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Je suis tellement heureuse de la retrouver. J'ai l'impression que je ne l'ai pas vu depuis des siècles. Comme si notre échange scolaire remontait déjà à une éternité. Ce n'est pas vraiment le cas mais pour moi, c'est tout comme. Elle m'a vraiment trop manqué. Et même si elle n'est pas là pour de joyeuses raisons, je compte bien profiter d'elle au maximum. Je ne sais même pas combien de temps elle compte rester, mais je préfère ne pas penser à ça. « Toi aussi tu m’as manqué, plus que tu peux l’imaginer. » J'avoue qu'au plus profond de moi-même, j'appréhendais un peu nos retrouvailles. Je sais pas trop pourquoi mais j'avais peur que les choses soient différentes. Que la distance de ces derniers mois ait pu créer un fossé entre nous. C'est sans doute mon côté un peu parano qui ressort. Mais c'est plus fort que moi, il faut toujours que je me pose mille et une questions. Je suis rassurée de voir que nous sommes apparemment toujours sur la même longueur d'onde. Je lui demande alors si elle va bien, si elle a pu dormir dans l'avion. « Non, j’étais trop stressée que tu reçoives pas mon message, ou que tu puisses pas venir. Et puis y’avait un gamin qui arrêtait pas de pleurer, bonjour l’angoisse ! » Ah merde. Ma surprise a finalement engendré plus de dégâts que prévu. Mais c'est un mal pour un bien non ? Parce que je suis bel et bien là maintenant. « Genre c'est de ma faute quoi. » Que je réplique en mêlant mon rire au sien. « Bon ok d'accord, j'en accepte l'entière responsabilité et les conséquences qui iront avec. » Je parle très sérieusement en me prenant pour une adulte dans un regard complice. « Je saurais me faire pardonner. » De toute façon dès que j'ai su qu'elle venait à L.A., j'avais prévu de la bichonner comme pas possible. Elle a besoin de moi dans ce mauvais difficile. Le trajet en taxi défile pas aussi vite que je l'aurais voulu, mais nous arrivons finalement chez sa soeur. Gioia me fait visiter la maison, et nous filons rapidement dans la chambre d'amis qu'elle a l'habitude d'occuper lorsqu'elle est ici. Elle se laisse tomber sur le lit, et je l'imite rapidement. « C’est marrant, j’avais même pas parlé de toi à Ciara, enfin si un peu, mais je lui ai pas dit vraiment ce que je ressentais pour toi, et pourtant c’est elle qui a proposé que tu viennes dormir ici. » Je tourne la tête pour croiser son regard dans un petit sourire qui en dit long sur ce que je viens d'entendre. « Ah bon ? » Je fronce légèrement les sourcils m'engouffrant dans la brèche. « Et tu ressens quoi exactement pour moi au juste ? » Ça, c'est juste pour la taquiner. La faire rire aussi, parce que j'en ai besoin. Mais cette proposition de la part de sa soeur ne pouvait pas tomber mieux. « C'est trop bien en tout cas ! Elles sont cools tes soeurs, je les aime bien ! » Du peu que j'en ai vu pour le moment en tout cas. « Ciara encore plus du coup. » Que j'ajoute dans un large sourire. Parce que c'est grâce à elle que je suis là. « Tu crois qu'elle a capté un truc ? »

Depuis que je sais que Gioia débarque à L.A., je suis excitée comme une puce. Soulagée un peu aussi, parce que je ne pensais pas avoir l'occasion de la revoir avant les vacances scolaires et ma virée en Europe pour mon stage de théâtre. C'était tellement loin dans ma tête... mais cette fois, c'est bel et bien réel. Elle sera bientôt là. Même si sa venue ici n'est pas vraiment liée à un évènement joyeux, je ne peux m'empêcher de ressortir le côté positif de la situation. Au moins, je pourrais vraiment être là pour elle et la soutenir. Parce qu'à distance je me sentais clairement impuissante. C'est déjà pas facile de savoir quoi dire dans ce genre de situation, mais à l'autre bout de monde, c'est encore pire. Je ne sais pas encore combien de temps elle va rester chez sa soeur mais je compte bien profiter de chaque instant avec elle. Même si je suis en retard, j'espère que ma surprise fera tout de même son effet. Quand mon regard croise finalement le sien, j'ai l'impression que le temps s'arrête. Il n'y a plus rien d'autre qui compte à présent. Juste elle. Et la sensation libératrice que de pouvoir à nouveau la prendre dans mes bras. « J’ai cru que tu voulais plus me voir… » Je secoue immédiatement la tête à la négative. Quelle idée. « T’étais où ? » A quelques minutes près, c'est vrai que nous aurions pu nous louper. « Je suis désolée, je voulais te faire la surprise mais le timing a merdé. » Le plus important c'est que je sois quand même arrivée à temps. Heureusement ! « Je commençais à m’inquiéter ! Tu refais plus ça hein ! » Je ne voulais pas lui faire peur. Encore moins lui laisser penser que je ne voulais plus la voir. Si j'avais su, je n'aurais sans doute pas fait les choses comme ça. « Promis. » Nous quittons finalement les toilettes pour rejoindre sa famille dans le hall. Je suis un peu stressée de les rencontrer. D'autant plus dans ces circonstances un peu particulières. « Je vous présente Maé ! » Il y a ses deux soeurs et sa mère. J'ai déjà vu des photos d'elles mais ce n'est pas pareil de les rencontrer en vrai. « Bonjour ! » Je les salue en italien avec un réel enthousiasme. « Vous avez fait bon voyage ? » Elles me disent que oui, même si elle ont l'air toutes bien fatiguées. Mais c'est normal, le vol a dû être long. « Mais t’es venue toute seule ? » J'aurais pu, mais l'itinéraire en transport en commun aurait été encore plus long. « Non, c'est mon père qui m'a déposé. » Et il est reparti aussitôt. « C'est à cause de lui si j'étais en retard. » Ajoutais-je en rigolant. Bon ok, pas totalement en soit mais s'il était rentré à la maison plus tôt, on aurait peut-être pu éviter de tomber sur cet accident. « Du coup, c'est chez laquelle de tes sœurs qu'on va ? » Comme les deux habitent à L.A. je ne sais pas exactement où elle va crécher pendant ces quelques jours. Je me rapproche un peu d'elle, discrètement, murmurant quelques mots juste pour elle. « Tu m'as tellement manqué... » Je la regarde, les yeux pétillants. J'ose encore à peine croire qu'elle puisse vraiment être là. Je vous jure, j'ai l'impression d'être en train de rêver. Si c'est le cas, par pitié, que je ne me réveille plus jamais. « T'as pu dormir un peu dans l'avion ? Ça va ? » Au delà de mon bonheur de la retrouver, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour elle.

Je fais les cent pas à la maison, jetant des regards angoissés en direction de l'horloge du salon. Je regarde mon téléphone portable toutes les cinq secondes, mais ça ne change rien. Mon père n'est toujours pas rentré. Il avait dit qu'il n'en avait pour pas longtemps, mais là, je commence à trouver le temps long. Il est au courant qu'il doit m'emmener à l'aéroport pour l'arrivée de Gioia. Il a même accepté que j'aille dormir chez elle cette nuit. Bah oui, c'est le papa le plus merveilleux du monde en même temps. Et puis, il a compris. Après ce que l'italienne a vécu, avec la mort de son père, je me dois d'être là pour elle. Même si je me sens un peu impuissante. Du moins jusqu'à maintenant. Parce qu'à distance, je ne pouvais pas faire grand chose. Mais qu'elle vienne quelques jours à L.A. est une super nouvelle ! Comme Gioia ne pouvait pas voir ma réponse, je n'ai pas jugé nécessaire de lui répondre. En fait c'est surtout pour lui faire la surprise. Je suis presque sûre qu'elle allumera son portable dès qu'elle aura posé un pied sur le continent américain... mais elle n'aura pas de message de ma part. Je veux qu'elle me voit dans le hall directement et qu'elle comprenne. Mais pour ça, il faut que mon père se magne le cul. Tiens justement la porte d'entrée se fait entendre. Je me précipite vers lui, toute affolée. « Papa qu'est-ce que t'as foutu ? » Il est rentré avec une bonne heure de retard, et le timing n'est pas bon. Ça me fout dans la merde. « On va être en retard. » Il me connait, je n'ai jamais été patiente comme fille. Et là, c'est encore pire. Il s'agit de Gioia alors forcément mon impatience est à son maximum. Depuis le temps que j'attends le moment de nos retrouvailles. « Maé, tu peux te détendre, on sera largement à l'aéroport à temps. » Ouais mais non... je suis excitée comme une puce. Et puis on sait jamais ce qu'il peut se passer. Un imprévu, un contre temps, et ma surprise tombe à l'eau. « Son avion arrive dans moins de trente minutes. » Ça se sent que je suis angoissée ? Ouais un peu. Bon allez, on se bouge maintenant. Et évidemment, il fallait qu'on tombe sur un accident. Fais chier. C'est moi ou tous les évènements sont contre moi aujourd'hui ? A croire que c'est fait exprès. Si j'arrive en retard et que Gioia ne m'a pas attendu, je crois que je fais un scandale. A mon père déjà, et au monde entier aussi. Finalement les minutes défilent à la vitesse de l'éclair, et l'heure fatidique n'est plus très loin. Merde, mon téléphone se met à sonner ; c'est elle. On est définitivement à la bourre là. Je ne réponds pas, encore déterminée à garder la surprise jusqu'au bout. « Allez, file. » J'embrasse mon père sur la joue en le remerciant avant de me précipiter dans le hall de l'aéroport. Mon coeur s'emballe instantanément lorsque je l'aperçois au loin. Elle se dirige tout droit vers les toilettes, et j'en profite pour me glisser à sa suite sans qu'elle s'en aperçoive. Sa mère et ses sœurs sont restées dans le hall principal. Gioia rentre dans une cabine et je me positionne juste derrière la porte, pour l'effet de surprise. J'ai le coeur qui bat à mille à l'heure tellement je suis impatiente de lui sauter dans les bras. La porte de sa cabine s'ouvre, et mon regard croise finalement le sien. « Tu attendais quelqu'un ? » Que je demande en penchant la tête légèrement sur le côté. Un large sourire prend place sur mes lèvres alors que je me fonds littéralement dans ses bras. Mon dieu que ça fait du bien.

C'est étrange, parce que cette nuit a été étonnamment agréable. Est-ce que c'est vraiment la chose la plus surprenante qui soit ? Non, pas vraiment. En réalité je ne suis pas totalement surprise. Ce n'est pas la première fois que je me surprends à aimer sa présence. Et ce n'est finalement pas pour rien que je me suis invitée dans son lit. C'est un truc qui me dépasse complètement. Comme une envie incontrôlée de pouvoir la sentir au plus près de moi, mon corps contre le sien. Me réveiller quasiment dans ses bras me procure une sensation qui m'était jusqu'alors inconnue. C'est nouveau, profond. Intense. Et ça me bouleverse bien plus que je n'aurais jamais pu l'imaginer. Je n'ai pourtant jamais été troublée à ce point-là par personne d'autre avant. Alors pourquoi elle ? Je prends légèrement mes distances, essayant de savourer encore un peu ce moment privilégié comme si je savais inconsciemment qu'il pouvait être rompu à tout moment. « Non, non. Quelques minutes seulement. À peine. Je ne voulais pas te réveiller. » Elle est mignonne. Même comme ça, au réveil, les cheveux ébouriffés, les yeux encore légèrement embrumés. Je souris un peu bêtement avant de détourner le regard, essayant d'éviter de rendre la situation encore un peu plus gênante. C'est moi ou c'est chelou là ? « Je ne sais pas si tu le sais, mais il t’arrive de ronfler. » Mon dieu non. Je fais mine d'être choquée avant de secouer la tête à la négative dans un réflexe. « Impossible. » Elle a passé la nuit à me regarder dormir ou bien ? « Tu sais que c'est pas bien de mentir ? » Je ne crois que ce que je vois - ou ce que j'entends en l'occurrence. Donc non, je ne ronfle pas. Point final. « Je vais aller prendre ma douche. Au moins pour une fois, c'est toi qui aura l'eau froide. » Je ris un peu tout en hochant la tête. Je ne suis pas d'humeur taquine encore pour le moment, et même si c'est bizarre de ma part, je n'essaye même pas de répliquer. Elle se lève, récupère des vêtements avant de s'apprêter à quitter la chambre. « Je m'attendais à une nuit plus horrible. Mais ce n'est pas une raison pour recommencer et venir me réveiller en pleine nuit tous les soirs. » Je penche ma tête sur le côté, dans un petit sourire inconsciemment charmeur. « Je ne voudrais pas que tu finisses par y prendre goût quand même. » Bon, ok, fallait bien que je la taquine quand même un peu. En même temps c'est elle qui m'a tendu la perche là. Mais l'idée de redormir avec elle est plutôt tentante, c'est vrai. « Dépêche-toi si tu ne veux pas que je te pique la place sous le nez. » Je fais semblant de me lever rapidement du lit pour qu'elle m'en croit capable alors qu'elle se précipite dans la salle de bains. Finalement, je me laisse tomber sur le lit, profitant de quelques minutes de répit pour laisser mes pensées envahir mon esprit. Qu'est-ce qui est en train de m'arriver au juste ?

Est-ce que j'en fais des caisses pour qu'elle prenne finalement pitié de moi ? Ou qu'elle finisse par abandonner me laissant alors l'opportunité de dormir avec elle ? Peut-être bien que oui. En tout cas cette idée est plutôt alléchante. Même si je joue sans doute un peu avec le feu. Oh et puis merde, c'est pas la première fille avec qui je vais simplement dormir. Enfin quoique... non, ça va, je déconne, je couche pas avec toutes les filles avec qui je dors quand même. J'ai des amies avec qui il ne se passe strictement rien. Mais pour certaines personnes, dormir avec une lesbienne c'est pas normal. Vous savez le cliché débile des gens qui pensent qu'un homo ne peut pas être pote avec une personne du même sexe que lui. Ouais c'est terriblement con quand on y pense. Bref. « Je suis sûre que tu vas me donner des coups de pieds. » Je ne peux m'empêcher de rire, agitant volontairement mes pieds sur son matelas près de sa tête. Je ne suis pas si violente que ce que j'en ai l'air, non mais ! « Mets-toi au moins dans l’autre sens. » Ah bah volontiers. Je ne vais pas dire non si c'est elle qui propose. Je suis à deux doigts de penser qu'elle profite un peu de la situation. Ou d'espérer qu'elle le fasse peut-être ? « Tu as ton côté, j’ai le mien. » Elle ne peut pas plus se décaler qu'elle ne l'a fait, et ça me fait doucement rire. On dirait que son corps va se mettre à brûler si par malheur je viens à ne serait-ce que simplement la frôler. « Promis, je reste sage. » Pourquoi mes pensées divaguent inconsciemment vers des envies incontrôlées pas forcément très catholiques ? Ok, on stoppe les conneries là, ça suffit. « Bonne nuit Yumi. » Finalement elle s'endort rapidement, et je me cale sur le rythme de sa respiration pour en faire de même. Je suis bien là, avec elle. Près d'elle. Je crois que j'ai inconsciemment rapproché mon corps du sien dans mon sommeil. Et finalement je me réveille avec la sensation de me sentir regardée. Quand j'ouvre les yeux, je croise le regard de Yumi fixé sur moi alors que mon coeur s'emballe légèrement. Il me faut quelques secondes pour me rendre compte de l'ambiguïté de ma position. Ouais je suis littéralement dans ses bras là en fait. Mais le plus surprenant en fin de compte, c'est que Yumi n'a pas eu l'air d'avoir envie de me repousser. Je me redresse prenant un peu mes distances, alors que je sens un léger malaise envahir sa chambre. « Alors bien dormi ? » Pour ma part, j'ai dormi comme un bébé. Et cette nuit avec elle a été étrangement agréable. J'ai eu une bonne idée finalement de m'imposer dans son lit. « Ça fait longtemps que t'es réveillée ? » Je lui adresse un large sourire, tout en glissant brièvement mon regard sur ses lèvres. J'aurais pu être tenté de lui demander depuis combien de temps elle me matait comme ça, mais autant pas l'énerver de bon matin. Il y a comme un moment de latence pendant quelques secondes, jusqu'à ce que la réalité vienne reprendre ses droits. Et bizarrement, ce qui se joue sous nos yeux me plait plutôt bien. Mais quelque chose me dit que ça ne va pas durer...

Ça y est, je suis passée en mode insupportable. C'est comme ça avec moi. En un rien de temps, tout peut basculer. Comme le bouton on/off d'un appareil électronique. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de lunatique ? Ouais peut-être un peu j'avoue. Je suis aussi plutôt excessive dans mon genre. Mais c'est ce qui fait mon charme comme on dit, n'est-ce-pas ? Je n'ai jamais prétendu être parfaite, bien au contraire. C'est à prendre ou à laisser. En tout cas je m'amuse à jouer avec elle, dans un compliment déguisé. Parce que oui, c'en est un finalement. Ça se voit peut-être pas mais c'est vrai. « Arrête Lou. Ne joues pas à ça avec moi. » Apparemment Yumi n'est pas de cet avis. Ou du moins ça ne lui plait pas tant que ça. Pourtant ça ne m'arrête pas pour autant. Je réplique alors aussi sec. « Jouer à quoi ? » Je fais une petite moue innocente tout en haussant les épaules. C'était mal me connaitre que de croire que je pouvais rester sérieuse aussi longtemps. C'est en train de l'énerver, je le sens dans son regard. Et moi, ça me fait rire. Les montagnes russes entre nous. Des hauts, des bas. Sans oublier des passages un peu chelous qu'on ne peut pas trop expliquer. « Tu prends tout pour une plaisanterie, n’est-ce pas ? » Tout de suite, les grands mots. Je hausse à nouveau les épaules dans un petit sourire narquois. La vie est suffisamment cruelle comme ça, inutile de se prendre la tête plus que de raison. Alors oui, peut-être que je prends tout à la rigolade ou presque. Mais c'est mieux que de déprimer et de s'apitoyer sur son sort non ? Si on ne peut même plus se permettre de rigoler... C'est tentant de lui faire une nouvelle réflexion sur le fait de la voir en colère, mais on ne va pas pousser le bouchon trop loin. Ça ne m'empêche pas de la trouver plus belle encore. « Il est peut-être temps que tu retournes te coucher. » Je soupire un peu, venant croiser mes bras sur ma poitrine comme si je boudais. « J'ai pas sommeil Maman. » Je secoue la tête à la négative avant de m'installer progressivement à ses côtés. Je m'allonge, la tête à ses pieds, à l'inverse d'elle, essayant de me faire toute petite. « Tu vois je peux rester là, je prends pas beaucoup de place. » Je joue peut-être avec les limites de la jeune fille mais je ne cherche pas à arrêter pour autant. Quand je suis lancée, je n'ai pas beaucoup de limites. « J'ai jamais eu la chance d'avoir une soeur avec qui partager mon lit en plus. » Bah oui, normal, je suis fille unique. Même si je mime volontairement les guillemets de mes mains en employant ce mot, parce que Yumi n'est pas réellement ma soeur. Une soeur d'accueil si on peut dire ça comme ça. En l'occurrence, pour le coup, c'est son lit mais c'est un détail. Je me redresse un peu pour croiser son regard. J'essaye de jouer sur sa corde sensible. « Allez, s'il te plait. » Je fais mon regard de chien battu battant exagérément des cils. Elle ne peut rien me refuser après ça hein ?

C'était pas si compliqué que ça de crever l'abcès. Quand je vous disais qu'il ne fallait pas en faire tout un plat. Et pourtant, je ne suis pas sûre que le fait d'avoir mis les choses au clair change finalement grand chose de mon côté. Parce que ces baisers ont bel et bien existé. Que je le veuille ou non, ça ne m'empêchera pas de continuer à y penser. Même si je joue les filles insensibles pour essayer de garder la face devant elle. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Elle est en couple avec Sacha, et ce baiser ne voulait absolument rien dire. Voilà, c'est ça. On s'en fout de savoir ce que j'en pense réellement. Mais dans un coin de ma tête, j'aurais aimé que les choses soient différentes. Alors quoi maintenant ? Je vais retourner dans ma chambre comme si de rien n'était ? C'est ce qu'il faudrait que je fasse. Comme je l'ai dit, on oublie et on passe à autre chose. C'est aussi simple que ça. Faire comme si rien ne s'était passé, comme si ses lèvres ne hantaient pas mes pensées. Pourquoi mon regard est justement en train de les regarder ? « Tu as vraiment eu envie de m’embrasser ? Pourquoi ? » Oui j'en ai eu envie, sinon je ne l'aurais pas fait. Et d'ailleurs pour être totalement honnête, je crois que j'en ai encore envie à cet instant. C'est bien ça le problème. « Je pensais que tu me détestais. » Je pensais que je la détestais aussi. Mais faut croire que sous cette haine un peu malsaine, il y a quelque chose de plus fort encore. Ce truc qui me pousse à vouloir passer du temps avec elle, que je déguise très facilement derrière des envies de faire chier le monde. Et elle alors, elle est pas censée me détester aussi ? Je rappelle que c'est bien elle qui m'a embrassé la première. « Avant que tu ne demandes, je ne sais pas. Ça m’a pris comme ça. » Ah bah voilà, j'ai même pas besoin de demander. Même si sa réponse n'est pas très convaincante. « Je fais souvent cet effet aux filles. » Et voilà que je recommence. Mais c'est pas de ma faute, c'est trop tentant. Et c'est le meilleur moyen pour moi que de me protéger. C'est surtout ça. « T'es pas la première "hétéro" qui se laisse tenter. » J'accentue volontairement en minant les guillemets autant sur le mot "hétéro" que sur les mots "comme ça", pour réutiliser les mêmes mots que les siens. Parce qu'une fille totalement hétéro n'embrasse pas une autre fille juste comme ça n'est-ce-pas ? « Et pour ton information, je ne te déteste pas. Je ne t'ai jamais vraiment détesté d'ailleurs. » Je m'arrête là, sans en dire davantage. Je sais, j'ai pas vraiment répondu à sa question... « C'est juste trop tentant de te faire chier. » Je ris un peu avant de poursuivre, voyant une grimace venir déformer son beau visage. « Tu sais que t'es belle quand t'es en colère ? » Là, je joue avec elle. Encore. Comme je sais si bien le faire. Même si entre nous, il y a toujours un fond de vérité dans mes propos, toujours. Quoi ? J'ai toujours pas répondu à sa question initiale ? C'est tellement facile de faire dériver le sujet sur autre chose.