A moment full of joy and happiness (Jollie#1)

Jusque là, la journée s’est à peu près bien passée. A comprendre par là que ma coéquipière n’a pas été trop désagréable. Pas plus que d’habitude en tout cas et que je n’ai pas trop eu l’impression d’accumuler les conneries, qu’elles soient dites ou faites d’ailleurs, pour elle ça change rien dès qu’il y a un truc négatif à dire c’est pour ma pomme. Les collègues du reste de la section criminelle tentent de me rassurer en me disant qu’elle est toujours comme ça, voire pire, mais franchement j’ai dû mal à le croire. Cette nana a une dent contre moi, c’est pas possible autrement. “La bleue“, “la gamine“ et “Weaver“ dit sur un ton sec sont mon lot quotidien depuis deux semaines. Peut-être que je vais m’y faire, je ne vais sans doute pas vraiment avoir le choix parce qu’à priori il n’est pas question de demander à changer de partenaire. Ce qui n’est pas rassurant c’est que le précédent s’est suicidé… je sais pas trop quoi en penser. Je sais que je peux compter sur d’autres flics plus conciliants et accueillant que Black. Elle porte même pas bien son nom, Grey lui aurait mieux été avec sa mine toujours renfrognée. Quoi que un Grey comme Cinquante Nuances pourries elle a pas dû en croiser beaucoup pour être comme ça. Je me persuade que c’est juste une phase de test et que ça va passer, je suis de nature optimiste et sympa. Un peu trop conne peut-être ? J’en sais rien. Mais jour après jour j’essaye de faire de mon mieux pour m’intégrer et trouver un semblant de grâce à ses yeux. Je ne sais pas si le chef a conscience de ce que je vis, j’en suis pas sûre et je ne suis pas du genre à aller me plaindre. Le seul risque de tout ça finalement c’est que je finisse par exploser…
Ca aurait été trop beau pour que ça dure, briefing en milieu d’après midi et j’apprends que nous partons Black et moi en planque dans un des quartiers pas franchement sympa de LA. On est en plein démantèlement d’un trafic de drogue et faut aller camper devant ce que l’on pense être le QG du gang en cause pour ramener des infos utiles en vue d’une intervention dans les jours qui viennent. Je suis contente à l’idée d’aller sur le terrain, même si c’est avec cette épouvantail de Joey. Le trajet se fait plutôt silencieusement jusque sur les lieux, elle me dit deux trois trucs concernant l’affaire et on s’en tient là. J’étais naïve de croire qu’on en avait pour une heure peut-être deux tout au plus. Ca va faire bientôt trois heures et demies qu’on est en planque et toujours pas un chat. Le temps est long… mais long. « Café ? » osé-je finalement demander avant de hausser les épaules devant la réaction de ma coéquipière. Ok... donc je peux même pas traverser deux rues pour aller chercher un truc à boire. Super. Mon estomac gargouille, putain manquait plus que ça en prime ! Pour faire diversion je me mets à fredonner une chanson que j’aime particulièrement, la musique adoucie les mœurs, non ?

Bien sûr, bien sûr il fallait qu’ils me foutent une gamine dans les pattes. Et elle est là avec son petit sourire et sa joie de vivre, on dirait presque moi quand j’ai commencé, sauf que j’avais dix ans de moins qu’elle. Franchement, pourquoi il fallait qu’on me file une bleue comme coéquipière ? Je galère pas déjà assez avec cette carrière merdique qui n’évolue pas ? Et pour cause, je ne suis personne d’autre que la fille du ministre  de la défense. Avec ça, j’aurai pu grimper les échelons plus vite, finir capitaine, au moins. Après tout, c’est quand même un avantage logiquement d’avoir un père dans le métier, et puis putain, ça fait vingt ans que je trime tout ça pour quoi ? Etre encore lieutenant alors que mon commissaire a presque dix ans de moins que moi ? Non mais franchement, c’est le coup à se tirer une balle dans la tête, comme mon ancien coéquipier. Ouais, enfin sauf que lui ne s’est pas tiré une balle dans la tête, c’est moi qui l’ai fait. Ok ok, mais en attendant, si mon père ne s’acharnait pas à vouloir que je reste dans les bureaux, il serait sans doute pas mort de con. Bref, tout ça pour dire que je me coltine une petite emmerdeuse de première, qui me donne la gerbe avec son petit sourire de chieuse. Je vous jure, ça fait deux semaines j’ai déjà envie de l’enfermer dans la cave pour le restant de ses jours.

Aujourd’hui, grand moment, c’est le jour où on sort. Grand bien me fasse, j’ai besoin d’air, et j’en ai marre de me planquer au boulot pour fumer dans mon bureau. Heureusement que j’ai bidouillé le détecteur de fumée, et puis, tout le monde sait que j’en fais qu’à ma tête. C’est au moins ça de pris. Postée devant le repère du cartel qu’on cherche à démanteler, je reste fixée sur mon objectif. Mais ma nouvelle coéquipière ne semble pas l’entendre de cette oreille. « Café ? » me demande-t-elle après plus de trois heures infernales à attendre le déluge. « Tu te fous de ma gueule ? » que je lui demande le plus sérieusement du monde. Elle se paye ma tête, je vois pas autre chose. « Tu veux pas aller leur demander s’ils ont du sucre et de la cannelle aussi ? » Je lève les yeux au ciel, mais bordel qui m’a foutu ce boulet dans les pattes sérieux ? J’entends son estomac qui gargouille et j’ai juste envie de la jeter dans la fosse aux lions. J’ouvre sèchement la boîte à gants et en sors une vieille barre de céréales que je lui balance comme à un animal. « Fais taire ton ventre avant que je perde patience. » Je me replace correctement sur mon siège, les yeux rivés sur la planque de nos malfaiteurs. Elle est en train de fredonner là ? Vraiment ? Je tourne la tête violemment dans sa direction et la foudroie du regard. « Si tu tiens à la vie, arrête ça tout de suite. » Je sais que je dois faire flipper, en plus, je suis clairement pas dans une bonne période. Si j’ai la réputation d’être une casse-couilles têtue, c’était avant de buter mon coéquipier. Là je crois que la seule chose qui pourrait me calmer c’est une bonne grosse thérapie, mais j’ai ni le temps ni l’envie.

Me foutre de sa gueule ? Si je veux garder ma tête vissée sur mes épaules je crois que c’est à éviter. Mais c’est la manière favorite de Joey de s’adresser à moi, elle pense toujours que je me paie sa tête, comme si j’avais que ça à foutre de mon temps. Oh je sais qu’elle fait ça pour bien appuyer sur le fait que je ne dis que des conneries à ses yeux. Combien je suis insignifiante et encombrante pour elle, et n’ai absolument aucun crédit. Mais ça changera, je m’en suis fait la promesse. Elle surenchérit avec son sarcasme habituel et je marmonne « Un “non merci“ aurait suffit. ». C’est pas possible d’être aussi désagréable. On dirait ces grosses frustrées qui ne baisent pas. Ah bah voilà… j’ai trouvé le pourquoi. Même pas un vibro ? Remarque elle serait capable de mal lui parler aussi et il finirait par tomber en rade juste par la force de son mauvais traitement. Comme si ce n’était pas assez d’avoir dit la pire des inepties pour le Lieutenant Black, mon estomac gargouille. Réaction immédiate de la blonde, et je ne parle pas de son soupir d’exaspération ça compte pas ça, elle ouvre la boite à gant et me balance une barre de céréale pratiquement à la figure. Je suis pas un chien, merde ! En fait c’est plutôt elle le chien, elle m’aboie de faire taire ma faim avant de perdre patience. What ? Je hausse les sourcils « Parce que t’en as ? Révélation. » lâché-je spontanément dans un souffle à peine audible. J’y peux rien si cette planque s’éternise et que mon déjeuner est loin, je ne suis pas une machine et les besoins physiologiques de ce genre ça ne se maîtrise pas. Je grignote la barre de céréales, pas franchement bonne d’ailleurs en plus du reste elle a des goûts de merde, génial. Et parce que c’est un tic que j’ai quand je trouve le temps long je me mets à fredonner une mélodie que j’apprécie. J’aime la musique, ça m’apaise, ça m’occupe l’esprit et là j’ai besoin de ça plutôt que de ce putain de silence pesant qui règne dans cette foutue bagnole. Nouvelle réprimande véhémente de ma coéquipière. « Ah tiens la menace de mort j’y avais pas encore eu droit, un peu de nouveauté… » je soupire, m’enfonçant un peu plus dans mon siège et arrive à me taire pendant plusieurs longues minutes, en tout cas ça me paraît long. Mais ça y est je perds clairement patience à être enfermée ici avec ce dictateur de Black. Je suis de bonne composition mais cette tarée va finir par me faire vriller, je tapote un peu nerveusement sur le volant, on parie combien que ça aussi elle va me l’interdire ? Allez compte à rebours : cinq, quatre, trois, deux, un…

Elle me pousse à bout, je la soupçonne de le faire exprès, et c’est sans doute ce qui me rend le plus folle pour être honnête. Je perds patience pour cette planque interminable, et elle ne me facilite pas la tâche. Faut quand même être un peu abrutie pour vouloir aller chercher un café alors qu’on est censées rester là jusqu’à avoir quelque chose d’assez intéressant pour chopper cette bande de dealeurs. « Un “non merci“ aurait suffit. » Je serre les dents, je me retiens de lui dire tout ce que je pense, parce que je crois que je pourrai la pourrir et la faire se sentir la dernière des merdes. J’ai une once de civilité au fond de moi je crois. Je suis trop gentille. Voilà. Trop gentille. « Parce que t’en as ? Révélation. » Je lâche un rire cynique et la fusille du regard. « Rester dans une bagnole trois heures avec toi, ouais, j’appelle ça de la patience. » Je serre les mâchoires pour essayer de rester ‘calme’ mais surtout concentrée. Faut dire que la gamine met mes nerfs à rude épreuve. J’ai un temps de latente lorsqu’elle mange sa barre de céréales - même si putain elle pourrait mâcher un peu plus en silence - mais la trève est de courte durée, voilà qu’elle se fout à chantonner, et là je suis à deux doigts d’exploser. « Ah tiens la menace de mort j’y avais pas encore eu droit, un peu de nouveauté… » Bordel mais elle peut pas juste la fermer ? Je vais finir par vraiment péter un câble. J’en ai buté un je suis plus à ça près. Ok. On va se calmer. Je ferme les yeux une seconde et laisse ma tête reposer contre l’appuie-tête et je me concentre sur ma respiration quelques minutes pour essayer de retrouver mon calme. Je deviens complètement folle. « Mais t’es hyper active ou quoi ? » Je tourne la tête vers elle, les sourcils froncés, alors qu’elle était en train de tapoter sur le volant. « Tu peux pas rester en place et juste la fermer ? Merde c’est quand même pas trop demander ! » Je sais pas si elle était contente de sortir des bureaux, mais partir en planque c’est franchement pas le plus excitant, surtout que c’est long et que ça finit par attaquer les nerfs du plus stable émotionnellement. Je passe nerveusement mes mains sur mon visage pour essayer de me calmer. « Tu me rappelle pourquoi ils t’ont foutue en binôme avec moi ? Ça sonne comme une punition. » Autant pour elle que pour moi je crois bien d’ailleurs.

Black de la patience ? Alors ça c’est la meilleure de l’année ! Et pourtant elle vient juste de commencer, c’est dire la puissance de la vanne. Je ne peux m’empêcher de réagir, à demi-mots mais ça n’échappe pas à mon irascible coéquipière qui ne manque pas d’en rajouter une couche sur le caractère absolument insupportable de ma présence. Je ne sais pas d’où vient son problème avec moi, ou avec la terre entière d’ailleurs mais franchement j’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi aigri. Je ne riposte pas même si l’envie est bien présente, ça ne sert à rien d’envenimer les choses. Mes nerfs à moi aussi sont mis à rude épreuve et je sens bien que j’arrive bientôt à mon seuil de tolérance, la soupape va finir par sauter… c’est pas bon du tout. J’essaye de me détendre comme je peux, tombant dans un travers qui aussitôt irrite ma partenaire. Elle y va fort cette fois, ses piques ont toujours été désagréables mais jusque là jamais elle n’avait évoqué l’envie de me faire taire à jamais. Je sais que c’est une façon de parler, mais vu le tempérament de la nana y’a de quoi se poser la question quand même. J’ai l’impression qu’en plus de s’en prendre à moi elle lutte contre je ne sais quoi en elle. Tout son être transpire la négativité, je n’avais jamais vu ça auparavant. Nerveuse à cause de cette harpie de Joey je tapote sur le volant en priant pour que ce putain de gang se décide à bouger son cul et nous donner quelque chose. Elle me demande si je suis hyperactive, je tourne la tête vers elle, mon regard se fixant dans le sien alors qu’elle m’invective une nouvelle fois « Et toi tu supporte vraiment rien ou quoi ? » je soupire « Putain à t’entendre faudrait même que j’arrête de respirer. » je regarde à nouveau devant moi « C’est toi qui me rend hyperactive à m’aboyer dessus tout le temps, je suis pas une machine, alors désolé d’être énervée moi aussi ! C’est pas un truc qui t’ai exclusivement réservé ! ». J’ai naïvement l’impression d’une accalmie lorsque Joey se passe les mains sur le visage. Je ne m’attends pas à ce qu’elle me dise que j’ai raison, encore moins à des excuses, mais peut-être juste un peu plus de calme de sa part ? Tu parles ! Elle rouvre la bouche pour m’accabler une nouvelle fois. « Ouais bah je sais pas qui est la plus punie des deux. » répondis-je du tac-o-tac piquée par sa remarque. « Tu crois que c’est une partie de plaisir de devoir faire avec ta tronche d’aigrie et ton caractère de merde ? J’aurais préféré un bouffeur de donuts à l’humour aussi gras que ses doigts. » balancé-je en perdant patience « J’espérais mieux pour faire correctement mon boulot ! Oh mais je sais ce que tu pense Joey que je suis incapable de faire du bon boulot justement parce que tout ce que tu as fait c’est me juger d’entrer de jeu sans même chercher plus loin ! ». Elle voulait que je cède à l’énervement ? Et bien c’est réussi, bien joué Lieutenant Black !

Je ne prends pas conscience d’à quel point je peux être imbuvable. Pas faute qu’on me le répète chaque jour, mais c’est plus fort que moi, c’est sans doute un moyen de me protéger. De qui ? De quoi ? C’est une bonne question, je ne sais pas moi-même. Au fond, j’ai beau râler qu’on m’ait foutue une bleue dans les pattes, au moins, c’est une femme, et je suis sûre qu’elle ne viendra pas foutre sa main entre mes cuisses pour passer le temps. Sadiques de mâles. Je continue de m’adresser à la novice de manière sèche et franchement désagréable, même si je n’en ai pas conscience. Mais je crois que je vais bientôt le sentir passer. « Et toi tu supporte vraiment rien ou quoi ? » J’arque un sourcil, la laissant passer ses nerfs jusqu’à ce que je puisse lui faire fermer sa petite gueule de gamine. « Putain à t’entendre faudrait même que j’arrête de respirer. C’est toi qui me rend hyperactive à m’aboyer dessus tout le temps, je suis pas une machine, alors désolé d’être énervée moi aussi ! C’est pas un truc qui t’ai exclusivement réservé ! » Je ricane un peu, sentant pourtant bien que ça l’irrite encore plus, mais je préfère jouer un peu les filles détachées plutôt que de lui sauter au cou pour la faire taire. J’ai assez donné dans les conneries. « Ouais bah je sais pas qui est la plus punie des deux. Tu crois que c’est une partie de plaisir de devoir faire avec ta tronche d’aigrie et ton caractère de merde ? J’aurais préféré un bouffeur de donuts à l’humour aussi gras que ses doigts. » Voilà qu’elle devient intéressante. Elle m’énerve, oui, mais au moins elle a quelque chose à dire. Elle n’est pas juste cette fille plate et insipide qui ferme sa gueule quand on lui aboie dessus. Enfin quelqu’un à la hauteur de mon sale caractère. Je continue de la regarde, sourire cynique au coin des lèvres, attendant qu’elle ait fini sa tirade d’enfant gâtée. « J’espérais mieux pour faire correctement mon boulot ! Oh mais je sais ce que tu pense Joey que je suis incapable de faire du bon boulot justement parce que tout ce que tu as fait c’est me juger d’entrer de jeu sans même chercher plus loin ! » Nouveau ricanement, parce que j’ai bien vu que ça aussi ça l’irritait profondément. « J’ai jamais dit que t’étais bonne à rien, mais par contre pour me faire chier, ça y’a du monde ! » Je me parle sans doute à moi-même aussi un peu, ouais. « Mais je t’en prie, fais la demande pour changer de partenaire, tu n’attends que ça et ça me fera des vacances ! » Plus ou moins vrai, parce que au fond, je préfère avoir une coéquipière qu’on coéquipier. Mais bref. « Et puis franchement, s’ils t’ont mise avec moi, c’est que tu dois pas être blanche comme neige ! » Je détourne le regard et remarque qu’un gars est en train de sortir. Willie allait ouvrir la bouche mais je plaque ma main sur cette dernière pour lui faire fermer sa gueule. « Ferme-là. Ça bouge. » Je sors l’appareil photo, vérifiant que mon flingue est bien chargé et prêt à l’emploi. Je me baisse sur mon siège et posant l’objectif sur le rebord de la fenêtre, je prends quelques clichés qui pourront servir pour l’enquête. « Tu veux toujours pas aller leur demander un café à la cannelle ? » faut dire qu’ils font flipper ces gros costauds. « Au moins j’serai débarrassée de toi ! »

Moi aussi ma patience a des limites et je ne sais pas si c’est un genre que Joey se donne mais son attitude ultra négative à mon égard commence à me taper sur le système. A ce rythme ça sera bientôt de ma faute si y’a pas eu un seul mouvement de la part du gang durant les trois dernière heures ! Si j’ai su rester à calme jusque là, ou tout du moins ne pas répondre de manière trop véhémente, le Lieutenant Black en rajoute une couche de trop et j’explose. Je lui donne le fond de ma pensée, autant sur son attitude que mon sentiment vis à vis de notre partenariat totalement imposé par la hiérarchie. J’exprime clairement combien j’aurais préférer bosser avec quelqu’un d’autre et ça n’a même pas l’air de la surprendre. C’est donc bien qu’elle faut tout ça pour me voir dégager, non ? Est-ce qu’elle est ce genre de femme qui ne supporte aucune concurrence féminine plutôt que de se serrer les coudes dans un milieu très masculin ? Faut croire. C’est un peu décevant, pas plus de sa part que d’une autre, c’est globalement un comportement que j’ai du mal à comprendre. Quoi qu’il en soit elle peut au moins se vanter de m’avoir fait passer de l’enthousiasme complet de rejoindre la criminelle à un état d’agacement plutôt significatif quant à sa présence. Heureusement que le reste de l’équipe est assez cool et que je ne suis pas du genre à baisser les bras. Alors peu importe que Black pense que je ne serais jamais à la hauteur, j’ai bien l’intention de prouver le contraire. Bordel ça fait du bien d’avoir pu lâcher tout ça ! Enfin ça aurait été sans doute encore mieux si ça avait pu faire fermer sa grande gueule à Joey mais on ne peut pas tout avoir. Elle me répond avec son cynisme habituel, elle a de la chance d’être plus âgée et que je respecte ce genre de chose. « Oh non j’vais pas la faire la demande pour changer, j’ai surtout pas envie de te faire plaisir ! » répliqué-je du tac-o-tac, elle a qu’à le faire si ma présence lui est si insupportable ! Sa remarque suivant me fait arquer un sourcil. Elle rigole ou quoi ? J’ai un dossier impeccable et c’est justement pour ça que j’ai pu intégrer la criminelle, parce que j’ai fait mes preuves !
Je suis sur le point de le lui dire avec un besoin incontrôlable de me justifier sur ce coup là mais elle m’en empêche plaquant sa main sur ma bouche. Yerk elle est moite en plus. Un coup d’œil vers dehors et effectivement il y a du mouvement. Black prend l’appareil pour prendre quelques photos tandis que je prends les jumelles dans le vide poche pour observer la scène d’un peu plus près moi aussi. Joey choisit ce moment pour une touche d’humour bien à elle visant à me rabaisser et pourquoi pas m’exclure de l’équation, je soupire « Ta gueule. ». Mais quelle connasse cette nana ! « Je déteste la cannelle. » lâché-je ensuite tout en continuant de regarder ce qu’il se passe. « Mais c’est sûr qu’ils seraient plus disposés à m’offrir un café à moi qu’à toi. » j’esquisse un petit sourire malicieux et la regarde du coin de l’œil « Probablement parce que je dois être beaucoup plus leur genre. » même si eux ne sont pas le mien. Les truands non merci. « J’vais finir par croire que ton obsession à vouloir te débarrasser de moi c’est juste pour évincer la concurrence. T’as du mal à gérer la jeunesse Black ? » si elle veut jouer à ça, moi aussi je suis capable de laisser parler mon petit côté connasse.

Les hostilités sont clairement lancée, la petite bleue a eu le culot d’ouvrir la bouche, et je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose. Elle me chauffe, elle va me trouver. J’étais déjà pas de bonne humeur, alors là, qu’elle s’attende à ce que ce soit pire. VRAIMENT pire. « Oh non j’vais pas la faire la demande pour changer, j’ai surtout pas envie de te faire plaisir ! » Merde. Dommage. Ça m’aurait fait des vacances pourtant. Je fais une petite grimace un peu déçue et je continue de la piquer en essayant de trouver son point sensible. Je le trouverai bien assez tôt. Mais pas le temps de continuer notre petite bataille d’ego, pourtant ça faisait passer le temps, qu’enfin il y a de l’activité. Il y a certaines planques qui ne donnent rien même après six ou huit heures, et heureusement, nous voilà un peu nourries de ce que nous attentions. Du moins je l’espère. L’adrénaline nourrit mes veines, et je m’adresse à nouveau à la petite bleue en la taquinant, avec - j’ai l’impression - un peu plus de légèreté. Mais elle n’a pas l’air de le prendre comme tel. « Ta gueule. » Piquée au vif, je me redresse d’un coup et tourne la tête vers elle, arquant un sourcil. « Je déteste la cannelle. » Je secoue la tête et retourne à mes photos. « Autant d’agressivités juste pour de la cannelle… » Je sais, c’est l’hôpital qui se fout de la charité, mais elle m’a énervée, à moi d’en faire de même. « Mais c’est sûr qu’ils seraient plus disposés à m’offrir un café à moi qu’à toi. » Je me tourne à nouveau pour la regarder. Elle veut dire quoi par là exactement ? « Probablement parce que je dois être beaucoup plus leur genre. » Je me contente de sourire pour me foutre de sa gueule. « Mais c’est tout à ton honneur ! T’as plus qu’à aller leur montrer tes nichons, j’suis sûre que tu seras à leur goût ouais. » Faut dire que je suis pas super bien lotie de ce côté, et puis franchement pas le genre à aller me prostituer de ce genre. Ils ont bien essayé à la brigade une fois, de me déguiser en fille pour aller soudoyer des infos à un mec, mais ça n’a pas vraiment fonctionné. « J’vais finir par croire que ton obsession à vouloir te débarrasser de moi c’est juste pour évincer la concurrence. T’as du mal à gérer la jeunesse Black ? » Je serre les mâchoires à m’en mordre presque la langue pour éviter de lui sauter dessus pour l’étrangler. Ok. On se calme. « Et toi tu as un putain de complexe d’infériorité dû à ton jeune âge et ton inexpérience. Je sais pas qui des deux est la pire. » Je ne la regarde pas en disant ça, je continue de prendre des photos. Une fois les lascars partis, je me laisse tomber contre le dossier du fauteuil en soupirant. « Bon conduire tu sais faire au moins ? C’est pas trop te demander que de nous ramener au poste sans nous tuer ? » J’arque un nouveau un sourcil, cette fois mon regard ancré au sien.

Autant d’agressivité pour de la cannelle ? Waw sérieusement ? Mais elle se fout vraiment de ma gueule ! Ok c’est pas une nouveauté, mais là je crois qu’on atteint des sommets. En même temps il fallait bien que ça pète à un moment donné et puisque cette planque a eu raison de ma patience j’en rajoute une couche avec un peu de provocation supplémentaire. Joey ne manque pas de répartie, je dois lui reconnaître ça, elle a un indéniable talent pour être désagréable et cynique. J’admets que mon attaque est plutôt basse, et c’est pas vraiment mon genre d’en venir à ce genre de propos mais faut croire que Black fait ressortir un mauvais côté de ma personne. Bon c’est un peu de la légitime défense vu tout ce qu’elle me met dans la gueule depuis des jours, non ? Néanmoins je crois qu’avec ma petite pique concernant sa jalousie face à la jeunesse j’ai touché un point sensible. Madame ronchon aurait-elle peur de vieillir ? La riposte ne tarde pas, mon inexpérience étant selon elle un complexe. J’ouvre la bouche pour la contredire, parce que je ne me sens pas inférieure du fait d’avoir moins d’expérience, j’ai justement très envie d’apprendre mais ça elle n’a pas l’air de le voir. Je me ravise, je crois que la discussion avec elle est impossible, tant pis si elle pense avoir gagné j’ai déjà assez usé ma salive. Preuve que Black a vraiment un foutu caractère, elle est capable d’avoir une prise de bec avec moi tout en continuant à prendre des photos comme si c’était la manœuvre la plus normale. Cette nana est tarée, c’est tout ce qu’il y a à retenir. Le silence se réinstalle jusqu’à ce que le gang finisse par disparaître. Mission accomplie, nous avons des nouvelles infos pour mettre en place une intervention, mais pour l’heure le temps est venu de rentrer au bercail. A la question, désagréable évidemment, de Joey je tourne la tête dans sa direction plissant les yeux « Sérieusement ? T’arrêtes jamais, hein ? » mais quelle plaie ! Elle me défi du regard et je démarre la voiture « Accroche toi quand même… grand-mère. ». Je démarre et ne la ménage pas vraiment. J’ai toujours aimé la conduite un peu sportive… c’est une des rares entorses que je fais à l’éducation très éco-friendly de mes parents. Sur le trajet je repère un Starbuck au loin, je mets les warning m’arrête à hauteur, en double file parce que c’est un privilège de flic. Sans laisser le temps à Joey de protester je sors de la voiture et rejoins le café en petites foulées. J’ai au moins la délicatesse de me dépêcher, j’espère qu’elle notera l’effort. Fort heureusement pour moi il n’y a pas grand monde qui passe commande et je peux passer la mienne rapidement. Quelques petites minutes plus tard je rejoins la voiture et tends sa boisson à ma détestable coéquipière « Noir, évidemment. » dis-je en mettant bien en évidence qu’il est écrit “Black“ sur le gobelet. Je suppose qu’un merci lui arrachera la gueule alors je n’en attends même pas tant de sa part.

Je soupire un peu une fois que je prends conscience que la mission est terminée, et que je vais enfin pouvoir me débarrasser de la plaie à mes côtés. Je ne sais pas comment j’ai réussi à survivre à ces quatre longues heures enfermée dans une gagnole avec elle, mais je crois que je peux être fière de moi. « Sérieusement ? T’arrêtes jamais, hein ? » me demande-e-elle après une énième pique de ma part. Non. Jamais. Et d’ailleurs, je ne prends même pas la peine de lui répondre, tournant la tête et attendant qu’elle ne daigne reprendre le volant, puisqu’elle est assise devant. « Accroche toi quand même… grand-mère. » Je tourne cette fois la tête vers l’insolente, fronçant les sourcils, et voilà qu’elle démarre en trombe. Mais quelle abrutie. « Et elle est contente… » Note à moi-même, plus que pour lui faire comprendre qu’elle est ridicule à se comporter de la sorte. Mais si elle a entendu, c’est pas plus mal non plus. Je n’ai pas peur de la vitesse, ni même de l’inexpérience concernant la route, j’ai conduit plus vite et plus dangereusement que ça. A la différence que j’étais maîtresse de mes manoeuvres, et que là je mets plus ou moins ma vie entre les mains de cette gamine immature. Je n’ai pas le temps de poursuivre mes réflexions que la petite bleue immobilise la voiture devant un café réputé. « C’est une blague ? » Elle ne me laisse même pas le temps de finir mon interrogation qu’elle est déjà dehors, portière claquée, et je la regarder courir vers le café en question. Bordel mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? C’est en soupirant que je laisse ma tête tomber contre l’appuie-tête, et en attendant la gamine, je regarde les photos prises un peu plus tôt. Elle revient au bout d’une dizaine de minutes et je la fusille du regard. Heureusement pour elle, elle a au moins fait l’effort de me commander quelque chose. « Noir, évidemment. » Dit-elle en me tendant le gobelet en carton. J’hésite presque à m’en emparer mais l’odeur du café me titille les narines. « Hum. Merci. » Ouais, formule de politesse, ça m’arrache un peu la gueule, mais faut pas non plus qu’elle s’y habitue. « Mais prends pas la confiance quand même. Ce genre de truc c’est la première et la dernière fois. Tu pouvais pas attendre d’arriver au poste ? » Je sens qu’elle va s’énerver elle aussi mais cette fois, j’ai une vraie raison à lui fournir. « Imagine on est suivies. Tu sors de la voiture n’importe qui peut te descendre. Je te rappelle qu’on était en planque et que n’importe qui peut nous avoir vues. Tu tiens pas à la vie ou quoi ? Ah nan… juste tu réfléchis pas… » Eh ouais. Elle est conne, je vois rien d’autre que cette hypothèse. « Allez Schumacher, tu peux reprendre la route, on a du boulot qui nous attend, on est pas là pour se tourner les pouces. »

Puisque de toute façon je suis la personne la plus insupportable pour Joey je ne vois pas pourquoi je ferais un quelconque effort de lui prouver le contraire. Alors je rentre dans ce rôle qu’elle m’a donné sans même me connaître, me jugeant seulement sur mon jeune âge et mon inexpérience en décrétant que je ne mérite rien d’autre que son mépris. Soit ! Je démarre en trombe en lui donnant toutes les raisons de me qualifier de sale gamine si elle en a envie. Je me fous qu’elle fasse encore un peu plus la gueule ou peste après moi, elle le fera peu importe la raison. Et parce que je sais avoir un esprit de contradiction plutôt marqué quand on me cherche je pousse la provocation jusqu’à m’arrêter devant un Starbuck pour aller chercher du café. Je me doute bien que ma coéquipière doit probablement me traiter de tout les noms dans la voiture ou ronger son frein, mais tant pis j’en ai fini pour aujourd’hui de tenter de faire les choses bien. J’ai quand même la politesse de lui ramener un café également, si j’avais voulu vraiment pousser le vice je m’en serais abstenu, mais ce n’est pas mon style de la jouer solo. Je n’en espérais pas tant mais un “merci“ franchit la barrière des lèvres du Lieutenant Black. Waw ! Demain il va neiger sur L.A préparez vous ! Comme si tout mot à neutre ou poli qui sort de sa bouche doit inévitablement être suivit d’un commentaire désagréable, Joey s’empresse de me donner un avertissement. Je me rassois au volant en ignorant son commentaire de grincheuse, enfin je lâche quand même un soupir, c’est plus fort que moi. Ma petite réaction est suffisante à la faire enchainer sur une justification. Elle me prend vraiment pour la dernière des bleues ? Ok je viens d’arriver à la criminelle mais je suis flic depuis cinq ans et je n’ai pas juste fait de la paperasse et la circulation. Je la regarde en biais « T’as fini ? » dis-je simplement pour mettre un terme à son monologue, elle m’a passé une brasse, elle est contente ? Apparemment ouais puisqu’elle m’autorise à repartir puisqu’on a du boulot. Je conduis plus calmement pour la suite du trajet, pas envie d’avoir encore une remarque et surtout pas de risquer de renverser mon café. Arrivé au commissariat je gare la voiture et descend la première la verrouillant lorsque Black a fait de même. Je lui lance les clés, puisque c’est une maniaque du contrôle je suppose qu’elle va vouloir les ranger elle-même et sans un mot de plus j’entre dans les locaux et rejoins l’étage de notre unité pour regagner mon bureau. Une journée de plus en enfer… tout va bien.