la fais passer avant toute autre chose et que j’en souffre. Parce que si j’étais une vraie pétasse, je m’amuserais à la détruire tous les soirs. Mais je prends le temps, je l’écoute, je la console, je la protège ! Et toi tu fais quoi pour elle exactement ? » Je ricane encore une fois. « Tu culpabilises d’être qu’une petite allumeuse qui détruit le coeur de toutes les filles qui passent sur son chemin ? Pauvre chérie. Elle souffre… » Je fais une petite moue pour me foutre d’elle. « Fallait y penser avant. Avant de coucher avec Casey et la jeter comme une malpropre. Tu sais quoi ? Je te souhaite qu’une chose. Qu’elle te fasse aussi mal que tu lui as fait mal. Tu ne la mérites pas. » Les choses sont claires. Je n’aime pas cette fille, et je n’ai pas envie qu’elle traîne encore autour de Casey. Je sais que je n’ai aucun pouvoir sur les relations amoureuses de mes filles, mais au moins, cette petite conne comprendra bien vite que je ne la porte pas dans mon coeur, et que je ne suis pas du tout pour leur relation, si relation il y a.

Lou a sûrement surestimé la résistance de son masque parce que les bords ne cessent de craqueler depuis des minutes maintenant et elle est sûre de voir une fissure se former. Il devient difficile de se délecter de la souffrance des autres, de jouer la sorcière qui arrache les cœurs pour s’en nourrir, ce n’est pas elle à l’origine, elle n’est qu’une simple française à l’espoir détruit par une belle blonde. Elle s’est enfermée dans un rôle qu’elle a créé à la perfection et qui n’a connu jusqu’alors aucune faille mais la venue de Casey dans sa vie a été l’élément déclencheur d’un ébranlement incontrôlable. Les paroles de la mère sont puissantes, douloureuses, s’enfonçant comme des lames dans son corps fatigué. Elle veut oublier Lou, elle veut faire abstraction de cet évènement qu’elle regrette amèrement mais ce n’est pas le cas de la mère, ça ne sera jamais le cas de personne ni même de la jeune femme dont elle a volé l’innocence. Elle sent ses poings se serrer, la colère bouillonner au creux de son être, elle sait qu’elle ne va pas tenir longtemps face à ces rires et ce sourire moqueur. C’est une personne fière, susceptible, fragile au fond, elle est capable de réagir au quart de tour sans prévenir. Le regard cesse d’être malicieux, il devient dangereux, brûlant d’une colère indomptable. L’alcool joue dans ses pensées, les manipule, les retourne contre sa raison qui tente désespérément de la calmer mais qui échoue lamentablement. « J’espère que ta femme va crever, tu mérites pas mieux. » Les mots lui ont échappé, elle sait qu’elle va les regretter immédiatement parce qu’elle ne veut pas ça pour Casey mais Loan l’a tellement repoussé dans ses retranchements qu’elle ne peut plus rester sereine. Pourtant elle a voulu -quelques heures plus tôt- faire tomber le masque, redevenir cette jeune femme sage et adorable, retourner faire la cour pour trouver chaussure à son pied. Mais les paroles de la mère l’ont chamboulé, lui ont retourné les tripes et surtout balancé la réalité en pleine figure. Sa réputation est fondée, il lui est impossible de faire demi-tour, elle doit assumer le poids de son masque jusqu’à son dernier souffle.

C’est à celle qui fera le plus de mal, visiblement. Sur ce coup là, je suis loin d’être la plus mature, mais malheureusement pour elle, il ne faut pas toucher à ma famille, et encore moins à mes filles. Casey a beau avoir été adoptée, elle n’en est pas moins ma fille, et je la protègerai jusqu’à la fin de mes jours, tout autant que ses deux autres soeurs. Alors forcément, me retrouver face à la jeune femme qui lui a brisé le coeur, je ne me retiens pas, je ne réfléchis pas non plus. Elle est vile, mais je le suis aussi. Je pique juste là où !a fait mal, et je vois son regard changer. Touché. Coulé. Elle va pouvoir déguerpir de mon champs de vision. Mais cette petite connasse n’en reste pas là, et de nouveaux mots claquent entre ses lèvres. color=#009999]« J’espère que ta femme va crever, tu mérites pas mieux. »[/color] Elle n’avait plus aucun moyen de pression, si ce n’est être méchante gratuitement sur un sujet qu’elle n’aurait clairement pas dû aborder. Je ne réfléchis pas, ma main se soulève et s’abat sur sa joue dans un instant de colère. Si mes yeux pouvaient lancer des flammes, elle serait déjà calcinée sur un bûcher comme la sorcière qu’elle représente désormais à mes yeux. « Sors d’ici. Que je ne te vois plus jamais rôder dans le coin ou crois-moi tu le regretteras. » Je sais que je joue gros, c’est une cliente, elle pourrait porter plainte, trouver des témoins. Mais elle n’a aucun intérêt à faire une chose pareille si comme elle le dit elle tien réellement à Casey. Ça nous fera au moins une occasion de voir ce qu’il en est réellement. En attendant, je ne veux plus revoir sa petite tête de conne dans les environs. Jamais.

La mère ne la frappe pas, elle ne cède pas à la facilité mais se contente de la foudroyer du regard, de la faire culpabiliser de façon bien trop sournoise. Elle a envie de se battre Lou, de se défouler, mais ça n’arrivera pas, elle le sait. Elle redresse le menton, la défie du regard alors qu’il faut simplement qu’elle disparaisse d’ici, qu’elle trouve un nouvel endroit de chasse, mais c’est plus fort qu’elle, la française aime avoir toujours le dernier mot même si c’est elle qui est en tort. Elle en veut à Casey d’avoir craché le morceau à Loan parce qu’elle a rendu les choses trop difficiles, délicates, complexes. Lou la pousse légèrement et récupère ses affaires dans un sourire en coin parce qu’elle continue de jouer son rôle, de faire celle qui aime briser les cœurs et faire basculer la balance, elle aime jouer la tempête, être la foudre qui terrorise les foules. Lentement, elle tourne les talons en sifflotant tranquillement, riant presque alors qu’elle se sent mal au plus profond de son être. Elle n’a pas envie d’être loin de Casey, elle la veut au plus près de sa personne mais Loan va être un obstacle particulièrement délicat à contourner. « Noooon… Rien de rien…. Non je ne regrette riiiiien » lâche-t-elle en français avant de se fondre dans la foule dans un rire.