Le dîner annuel qui précédaient les défilés de mode des grands créateurs était un évènement bien particulier. Juste avant d'assiste aux démonstrations des plus beaux habits et les nouvelles collections, toutes sortes de célébrités et gens de pouvoir se retrouvaient pour fêter. Pour la première année, j'assistais à celui de Los Angeles. Cette année, j'avais l'impression de faire partie des plus grands créateurs, puisque la moitié de la salle portait mes créations. Même moi je portais une création autre que mienne, Valentino cette fois. Quelle ironie. Une longue robe cintrée jaune avec des fleurs blanches et noires dessus, tout en laissant ma poitrine bien dévoilée. Cet évènement mondain avait toujours fait bien des curieux. Nous y retrouvions toujours de nombreuses stars, des sportifs, des musiciens et même des citoyens qui avaient payés leur billet d'entrée ridiculement cher pour venir se frayer un chemin temporaire parmi les grands de Los Angeles. La salle était bondée et de nombreux serveurs se promenaient avec des plateaux sur lesquels reposaient des verres de champagne. Pas beaucoup de temps s'écoulèrent avant que je n'en subtilise un pour le garder en main. Cette soirée me permettait de respirer un peu. Avec tous les évènements des derniers jours, j'avais la forte impression que mon cerveau allait exploser. J'avais déjà pensé faire mes valises de nouveau et de quitter la ville tellement que ma vie était remplie de péripéties depuis les dernières semaines. Alors que je discutais d'une possible collaboration avec une série télévisée pour faire les costumes, le présentateur de la soirée mentionna mon nom. Apparemment, étant donné que j'avais ouvert une boutique cette année, je me devais d'aller faire un petit speech à l'avant. Je donna mon verre à une amie non loin de moi et monta sur la scène. « Bonsoir à tous! Je vous remercie d'être présents ce soir. J'espère que chacun d'entres-vous aurons du plais... » Alors que je faisais mon petit discours, mon regardait balayait la salle pour tenter d'entrer en contact avec tout le monde. Cependant, alors que je regardais vers le milieu de la foule, mon regard se posa sur Jake. Mon sang ne fit qu'un tour et mon coeur semblait avoir arrêter. Je ne l'avais pas vu depuis maintenant quatre ans. Nous avions eu une relation alors que nous vivions à Miami, il y a quelques années, alors que je traversais une passe complètement difficile avec Neil. Celui-ci m'avait posé un ultimatum concernant ma relation avec Jake et je l'avais choisi. En revanche, j'avais quitté Miami sans explication et je n'avais jamais donné signe de vie par la suite. Je m'arrêta net alors que je croisais son regard, lui aussi ne semblait pas savoir que j'allais être présente. Je marqua quelques secondes de silence, encore sous le choc. « euhmm.. Oui plaisir. Alors j'espère que tout le monde ici présent apprécierez les nouvelles collections deux milles dix huit. Bonne soirée. » Je quittais la scène aussi vite que j'étais montée dessus, tentant de m'échapper par l'arrière. Je voulais gagner la porte de la salle de bain afin d'aller reprendre mes esprits. La foule était dense et tout le monde m'interrompait pour me féliciter. Je n'avais qu'une seule envie, déguerpir de cette salle.
Les débuts avaient été difficiles. Ma vie à Miami me plaisait, tous mes amis se trouvaient là-bas, et mon équipe était comme une famille pour moi. Le Business étant ce qu’il était, j’avais accepté (en concertation avec mon agent) l’offre des RAMS de Los Angeles, lorsqu’ils avaient proposé une coquette somme pour me racheter. J’étais donc leur Quarterback vedette depuis près de 6 mois, à présent. C’était une opportunité en or, difficile de la refuser. Ma vie personnelle avait fatalement été impactée, puisque j’avais quitté Miami pour emménager dans la Cité des Anges. A présent, j’étais acclimaté à ma nouvelle vie… qui devait compter sur la présence de Jasmine. Mannequin à la peau caramel et aux yeux noirs comme les abysses, elle était devenue ma compagne sous le feu des projecteurs. Dans le privé, il en était tout autre. Nous avions bien couché ensemble à quelques reprises, mais j’avais vite compris que quelque chose clochait. La jeune femme m’avait rapidement avoué qu’elle était amoureuse… d’une femme. C’était nouveau pour elle, qui s’était toujours considérée comme hétérosexuelle. Sa carrière de mannequin était principalement basée sur des campagnes de couple, toutes plus sensuelles les unes que les autres. Elle ne voulait pas prendre le risque de tout gâcher – et je ne pouvais que la comprendre, au vu de mon passé avec Cléopatre. A une époque, moi aussi j’avais fait ce choix, délaissant l’amour au profit du football. Jasmine et moi avions donc pris la décision de rester en couple aux yeux du monde, ce qui arrangeait nos affaires… et les tabloïds, qui disaient de nous que nous étions le couple le plus glamour de l’année. Rien que ça !
Ce soir, nous avions un dîner, organisé – comme tous les ans – pour le gratin avant que la saison des défilés ne commence. J’y accompagnais Jasmine, qui défilait pour les plus grandes marques et faisait donc partie des invités d’honneur. Elle portait une robe dos-nu noire, très élégante et échancrée tout le long de sa cuisse. Ses cheveux lisses tombaient en cascade sur ses épaules, j’avais l’impression de balader une déesse à mon bras. Pour ma part, j’étais vêtu d’un costume noir créé par Alexander Wang, et d’une chemise blanche. Simple, efficace. Après la traditionnelle séance photo sur le tapis rouge, nous pénétrâmes dans la salle où avait lieu la soirée. Je récupérai deux verres au bar, et notre grand show de couple idéal commença auprès des autres invités. Tout se déroulait à merveille… jusqu’à ce qu’on appelle Leïna Whittom sur scène. Ma mâchoire faillit se décrocher, lorsque j’entendis son nom. Mes yeux la cherchèrent instinctivement à travers la foule, tandis que les battements de mon cœur accéléraient. Nous nous étions fréquenté il y avait plusieurs années, à présent… puis elle avait disparu du jour au lendemain sans plus jamais me donner de nouvelles. Je savais qu’elle était styliste, et plutôt dans le coup… mais je ne m’attendais pas à la voir ici, ce soir. Elle monta sur scène, je me penchai à l’oreille de Jasmine pour lui signifier que je revenais et m’avançai à travers les gens pour me rapprocher. Elle était en train de parler, lorsque nos regards se croisèrent. Un bref instant, je la sentis perturbée. Elle ne dit plus rien, et le temps s’arrêta presque. La superbe blonde bafouilla, reprit son discours et il me sembla qu’elle le raccourcissait pour se dérober au plus vite à mon regard inquisiteur. Je brûlais d’envie de lui demander des explications, par rapport à la façon dont s’était terminée notre relation. Elle et moi, je savais que ça aurait pu donner quelque chose de beau. Elle était typiquement le genre de femme dont j’aurais pu tomber amoureux. Elle était partie avant que les sentiments ne s’installent véritablement, mais le feu de la passion nous avait consumés dès le départ. Lorsque je la vis prendre la fuite, je compris directement qu’elle cherchait à m’éviter, moi. Il ne me fallut qu’une seconde pour décider de la suivre, ainsi m’élançai-je à travers la foule pour la rattraper. Heureusement pour moi, son succès lui valaient un nombre impressionnant d’obstacles, sous forme de gens qui l’arrêtaient pour lui adresser diverses félicitations. Je n’eus aucun mal à la rejoindre, alors même qu’elle atteignait la porte des toilettes. Ma main attrapa avec délicatesse son poignet, autour duquel je refermai les doigts pour l’obliger à me faire face. « Leïna » soufflai-je, ressentant un léger picotement lorsque nos peaux rentrèrent en contact. Je cherchais son regard, sans trop savoir quoi lui dire en réalité. J’avais agi sur un coup de tête, sans réfléchir. Ainsi lâchai-je donc un simple : « ça fait longtemps, je pensais ne jamais te revoir ». Je lui souris, pensant lui prouver que je ne lui en voulais pas.
J'avais en tête de faire un discours long et rempli de jolis messages mais la réalité me rattrapa assez rapidement et digne d'un coup de poing dans l'estomac. Lorsque mon regard croisa celui de Jake, j'eus l'impression que la scène venait de s'écroulée sous mes pieds. Je ne manquais pas non plus de voir qu'évidemment, il était bien accompagné. Des gens comme Jake étaient constamment entourés de belles jeunes femmes comme la femme qui l'accompagnait. Qu'aurais-je été dans sa vie ? Une simple passagère clandestine qui aurait été jeté du train au prochain arrêt. Bref, la passion qui m'avait animé pour cet homme avait pris une tournure un peu plus dramatique lorsque j'avais pris la fuite de Miami, avant que les fameux trois mots auraient pu sortir de ma bouche. Il y a quelques années, j'étais prête à tout quitter pour cet homme. Ma vie à Manhattan et Neil. Cependant lorsqu'on m'avait imposé un dilemme, je savais que cette relation ne serait sans doute pas la meilleure pour moi et que mes sentiments amoureux appartenaient à un autre. Je devais des explications à Jake et je ne savais comment m'exprimer par rapport à ce qui s'était passé entre nous. Bref, je terminais mon petit discours aussi rapidement que j'étais monté sur scène. Probablement toute la salle avait remarqué mon malaise grandissant.
Une fois descendue, je repris mon verre de champagne que je termina en l'espace de quelques secondes. Je tentais activement de fuir, je l'admet. Qu'avais-je à lui dire. Je ne savais même pas si j'allais être capable de soutenir son regard. Je me sentais enfin soulagée d'approcher la porte des toilettes, lorsqu'une main pris mon poignet. Son contact, je le sentais. Mon élan s'arrêta d'un coup alors que je me retournais doucement vers lui. « Jake » murmurais-je doucement en guise de salutation. Je ne voulais pas risque de brusquer sa compagne, ni que quelqu'un me voit autant mal à l'aise que j'étais présentement. Je pris alors doucement l'autre bras de Jake et recula un peu plus loins de la foule pour discuter. « Oui, longtemps. Effectivement. » J'aurais dû dire quelque chose d'autre, engager une conversation passionnante et peut-être même m'excuser. Cependant, je ne savais même pas par où commencer. Son petite sourire me rendait nerveuse. Je connaissais Jake presque par coeur, du moins .. de ce que j'avais pu apprendre de lui. Lorsqu'il voulait savoir quelque chose, Jake ne lâcherait pas le morceau. Je croisa alors les bras sur ma poitrine, regardant un peu partout autour de moi. Je tentais de trouver un visage familier afin de me sortir de ce malaise et de fuir à nouveau. « Je .. euhm, contente de t'avoir vu! » mentionnais-je maladroitement tout en tentant de l'esquiver de nouveau.
Leïna m’attrapa le bras et m’entraîna un peu plus en arrière, histoire que l’on s’éloigne de la foule. Dans ce genre d’événement, les murs avaient des oreilles et les journalistes people n’étaient jamais vraiment bien loin. La jolie blonde me confirma simplement que ça faisait longtemps, mais n’ajouta rien de plus. Je devais la mettre vraiment mal à l’aise, car elle croisa les bras sur sa poitrine en fuyant mon regard – qui n’était pourtant pas plein de reproches, malgré ce qu’il s’était passé entre nous quelques années plus tôt. Leïna tenta même de s’esquiver à nouveau, et j’éclatai de rire. « Attends, attends ! Leï’, sérieusement, tu vas encore me foutre un vent ? » lançai-je, un grand sourire aux lèvres. Je la contournai pour me placer devant elle à nouveau, et croisai son regard : « je ne t’en veux pas, je t’assure ! Bon, c’est vrai que sur le coup, j’ai pas compris… mais je suis passé à autre chose, ne t’inquiète pas. Il ne faut pas que tu t’en veuilles ». Je tentais de la rassurer, histoire qu’elle se détende un peu. Pour autant, je ressentais toujours une certaine attirance envers elle, sa présence était presque magnétique.
J’attendis qu’elle reprenne contenance, puis passai à un autre sujet. « Félicitations, au fait ! Je me trompe, ou plein de gens portent tes créations par ici ? » Une petite voix dans ma tête me souffla que peut-être, elle connaissait Mai. Mais comme je ne connaissais que son prénom – et encore, c’était peut-être aussi un pseudo – je me voyais mal poser la question à Leïna. Après tout, j’étais réellement passé à autre chose, mais ce n’était pas une raison pour parler d’une éventuelle copine à une ex-compagne, même si notre relation n’avait pas duré longtemps. « C’est toi qui as créé cette robe, aussi ? » demandai-je, en l’enveloppant d’un regard admirateur, sans savoir que c’était une création de Valentino. « Tu es sublime ». La robe aussi, mais Leï’ aurait pu porter un sac poubelle, je l’aurais quand même trouvée somptueuse.
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Mer 13 Juin - 5:03