would you come back to me ? (rayden 20)

Je ne suis ici que depuis deux jours, et j’ai déjà eu mille choses à faire, mille personnes à voir. Mais la seule pour qui je suis réellement venue ici n’a plus recroiser ma route depuis mon arrivée. Je n’ai pas non plus cherché à la voir, je crois que nous avons besoin de digérer notre dernière altercation. Je ressasse beaucoup, ce n’est pas dans mon tempérament, mais il faut croire qu’elle m’a fait devenir une personne différente. Je ne me reconnais pas, et je m’en veux parfois d’avoir des réactions aussi vives. J’en connais la raison, elle est simple. Il s’agit de mes sentiments envers la jeune actrice. Je ne suis pas encore tout à fait au clair sur ce que je veux, ni comment l’obtenir. Ce qui est très étonnant venant de moi, j’en conviens.

Ce soir, je dîne avec un de mes collaborateurs. Evidemment, je n’avais pas imaginé me retrouver à quelques tables d’un dîner d’équipe, mêlant techniciens et acteurs du film que je produis. En arrivant, je salue l’équipe et mon regard croise presque immédiatement celui de Rayan. Je ne m’attarde pas, pour éviter de me sentir trop déstabilisée pendant mon repas d’affaire. Pourtant, j’ai l’impression de ne sentir que son parfum, n’être focalisée que sur sa voix, ses sourires, alors qu’elle est à plusieurs mètres de moi. C’est intense, et je me déteste de ne pas parvenir à rester concentrée sur mes échanges avec Paul. Je le sens dans la séduction, je reste de marbre, comme presque toujours dans ce genre de cas. Il n’est pas le premier à tenter de me mettre dans son lit, aucun n’a encore jamais réussi, il ne sera pas le premier.

Mon instinct en alerte, je sens que ça bouge. Je jette un coup d’oeil vers la grande tablée un peu plus loin, et remarque que Rayan est en train de prendre congé. Mon coeur s’emballe sans raison. J’ai envie de la suivre, m’excuser une énième fois, tenter de recoller les morceaux de la porcelaine que j’ai moi-même éclatée il y a deux jours. J’estime avoir eu des raisons pour se faire, mais je me suis tout de même emportée, comme souvent quand il s’agit d’elle. Une fois qu’elle n’est plus dans le paysage, je ressens un poids comprimer ma poitrine. Sans plus attendre, je trouve un prétexte et mets fin au dîner. Un taxi me ramène jusqu’à l’hôtel où je réside, le même qu’une grosse partie de l’équipe. Les chambres ne sont seulement pas du même standing que celle qui m’a été attribuée.

Alerte, je laisse mon regard vagabonder, dans l’espoir de croiser Rayan. Et comme un signe du destin, je la vois assise au bar de l’hôtel, devant un verre. Je n’hésite pas un seul instant et parcours les derniers mètres qui me séparent d’elle. « Je peux ? » lui demandé-je en désignant le siège près d’elle. Je n’attends pourtant pas son approbation, et me hisse sur le tabouret de bar design. Je fais signe au barman de me servir la même chose que la jeune femme, sans avoir à prononcer un seul mot. Un silence s’installe et après un court soupir, je me lance. « Tu comptes m’éviter encore longtemps comme ça ? » Ce n’était peut-être pas la meilleure formule pour une entrée en matière, mais il est déjà trop tard pour faire machine arrière.

Me remobiliser après l’altercation avec Eden m’a demandé un réel effort. Elle peut bien m’accuser de jouer les Caliméro, je n’ai pas d’autre choix je dois donner le change et rester professionnelle. J’aurais pu faire la diva, réclamer du repos le temps de digérer cette douloureuse conversation, mais garder mon esprit occupé est une bonne chose. Ce n’est pas facile, mais c’est bénéfique. Ça m’évite de ruminer, me poser trop de questions dont j’ai peur de trouver les réponses. Les mots d’Eden ont été durs, son manque de confiance en moi est une réelle blessure. Pendant le tournage je continue de me donner à fond, malgré la fatigue mais en dehors je peine un peu à être vraiment enthousiaste. Je n’ai pas le cœur à la fête, je suis préoccupée et constamment en train de jouer un rôle, le mien, affichant le visage de la Rayan qui va bien. Pourtant j’ai mes moments de moins bien, certains membres de l’équipe avec qui j’ai créé des liens s’en rendent compte. Je les sens plus prévenants lorsque mes failles apparaissent, je fais passer ça pour une conséquence de l’intensité du travail et ce que je mets de passion à me dépasser. Et c’est vrai, c’est ce que je fais… Cependant je le fais sans jamais prendre vraiment de repos. La présence de la productrice dans le coin n’arrange rien. Nous ne nous sommes pas recroisées, mais je la sais toujours ici et c’est un poids supplémentaire. C’est d’autant plus difficile que je me réjouissais de ce moment où elle trouverait enfin du temps pour venir et de voler quelques moments ensemble. C’est un fiasco total.
Le tournage avance, certains acteurs et actrices ont terminé. Ce soir toute l’équipe dine au restaurant, comme une sorte de pot d’au revoir. La soirée se poursuivra peut-être dans un club sélect de la ville, c’est important de décompresser un peu. Je vais avoir du mal à décrocher je le sais, mais j’ai envie de faire l’effort, ça me changera probablement les idées. Mais nous arrivons au restaurant et il se passe à peine trois minutes avant qu’Eden apparaisse pour s’installer quelques tables plus loin pour un dîner d’affaire. J’ai d’abord cru qu’elle avait été convié à notre petite soirée, je ne sais pas très bien si je suis soulagée ou déçue. Peut-être un peu des deux. Nos regards se croisent brièvement mais j’ai vite fait de l’ignorer. Au cours du repas je m’efforce de ne pas regarder dans sa direction, encore un effort de plus dont je me serais bien passée. J’étais déterminée à oublier sa présence, passer une bonne soirée en cessant de penser aux mots désagréables que nous avons échangés. C’est un nouvel échec. Je ne profite qu’à moitié de la soirée et le repas touchant à sa fin je choisis de rentrer à l’hôtel. J’évoque la fatigue, mon besoin de me concentrer pour les scènes tournées demain. Des raisons valables, qui passent auprès du reste du groupe. Je n’ai pas à me justifier et d’ailleurs personne ne me demande de le faire.
Si mon cœur n’est pas à la fête, je sais d’avance qu’aller me coucher maintenant c’est risquer l’insomnie. Ce n’est pas la meilleure solution mais je m’installe au bar, j’ai envie d’un verre. Je commande un whisky avec glaçons, mon père crierait à l’hérésie mais je l’aime frais. L’alcool me réchauffe la gorge, mes ruminations s’apaisent au moins le temps où je me concentre sur les arômes décelés par mes papilles. Une silhouette s’arrête juste à côté de moi, je reconnais son parfum, Eden. Elle demande mon autorisation pour s’asseoir s’installant sans même attendre la réponse. Je ne la regarde même pas, faisan tourner doucement mon verre entre mes doigts. Un soupir et elle brise le silence, me demandant si je compte continuer à la fuir. Je tourne la tête dans sa direction, l’observant comme si j’attendais qu’elle poursuive. « Ah tu ne fais pas les questions et les réponses cette fois ? » dis-je prenant un air surpris « Je ne t’évite pas Eden, je travaille et j’essaie de faire ça bien. » c’est ce que l’on attend de moi, non ? Ce qu’elle attend de moi puisque c’est en grande partie son investissement qui sert à la réalisation du film. « Qu’est-ce que tu pensais ? Que j’allais tout faire pour te croiser et gagner quelques précieuses minutes de ton temps que tu daignerais m’accorder ? » c’est elle qui s’est braquée, pas moi.

C’est insupportable d’être dans la même pièce que Rayan, mais devoir m’interdire de la regarder. Une partie de moi n’attend qu’une chose : qu’elle aille aux toilettes pour l’y rejoindre, au moins pour la voir, sentir son parfum, peut-être lui parler. Pourtant, les toilettes n’ont jamais été un lieu d’apaisement des tensions entre nous, bien au contraire. Je dois arrêter de penser à tout ça. Mais quand j’y parviens presque, je la vois quitter la table, et par la même l’établissement. Ni une ni deux, je prends le même chemin, coupant court mon repas professionnel au profit de ma vie personnelle. Une fois à l’hôtel, je n’ai aucun mal à trouver Rayan, devant un verre qui vient de lui être servi au bar. Je ne prends pas la peine d’attendre sa réponse et m’assieds sans y être invitée. Je ne voudrais pas lui donner l’opportunité de m’envoyer balader, même si je sais qu’elle aurait tous les droits pour ça. Je n’arrive pas à tourner les mots dans ma bouche avant de les prononcer, peut-être que je suis trop stressée à l’idée que cette soirée se termine aussi mal que la dernière fois que nous nous sommes croisées. Alors une fois la question extirpée de mes lèvres, je regrette de ne pas avoir préparé mon discours avant d’arriver. « Ah tu ne fais pas les questions et les réponses cette fois ? » Un point pour elle. Je serre les mâchoires et remballe ma fierté. « Je ne t’évite pas Eden, je travaille et j’essaie de faire ça bien. » finit-elle par ajouter avec distance, et presque un peu trop de calme dans la voix. Elle semble détachée, lasse. Mon coeur saigne. « Tu le fais bien. » finis-je par avouer, ma voix plus posée, moins agressive. « Qu’est-ce que tu pensais ? Que j’allais tout faire pour te croiser et gagner quelques précieuses minutes de ton temps que tu daignerais m’accorder ? » Je secoue la tête légèrement. J’ai bien conscience que j’ai été trop loin, mais je ne me retirerai pas de la tête que ce que j’ai vu n’avait rien d’imaginaire. Il faut que j’arrête de penser à ça au risque de tout gâcher encore une fois. Le serveur fait glisser sur le bar mon martini blanc, serti d’une olive au bout d’un pic en bois. Je le remercie d’un hochement de tête et d’une esquisse de sourire que je dois forcer tant elle n’est pas naturelle. « Je suis venue pour toi, Rayan. Pour te voir toi. » J’ai besoin qu’elle le sache. « Je n’avais pas besoin d’être présente sur le tournage pour voir l’avancée des choses, tout se déroule parfaitement, j’ai personne à engueuler, et même ça j’aurai pu le faire à distance. » Un léger soupire franchit la barrière de mes lèvres, pendant que je fais tourner l’olive au fond de mon verre à pied. « Je m’attendais pas à assister à cette scène en arrivant. J’ai été refroidie. Et j’ai… peut-être un peu sur-réagit. » Avouer mes tords. Pas une mince affaire. Et maintenant ? Je dois m’excuser, encore ?

Je n’ai aucune envie de voir cette conversation mal tourner, pourtant je réponds avec cynisme à Eden. Le ton est donné, elle sait à quoi s’en tenir et à vrai dire elle l’a cherché. Je reste calme, ma voix posée, lasse de ces moments de conflit que la productrice a un véritable don a déclencher. Celui d’il y a quelques jours était peut-être celui de trop, l’un des plus blessants en tout cas. Face à mon discours et mon attitude, elle se radoucie un peu mais je ne l’épargne pas pour lui donner le fond de ma pensée. Je ne peux pas la laisser me trainer dans la boue comme elle l’a fait, me blesser dans un excès de jalousie infondée. Je nous pensais au dessus de ça et il m’est douloureux de constater que ça n’est pas le cas. Je lui refuse tout regard, sirotant une gorgée d’alcool, imposant mon silence. Si tout ce que je dis peut-être retenu contre moi, je préfère m’abstenir d’argumenter d’avantage. Elle m’a fait mal, a casser toute la joie que j’avais de la voir et j’ignore si je serais disposée à passer outre. Pourtant Eden est venue pour moi, je le sais qu’elle n’avait pas besoin de se déplacer. Tout roule, ce tournage se passe à merveille et  à vrai dire c’est sa présence qui a bien faillit tout faire foirer en me mettant la tête à l’envers. Mais l’équipe n’a pas à payer pour nos affaires personnelles alors je m’applique à garder le cap. Elle soupire, elle n’a pas l’habitude d’être dans cette position, d’être celle qui doive rattraper le coup, prouver sa bonne foi et s’en remettre à la décision de l’autre. Eden est celle qui décide et impose sa volonté. Son coup de sang en est la preuve, elle ne sait pas lâcher prise, faire confiance. Elle évoque à nouveau cette fameuse scène qu’elle pense avoir surprise. Mais je n’ai rien à cacher ni à me reprocher. Elle admet une réaction disproportionnée, enfin presque. « Un peu. » soufflé-je en haussant les sourcils, reposant mon verre sur son support. Je tourne enfin la tête dans sa direction pour la regarder « Tu as été très blessante Eden. » ce n’est pas ce que j’appelle une réaction modérée. C’est déjà bien qu’elle le reconnaisse, c’est un début. « Pourquoi tu ne me fais pas confiance ? » demandé-je dans un soupir. « Pourquoi tu as si peur que j’aille voir ailleurs? » lui ai-je donné de quoi nourrir cette crainte ? « Je pensais que nous avions dépassé cela, vraiment. ». Je peux entendre ses doutes, ses craintes, mais pas comme ça, pas avec autant d’agressivité et de colère. « Parle moi Eden, mais ne m’attaque pas. Parce que je ne crois pas pouvoir traverser une nouvelle tempête. » je préfère être franche, je n’ai pas envie de jouer à un quelconque jeu, entrer dans une lutte.

Je ne suis pas si étonnée qu’elle soit calme à ce point. Ça lui ressemble. C’est plutôt moi qui ai tendance à partir au quart de tour, de nous deux. Le compliment que je lui fais pour lui signifier qu’elle fait bien semblant, est un vrai compliment. Mais c’est un peu déplacé, et, comme toujours, je m’en rends compte un peu tard. Je baisse les armes et lui explique que je suis venue pour elle. Je me suis confrontée à une scène qui ne m’a pas plue. Mais il est vrai que j’ai réagi un peu trop fougueusement. J’ai bien conscience, après avoir laissé passer quelques jours, que j’aurai dû réagir autrement. Mais je suis comme je suis, et même si j’essaie de changer - en partie pour elle - Rome ne s’est pas faite en un jour. Je lui présente mes excuses, ou en tout cas c’est tout comme. Elle sait comment je suis, m’excuser n’est pas évident, même si elle a eu le droit à plus du mot ‘désolé’ que n’importe qui qui ait pu croiser ma route.
Enfin elle daigne me regarder, et mon coeur se comprime dans l’immédiat. Elle a ce pouvoir sur moi, depuis presque toujours. Depuis toujours, en fait. « Tu as été très blessante Eden. » Je m’en suis rendu compte, un peu trop tard. Mais ne dit-on pas ‘mieux vaut tard que jamais’ ? « Pourquoi tu ne me fais pas confiance ? Pourquoi tu as si peur que j’aille voir ailleurs? Je pensais que nous avions dépassé cela, vraiment. » La réalité c’est que je suis incapable de répondre à ces questions. Jamais dans ma vie je n’ai été trompée, ce qui aurait pu être une blessure ayant la possibilité de me servir d’excuse. Mais même pas. « Parle moi Eden, mais ne m’attaque pas. Parce que je ne crois pas pouvoir traverser une nouvelle tempête. » Elle me laisse la possibilité de lui parler, encore. Elle ne ferme pas la porte, et ce simple fait me fait monter les larmes aux yeux. Définitivement, il n’y a qu’elle pour me mettre dans des états pareils. « Je suis désolée Rayan. Vraiment. » J’aimerai lui dire que ça n’arrivera plus, mais je ne veux pas faire de promesse que je ne suis pas certaine de tenir. « Je te promets de faire plus attention à l’avenir. J’ai bien compris que je n’aurai pas une chance infinie avec toi… » Ma gorge est serrée. Je me montre vulnérable face à elle, j’ignore ce qu’elle a fait de moi. « Pour être honnête, je ne sais pas moi-même pourquoi je réagis de cette manière. Peut-être simplement la peur de te perdre. » Je baisse les yeux cette fois sur mon verre, tentant de garder le cap et ne pas flancher. Il ne s’agirait pas de faillir à ma réputation. « Je crois que je n’ai jamais tenu à quelqu’un comme à toi. En dehors de Maé évidemment, mais c’est différent. » C’est ma fille, il est normal que l’amour que je lui porte puisse être différent. « J’ai toujours foiré mes relations amoureuses jusqu’ici. Je suis même presque en train de foirer la nôtre. J’ai jamais été capable d’être celle qu’on attendait de moi. La seule avec qui a a à peu près tenu c’est Cora, parce qu’on ne vivait ensemble que par intermittence, et que je faisais ce que je voulais avec qui je voulais. » Je me sens comme un monstre de parler de cette manière. Mais je préfère préciser un point. « Depuis toi je n’ai plus envie de voir personne d’autre. » C’est juste elle. Simplement elle. Je l’ai choisie, et je n’ai aucune envie de la perdre.

J’en veux à Eden pour avoir gâcher ce qui aurait pu être de bons moments. Elle est venue pour me voir et pourtant nous n’avons fait que nous éviter après notre dispute. Mais plus que des instants manqués, c’est véritablement son manque de confiance en moi le problème, la cause première de son coup de sang. Et je me retrouve dans l’incompréhension. Lui ai-je une seule fois laisser croire qu’elle n’était pas assez ? Après tout, c’est elle qui continue son histoire avec Cora… C’est donc moi qui ne lui suffit peut-être pas. Je suis prête à l’écouter, essayer de la comprendre, entendre ses excuses toujours difficiles à obtenir tant elle est fière. Ma condition, c’est qu’Eden le fasse sans animosité. Je n’ai pas l’énergie pour gérer une nouvelle crise. Je crois qu’elle le comprend et mesure l’enjeu de cette conversation. Elle en a un, c’est indéniable. Désolée elle l’est, je le sens, je le sais et elle me le dit. Les mots sont une choses néanmoins à un moment ils ne suffisent plus, seuls les actes restent. Elle me promet d’être plus vigilante à ses réactions, consciente que mon seuil de tolérance à ses excès finira par être atteint. Ses yeux assaillis par une montée de larmes, qu’Eden maitrise malgré tout, sont braqués sur moi. Je veux la comprendre, mais elle doit s’exprimer. Pourquoi tant de défiance et de jalousie ? La peur de me perdre. Je soupire « C’est comme ça que tu me perdras. » avoué-je calmement. Je n’endurerais pas indéfiniment cet aspect de sa personnalité qui la rend si dure et agressive lorsqu’elle se sent dans une position de vulnérabilité, menacée.
Eden détourne le regard, poursuivant cette discussion à cœur ouvert. Je suis touchée qu’elle s’ouvre ainsi à moi, ce n’est pas facile pour elle j’en ai conscience. Elle a toujours eu ce besoin de liberté, avoir qui elle voulait. J’apprécie l’aveu, il n’a rien de rassurant et mon cœur se serre peut-être un peu. De nous deux je suis définitivement celle qui devrait être jalouse. Comme si Eden lisait dans mes pensées elle précise que depuis notre rencontre, ou du moins notre début d’histoire, elle n’a plus eu cette envie de voir d’autres personnes. Sauf Cora… Avec qui les choses ne sont toujours pas réglées. « Je ne suis pas toi. » je la sens intriguée, un peu inquiète aussi, peut-être « Je n’ai pas envie ni besoin de séduire qui que ce soit. » j’esquisse un léger sourire « A part toi… » petit haussement d’épaules « Peut-être. ». Je me radoucie un peu, Eden a fait un vrai effort, celui de venir vers moi et de me parler avec sincérité et calme. A quoi bon rester dans la rancœur pour continuer à souffrir. Mais puisque nous en sommes à avoir une discussion sérieuse et importante, je pense qu’il est tant d’aborder un sujet délicat « Est-ce que tu compte clarifier la situation avec Cora ? » j’ai été patiente, je crois. « Ne me donne pas du “c’est compliqué“. Je le sais déjà, mais ça ne se simplifiera jamais et je ne vais pas pourvoir continuer comme ça. » pas indéfiniment. Je pose ma main sur son avant-bras en signe de trêve « Ce n’est pas un ultimatum Eden, juste une requête. ». Je me fous que quelqu’un puisse nous voir, interpréter mon geste. Il n’a rien de très significatif, et de toute façon la vérité ne pourra plus être dissimulée très longtemps.

Elle me fait comprendre sans équivoque que ce genre de comportement est exactement le genre qui pourrait l’éloigner de moi. Peut-être même de façon définitive. Cette simple idée me retourne l’estomac, je n’ai aucune envie de la voir quitter ma vie, je suis certaine que je ne tiendrai pas le coup. Elle a pris beaucoup trop d’importance à mes yeux, et ne parlons pas de ce qu’il peut bien se passer à l’intérieur de mon coeur. Dans un souci de clarification, et de vulnérabilité, je termine ma tirade en lui faisant comprendre que je n’ai aucune envie de séduire qui que ce soit, en dehors d’elle, bien évidemment. « Je ne suis pas toi. »  affirme-t-elle, me faisant légèrement plisser les yeux, comme si ce simple geste allait m’aider à comprendre le fond de sa pensée. L’avantage en tout cas, c’est qu’elle la précise. « Je n’ai pas envie ni besoin de séduire qui que ce soit.  A part toi… Peut-être. » Une esquisse de sourire étire alors le coin de mes lèvres, pendant que je détourne un instant mon regard humide. C’est vrai, elle n’est pas moi. Et j’ai à nouveau analysé la situation, son comportement n’a en rien été déplacé. C’est celui de Rose qui l’était, et c’est ça que je n’ai pas supporté. Je n’aurai rien dû rapprocher à Rayan, mais je n’ai pas réussi à retenir la colère ressentie à la vision de cette femme qui cherchait à séduire celle que j’aime. 

« Est-ce que tu compte clarifier la situation avec Cora ? » me demande finalement Rayan, passant plus ou moins du coq à l’âne. Je ne suis qu’à moitié surprise, je me doutais bien que la question reviendrait tôt ou tard. J’ouvre à peine la bouche dans l’espoir de pouvoir répondre à sa question, mais elle est plus rapide, et me coupe l’herbe sous le pied. « Ne me donne pas du “c’est compliqué“. Je le sais déjà, mais ça ne se simplifiera jamais et je ne vais pas pourvoir continuer comme ça. » Définitivement, elle me connait un peu trop bien. Il est évident que c’est la première chose que j’aurai pu lui répondre, si elle n’avait pas pris les devants. Je soupire très légèrement, plongeant mon regard dans mon verre un court instant. Sa main sur mon avant-bras me réchauffe le coeur, je sens ce dernier s’accélérer dans ma cage thoracique. Ce simple contact semble me redonner vie. « Ce n’est pas un ultimatum Eden, juste une requête. » Naturellement, ma main vient se poser sur la sienne, caressant sensiblement ses doigts du bout des miens. Ce geste d’une infinie tendresse, et d’une profonde justesse concernant mes sentiments pour elle. « Je ne sais pas comment tu arrives à être aussi patiente. Je crois que dans la situation inverse je me serai arraché les cheveux. » Un rire succinct brise l’instant devenu peut-être un peu trop sérieux. « Je vais mettre les choses en ordre. Cette fois, je peux t’en faire la promesse. » Je ne sais pas exactement quand les choses seront réglées, pour autant, je sais que ça ne peut plus durer. « Je crois qu’inconsciemment j’avais besoin de me rassurer, être sûre que tu n’allais pas partir. Je veux dire vraiment. J’avais peur de tout perdre, et à vouloir tout avoir, je suis passée très près de la catastrophe. » Délicatement, mes doigts se glissent entre les siens. « En rentrant à L.A., j’aurai une discussion avec Cora. J’ai juste peur qu’elle ne bouscule un peu les rumeurs qui commencent déjà à traîner. » Pour moi, ça m’est égal. C’est surtout pour Rayan que j’ai peur. Je ne voudrais pas que sa carrière ne prenne un mauvais tournant à cause de moi. C’est un jeu dangereux, j’aurai dû le savoir dès le début…

Usée par ses coups de sang, je fais comprendre à Eden qu’une scène comme celle de sa visite sur le tournage finira par me faire fuir. Ce serait difficile, mes sentiments pour elle sont forts, réels, mais ils ne doivent pas être destructeurs. Elle porte les cicatrices de ses blessures comme je porte les miennes, à nous de trouver l’équilibre, l’apaisement. Est-il accessible ? Ou est-ce ce semblant de chaos parfois qui nourrit notre relation ? Je ne crois pas, j’aime son tempérament affirmé, son foutu caractère et sa manière d’être si forte. Mais j’aime tout autant ce qu’elle dissimule derrière le masque, sa douceur, cette vulnérabilité cachée à tout prix. Nous sommes différentes sur bien des aspects, similaires sur d’autres, on se complète plutôt bien. L’entendre dire qu’elle ne ressent plus l’envie de séduire quiconque d’autre me rassure, dans le fond je craignais de ne  pas être assez. Alors pourquoi son histoire avec Cora traine-t-elle encore ? Je m’aventure sur un terrain glissant, je le fais en connaissance de cause. Ce soir je veux des réponses, cette discussion est une mise au point. J’insiste, demandant à Eden de ne pas faire de détours, la situation est compliquée, je le sais, je la vis moi aussi par extension. Et c’est justement là un point central de ce qui se joue ici et maintenant, j’ai besoin de simplicité au risque de finir par me perdre. Je ne lui demande pas de faire un choix immédiat, d’appeler Cora dans la minute si elle décide de stopper les choses entre elles, mais il est temps d’avancer. Je l’ai compris ces derniers jours, le cœur serré en repensant aux mots de la productrice. Durs, blessants ils ont au moins eu le mérite de me faire réfléchir. J’accompagne ma demande d’un geste à son attention, c’est ma façon d’aller un peu plus vers elle à mon tour. Elle est tellement fière et butée parfois, je sais quel effort ça lui a demandé de venir me trouver ici pour me présenter des excuses.
Eden s’étonne de ma patience, l’admire et je lui souris « J’aime beaucoup trop mes cheveux pour ça. » dis-je en joignant mon rire au sien. Elle promet d’avoir une conversation avec Cora, mettre de l’ordre à la situation « Une promesse ? » répété-je en haussant les sourcils, je sais qu’elle n’en fait que rarement « C’est sérieux ça. » ajouté-je sur un ton plus léger, mon regard fixé dans le sien. Elle justifie son comportement, m’explique cette peur de tout perdre la menant à ce choix de justement ne pas en faire. Je hoche la tête pour confirmer que la catastrophe, comme elle le dit, n’était effectivement pas loin. Ce n’est pas un coup de pression, juste la réalité. Mettre un terme à son histoire avec Cora aura des conséquences, j’en suis consciente, Eden aussi et c’est un élément de plus qui la met sur la retenue. « Si elles trainent déjà, à quoi bon les éviter ? » je me rapproche d’Eden, ne lâchant toujours pas son regard « De quelles rumeurs il s’agit ? Que j’ai couché pour réussir ? » demandé-je plus bas, arquant un sourcil « Parce que je peux toujours me défendre en disant que c’est toi qui a dû coucher pour m’avoir. » ajouté-je. Ma main se pose sur sa joue, laissant peu de doute sur ce qui nous lie « Je m’en fous, Eden… » et comme preuve je me risque à l’embrasser, là à ce bar, dans cet hôtel où loge toute l’équipe du tournage.

La jeune actrice semble encline à une trêve, et je suis heureuse de le constater. Nous avons vécu beaucoup de moments forts toutes les deux, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme. Mais les sentiments sont présents, pour l’une comme pour l’autre. J’ai envie de changer pour elle, faire les efforts que je n’ai jamais eu à faire jusque là. Ou disons que je n’en ai jamais eu vraiment envie. Elle me donne cette force de me dépasser. Je lui fais alors la promesse de parler à Cora. Rayan s’étonne du terme. Je ne fais jamais de promesse, pour la simple et bonne raison que je veux rester droite, et que tant que je ne suis pas certaine de pouvoir offrir ce que je promets, je préfère m’abstenir. J’en ai fait les frais avec ma fille à plusieurs reprises, et j’ai appris de mes erreurs. « C’est sérieux ça. » ajoute-t-elle dans un petit sourire qui me fait chavirer. Oui, c’est sérieux. Il n’y a que pour elle que je suis capable de tant de choses.
J’essaie tout de même de lui faire comprendre que le remue-ménage qui suivra pourrait être désagréable, pour moi mais aussi pour elle. Parce que les gens parlent, et que même si nous avons su être discrètes, il y a probablement des signes qui ne trompent pas. Peut-être d’ailleurs que ma présence ici, au Canada, en est une des nombreuses preuves. Si Rayan n’avait pas été sur le tournage de ce film, jamais je n’aurai traversé la moitié du continent pour simplement me rendre dans les studios. « Si elles trainent déjà, à quoi bon les éviter ? » me demande-t-elle en s’approchant. Mon coeur s’affole, j’ai peur de comprendre. « De quelles rumeurs il s’agit ? Que j’ai couché pour réussir ? » Un rire légèrement idiot franchir la barrière de mes lèvres, chose assez inhabituelle. « Oui. Entre autre. » Même s’il n’y a pas que ça, bien sûr. « Parce que je peux toujours me défendre en disant que c’est toi qui a dû coucher pour m’avoir. » Un sourire égaye mon visage, alors que je penche la tête sur le côté, amusée par sa vision des choses. « J’aime bien cette version alternative. ». Et sans attendre, sa main se pose déjà sur ma joue, alors qu’elle me précise qu’elle s’en fout. Ses lèvres viennent alors trouver les miennes, là, au milieu de ce bar d’hôtel, où n’importe qui pourrait nous voir. Il aurait peut-être fallu que je mette un terme à cet échange pour éviter les trop grosses représailles. Que j’attende d’avoir mis les choses au clair avec Cora avant de m’afficher avec Rayan. Mais à cet instant, plus rien n’existe, et je suis bien incapable de me séparer de ses lèvres. Il y a trop longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de les embrasser. Tant pis pour les voyeurs. Une fois le baiser rompu, je murmure tout contre son visage encore proche du mien « Tu m’as terriblement manqué… » Jamais je n’ai ouvert mon coeur de cette manière à personne. Elle me fait sortir de ma zone de confort, depuis longtemps, mais je crois que j’aime ça, peut-être même un peu trop. « Avant de te tenir la main officiellement sur les tapis rouges, est-ce que tu acceptes de venir visiter ma chambre d’hôtel, loin des regards inquisiteurs ? » Oui, c’est une proposition indécente, je ne m’en cache pas.

C’est vrai, ce risque existe, les rumeurs vont sans doute se répandre comme une trainée de poudre. Certaines ont commencé à faire leur chemin, parce qu’il est de plus en plus difficile pour Eden et moi de taire ce qui nous lie. Cora n’y est pas pour rien non plus, elle a l’amertume des femmes de caractères qui n’aiment pas être les “perdantes“ et elle a senti le vent tourner depuis quelques temps déjà, de quoi lui faire lâcher quelques propos ambigües. Je ne me suis jamais mêlée de leur histoire à Eden et elle, j’ai accepté le côté temporaire de cette situation et ma patience est à présent arrivée à sa limite. La dernière crise de la productrice n’y est pas pour rien. Ses reproches et ses craintes ne tiennent finalement pas à moi mais a elle et il est tant qu’elle prenne ses responsabilités. Je mentirais en disant que ça ne m’effraie pas un peu. Elle pourrait faire marche arrière, choisir le pragmatisme d’une relation libre qui ne mettrait pas en péril ses affaires, il s’agit tout autant de sexe que de business entre ces deux là. Mais je lui fais confiance, je la sens sincère et authentique, un peu plus chaque jour et surtout elle ne fait pas de promesse en l’air. Alors peu importe qu’on dise que j’ai couché pour réussir, je sais qu’il ne s’agit pas de ça. Peut-être que son attirance pour moi à poussé Eden à me faire entrer dans ce monde, le sien, j’ai saisi l’opportunité et j’y ai trouvé bien plus encore. Finalement, les rôles pourraient tout à fait être inversée. Laquelle de nous deux à voulu tirer profit de la situation ? Nous seules le savons, je connais la vérité, nos hauts et nos bas, l’avis des gens ne compte pas. Pas plus que leurs regards qui pourraient nous surprendre s’ils venaient à rentrer de leur soirée à cet instant où mes lèvres retrouvent celles d’Eden après avoir été trop longtemps séparées. Je lui ai terriblement manqué et c’est réciproque « Toi aussi. » répondis-je dans un léger sourire frôlant toujours ses lèvres avant de reculer, mieux vaut ne pas tenter le diable.
Trop tard, Eden ne perd pas le nord et propose de me faire visiter sa chambre d’hôtel. Je ris légèrement « C’est cliché, ça, Madame la productrice comme proposition. » plaisanté-je. Nos mains toujours liées je caresse la sienne « Elle n’en est pas moins très tentante. » je ne la quitte pas des yeux, son regard, celui qu’elle pose sur moi à cet instant, ça aussi ça m’a manqué « Mais… » oui parce qu’il y en a un « Ce n’est absolument pas raisonnable. » je sais, au diable la raison, live hard die young, sex drug and rock’n roll yolo et j’en passe « Demain une grosse journée en prévision. On tourne deux scènes compliquées, il faut que je sois au top. Et je te… nous connais, pas sûre que j’ai mon quota de sommeil nécessaire à être à cent pour cent. » ma conscience professionnelle me pousse vers la voie de la raison « J’aimerai éviter à l’équipe de maquillage d’opérer un ravalement de façade complet pour dissimuler ma mine fatiguée. » argumenté-je pour appuyé mes “réticences“. L’envie est là, bien sûr, si je n’écoutais que mes bas instincts et le manque nous serions déjà dans l’ascenseur, mais il est beaucoup plus sage de ne pas le faire. Ces derniers jours ont été un bon enseignement qu’agir sous l’impulsion du moment n’est pas toujours le mieux. J’ai pardonné Eden, mais je ne peux pas plonger tête baissée en oubliant tout le reste. « Par contre je serai plus que ravie de passer la soirée et la nuit avec toi demain. J’enchaine sur un jour off. » ce n’est pas un refus, c’est un report. Je termine le fond de mon verre et me lève « Nous pouvons toujours prendre le même ascenseur. » glissé-je avec un air mutin, passant à côté d’elle caressant furtivement son avant bras pour l’inviter à me suivre « Mais pas de coup de la panne. » ajouté-je plus bas, complice.

Malgré les apparences, j’essaie de la protéger, depuis le début. Ce qui m’a attiré chez elle, je n’ai pas pu y résister. Je ne l’ai pas voulu, certes, mais je n’aurai jamais pensé que ça puisse en arriver là, que mes sentiments soient si intenses. C’est la première fois qu’une chose pareille m’arrive. Et je dois bien me rendre à l’évidence, même si je fais au mieux pour que notre histoire ne s’ébruite pas, il y a des comportements, des regards, des gestes qui ne trompent pas. Dans notre milieu, les rumeurs vont bon train, et je soupçonne d’ailleurs Cora d’avoir ébruité certaines choses. Elle est probablement blessée, je ne peux pas lui en vouloir, j’ai rompu notre accord. Mais je n’avait rien prévu de tout ça.
Rayan avoue à son tour que je lui ai manqué, et cette simple idée me ravit le coeur. Je ne tarde pas à lui proposer de venir dans ma suite, histoire de vraiment fêter nos retrouvailles, chose que nous n’avons pas pu faire depuis que je suis arrivée. Je suis la seule à blâmer, je sais. « C’est cliché, ça, Madame la productrice comme proposition. » Je ne peux retenir un rire amusé. J’en ai bien conscience, et je n’en ai pas la moindre honte. Mais selon ses dire, la proposition est tentante tout de même. Ça me rassure. Cependant, elle n’a pas l’air de vouloir tomber dans le panneau. Elle joue la carte du raisonnable. C’est une caractéristique que je n’ai pas le moins du monde, mais je lui reconnais ce penchant, et c’est tout à son honneur. Bien qu’un peu déçue par sa réponse négative, je peux comprendre. Je hoche alors la tête pour lui signifier que j’entends son raisonnement tout à fait honorable. « Par contre je serai plus que ravie de passer la soirée et la nuit avec toi demain. J’enchaine sur un jour off. » Joueuse et taquine, je lui offre une bouille désolée. « Mon avion est demain après-midi. » Constatant sa mine déçue à l’instant même où les mots ont quitté ma bouche, je ne tarde pas à rectifier le tir. « Je plaisante. On peut repousser à demain soir. Je ne repars à L.A. qu’à la fin de la semaine. » J’avais prévu large pour pouvoir profiter de sa présence, j’ai bien fait. Je caresse tendrement sa joue en lui souriant, alors qu’elle propose que nous prenions le même ascenseur. « Mais pas de coup de la panne. » Cette fois, c’est un rire cristallin et tout à fait naturel qui franchit mes lèvres. « Je n’y étais pour rien la première fois, je le jure ! »
Je récupère ma veste et termine la gorgée de mon cocktail, avant de prendre la route en direction des ascenseurs qui mènent aux étages. Une fois à l’intérieur, je profite que nous soyons seules pour venir à nouveau quérir ses lèvres, ma main libre nichée à sa taille, glissant même dans le creux de ses reins pour sentir davantage la chaleur de son corps. « C’est un supplice… » dis-je en me séparant d’elle au moment où la sonnerie annonce que nous sommes arrivées à notre étage. Je garde cependant ma main dans la sienne. Le couloir est vide, je peux l’accompagner jusqu’à sa chambre, la mienne se trouve dans une autre couloir de l’étage. « Je passerai peut-être demain au studio, sauf si tu préfères que je ne vienne pas te déconcentrer… » Ma voix est plus feutrée, je rêve qu’elle me propose d’entrer, j’ai vraiment très envie d’elle. Mais je dois être patiente, la laisser travailler. « Bonne nuit. » Je l’embrasse une dernière fois, comme il se doit, et m’efforce de faire taire le démon du désir qui gronde en moi.