stop, pas de pas de plus, m'aimer plus que ça serait nul | dash

Deux heures du matin. Son regard était fixé sur cette porte qu'elle connaissait que trop bien. La lèvre légèrement en sang - elle venait tout juste de sortir d'un combat clandestin -, le bedos entre ses dents. Elle recrachait la grosse fumée devant la maison de Dani. Elle savait qu'il était tard et que tout le monde était en train de dormir. Peut-être. Sûrement, même. Mais rien à foutre. De toute façon, elle n'était pas du tout dans un bon état à l'intérieur d'elle. Consumant totalement sa drogue douce, elle jeta la fin par terre, l'écrasant avec sa botte. Son corps se dirigea vers cette porte et toqua avec fermeté. Ash en faisait qu'à sa tête. Quand il s'agissait de voir Dani. Elle n'allait pas s'excuser pour le dérangement. Elle avait juste envie de la voir. C'était la seule qui pouvait l'apaiser en son for intérieur. Leur histoire était compliquée car Ash n'était pas non plus une personne bien facile. Cependant, la confiance qu'elle avait accordé à Dani était sans limite. Elle avait juste besoin d'elle dans sa vie. C'était tout simplement ça. Une femme importante. C'était rare pour elle mais Dani était la seule. Elle posa une main sur l'encadrement de la porte, l'expression en vrac. La porte s'ouvrit. « S'lut. » lui dit-elle lorsqu'elle releva son regard vitreux sur le sien, doux. Le contraste était étonnant. Elle passa l'autre main sur sa chevelure courte. « J'sais, il est tard. » elle soupira. « J'avais envie de te voir. » ouais, elle ne s'excusait plus. Faisant vraiment ce qu'elle avait envie sur le moment. Et puis, elle savait que Dani n'allait pas la rembarrer. C'était un peu égoïste comme comportement. Mais en même temps, depuis qu'elle avait décidé de ne plus se laisser faire, elle entretenait ce sentiment individualiste animé par la haine. Protection accrue. Et elle en avait absolument rien à foutre si les gens ne pouvaient pas la saquer. Elle n'avait pas besoin d'être entourée de toute façon. Dani et Millie lui suffisaient.

C’était une soirée comme toutes les autres depuis que Nieves avait quitté la maison – une soirée où la détresse semblait refermer ses griffes sur ma poitrine. Une soirée où le silence s’abattait sur ma carcasse avec une violence telle que j’avais la seule envie de me rouler en boule dans mon lit et de pleurer jusqu’à me dessécher. La maison était vide. Je détestais quand la maison était vide – je me suis habituée à la présence de Logan, de Jane. De mon père, même.  Je me suis habituée à la vie qui remplissait les murs de cette maison, qui comblait ce trou béant à l’intérieur de moi. Et ce soir, je n’ai qu’un pot de glace vanille aux pépites de chocolat pour me tenir compagnie. Je n’ai qu’un vieux DVD d’un vieux film niais. C’est pathétique, non ? Soupirant légèrement, incapable de comprendre que je dois reprendre le dessus, j’avale une énorme cuillère de crème glacée juste avant d’entendre quelques coups frappés à la porte. L’heure indique tard dans la nuit, trop tard pour déranger quelqu’un chez lui. Fronçant les sourcils, je me rassure en pensant que ma fille a dû oublier ses clés ou bien peut-être Logan. J’ai même le vain espoir de voir se dessiner les traits fins et le port altier de mon épouse quand j’ouvre la porte. Avec surprise, c’est une chevelure blonde qui se dessine devant mes yeux. « Ash ? » Je ne sais pas pourquoi je suis même étonnée de la voir à ma porte. Étonnée de la voir en piteux état et le regard vitreux, brumeux. Automatiquement, avec un sourire malgré tout attendri, je m’écarte pour la laisser entrer. « Ça fait plaisir de te voir, j’ajoute cependant que l’odeur de la marijuana emplit mes narines. » Je laisse la blonde s’installer canapé, pars chercher de quoi soigner ses blessures dans la pharmacie de la salle de bains et fais un crochet par le congélateur pour récupérer un sac de petits pois. « Laisse-moi t’arranger un peu ça, je rigole un peu. Et ça, c’est pour éviter que tu ressembles au Bossu de Notre-Dame demain. » Je lui tends les petits pois. Je ne fais pas de commentaires sur sa tenue, sur son odeur. Je sais ce qu’elle a fait, à quoi elle a passé sa soirée. À quoi bon essayer de la raisonner ? Je sais qu’elle ne changera pas – pas sur ça. Elle est comme ça, Ash. « J’espère au moins que tu lui as foutu une raclée, à la personne qui t’a fait ça. » Et la voir ce soir, c’est peut-être tout ce que j’attendais.

Elle la regarda avec ses yeux attendris. Malgré qu'elle soit dans un piteux état. En même temps cette soirée vraiment était un vrai bordel. Elle qui venait tout juste de s'enfuir de l'entrepôt qui avait fait l'objet d'un contrôle de flic. Elle avait eu de la chance, grâce à la jeune femme qui l'avait aidé à tirer d'affaire. Qui faisait partie de la police aussi mais bon. Elle lui en était reconnaissante. Alors bien sûr, pour pouvoir être apaisée complètement, la fumette ne l'aidait pas grandement, il fallait qu'elle la voit. Sa tendresse était une caresse sur son cœur tempétueux. Ash savait que Dani n'allait pas être étonnée de la voir. Elle avait l'habitude maintenant que la blonde lui rende visite à des heures pas possibles. Malgré qu'elles ne soient plus ensemble, Dani était une personne qui comptait énormément pour Ash. Cette dernière rentra dans la maison, une fois qu'elle l'ait invité. Elle sourit. « Moi aussi Danette. » un petit surnom qu'elle lui avait attribué, juste pour la charrier. Avoir un surnom de yaourt, c'était pas le truc le plus mignon du monde. Le silence était danse. Il n'y avait personne dans la baraque on dirait. Son regard se hasarda sur la table du salon avec le pot de glace puis s'installa sur le canapé. Son visage se tourna lorsque Dani revint la voir, lui passant le sachet des petits pois. Elle rit. « Ouais mais bon même en bossu je suis sûre de faire un carton ! » Elle la regarda, attendant qu'elle la soigne. « J’espère au moins que tu lui as foutu une raclée, à la personne qui t’a fait ça. » Ash sourcilla tout en souriant. « Qu'est-ce tu crois ? Bien sûr que je l'ai démoli. » ouais pour ça, elle l'avait bien amoché. Son iris s'ancra dans le sien. « Tu sais que les pots de glace, ça fait grossir ? » lui lança-t-elle toujours en la taquinant. Sachant très bien que si elle était en train d'engloutir ça, c'était qu'elle se sentait pas bien. Ash la connaissait presque par cœur. « Ou bien tu m'attendais pour partager ? »

Parfois, les souvenirs de ma relation avec Ash revenaient me hanter, surtout depuis que Nieves avait quitté la maison. C’était peut-être parce que je me sentais seule ; c’était peut-être parce que je me posais beaucoup de questions. C’était peut-être parce que j’ai clairement besoin d’une oreille attentive qui ne jugera pas mes décisions – ou plutôt mon manque de décision. J’aurais bien pu me tourner vers Logan, mais elle a ses propres soucis en ce moment. Mes autres sœurs ne me comprendraient pas aussi bien. Ma fille a une bien piètre opinion de moi. Ma femme a fait ses valises et préfère désormais vivre sur notre lieu de travail. Je n’ai finalement plus personne, plus vraiment. Ce constat m’attriste un peu plus cependant que je m’occupe de soigner sommairement les blessures de mon ex-petite-amie. J’ai envie de lui demander si elle a été heureuse avec moi, si elle me trouvait trop molle elle aussi. J’ai envie de lui demander tout un tas de choses sans queue ni tête, sans lien. C’est juste des questions qui me traversaient soudainement l’esprit et qui semblaient avoir une importance capitale ce soir. Un jour, peut-être, tout rentrera dans l’ordre. Un jour, peut-être, tout redeviendra comme avant. Un jour. Peut-être. « Tu te bats toujours aussi souvent ? je finis par demander doucement, un peu nerveuse d’entendre sa réponse. » Je me souviens très bien de l’angoisse chaque fois qu’elle montait sur le ring, qu’elle allait se donner corps et âme pour son combat. Je me souviens des envies de l’arrêter, des supplications qui ne passaient pourtant pas la barrière de ma bouche. Jamais je n’avais eu le cran de lui demander d’arrêter. Je n’avais pas voulu briser son rêve, lui enlever ce qu’elle aimait tant. Il aurait été cruel de lui arracher tout ça. Alors, je me suis arrachée à elle, incapable de supporter cette angoisse plus longtemps. J’avais été lâche, finalement. Peut-être que si j’avais pris la peine d’en discuter avec elle, peut-être, peut-être n’aurais-je pas eu à la quitter aussi soudainement. « Ce n’est pas comme si je devais me faire belle pour quelqu’un ces derniers temps, alors un ou deux kilos en plus, je souris avec une fausse désinvolture tout en haussant les épaules. » J’osais à peine me regarder dans le miroir ces derniers temps. J’osais à peine me confronter à mon regard. Je savais ce que j’y trouverais : de la souffrance, la perdition, de la peine et des questions. Des appels à l’aide qui resteront sans réponse. « Bien sûr que je t’attendais, rétorqué-je en riant. Secrètement, j’espérais que tu frappes à ma porte ce soir. » Secrètement, j’espère que tu viennes me sauver. « Dis-moi plutôt comment tu vas et ce qu’il se passe dernièrement dans ta vie, je continue. Je vais te chercher une cuillère pour la glace. » Une nouvelle fois, je m’échappe à la cuisine et prends une grande inspiration comme si j’avais manqué d’air. C’était difficile de prétendre que ma vie n’était pas fichue en l’air.

« Tu te bats toujours aussi souvent ? » Ash sourcilla tout en l’observant soigner sa lèvre légèrement en sang. Elle sourit. « Tu sais que je ne m’arrêterais jamais.. » lui répondit-elle doucement. Elle savait que c’était à cause de ça qu’elle était partie loin d’elle. Soudainement. Un abandon qui l’avait blessé profondément. Cependant, Ash n’avait pu couper leur lien définitivement malgré qu’elle a été chagrinée par son départ. Ce n’était pas le fait est qu’elles ne s’aimaient plus qu’elles ne soient plus ensemble en même temps. Mais maintenant, Dani avait refait sa vie avec sa femme qui était aux abonnées absente d’ailleurs ce soir. Lorsqu’elle avait su qu’elle se mariait, Ash avait ressenti de la jalousie envers sa compagne. Elle était contente pour Dani, c’était vraiment bien pour elle d’avancer dans sa vie et d’avoir rencontré quelqu’un qui semblait être mieux pour elle. Parce que Ash savait qu’elle ne la méritait pas en vérité. En tout cas, c’était ce qu’elle pensait. Cette habitude constante de se dénigrer à chaque fois sur ses relations était tenace et emplissait son cœur de doutes à chaque fois. Ne la laissant jamais en paix tout compte fait. L'ombre de la mère planant encore et toujours autours de cette organe vitale. Mais cette possessivité qui la définissait faisait que oui, elle avait été jalouse de sa femme. Et encore aujourd’hui d’ailleurs. C’était une chose incontrôlable pour elle. Ash ne put s’empêcher de lui faire remarquer que le pot de glace n’était pas un pansement qui faisait du bien à son corps.  « Ce n’est pas comme si je devais me faire belle pour quelqu’un ces derniers temps, alors un ou deux kilos en plus » tiens comment ça ? Ash afficha une expression d’incompréhension sur son visage. Et sa femme alors.. ? « Bien sûr que je t’attendais. Secrètement, j’espérais que tu frappes à ma porte ce soir. » Ouais elle n’allait pas bien du tout là même si elle souriait et rigolait, Ash sentait vraiment que Dani avait le chagrin lourd. Ça se voyait dans son regard, elle ne pouvait pas la tromper. « Dis-moi plutôt comment tu vas et ce qu’il se passe dernièrement dans ta vie. Je vais te chercher une cuillère pour la glace. » Ash la regarda se lever pour aller dans la cuisine. Elle attendit quelques secondes. Reposa sa poche de petit pois sur la table et la rejoignit. Dos à elle, elle entoura sa nuque de ses bras. L’étreignant contre elle doucement. « Dani… dis moi ce qu’il y a. Tu sais que tu peux tout me dire hein... » Elle n’était pas douée pour ce genre de chose mais elle avait toujours été à l’écoute de Dani. Ça ne changeait pas ça et ça ne changera jamais. Elle ne pouvait pas s’empêcher de vouloir la protéger comme lors de leur première rencontre il y a quelques années de cela. Lorsque Ash l’avait tiré des griffes d’un mec trop insistant. Tournant légèrement son visage vers le sien, elle l’observa de profil. « Et puis tu dis vraiment n’importe quoi… Tu seras toujours autant aussi belle même avec des kilos en trop. »

Aller chercher une cuillère n’est finalement qu’une pauvre excuse. J’ai besoin d’air, j’ai besoin de respirer. J’ai besoin de hurler jusqu’à ce que mes poumons me fassent mal. J’ai l’impression de devenir folle à m’enfermer dans ma solitude, dans ce silence. Est-ce que Ash devait vraiment assister à ça ? À moi qui m’effondre, à moi qui perds pieds. Je sais bien qu’elle aura vu clair dans mon jeu, qu’elle aura su lire en moi comme dans un livre ouvert. Ash avait toujours eu le don de me comprendre mieux que moi-même. Ash avait toujours su me mettre assez en confiance pour que je puisse me montrer vulnérable à ses côtés. Il n’y avait eu finalement qu’avec Nieves que j’avais retrouvé cette sensation. Mais aujourd’hui, j’avais perdu les deux. Ash et Nieves. J’avais perdu ces piliers qui me permettaient d’affronter une vie bien trop violente pour moi. Et je crois que je suis restée trop longtemps dans la cuisine, parce que je sens bientôt les bras de la blonde, puissants comme dans mes souvenirs, qui viennent m’entourer. C’est pareil à un cocon de protection. Je me surprends à sourire, comme apaisée, avant d’entendre la voix résonnant doucement à ses oreilles. Un frisson glacé et désagréable semble couler le long de mon échine. Qu’étais-je censée répondre ? « Rien, je… soupiré-je en baissant le menton. Je suis fatiguée, je suppose… » Ce n’était qu’un vulgaire mensonge qui ne tromperait personne, surtout pas Ash. Je soupire à nouveau, pressant les paupières cependant que je sens les yeux de mon ex-petite-amie me fixer. « Rien ne va, j’avoue dans un filet de voix tremblotante. Tout est en train de s’effondrer, Ash… Je suis en train de me noyer… » C’était étrange de le dire à voix haute. Je crois que c’était la première fois que je mettais des mots sur tout le bordel qu’était devenue ma vie. Et ça n’en rendait la situation que plus réelle, plus concrète aussi. Et c’était encore plus douloureux. « Nieves a quitté la maison. Je crois qu’elle va finir par me quitter, moi aussi. Ma mère est décédée et j’ai recueilli mon père. Ma plus jeune sœur habite avec nous. Ma fille me déteste depuis qu’on a eu cet accident qui lui a coûté son avenir professionnel dans la musique. Je suis en train de la perdre, elle aussi. Je… » Je ne sais pas quoi faire pour recoller les morceaux brisés de ma vie éparse. Par quel bout la prendre ? Par où commencer ? « Je vais me retrouver toute seule, Ash… » Je ravale un sanglot, tente tant bien que mal de retenir les larmes qui me brûlent les yeux. « Je ne veux pas les perdre, je plaide. Je ne veux pas perdre ma famille… » Mais il faut croire que je n’étais pas à la hauteur, que je n’étais pas celle qu’il leur fallait. J’avais pourtant toujours fait en sorte d’être une bonne fille, d’obéir à mes parents, de ne jamais sortir du droit chemin. Quand je suis tombée enceinte, j’ai gardé mon enfant, je l’ai élevée comme toute mère le ferait, je l’ai aimé et chéri plus que tout au monde. J’ai supporté toutes ces années le père de ma fille qui a toujours pris un malin plaisir à me rappeler combien j’étais moins bien que lui. J’ai pris soin de ma famille quand Logan est partie. J’ai pris soin de Logan elle-même quand elle est partie. J’ai couvert Jane d’un amour inconditionnel et sans limite. Alors pourquoi n’était-ce pas assez ? Pourquoi est-ce que je n’étais pas assez ?

Elle savait qu’elle n’allait pas bien. Elle le sentait. Et pourtant Dani faisait comme si elle respirait la joie de vivre. Avec son sourire sans éclats. Ce n’était pas à Ash qu’elle allait faire croire ça. D’ailleurs elle le lui faisait bien comprendre que ce n’était pas la peine de rester sur la surface avec elle. La polonaise n’hésita pas à la rejoindre dans la cuisine, la prenant dans ses bras comme autre fois mais en fait, elle n’avait jamais arrêté de faire ça. Pas avec Dani en tout cas. Cette femme la touchait profondément malgré qu’elle ne soit plus ensemble, elle était chère à son cœur. Ouais étrange pour Ash mais en vérité il y avait certaines personnes qui lui importaient dans sa vie et dont elle ne pouvait se passer. Dani faisant partie des premières. Elle insista en la regardant. Elle n’allait pas la lâcher alors qu’elle disait encore que ce n’était rien. Qu’elle n’avait rien, qu’elle était juste fatiguée. Mais si bien sûr que si ! Ash voyait qu’elle saignait de l’intérieur. Le chagrin, cette compagne qui la suivait depuis toujours. Elle ne la connaissait que trop bien. Et cette fois-ci, elle la voyait, juste là, ses bras enveloppant complètement le corps de Dani. Alors ouais. Elle n’allait pas la lâcher maintenant. Jusqu’à ce que son ex ne la dévoile enfin. La voix tremblotante de cette dernière brisant le cœur de Ash. Les larmes de ce chagrin la recouvrant complètement. La submergeant de pleurs jusqu’à la noyer. Comme elle le disait. Elle s’effondrait. Le regard de Ash s’émouvait en ressentant sa douleur. Elle l’écouta attentivement. Contant que sa compagne n’habitait plus là, que sa mère était décédée, qu’elle avait récupéré son père ainsi que sa plus jeune sœur et que sa fille la détestait dû à un accident qu’elle lui avait coûté sa carrière dans la musique et qu’elle allait la perdre elle aussi. Se retrouvant toute seule. Complètent abandonnée par sa famille. Elle se positionna face à elle. Ses mains prirent son menton avec douceur et le releva pour qu’elle puisse la regarder. « Dani.. tu ne seras pas toute seule d’accord ? Je suis là… Je serais toujours là... » une de ses mains se positionna sur l’arrière de sa tête. L’abandon. Cette ombre qui savait si bien martyriser votre âme, jouant à tâcher votre cœur de noirceur qui semblait difficile à enlever. Elle ne voulait pas que ça lui arrive à elle aussi. Alors Ash se tenait devant elle et allait rester devant elle, quoi qu’il arrivait. D’une impulsion de sa main posée à l’arrière de sa chevelure, elle guida sa tête contre sa poitrine. « Allez laisse toi aller. Je suis là, ça va aller. » Il fallait qu’elle s’effondre. Mais pas toute seule. Elle était là. Elle n’allait pas la quitter.

C’était de plus en plus difficile de ne pas craquer, de rester forte et de ne pas m’effondrer à chaque pas. Je me sens fatiguée, épuisée. Chaque jour est devenu un combat contre la douleur, contre l’abîme. Un combat contre les ténèbres qui semblent se frayer peu à peu un chemin vers mon cœur. Et Ash, avec sa tendresse, avec son regard si clair. Ash, avec son empathie comme un rayon de soleil. Elle est comme une main tendue – une main que j’ai désespérément attendue depuis tant de mois. Depuis ce qui me paraît être une éternité, déjà. Alors je me laisse faire, comme une de ces enfants perdues. Je m’abandonne à sa sollicitude bienvenue. J’aime l’entendre dire que je ne serai pas seule, qu’elle sera toujours là pour moi. Ça me rassure. J’aimerais même m’en convaincre pour arrêter d’avoir peur et de souffrir. J’aimerais être persuadée que les gens que j’aime resteront à mes côtés. Mais j’ai déjà perdu ma mère ; je me suis éloignée de ma femme ; je suis en guerre avec ma fille. C’est comme voir les feuilles d’un arbre tomber à l’arrivée de l’automne. Et bientôt viendra l’hiver. Bientôt viendra le froid. Mon estomac se serre douloureusement et je jette un coup d’œil à Ash. Pressée contre son épaule, je presse les paupières avec de laisser échapper quelques sanglots. J’aurais voulu rester forte mais la douleur vient comme une vague – elle se fracasse sur moi, broie mon corps tout entier en un millier de morceaux. « Je voudrais juste que ma mère revienne, soupiré-je entre deux hoquets. » Que ma mère revienne pour me prendre la main et me dire que tout ira bien. Que ma mère revienne pour me dire quoi faire. Que ma mère revienne pour m’apprendre à être maman à mon tour. Que ma mère revienne pour me dire que tout n’est pas perdu, que je ne suis pas qu’une ratée finie. Mes doigts se raccrochent aux épaules de mon ex-petite-amie comme je m’accrocherais à une bouée en pleine mer alors que l’orage gronde au-dessus de moi. « Je suis une pauvre fille, Ash… Je fous tout en l’air… » Il y avait comme toutes ces voix dans ma tête qui me rappelaient toutes mes erreurs, qui me rappelaient tout ce que j’avais fait de mal depuis quelques mois. Ma mère aurait sûrement honte de voir ce que je suis devenue. Ou peut-être n’aurais-je pas fait toutes ces fautes si elle avait été là pour me guider dans mes choix. Je ne savais pas. Je ne saurai jamais.

Elle la tenait fermement contre elle. Lui disant qu’elle pouvait se laisser aller. Verser ses larmes sans retenue. Exulter ce chagrin trop lourd qu’elle portait depuis un moment et qui lui pesait indéniablement. Ses sanglots lui brisèrent le coeur mais elle tenait bon pour Dani même si c’était douloureux aussi de la voir dans cet état là. Se sentant légèrement impuissante face à son désarroi. Comment pouvait-on panser une douleur au cœur ? Elle cherchait encore cette réponse. Depuis des années. Pourtant, elle savait que la seule chose qui pouvait apaiser Dani c’était qu’elle reste à ses côtés. Qu’elle écoute sa tristesse. Sa peine d’être impuissante elle aussi face aux obstacles que la vie lui offrait. Les bras de Ash l’entourèrent complètement. Ses mains se posant sur son dos pour la serrer encore contre elle. Dani pouvait s’accrocher. Cette bouée n’allait jamais prendre le large. « Je suis désolée pour ta mère... » oui elle n’avait pas encore présenté ses condoléances. Même si Ash n’était pas douée pour ce genre de chose, elle savait combien la mère de Dani était importante pour elle. Et puis elle l’avait connu aussi et c’était une femme d’une gentillesse incomparable. « Je suis désolée... » Son regard s’émut encore une nouvelle fois. « Dani… tu n’es pas une ratée ok ? T’es humaine, tout le monde fait des erreurs. Ce n’est pas pour autant que tu n’es qu’une pauvre fille d’accord ? » Elle recula légèrement, ses mains se posant à nouveau sur son visage pour le relever vers le sien. « Tu es pleine de qualités ! Je te jure ! T’es bienveillante avec les personnes qui t’entourent. Tu es toujours souriante. Et comme tu es courageuse Dani... » Elle la regarda, les yeux brillants. « Tu ne peux pas savoir combien tu es forte ! Je sais que tu t’en rends pas bien compte mais je te jure je suis admirative. T’essayes toujours de faire au mieux pour que les autres soient biens. Tu as beaucoup d’amour à donner. Et il n’y a que ça a faire Dani… et si les autres ne se rendent pas compte de ça, c’est qu’ils n’ont rien compris. » c’était fou comme quoi les conseils qu’elle lui donnait elle ne les appliquait pas elle-même. Trop de noirceurs dans son cœur. Mais c’était justement ça. Parce qu’elle connaissait trop bien la peine et la haine qu’elle voulait préserver tout l’amour que Dani avait pour les personnes qui lui étaient chers.

Il y avait quelque chose de rassurant à sentir les bras de Ash autour de moi. Sa proximité était chaude et douce, comme dans mes souvenirs. C’était peut-être tout ce dont j’avais besoin : que quelqu’un me serre dans ses bras, me dise que tout ira bien. Que quelqu’un me tienne la main à travers la tempête, m’aide à travers le torrent qui me broyait le corps. Et ses mots étaient comme un baume cicatrisant sur des plaies encore ouvertes. Il me faudrait encore patienter pour que toutes les blessures se referment mais mon ex-petite-amie me donnait l’espoir que tout finirait par reprendre sa place dans mon univers. J’avais envie d’y croire même si c’était bien difficile. J’avais envie d’imaginer un futur où ma fille pourrait être heureuse, où son père ne la repousserait pas. Un futur où elle m’accepterait, avec tous mes défauts quels qu’ils soient. Est-ce que j’étais égoïste de vouloir que Jane comprenne que sa mère n’était pas celle qu’elle aurait voulu mais simplement une femme qui essayait chaque jour de faire au mieux ? Ou bien est-ce que j’aurais dû vouloir changer pour elle, devenir cette mère dont elle rêve ? Une mère qui ressemblerait plus à ce père qu’elle adule, qu’elle idolâtre chaque jour. Ash aurait dû avoir raison : tout l’amour que j’ai à donner à mes proches devrait être suffisant. Mais ça ne l’était pas. Ça ne le serait apparemment jamais. J’aurais sans doute dû ressembler un peu plus à l’aînée des Hawkins, si parfaite en tous points. Peut-être que j’aurais dû avoir la confiance de Sloanne ou bien la volonté de Logan. Peut-être aurais-je dû prendre exemple sur les jumelles et être un peu moins ‘moi’ comme les autres voudraient que je sois. Sans doute Nieves aurait été plus heureuse avec quelqu’un de plus fort, de plus solide dans la vie. Sans doute Jane n’aurait-elle pas préféré son père si j’avais été un peu plus comme lui. Mais je n’étais que moi. Juste moi. Cette pauvre moi qui n’avait jamais eu aucun véritable éclat. « Je me sens loin d’être forte en ce moment, je rigole à travers les larmes. Je suis surtout très fatiguée. » Et le silence oppressant de la maison, le vide laissé par ma femme dans notre lit, dans notre vie. Et la guerre presque silencieuse engagée par ma fille. Tout cela m’épuisait. N’y avait-il pas moyen pour moi de dire stop et de souffler un peu ? Je reste blottie dans l’étreinte de la blonde, comme une enfant se laissant bercer par sa maman. « Merci d’être passée Ash, je lâche à mi-voix. Je suis contente de ne pas être toute seule ce soir. » Et ça faisait du bien de me laisser aller, de m’abandonner sans honte et sans arrière-pensée. Ça faisait du bien de se sentir épaulée. Aimée. « Je suis contente que tu sois là, avec moi. » J’avais la sensation de sortir un peu la tête de l’eau, de pouvoir respirer à nouveau. Et même si ce n’était que pour un temps, c’était amplement suffisant.

La voir dans cet état, perdue, bouleversée, chagrinée.. C’était bien quelque chose qu’elle n’arrivait pas à concevoir. En tout cas, c’était dur pour Ash de la voir ainsi. Pourtant, elle ne pouvait que la prendre dans ses bras. La rassurer en lui disant qu’elle était une femme géniale. Bien sûr la vie faisait que l’on pouvait facilement lâcher prise parfois et avoir mal. Ash le savait. Cependant, elle avait toujours du mal à voir les femmes qui lui importait en train de pleurer. Alors oui, elle l’étreignait. Elle voulait qu’elle s’effondre contre elle. Elle était là. Elle était présente. Même si parfois elle pouvait très bien être à mille lieux d’elle vu son tempérament à repousser tout le monde. Mais avec Dani, elle ne pouvait pas faire ça. Elle n’y arrivait pas en tout cas. Non, hors de question de la laisser comme ça avec sa peine.  « Je me sens loin d’être forte en ce moment. Je suis surtout très fatiguée. » Dani arrivait encore à rire alors qu’elle était en larme. Elle était vraiment courageuse. « Merci d’être passée Ash. Je suis contente de ne pas être toute seule ce soir. Je suis contente que tu sois là, avec moi. » Les bras de Ash la serrèrent encore, un instant. Puis elle se détacha légèrement, ses lèvres se posant sur son front avant de la regarder. « Si tu veux je peux rester. » Pas d’arrière-pensée, ni rien. Ash la respectait trop pour tenter quoi que ce soit. Et puis elle ne voulait pas profiter de son moment de faiblesse pour faire quoi que ce soit. Non, elle voulait être là pour Dani. Pour qu’elle ne se sente pas seule cette nuit. Pour qu’elle puisse un peu trouver le repos. « Tu dormiras dans mes bras ce soir. » Elle sourit au coin de ses lèvres. « T’aurais du te marier avec moi, au moins je ne serais jamais partie. Faut être folle pour laisser une femme comme toi solo. » rétorqua-t-elle, son ton de voix était un peu plus enjouée. Elle voulait encore l’entendre rire un peu avec ses plaisanteries.

La sensation d’abandon était terrible depuis que Nieves était partie. Si j’étais honnête, ma femme n’était pas véritablement partie – elle avait simplement laissé assez de place dans son propre foyer pour y accueillir une partie de ma famille. Et je ne l’avais pas retenue. Est-ce que j’aurais dû ? Est-ce que c’était ce qu’elle attendait de moi, ce jour-là – que je la retienne ? Est-ce qu’elle aurait voulu que je lui prouve qu’elle comptait désormais autant que mon père, ma sœur ? Qu’elle comptait au moins sûrement autant que ma fille Jane ? J’ai toujours su que leur relation était à couteaux tirés et que l’adolescente ne l’appréciait pas tant que ça. Je suppose que, pour Jane, Nieves avait pris la place réservée à son père. Pourtant Jane avait grandi dans une famille recomposée, ne m’avait jamais vue vivre avec son père. Est-ce qu’il était cependant naturel que mon enfant ait, en grandissant, le désir de voir ses parents ensemble même si elle ne les a jamais vus ainsi auparavant ? Je suis tellement nulle pour tout ça – pour être une bonne mère. Il y a toutes ces questions qui me viennent maintenant que ma fille est en pleine crise d’adolescence et il n’y aurait eu que ma mère pour y répondre. Bien sûr, je pourrais faire appel à ma sœur aîné, la Parfaite, mais je n’ai pas envie de voir ce regard sur son visage – ce regard qui me dit que je ne suis qu’une ratée et que j’ai élevé un monstre. Tout ça me hante et me tue de l’intérieur. Ce sont des pensées qui me poursuivent, jour après jour – les premières au réveil, les dernières au coucher. Toujours. Tout le temps. En permanence. Alors la présence de Ash est comme un doux réconfort. C’est même rassurant qu’elle se propose de rester avec moi toute la nuit. Je me permets un sourire, presque malgré moi. « C’est proposé si gentiment, je ne peux pas refuser, je rétorque avec un peu d’humour. » Au contraire, ça me rassure de savoir qu’elle sera là. Qu’il n’y aura pas le silence, le vide et le noir pour m’étouffer si je viens à me réveiller en plein milieu de la nuit. Et je sais que la remarque de mon ex-petite-amie sur mon épouse est destinée à me faire rire, à détendre cette atmosphère trop pesante qui alourdit ma poitrine. Mais ça ne fait que me ramener à mon humeur sombres et mes pensées trop noires. Parce que Nieves ne m’a pas laissée seule – c’est moi qui l’ai laissée s’en aller de chez nous. « Ce n’est la faute de Nieves, elle… » Je soupire, abattue. « C’est moi qui n’ai pas su lui montrer qu’elle avait encore sa place ici, j’avoue avec une grimace. Depuis le décès de ma mère, les choses sont devenues compliquées ici et elle s’est sentie obligée de nous laisser de l’espace à moi et ma famille. » Sauf que c’était Nieves ma famille, désormais. Elle appartenait à mon monde. Mon univers. Et j’aurais dû le lui montrer, le lui rappeler avant qu’elle ne prenne la décision de s’en aller. « Tu vois, tu aurais certainement fini par partir toi aussi. » Parce que je rentrais dans ma coquille dès que la situation devenait étriquée. Parce que je n’étais pas douée pour le combat. J’étais juste Dani, pauvre fille perdue, mère indigne et épouse de piètre qualité.

Ash se sentait tout de même impuissante face au désarroi de Dani. Elle ne savait pas comment faire pour qu’elle puisse se sentir un peu mieux. Du moins, apaiser légèrement son coeur meurtri même si au fond, la polonaise savait pertinemment qu’une peine n’était jamais facile à amoindrir. Elle, elle cherchait encore à connaître la solution à ce problème sans vraiment la trouver ou bien encore la chercher. Pourtant, le rôle qu’elle avait ce soir auprès de son ex n’était pas une place qu’elle avait l’habitude d’avoir. Réconforter les gens et donner des conseils.. ce n’était pas vraiment sa tasse de thé. Elle ne savait pas comment faire ça. On ne lui avait pas appris en tout cas. Enfin, si, elle avait eut le prémisse avec son beau-père quand elle était gosse et quand il la rassurait sur le fait que sa mère l’aimait profondément malgré son absence d’affections envers elle. Pourtant des années plus tard, elle avait su aussi que ce n’était que mensonge et qu’elle était partie à cause d’elle. Du coup, c’était rare qu’elle réconfortait les personnes. Dani étant bien une des seules avec qui elle s’essayait à ce genre d’exercice à vrai dire. La seule chose qu’elle pensait être réconfortant pour son ex était de la prendre dans les bras car elle savait qu’elle pouvait avoir une carrure consolatrice. D’ailleurs elle lui proposa de rester la nuit pour ne pas qu’elle se sente seule à nouveau ce soir. Son maigre sourire la conforta sur le fait que c’était une bonne idée. Alors du coup, elle voulait encore la voir avec ce visage un peu plus lumineux que cet air qu’elle arborait depuis tout à l’heure. Voulant faire du l’humour en lui disant qu’elle aurait du se marier avec elle. Mais l’effet qu’elle avait cherché n’était pas du tout au rendez-vous. Au lieu de ça, Ash eut l’impression que Dani retombait de nouveau dans sa mélancolie. Arf, elle n’était vraiment pas douée pour ce genre de chose. « Ok.. désolée, je voulais plaisanter mais ça n’a pas marché. » dit-elle en passant une main derrière sa nuque. « Écoutes je ne pense pas du tout à ce que j’ai dit… Je pense qu’elle est mal aussi. » avoua-t-elle enfin. « Ouais elle t’aime ça se voit quand même… c’est peut-être juste une épreuve en plus.. Enfin tu vois ce que je veux dire.. dans votre mariage.. pour le pire et le meilleur c’est ça le truc ? Bah là, ça doit être un des pires moment dans votre vie. » elle sourit « Elle reviendra. En tout cas si j’étais partie, je serai revenue quand même. Vous êtes mariées, ce n’est pas comme si vous étiez juste en couple. » elle passa une main sur sa joue. « Allez Danette, t’inquiète pas va, ça va aller. »

J’étais finalement contente (et soulagée) que Ash ait proposé de rester pour la nuit. Ça me rassurait de savoir que je ne serais pas seule cette nuit. Ça me rassurait aussi qu’elle ait fait cet effort-là. Je connaissais bien Ash, je savais combien la blonde n’était pas le genre de personne à se montrer aussi prévenante et aussi tendre. Il n’y avait qu’avec les personnes les plus importantes – et je me sentais flattée d’en faire encore partie, même alors que nous étions séparées depuis longtemps déjà. Restait cependant entre elle et moi un attachement sincère qui perdurait à travers les années. Nous n’étions peut-être plus un couple mais la blonde détenait encore une place dans mon cœur et dans ma vie. Et je pouvais voir que j’avais toujours ma place, moi aussi. Alors la sentir proche ce soir avait quelque chose de réconfortant, un peu comme un pot de crème glacée au chocolat. Un peu comme une musique douce. Un peu comme une étreinte chaleureuse qui s’éternisait. Je n’étais pas prête à retrouver le vide et le froid de cette maison. Je n’étais pas prête à retrouver le silence. Parfois, le silence faisait du bien ; parfois, il me heurtait plus que de raison. Et ce soir, la sensation était juste insupportable. Parce que tous les souvenirs de mon mariage affluaient, parce que toute ma vie d’épouse revenait me hanter. Et alors toutes les erreurs, tous les faux pas que j’avais faits et qui avaient mené Nieves à simplement s’éloigner de moi. De nous. De cette famille qui, petit à petit, implosait. « Je sais bien qu’elle doit souffrir, c’est pour ça que je m’en veux, je réponds dans une faible grimace. Parce que c’est moi la responsable… » J’avais été incapable de lui donner ce dont elle rêvait, moi qui avais fait vœu de la chérir et de l’honorer. Moi qui avais fait vœu de la rendre heureuse chaque jour de sa vie. Jusqu’à ce que la mort nous sépare. Nieves devait croire que ma parole n’était que ça : des paroles. Et pourtant, jamais je n’avais voulu trahir mes serments. Jamais je n’avais voulu la trahir. « Elle voulait un enfant et je le lui ai refusé, j’avoue avec honte, un sanglot coincé dans la gorge. Elle ne m’a jamais rien demandé, elle n’a jamais rien exigé de moi. Sauf un enfant. Un enfant à nous, qu’elle porterait. » Et je m’étais montrée trop lâche et trop faible pour accepter. Pour dire simplement oui et croire que tout allait bien se passer. J’avais été bête, stupide. J’avais été égoïste. Et le résultat était là : un mariage qui se désagrégeait, une épouse qui s’éloignait. Une vague de tristesse qui semblait planer au-dessus de ma carcasse, jour après jour. Je me sens soupirer, emplie de lassitude. « Oui, tu as sûrement raison. C’est peut-être le pire et elle ne peut pas avoir oublié tout le reste. Tout le meilleur qu’on a déjà vécu ensemble. » Et si ma femme avait oublié, sans doute ne tenait-il qu’à moi de le lui rappeler. Lui rappeler qu’elle et moi, on était liées ; lui rappeler qu’elle et moi, on s’est aimées. « Je suis fatiguée Ash, on peut aller se coucher ? demandé-je, les épaules courbées. Mais pas dans ma chambre. On a qu’à prendre celle de ma sœur, ça fera l’affaire. » La seule idée de laisser mon ex-petite-amie dormir dans le lit que j’avais partagé avec mon épouse me semblait irrespectueuse et déplacée. Logan me pardonnerait d’avoir emprunté son lit – pas Nieves.

« Je sais bien qu’elle doit souffrir, c’est pour ça que je m’en veux. Parce que c’est moi la responsable… » la voilà encore partie sur ça… Décidément Ash n’arrivait pas à l’alléger sur cette culpabilité qui avait grandi en Dani. L’écoutant dire qu’elle avait refusé lorsque son épouse lui avait demandé un enfant. Ash savait combien c’était difficile avec sa fille et elle trouvait ça presque normale que Dani ait refusé. Enfin, ça, c’était la pensée d’une personne qui vivait dans le passé. Son épouse pourrait tout de même le comprendre ! Enfin, Ash serait toujours du côté de Dani, peut-être qu’elle n’était pas objective sur ça. En tout cas, elle comprenait pourquoi elle avait refusé. Cependant, cette absence semblait peser son ex. Et ça l’attristait de la voir dans un état pareil. Elle ne répondit pas. En tout cas, elle préférait ne rien dire car elle allait sûrement être maladroite et la replonger à nouveau dans sa mélancolie. Parce que pour elle, Dani avait été honnête au moins de lui avoir dit non. Si ça se passait comme avec sa fille, elle aurait peut-être été encore plus triste. C’était compréhensible d’avoir des angoisses sur ça vu la situation où sa fille et elle se trouvaient. Du coup, elle lui dit juste que c’était peut-être une épreuve de plus dans leur mariage. « Oui, tu as sûrement raison. C’est peut-être le pire et elle ne peut pas avoir oublié tout le reste. Tout le meilleur qu’on a déjà vécu ensemble. » Ash hocha la tête. Pour une fois, elle pensait pareil que elle. Elle lui rétorqua que tout allait bien se passer et que ce nuage qui assombrissait son être en ce moment allait bientôt être balayé. C’était juste un orage de plus dans sa vie. Dans le mariage, c’était comme ça. Du moins c’était ce qu’elle imaginait. Parce qu’elle ne savait pas trop ce qui était un mariage heureux. Sinon sa mère ne serait pas partie comme ça. Du moins, elle supposait. Pourtant malgré qu’elle ne connaisse pas réellement ce que signifiait le mariage, elle savait comment était Dani quand Nieves habitait encore ici. Elle avait l’air heureuse. « Je suis fatiguée Ash, on peut aller se coucher ? Mais pas dans ma chambre. On a qu’à prendre celle de ma sœur, ça fera l’affaire. » Ash rit légèrement. « Ouais ça ferait désordre si je dors avec toi dans le même lit que ta femme. » enfin bon, ça ne l’a dérangeait pas plus que ça. Elle dormait souvent dans le lit conjugale des femmes mariées avec qui elle s’envoyait en l’air. Aucune culpabilité ne transparaissait chez elle quand c’était le cas. Ce n’était qu’un lit après tout. Mais bon, Dani semblait ne pas penser pareil qu’elle et Ash respectait sa décision. Et puis peut-être que Nieves n’accepterait pas, sûrement même ! Ash serait la première à péter un plomb à vrai dire. Possessive comme elle était. Enfin ça ne l’empêchait pas de ne ressentir rien quand elle était sous les draps avec la femme mariée ou prise. Elles se dirigèrent alors dans la chambre de sa sœur, Logan. S’endormant, Dani dans les bras de Ash. Les solitaires malgré elles – oui même Ash dans le fond - se réconfortant mutuellement pour une nuit. Offrant de la chaleur dans le cœur, l'apaisant dans sa torpeur même pour une nuit.

FIN